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19/04/2023 | FRANCE | N°20/16837

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 13, 19 avril 2023, 20/16837


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 13



ARRET DU 19 AVRIL 2023



(n° , 21 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/16837



Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Octobre 2020 - Tribunal Juidiciaire de Paris - RG n° 18/08969



APPELANT



Monsieur [Z] [D]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Julien CHEVAL

de l'AARPI VIGO, avocat au barreau de PARIS, toque : G0190



INTIMEE



Madame [P] [U]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me David MEAS, avocat au barreau de PARIS, toque : D0705

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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 13

ARRET DU 19 AVRIL 2023

(n° , 21 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/16837

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Octobre 2020 - Tribunal Juidiciaire de Paris - RG n° 18/08969

APPELANT

Monsieur [Z] [D]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Julien CHEVAL de l'AARPI VIGO, avocat au barreau de PARIS, toque : G0190

INTIMEE

Madame [P] [U]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me David MEAS, avocat au barreau de PARIS, toque : D0705

PARTIE INTERVENANTE

SARL BBA CONSULTANTS prise en la personne de son représentant légal Monsieur [Z] [D]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 4] (MAROC)

Représenté par Me Julien CHEVAL de l'AARPI VIGO, avocat au barreau de PARIS, toque : G0190

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre et devant Mme Estelle MOREAU, Conseillére chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre

Mme Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON

Mme Estelle MOREAU, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Florence GREGORI

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 19 avril 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre et par Victoria RENARD, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

A partir des années 1960, la Sncf a recruté de nombreux salariés marocains, dont certains, estimant avoir subi un traitement discriminatoire au sein de cette entreprise, notamment en termes de déroulement de carrière, d'accès à une formation professionnelle, de facilité de circulation et d'accès aux soins, ont saisi à partir des années 2010 le conseil de prud'hommes de Paris aux fins d'indemnisation de leur préjudice.

Devant cette juridiction, le traitement de ces saisines a été divisé en 17 séries représentant plus de 800 cheminots au total.

Quatre avocats ont été successivement chargés de leur défense, choisis par le biais de M. [Z] [D] : M. [N] [T], M. [F] [M], M. [C] [W] et en dernier lieu Mme [P] [U].

Cette dernière est intervenue dans le dossier à compter du début de l'année 2014 devant le bureau de jugement, puis devant la formation de départage.

Par jugements du 21 septembre 2015, le conseil de prud'hommes a reconnu l'existence d'une discrimination dans le déroulement de la carrière des cheminots concernés et condamné la Sncf à les indemniser.

A la suite d'un appel de la Sncf, la cour d'appel de Paris a confirmé par arrêts du 31 janvier 2018 les jugements en ce qu'ils ont reconnu l'existence d'une discrimination dans le déroulement de la carrière des cheminots concernés.

Les condamnations ont été versées à la Carpa au mois de mars 2018.

Certains cheminots ayant contesté le montant des honoraires réclamés par Mme [U] et/ou refusé de signer la convention d'honoraires qu'elle leur avait adressée, celle-ci a été autorisée, par ordonnance du délégataire du président du tribunal de grande instance de Paris le 6 juin 2018, à prélever le montant des honoraires contestés sur le compte Carpa et à le séquestrer entre les mains du bâtonnier dans l'attente de leur fixation. Les requêtes en annulation ou rétractation de ces ordonnances ont été rejetées par décisions du juge des référés du 12 juillet 2018. Mme [U] a saisi le bâtonnier en application des articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991, aux fins de voir fixer ses honoraires.

Parallèlement, une seconde série de saisines du conseil de prud'hommes de Paris est intervenue en 2015 pour 351 cheminots, également représentés par Mme [U], et les jugements ont été rendus en 2019.

Le litige a également donné lieu à la saisine de l'ordre des avocats du barreau de Paris, sous l'angle disciplinaire et déontologique.

M. [D] et Mme [U] ont en outre collaboré sur d'autres dossiers.

Le 2 mai 2018, la société Bba Consultants a vainement adressé à Mme [U] trois factures, de montants respectifs de 7 818 050 euros, 1 960 650 euros et 185 850 euros, en contrepartie de l'ensemble des diligences effectuées par M. [D] au profit de celle-ci à l'occasion des procédures judiciaires intéressant les cheminots marocains et les autres affaires.

C'est dans ces circonstances que par acte du 20 juillet 2018, M. [D] a assigné Mme [U] devant le tribunal judiciaire de Paris en réparation de son préjudice.

Par jugement du 7 octobre 2020, le tribunal judiciaire de Paris a :

- déclaré irrecevables les demandes formées par M. [D] au titre des procédures des cheminots marocains et des dossiers Mk2, [B], [X], [I] [en réalité [I] ou [A], [R] et [L],

- débouté M. [D] de ses autres demandes,

- débouté Mme [U] de sa demande de dommages et intérêts,

- condamné M. [D] aux dépens,

- condamné M. [D] à verser à Mme [U] la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Par déclaration du 20 novembre 2020, M. [D] a interjeté appel de cette décision.

La société Bba Consultants, dont M. [D] est gérant et associé unique, est intervenue volontairement à la procédure en cause d'appel.

Dans ses dernières conclusions notifiées et déposées le 9 janvier 2023, M. [Z] [D] demande à la cour de :

à titre liminaire,

- infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a déclaré irrecevables ses demandes au titre des procédures des cheminots marocains et des dossiers Mk2, [B], [X], [I], [R] et [L],

et statuant à nouveau,

- juger qu'aucune cession de créances n'est intervenue au bénéfice de la société Bba Consultants,

- juger qu'il dispose d'un intérêt propre et personnel sur les créances invoquées,

en conséquence,

- le juger recevable en ses demandes,

au fond, sur l'affaire des cheminots marocains,

à titre principal,

- juger qu'il a reçu mandat de chacun des cheminots pour conduire la procédure judiciaire les concernant,

- juger que, dans ce cadre, il a confié mandat à Mme [U] d'intervenir comme conseil de chaque cheminot demandeur à la procédure intentée devant le conseil de prud'hommes puis devant la cour d'appel de Paris,

- juger qu'en cette qualité, Mme [U] avait mandat de sa part pour encaisser sur son compte Carpa les montants à percevoir au terme de la procédure d'appel et s'assurer qu'il puisse procéder à la redistribution de 15% HT des condamnations en règlement de chacun des intervenants,

- juger qu'en ne respectant pas ses obligations contractuelles et en faisant preuve d'une parfaite mauvaise foi dans l'exécution de son mandat, Mme [U] a commis des fautes qui lui sont préjudiciables,

- condamner Mme [U] à lui payer la somme de 31 657 665,24 euros en réparation desdites fautes,

à titre subsidiaire,

- juger de l'existence d'un contrat de prestation de services conclu entre Mme [U] et lui,

- juger que Mme [U] n'a pas exécuté ses obligations contractuelles en s'abstenant de lui régler le prix de ses prestations,

- fixer le prix des prestations réalisées par lui au bénéfice de Mme [U] à la somme de 31 657 665,24 euros et a minima à la somme de 25 190 000 euros,

- condamner Mme [U] à lui payer la dite somme,

en tout état de cause, qu'il s'agisse d'un mandat ou d'un contrat de prestation de service,

- juger licite le contrat le liant à Mme [U],

- juger que son éventuelle nullité serait indifférente quant au bien-fondé de sa réclamation, la remise en état des parties commandant le paiement des prestations réalisées par lui,

- fixer le prix des prestations réalisées par lui au bénéfice de Mme [U] à la somme de 31 657 665,24 euros et a minima à la somme de 25 190 000 euros,

- condamner Mme [U] à lui payer la dite somme,

à titre très subsidiaire,

- constater que Mme [U] a commis une faute à son préjudice,

- condamner Mme [U] à lui verser la somme de 31 657 665, 24 euros en réparation de ladite faute,

à titre infiniment subsidiaire,

- juger de l'enrichissement injuste et sans cause de Mme [U] à son détriment à hauteur de 9 016 231,71 euros,

- juger de son appauvrissement corrélatif dépourvu d'intérêt personnel à hauteur de 31 657 665,24 euros,

- juger que la mauvaise foi de Mme [U] est caractérisée,

en conséquence,

- fixer son indemnisation à hauteur de la plus forte des deux valeurs entre l'appauvrissement et l'enrichissement soit la somme de 31 657 665, 24 euros,

- condamner Mme [U] à lui payer ladite somme,

au fond, sur les affaires diverses,

à titre principal,

- infirmer le jugement de première instance en ce qu'il l'a débouté de ses demandes formulées au titre des dossiers Venticom et Crédit agricole,

et statuant à nouveau,

- juger que Mme [U] a manqué à ses obligations contractuelles en ne rémunérant pas les prestations accomplies par lui dans les dossiers Venticom, [X], [B], [I], [R], Mk2, [L], Crédit agricole,

- condamner Mme [U] à lui payer la somme de 185 850 euros,

à titre subsidiaire,

- juger de l'enrichissement injustifié de Mme [U] à son détriment,

- condamner Mme [U] à lui payer la somme de 185 850 euros,

sur l'appel incident,

- débouter Mme [U] de sa demande de condamnation pour procédure abusive,

en tout état de cause,

- débouter Mme [U] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- dire que les sommes auxquelles Mme [U] sera condamnée porteront intérêts au taux légal à compter du 2 mai 2018, 

- condamner Mme [U] aux entiers dépens et au paiement de la somme de 90 415,02 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 9 janvier 2023, la société à responsabilité limitée à associé unique Bba Consultants, intervenante volontaire en cause d'appel, demande à la cour de :

- juger recevable son intervention volontaire en cause d'appel,

à titre principal,

- infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes formées par M. [D] au titre des procédures des cheminots marocains et des dossiers Mk2, [B], [X], [I], [R] et [L],

et statuant à nouveau,

- juger qu'aucune cession de créances n'est intervenue à son bénéfice,

- juger que M. [D] dispose d'un intérêt propre et personnel sur les créances invoquées,

en conséquence,

- juger M. [D] recevable et bien fondé en ses demandes, y faire droit,

à titre subsidiaire, si la cour de céans devait juger qu'une cession de créance est intervenue à son bénéfice,

- infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes formées par M. [D] au titre des procédures des cheminots marocains et des dossiers Mk2, [B], [X], [I], [R] et [L],

et statuant à nouveau,

au fond, sur l'affaire des cheminots marocains,

à titre principal,

- juger que M. [D] a reçu mandat de chacun des cheminots pour conduire la procédure judiciaire les concernant,

- juger que, dans ce cadre, M. [D] a confié mandat à Mme [U] d'intervenir comme conseil de chaque cheminot demandeur à la procédure intentée devant le conseil de prud'hommes puis devant la cour d'appel de Paris,

- juger qu'en cette qualité, Mme [U] avait mandat de M. [D] pour encaisser sur son compte Carpa les montants à percevoir au terme de la procédure d'appel et s'assurer que M. [D] puisse procéder à la redistribution de 15% HT des condamnations en règlement de chacun des intervenants,

- juger qu'en ne respectant pas ses obligations contractuelles et en faisant preuve d'une parfaite mauvaise foi dans l'exécution de son mandat, Mme [U] a commis des fautes préjudiciables à M. [D],

- condamner Mme [U] à lui payer la somme de 31 657 665,24 euros, étant cessionnaire de la créance de M. [D], en réparation desdites fautes,

à titre subsidiaire,

- juger que Mme [U] a commis une faute au préjudice de M. [D],

- condamner Mme [U] à lui verser la somme de 31 657 665,24 euros en réparation de ladite faute, en sa qualité de cessionnaire de la créance de M. [D],

au fond, sur les affaires diverses,

à titre principal,

- infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a débouté M. [D] de ses demandes formulées au titre des dossiers Venticom et Crédit Agricole,

et statuant à nouveau,

- juger que Mme [U] a manqué à ses obligations contractuelles en ne rémunérant pas les prestations accomplies par M. [D] dans les dossiers Venticom, [X], [B], [I], [R], [L], Crédit Agricole,

- condamner Mme [U] à lui payer la somme de 185 850 euros, cessionnaire de la créance de M. [D],

en tout état de cause,

- juger que les sommes auxquelles Mme [U] sera condamnée porteront intérêts au

taux légal à compter du 2 mai 2018,

- condamner Mme [U] aux entiers dépens et au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 9 janvier 2023, Mme [P] [U] demande à la cour de :

à titre principal,

- confirmer le jugement rendu en ce qu'il a débouté M. [D] de toutes ses demandes,

- déclarer irrecevable l'intervention volontaire de la société Bba Consultants,

- débouter M. [D] et la société Bba Consultants de toutes leurs demandes fins et conclusions,

- infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté sa demande de dommages et intérêts,

statuant à nouveau,

- condamner M. [D] à lui payer la somme de 300 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamner M. [D] et la société Bba Consultants à lui payer chacun la somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,

à titre subsidiaire,

- juger que M. [D] n'a pas intérêt pour agir en raison de l'absence de prestations effectuées à son profit,

- juger que M. [D] n'a pas qualité pour agir en raison des créances prétendument détenues par des tiers-intervenants,

- juger que M. [D] n'a pas qualité pour agir car ses demandes sont illicites en vertu des articles 54 et suivants de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971,

- juger qu'en vertu du principe de l'estoppel, M. [D] ne peut, sans se contredire, réclamer paiement d'une créance au titre d'une société dont il a le contrôle en mars 2018, pour ensuite la réclamer en son nom propre en juillet 2018,

en conséquence,

- juger irrecevables toutes les demandes formées par M. [D],

- juger irrecevables toutes les demandes formées par la société Bba Consultants,

à titre plus subsidiaire,

sur les demandes de M. [D] formées au titre d'un prétendu mandat,

- juger que M. [D] ne démontre pas l'existence d'un mandat qui lui aurait été donné par les [K] pour les représenter dans le cadre du litige les opposant à la Sncf,

- juger illicite un tel mandat s'il avait existé, en vertu des dispositions des articles 54 et suivants de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971,

- juger qu'aucun document ne prévoit le versement à M. [D] d'un quelconque honoraire, ni ne l'autorise à missionner des prestataires,

- juger que les documents communiqués par M. [D] sous le numéro des pièces 18, 67 et 82, s'ils étaient valables, ne permettraient à ce dernier que d'engager les conseils des [K] et de procéder à la répartition des honoraires entre ces derniers, mais qu'ils ne lui donneraient pas le

pouvoir de démettre un avocat qui a déjà été engagé, ni de percevoir un honoraire de résultat,

- juger que même dans cette hypothèse, le mandat donné aux avocats qui auraient été désignés par l'intermédiaire de M. [D], a été conclu en droit entre les [K], qui sont les seuls mandants, et les avocats désignés,

- juger que M. [D] ne démontre pas l'existence d'une quelconque faute qu'elle aurait commise, ni d'un quelconque préjudice, ni même d'un lien de causalité entre la faute et le préjudice allégués,

en conséquence,

- débouter M. [D] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- débouter la société Bba Consultants de toutes ses demandes, fins et conclusions,

à titre plus subsidiaire encore,

sur les demandes de M. [D] formées au titre d'un prétendu contrat de service,

- juger que M. [D] ne rapporte pas la preuve d'un quelconque accord des parties sur un contrat de service ou sur ses éléments constitutifs (consentement sur le contrat, accord sur la prestation et le prix, etc.),

- juger que les factures adressées par la société Bba Consultants indiquent que les prestations de service alléguées auraient été réalisées au profit des cheminots eux-mêmes et qu'elle ne peut donc être débitrice au titre d'un quelconque contrat de prestation de service,

- juger que dans la mesure où l'objet du prétendu contrat de prestation de service a consisté à réaliser des consultations juridiques et à rédiger des actes sous seing privé, il serait nul en vertu des dispositions susvisés des articles 54 et suivants de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 et 1162 du code civil,

en conséquence,

- débouter M. [D] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- débouter la société Bba Consultants de toutes ses demandes, fins et conclusions,

à titre très subsidiaire,

sur les demandes de M. [D] formées au titre d'une faute délictuelle,

- juger que M. [D] ne démontre pas l'existence d'une quelconque faute qu'elle aurait commise, ni d'un quelconque préjudice, ni même d'un lien de causalité entre la faute et le préjudice allégués,

- juger ensuite que ni le mandat dont M. [D] se prévaut, ni même les documents qu'il verse aux débats sous les numéros de pièces 18, 67, 82 et 124, ne prévoient qu'il percevra un quelconque honoraire,

- juger qu'il n'existe donc aucune obligation contractuelle stipulée à son profit qui aurait été violée du fait de l'envoi à ses clients de ses conventions d'honoraires,

- juger qu'en tout état de cause, l'envoi et la régularisation de ces conventions d'honoraires n'est en aucun cas une faute,

en conséquence,

- débouter M. [D] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- débouter la société Bba Consultants de toutes ses demandes, fins et conclusions,

à titre encore plus subsidiaire,

sur les demandes de M. [D] formées au titre d'un prétendu enrichissement injustifié,

- juger que les honoraires qu'elle a perçus sont le fruit de son travail réalisé au profit de ses clients et que M. [D] ne pouvait en outre percevoir aucun honoraire de la part de ces derniers,

- juger qu'il n'y a donc eu aucun appauvrissement du patrimoine de M. [D] et aucun enrichissement corrélatif de sa part,

- juger en outre que M. [D] a agi en vue de se procurer un avantage personnel et qu'il a perçu une somme totale d'au moins 312 534,91 euros,

- juger que l'intérêt personnel de M. [D] exclut tout enrichissement injustifié, en vertu des dispositions de l'article 1303-2, alinéa 1 du code civil,

- juger enfin que la demande fondée sur le prétendu enrichissement injustifié, n'est destinée qu'à contourner l'interdiction pour un non professionnel du droit au sens des articles 54 et suivants de la loi du 31 décembre 1971, d'effectuer des prestations de nature juridique,

en conséquence,

- débouter M. [D] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- débouter la société Bba Consultants de toutes ses demandes, fins et conclusions,

encore plus subsidiairement,

- juger que M. [D] ne peut alléguer sa propre turpitude,

en conséquence,

- débouter M. [D] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- débouter la société Bba Consultants de toutes ses demandes, fins et conclusions,

sur les affaires diverses,

à titre principal,

- juger que M. [D] n'a pas qualité pour agir en raison de la cession de la créance à la société Bba Consultants,

- juger que M. [D] n'a pas qualité pour agir car ses demandes sont illicites en vertu des articles 54 et suivants de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971,

en conséquence,

- déclarer irrecevables toutes les demandes formées par M. [D],

- déclarer irrecevables les demandes de la société Bba Consultants,

à titre subsidiaire,

- juger que les demandes formées par M. [D] sont illicites,

- débouter M. [D] de toutes ses demandes,

- débouter la société Bba Consultants de toutes ses demandes, fins et conclusions,

à titre très subsidiaire,

sur les demandes de M. [D] formées au titre d'un prétendu contrat de service,

- juger que M. [D] ne rapporte pas la preuve d'un quelconque accord des parties sur un contrat de service ou sur ses éléments constitutifs (consentement sur le contrat, accord sur la prestation et le prix, etc.),

- juger que dans la mesure où l'objet du prétendu contrat de prestation de service a consisté à réaliser des consultations juridiques et à rédiger des actes sous seings privés, il serait nul en vertu des dispositions susvisées des articles 54 et suivants de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 et 1162 du code civil,

en conséquence,

- débouter M. [D] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- débouter la société Bba Consultants de toutes ses demandes, fins et conclusions,

à titre plus subsidiaire,

sur les demandes de M. [D] formées au titre d'un prétendu enrichissement injustifié,

- juger que la demande fondée sur le prétendu enrichissement injustifié n'est destinée qu'à contourner l'interdiction pour un non professionnel de droit, au sens des articles 54 et suivants de la loi du 31 décembre 1971, d'effectuer des prestations de nature juridique,

- juger que les honoraires qu'elle a perçus sont le fruit de son travail réalisé au profit de ses clients, et que M. [D] ne pouvait en outre percevoir aucun honoraire de la part de ces derniers,

- juger qu'il n'y a donc eu aucun appauvrissement du patrimoine de M. [D] et aucun enrichissement corrélatif de sa part,

- juger que M. [D] ne lui a jamais réclamé la moindre rémunération ni adressé une facture depuis les mises en relation opérées puisque celles-ci procédaient d'une intention libérale,

- juger que l'intention libérale de M. [D] exclut tout enrichissement injustifié, en vertu des dispositions de l'article 1303-1 du code civil,

en conséquence,

- débouter M. [D] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- débouter la société Bba Consultants de toutes ses demandes, fins et conclusions,

à titre reconventionnel,

- recevoir son appel et infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de condamnation pour procédure abusive,

en conséquence,

- condamner M. [D] à lui payer la somme de 300 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamner M. [D] et la société Bba Consultants à lui payer chacun la somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

SUR CE :

Sur la recevabilité des demandes de M. [D] au titre des procédures des cheminots marocains et des dossiers Mk2, [B], [X], [I], [R] et [L] :

Le tribunal a jugé irrecevables les demandes de M. [D] au titre du dossier des cheminots marocains dits ' affaire [K]' et des autres dossiers susvisés en ce que :

- M. [D] ne justifie pas d'un droit à agir propre et personnel quant à la créance qu'il invoque au titre du dossier des cheminots marocains, la preuve rapportée par les factures adressées à Mme [U], qui sont au nom de la société Bba Consultants et dont le directeur M. [D] [O], signataire de la lettre les accompagnant, indique qu'elles correspondent 'à l'ensemble des diligences effectuées sous la direction de [M. [D]] à votre seul profit et ne pouvant faire l'objet d'une facturation directe aux clients concernés' n'étant pas contredite,

- M. [D], qui allègue avoir souhaité opérer un transfert de ses créances professionnelles et un apport en industrie au profit de la société Bba Consultants mais y avoir renoncé eu égard au coût des droits d'enregistrement, ne justifie pas de ces démarches,

- il ne démontre pas davantage son droit à agir au titre des dossiers Mk2, [B], [X], [I], [R] et [L], pour lesquels les factures sont également au nom de la société Bba Consultants.

M. [D] soutient que :

- il a intérêt et qualité à agir en sa qualité de seul titulaire de la créance litigieuse afférente à l'ensemble de ces dossiers,

- la preuve de l'absence de cession de créances entre lui et la société Bba Consultants est rapportée par le rapport du commissaire aux comptes de ladite société,

- aucune cession de créance n'est intervenue au profit de la société Bba Consultants dès lors que la cession de créance doit être constatée par écrit à peine de nullité en application de l'article 1322 du code civil et soumise à l'accomplissement de certaines formalités pour être opposable au débiteur cédé en vertu des articles 1690 et suivants du code civil, qu'il n'existe aucun contrat de cession, que les factures dressées par ladite société établissent seulement qu'elle a été sollicitée pour procéder au recouvrement des sommes dues à M. [D] par Mme [U], que la cession de créance n'a finalement pas été réalisée compte tenu du coût des droits d'enregistrement afférents, qu'en outre la société Bba Consultants a été créée le 28 mars 2018 soit postérieurement aux travaux constituant la contrepartie des créances litigieuses et ne peut donc prétendre à aucun droit sur la créance objet de la facturation,

- il justifie d'un droit propre et personnel sur cette créance, ayant lui-même exécuté les travaux constituant la contrepartie de la créance comme l'attestent les pièces versées au débat,

- il a un intérêt à agir de nature pécuniaire pour ces dossiers,

- il n'est justifié d'aucune irrecevabilité découlant d'une prétendue illicéité de ses demandes, dès lors qu'une demande illicite ne peut entraîner son irrecevabilité mais seulement sa nullité, qui pour être prononcée suppose un examen du litige au fond, qu'en outre la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 est inapplicable au litige.

Mme [U] soulève l'irrecevabilité des demandes de M. [D] au titre de 'l'affaire des [K]'et du surplus des dossiers susvisés en ce que :

- M. [D] n'a pas qualité et intérêt pour agir ainsi que l'a jugé le tribunal, en raison de la cession de la créance prétendue au profit de la société Bba Consultants comme l'attestent les factures émises au nom de cette société postérieurement à sa création et envoyées à Mme [U], une telle cession pouvant avoir été réalisée sans écrit et du fait du seul consentement des parties selon le droit marocain applicable et ayant par ailleurs bien été notifiée à Mme [U] le 2 mai 2018 par l'envoi des factures, la circonstance que la société Bba Consultants ait également adressé une lettre de mise en demeure aux cheminots marocains le 28 avril 2018 confirmant ladite cession,

- M. [D] n'a pas intérêt à agir à l'égard de Mme [U] car les prestations qu'il a réalisées l'ont été au profit des clients et non de cette dernière,

- M. [D] est irrecevable à agir en raison de créances prétenduement détenues par des tiers-intervenants, soit une 'équipe de juristes et d'actuaires marocains' qu'il devrait rétribuer pour les services rendus alors que ni les cheminots, ni Mme [U] n'ont sollicité l'intervention de ces tiers ni autorisé M. [D] à les missionner,

- M. [D] ne peut revendiquer un droit propre et personnel sur la créance aux motifs qu'il aurait réalisé seul le travail tout en déclarant en même temps l'avoir réalisé avec d'autres acteurs.

Elle ajoute que l'ensemble des demandes formées par M. [D] au titre de prétendus mandat, contrat de prestations de service, faute délictuelle ou enrichissement injustifié sont illicites en vertu des dispositions d'ordre public de la loi n°71-1330 du 31 décembre 1971 applicable au litige et le privent en conséquence de la qualité à agir.

Elle fait enfin valoir qu'en vertu du principe de l'Estoppel, M. [D] ne peut, sans se contredire, solliciter le paiement au mois de mai 2018 d'une créance au titre d'une société dont il a eu le contrôle en mars 2018, pour ensuite la réclamer en son nom propre en juillet 2018.

Selon l'article 122 du code de procédure civile; 'Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée'.

L'article 31 du même code précise que 'L'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé'.

Le 2 mai 2018, la société Bba Consultants a adressé à Mme [U] trois factures, de montants respectifs de 7 818 050 euros au titre de 'affaire 848 cheminots c/Sncf', de 1 960 650 euros ayant trait à l''affaire 351 cheminots c/Sncf' et de 185 850 euros s'agissant de 'consultations dossiers : Gouiffes/Efidis*Dufour/MK2*Patureau*[L]*El Mohadab/Tass*Dahmani/Tass* [X]*[B]*ElMarzouki*Verron), portant l'entête et le tampon de la société Bba Consultants, signées par M. [D] [O] en sa qualité de 'directeur de cabinet', et dont le règlement devait être effectué au bénéfice de la société Bba Consultants.

Le courrier de mise en demeure accompagnant ces factures, à l'entête de la société Bba Consultants, également signé par M. [D] [O] en sa qualité de 'directeur de cabinet' et portant le tampon de la société Bba Consultants, précise que 'le jugement du 21 septembre 2015 et l'arrêt de la cour du 31 janvier 2018, ont été rendus sur la base exclusive des écritures et des dossiers individuels préparés par M. [D]' et que 'ces factures correspondent à l'ensemble des diligences effectuées sous la direction de ce dernier [M. [D]]' (pièces 11 à 14).

Alors que M. [D] agit en sa qualité de seul titulaire de la créance d'honoraires litigieuse au titre de prestations juridiques réalisées concernant l'affaire des cheminots marocains et les autres dossiers, le tribunal a pertinemment constaté que ces prestations ont été facturées à Mme [U] par la société Bba Consultants en son nom propre. Cette dernière avait d'ailleurs préalablement dressé en son nom des factures d'honoraires aux clients. Une telle facturation au nom de la société Bba Consultants au titre des prestations réalisées par M. [D], son gérant et associé unique, démontre qu'elle se considère comme seule créancière et fait présumer sa qualité d'unique titulaire de créance s'agissant des prestations facturées.

Il n'est aucunement justifié que ladite société aurait agi sous mandat de M. [D] aux fins de recouvrement de la créance dont il serait titulaire, les factures émises et le courrier d'accompagnement envoyés à Mme [U] et préalablement aux clients ne mentionnant aucunement la qualité de mandataire de la société Bba Consultants ni l'exercice du recouvrement de créance pour le compte d'un tiers.

La circonstance que M. [D] aurait personnellement réalisé les prestations antérieurement à la création de la société Bba Consultants et été le seul interlocuteur de Mme [U] jusqu'à l'envoi de la lettre de mise en demeure de la société Bba Consultants est inopérante à écarter l'existence d'une cession de créance au profit de ladite société.

Le droit marocain, seul applicable s'agissant d'une cession de créance entre personnes physique et morale marocaines domiciliées au Maroc, n'exige aucun contrat écrit ni aucun formalisme particulier pour être opposable à un tiers, et ce à plus forte raison entre l'associé unique d'une société et celle-ci. Dès lors, la facturation au nom de la société Bba Consultants, Sarl à associé unique créée par M. [D] le 28 mars 2018, et l'envoi en son nom du courrier à Mme [U] aux fins de règlement suffisent à établir sa qualité de cessionnaire de créance.

Le rapport du commissaire aux comptes de la société Bba Consultants du 3 janvier 2023 produit en cause d'appel (pièce 151), concluant qu'aucune cession de créance n'est intervenue au profit de la société Bba Consultants au constat notamment de l'absence d'écriture comptable relative à une telle cession, ne suffit pas à démontrer l'absence de cession de créance au profit de la société Bba Consultants.

Au demeurant, M. [D] ne craint pas de se contredire en faisant valoir en première instance avoir souhaité faire un apport en industrie au profit de la société Bba Consultants, et en appel avoir envisagé de procéder à une cession de créance, mais y avoir renoncé en raison du coût des droits d'enregistrement.

La cession de créance au profit de la société Bba Consultants ayant pour effet de lui conférer l'ensemble des droits attachés à la créance, M. [D] est mal fondé à faire valoir un droit propre et personnel sur cette créance pour avoir personnellement exécuté les travaux facturés ainsi qu'un intérêt à agir pécuniaire au titre des prestations réalisées.

A défaut d'établir sa qualité et son intérêt à agir envers Mme [U], et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur le surplus des moyens d'irrecevabilité allégués, les demandes de M. [D] au titre de l'affaire des cheminots marocains et des autres dossiers visés dans les factures dressées par la société Bba Consultants sont irrecevables en confirmation du jugement.

Sur la recevabilité de l'intervention volontaire de la société Bba Consultants au titre des dossiers des cheminots marocains et des dossiers Mk2, [B], [X], [I], [R] et [L] :

Mme [U] soulève l'irrecevabilité de l'intervention volontaire accessoire et subsidiairement principale de la société Bba Consultants en cause d'appel en ce que :

- en vertu du principe de l'Estoppel, ladite société ne peut sans se contredire affirmer qu'il n'y aurait pas eu de cession de créance à son profit pour ensuite réclamer la créance en son nom propre,

- en réalité, M. [D] intervient en appel sous le couvert de la société Bba Consultants dont il est le gérant et le seul actionnaire, pour confirmer ses propres déclarations,

- l'existence d'un lien suffisant au sens des dispositions de l'article 325 du code de procédure civile entre l'intervention volontaire et les prétentions de M. [D] n'est pas démontrée dès lors que si ce dernier est seul titulaire de la créance invoquée, la société Bba Consultants n'a aucun intérêt à agir,

- l'intervention accessoire est également irrecevable en raison de l'irrecevabilité des demandes de M. [D] pour les motifs retenus par le tribunal mais également pour l'ensemble des motifs d'irrecevabilié soulevés par ses soins,

- l'intervention volontaire ne peut permettre à un intervenant de soumettre un nouveau litige et de présenter des demandes de condamnations personnelles à son profit n'ayant pas fait l'objet d'un examen en première instance.

La société Bba Consultants s'estime recevable en son intervention volontaire aux motifs que le tribunal ayant retenu qu'elle apparaissait comme le véritable créancier de Mme [U], elle a intérêt à intervenir volontairement à la procédure en cause d'appel à titre accessoire pour soutenir les prétentions de M. [D] faisant valoir être seul créancier de Mme [U], et subsidiairement à titre principal en sa qualité de créancière de cette dernière en vertu d'une cession de créance de M. [D] à son profit.

En application de l'article 554 du code de procédure civile, 'Peuvent intervenir en cause d'appel dès lors qu'elles y ont intérêt les personnes qui n'ont été ni parties, ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité'.

L'article 325 du même code précise que 'L'intervention n'est recevable que si elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant'.

L'article 329 du même code énonce que 'L'intervention est principale lorsqu'elle élève une prétention au profit de celui qui la forme.

Elle n'est recevable que si son auteur a le droit d'agir relativement à cette prétention'.

L'article 330 du code de procédure dispose que 'L'intervention est accessoire lorsqu'elle appuie les prétentions d'une partie.

Elle est recevable si son auteur a intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir cette partie.

L'intervenant à titre accessoire peut se désister unilatéralement de son intervention'.

La société Bba Consultants est intervenante volontaire accessoire à la procédure au soutien des prétentions de son associé unique, et subsidiairement intervenante volontaire principale en sa qualité de cessionnaire de créance de celui-ci.

Il n'est démontré aucune contradiction de la société Bba Consultants soutenant principalement que M. [D] est seul titulaire de la créance litigieuse et faisant subsidiairement valoir sa qualité de cessionnaire de ladite créance.

L'irrecevabilité des demandes de M. [D] ci-avant retenue entraîne, par voie de conséquence, l'irrecevabilité de l'intervention volontaire accessoire de la société Bba Consultants dès lors que la recevabilité de l'intervention volontaire accessoire dépend de la recevabilité de l'action principale.

Il résulte des articles 325 et 554 du code de procédure civile que peuvent intervenir en cause d'appel, dès lors qu'elles y ont intérêt, les personnes qui n'ont été ni parties ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité, et que l'intervention se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant.

La société Bba Consultants, dont la qualité de cessionnaire de créance de M. [D] est établie, a qualité et intérêt à intervenir volontairement à la présente procédure pour obtenir le règlement des prestations facturées par ses soins et dont le règlement a été initialement sollicité par M. [D], partie principale au litige.

Il est justifié d'un lien suffisant entre l'intervention volontaire principale de la société Bba Consultants et les prétentions de M. [D], dès lors que le litige soumis aux premiers juges puis à la cour porte sur le règlement des prestations réalisées par M. [D] et facturées par la société Bba Consultants, cessionnaire de créance de M. [D].

Les demandes formées par la société Bba Consultants au titre de son intervention volontaire principale devant la cour en sa qualité de cessionnaire de créance de M. [D] ne sont pas nouvelles en ce qu'elles se substituent à celles formées par M. [D], cédant, dont était saisi le tribunal et que la cession d'une créance portant également sur ses accessoires, le cessionnaire qui intervient à titre principal dans une instance engagée par le cédant pour son recouvrement, est substitué de plein droit à celui-ci.

La qualité et l'intérêt à agir de la société Bba Consultants lui confèrent le droit d'agir au sens de l'article 325 du code de procédure civile. Le surplus des moyens d'irrecevabilité soulevés par l'intimée, identiques à ceux opposés à M. [D] ci-avant énoncés, sont inopérants.

En effet, la circonstance que les prestations facturées par la société Bba Consultants à Mme [U] auraient été réalisées au bénéfice des clients et non pas de cette dernière et qu'elles auraient été accomplies non pas exclusivement par M. [D] mais avec la contribution d'autres intervenants au demeurant non mandatés par les clients et Mme [U], relève de l'appréciation du fond du litige et non pas de la recevabilité de l'intervention volontaire principale de la société Bba Consultants.

De même, le caractère illicite prétendu des demandes de la société Bba Consultants en ce qu'elles se heurteraient aux dispositions d'ordre public de la loi du 31 juillet 1971 n'est pas une cause d'irrecevabilité des demandes pour défaut de qualité à agir, mais une cause de nullité du contrat pour défaut d'objet relevant également de l'appréciation du fond.

L'intervention volontaire principale de la société Bba Consultants au titre des dossiers des cheminots marocains et des dossiers Mk2, [B], [X], [I], [R] et [L] est donc recevable.

Sur le bien fondé des demandes de la société Bba Consultants au titre des dossiers des cheminots marocains et des dossiers Mk2, [B], [X], [I], [R] et [L] :

Sur la responsabilité contractuelle de l'avocat au titre de mandats :

La société Bba Consultants recherche la responsabilité contractuelle de Mme [U] en sa qualité de mandataire s'agissant des dossiers des cheminots. Elle expose que :

- M. [D] a reçu mandat de chacun des 848 cheminots marocains pour conduire la procédure judiciaire les concernant contre rémunération, l'engagement d'honoraires du 16 janvier 2010 réitéré en décembre 2015 prévoyant un honoraire fixe de 100 euros par cheminot et un honoraire de résultat de 15% HT à répartir entre lui et les différents conseils en fonction des diligences accomplies dans les dossiers concernés,

- en sa qualité de mandataire des cheminots, M. [D] a confié un mandat ad litem à Mme [U] aux fins d'intervenir comme conseil de chaque cheminot demandeur à la procédure intentée devant le conseil de prud'hommes puis devant la cour d'appel de Paris, et limité à la mise en forme des actes de procédure sur la base des contenus réceptionnés, à leur communication et aux plaidoiries, M. [D] étant le rédacteur des actes et définissant la stratégie juridique adoptée, ayant rédigé une dizaine de jeux de conclusions avant l'intervention de Mme [U] et ayant poursuivi le travail de rédaction,

- il a été convenu avec Mme [U] la redistribution de 15% HT du montant total des condamnations au prorata du temps passé par les intervenants au dossier et en considération des engagements conctractuels souscrits à l'égard de certains d'entre eux, et que l'honoraire de résultat de Mme [U] soit porté, s'agissant de l'affaire des 351 cheminots de 0.17% à 2% H.T des condamnations, Mme [U] devant recevoir les sommes au titre des condamnations prononcées sur son compte Carpa et étant redevable de la bonne exécution de cette redistribution,

- en ne respectant pas ses obligations contractuelles et en faisant preuve d'une parfaite mauvaise foi dans l'exécution de son mandat, Mme [U] a commis des fautes qui lui sont préjudiciables.

Mme [U] soutient que :

- il n'est justifié d'aucun mandat des cheminots à M. [D] par les pièces produites aux débats,

- le prétendu engagement d'honoraire du 16 janvier 2010 versé pour la première fois en cause d'appel est un faux constitué pour les besoins de la cause,

- même à considérer valides les documents communiqués par M. [D], ce dernier aurait été désigné seulement afin d' 'engager' les conseils des [K] et procéder à la répartition des honoraires entre ces derniers,

- en outre, les documents ayant trait à la prétendue répartition d'un honoraire de résultat ont été signés à compter du moins de décembre 2015, alors qu'elle était déjà l'avocate des [K],

- si M. [D] avait reçu un quelconque mandat, il n'aurait pas eu besoin de mentir en prétendant avoir été désigné comme mandataire des cheminots par l'association Ismailia qui l'a démenti,

- subsidiairement, ces mandats sont nuls car illégaux en vertu des articles 54 et suivants de la loi du 31 décembre 1971,

- encore plus subsidiairement, elle était déjà l'avocate des [K] depuis 2014 et 95% des 846 cheminots concernés par les arrêts rendus par la cour en janvier 2018 ont conclu avec elle une convention d'honoraires, confirmant de plus fort le mandat qui lui était confié, et elle n'a commis aucune faute.

Pour caractériser l'existence d'un mandat conclu entre les cheminots marocains et M. [D], la société Bba Consultants se fonde sur un acte qu'elle qualifie d'engagement d'honoraires du 16 janvier 2010 signé par les [K] (pièce 124), réitéré par écrit en décembre 2015 en cours d'appel (pièces 18, 67 et 82), prévoyant un honoraire fixe de 100 euros par cheminot et un honoraire de résultat de 15% HT à répartir entre M. [D] et les différents conseils en fonction de diligences accomplies dans les dossiers concernés.

Mme [U] conteste pertinemment la valeur probante de la pièce 124 ne constituant pas une seule pièce comme le soutient la société Bba Consultants mais un amalgame de trois documents différents soit :

- une page dactylographiée, datée du 16 janvier 2010 mais non signée et intitulée 'Annexe au procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire du 16 janvier 2010" et ayant trait à un 'Engagement d'honoraires' de 'l'Association', précisant que 'Les honoraires de Monsieur [D] et des conseils choisis par ce dernier sont arrêtés de la façon suivante :

à titre d'honoraires fixes : 100 euros par cheminot

à titre d'honoraires de résultat : 15% HT sur l'ensemble des sommes obtenues dans le cadre de cette instance judiciaire ou d'une nouvelle transaction, qui seront répartis par Monsieur [D] entre les différents conseils en fonction des diligences accomplies sur les dossiers concernés.

Chaque membre ou nouveau membre qui sera concerné par cette nouvelle procédure doit signer cet engagement sur les feuilles annexées à la présente annexe au procès-verbal (1)' et renvoyant à '(1) Voir feuilles 'engagements d'honoraires ci-joint',

- d'un deuxième document, dont la taille de police et les références sont différentes de celle de la précédente page dactylographiée en ce qu'il mentionne le 'collectif salariés' et les'salariés' et non pas 'l'association' et les 'membres de l'association', et qui est constitué de cinq pages intitulées chacune 'Engagement d'honoraires Affaire collectif salariés/SCNF (...)', précisant que

'Les salariés s'engagent à verser les honoraires suivants :

1°) Les honoraires convenus pour l'affaire faisant l'objet de la présente convention seront de 100 euros par client

2° En outre, il est convenu d'un honoraire de résultat de 15% sur les gains obtenus de chaque client',

ces mentions étant suivies de tableaux dans lesquels figurent les noms et signatures de 156 cheminots, étant relevé qu'aucun de ces feuillets ne mentionne M. [D],

- d'un troisième document correspondant à une page écrite sur papier à entête de Me [N] [T] datée du 30 janvier 2010, renseignant les noms de 19 cheminots ayant remis la somme de 100 euros, et constituant un accusé de réception d'honoraires de cet avocat.

Le nom de M. [D] n'est mentionné que dans le premier document non signé, correspondant au procès-verbal de la tenue d'une assemblée générale, le 16 janvier 2010, d'une 'association' dont le nom n'est pas précisé, qui a pour 'objet d'agir en justice en défense des intérêts communs et personnels de ses membres, en réparation d'un préjudice matériel ou moral dont ils ont été personnellement ou collectivement victimes' et qui 'a engagé préalablement, dans le cadre d'un litige qui oppose ses membres à leur employeur la SCNF, une procédure devant le tribunal administratif, lequel s'est déclaré incompétent pour connaître le litige', à la suite de quoi 'une nouvelle action a été portée devant le conseil de prud'hommes de Paris en vue d'obtenir l'intégration au cadre permanent de chaque membre de l'association'. Au vu de ces indications, cette association semble être l'ACMF, laquelle n'a cependant été créée que le 9 novembre 2015 et déclarée à la préfecture le 11 février 2016 et ne peut donc avoir tenu une assemblée générale le 16 janvier 2010.

La société Bba Consultants ne soutient pas utilement que l'association ACMF a été créée de fait en 2009 et a agi de concert avec l'association ISMAILIA jusqu'en novembre 2015 avant d'être finalement déclarée en préfecture, les déclarations de M. [S] [H], agent SNCF (pièce 131 bis) sur lesquelles elle se fonde ne faisant aucunement état de ces faits et le président de l'association ISMAILIA (pièce 6 intimé) démentant un quelconque mandat donné à l'association ACMF dont il précise qu'elle a été créée en février 2016.

La pièce 124 produite en cause d'appel, constituée d'un amalgame de différents documents afin de faire accroire à la cour que les cinq feuillets contenant le nom des cheminots seraient une annexe du procès-verbal de l'assemblée générale du 16 janvier 2010 constitue un faux fabriqué pour les seuls besoins de la cause et est donc inopérante à démontrer un quelconque mandat de M. [D] reçu des cheminots marocains.

Les pièces 18, 67 et 82 sont également dépourvues de force probante, en ce qu'elle sont constituées d'environ 400 feuilles pré-imprimées au titre desquelles les cheminots marocains s'engagent individuellement 'à régler, outre les frais de 230 euros à : ....

A titre d'honoraires de résultat, 15% HT des sommes obtenues après exécution de la décision à intervenir', et que ces feuilles ne mentionnant aucun destinataire des honoraires ont manifestement été signées en blanc par les cheminots, avant que ne soit apposé un cachet indiquant

'Ensemble des conseils engagés par notre mandataire

Mr. [D]

Avec répartition au prorata

par ce dernier'.

L'attestation de M. [S] [H] (pièce 131 bis), agent SCNF, dont se prévaut la société Bba Consultants, indiquant que 'Les cheminots concernés par l'action ont donné un mandat total à Monsieur [D] pour diriger le litige entre notre employeur la SCNF. Chaque cheminot a signé un engagement d'honoraires de résultat de 15% HT au profit de Monsieur [D] en présence des délégués du syndicat avec un honoraire fixe de 100 euros en première instance et 230 euros en appel et une copie a été mise à la disposition de chaque cheminot par mes soins. Il a été convenu avec Monsieur [D] que ses honoraires et ceux de l'ensemble des intervenants qu'il sera susceptible d'engager dans le dossier, étaient inclus dans l'engagement ci-dessus. Le cachet ci-dessous a été conçu et utilisé exclusivement par mes soins pour m'éviter de reprendre à chaque fois la même impression' ne remet pas en cause la signature en blanc des imprimés et l'apposition ultérieure du cachet.

En outre, même à considérer que le tampon ait été apposé avant la signature des feuillets par les cheminots, M. [D] est seulement mentionné en qualité de 'mandataire' de ces derniers chargé de répartir les honoraires entre l'ensemble des conseils au prorata, et non pas comme bénéficiaire des honoraires. L'attestation de M. [S] [H] ne suffit donc pas à établir l'existence de tels mandats.

La circonstance que M. [D] aurait été récipiendaire, dès la saisine du conseil de prud'hommes, des fiches de renseignements remplies par les cheminots à son attention et destinées à la préparation de leurs dossiers individuels, qu'il aurait adressé les pièces de procédure aux conseils successivement mandatés par les cheminots et aurait prétendument exécuté les missions confiées, n'est pas de nature à caractériser l'existence du mandat allégué consistant à conduire la procédure judiciaire concernant les cheminots moyennant la perception d'un honoraire de résultat.

La société Bba Consultants échouant à démontrer le mandat allégué entre M. [D] et les 848 cheminots, est mal fondée à rechercher la responsabilité contractuelle de Mme [U] pour exécution fautive du mandat qu'elle aurait reçu de M. [D] au titre de l'accomplisement de son propre mandat.

Sur la responsabilité contractuelle de l'avocat au titre du contrat de prestations de services :

La société Bba Consultants recherche la responsabilité contractuelle de l'avocate au titre des dossiers des cheminots et des dossiers Mk2, [B], [X], [I], [R] et [L], pour défaut d'exécution du contrat de prestations de services conclu entre M. [D] et Mme [U]. Elle précise que parallèlement à l'affaire des cheminots marocains, M. [D] a été sollicité par Mme [U] pour procéder à la rédaction d'écritures au titre des dossiers susvisés relevant du contentieux prud'hommal.

Elle soutient que dans chacun des dossiers, M. [D] et cette dernière sont convenus qu'elle aurait la charge de la mise en page des écritures et des plaidoiries tandis qu'il lui fournirait les conclusions et que Mme [U] devait s'assurer de la rémunération de ses prestations de grande qualité, laquelle doit être déterminée par la cour selon le travail réalisé.

Elle considère que la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 est inapplicable au litige, l'article 3 du code civil énonçant que les lois de police et de sûreté obligent tous ceux qui habitent le territoire, l'article 4 b) du Règlement européen n° 593/2008 du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I) prévoyant que le contrat de prestation de services est régi par la loi du pays dans lequel le prestataire de services a sa résidence habituelle, et l'assistance matérielle à la constitution de dossiers administratifs ne relevant pas de la délivrance de conseils juridiques. Elle précise que M. [D] est de nationalité marocaine, exerce sa profession au Maroc conformément aux règles de droit marocain, et que l'ensemble des prestations intellectuelles ont été fournies par ces soins depuis le territoire marocain bien que leur contenu ait ensuite été utilisé par un avocat français au titre de procédures pendantes devant les juridictions françaises, hormis des réunions d'informations et de collecte de documents qui sont hors champ d'application de la loi du 31 décembre 1971.

Elle ajoute que même à considérer cette loi applicable, il n'est caractérisé aucune violation de celle-ci dès lors que M. [D], professeur de l'enseignement supérieur au Maroc, titulaire d'une licence de droit section 'sciences économiques' et délivrant des consultations juridiques en complément de cette activité, répond aux critères posés par les articles 54 et 57 de ladite loi et est en droit de réaliser des consultations juridiques et de rédiger des actes sous seing privé.

Elle soutient que les dispositions du Règlement intérieur national de la profession d'avocat (RIN) sont inapplicables au litige ayant trait à la responsabilité contractuelle et subsidiairement délictuelle de Mme [U] envers M. [D] qui n'est pas avocat.

Elle fait enfin valoir que l'illicéité prétendue des prestations réalisées par M. [D] ne s'oppose pas à la reconnaissance d'une faute de Mme [U] ouvrant droit à réparation et ne peut être sanctionnée que par la nullité du contrat de prestation de service et qu'en absence de restitution possible, elle ne serait pas moins privée de son droit à indemnisation.

Mme [U] réplique que le contrat de prestations de service allégué consistant à réaliser des consultations juridiques et à rédiger des actes sous sous seing privé est nul car illicite en vertu des dispositions de la loi du 31 décembre 1971 d'ordre public applicable au litige puisqu'elle règlemente les professions judiciaires et juridiques, que les prestations alléguées se rapportent à un contentieux de droit français, se déroulant en France devant les juridictions françaises, et que la distinction entre la prétendue collecte des pièces en France et la rédaction d'actes juridiques au Maroc est purement artificielle et n'a d'autre fin que de contourner ladite loi. Elle ajoute que M. [D] qui ne dispose d'aucun diplôme en droit et n'est pas professeur associé ne répond pas aux critères posés par l'article 54 de cette loi. Elle souligne que la rémunération d'apports d'affaires et le partage d'honoraires avec des personnes physiques ou morales qui ne sont pas avocats est interdit par les dispositions du RIN.

Elle soutient que la société Bba Consultants ne saurait solliciter une quelconque rémunération au titre des prestations illicites réalisées dès lors qu'aucun contrat de prestation de service, même tacite, n'a jamais été envisagé ni conclu avec M. [D] tant en ce qui concerne les cheminots que les 'affaires diverses' au titre desquelles M. [D] lui a demandé d'assurer la défense de personnes de son entourage, que les demandes et allégations au titre des mandats présentant les cheminots comme débiteurs d'un honoraire de résultat et non Mme [U] excluent nécessairement un tel contrat et qu'en tout état de cause les factures adressées par la société Bba Consultants indiquent que les prestations de service alléguées ont été réalisées au profit des cheminots et autres clients.

La demande porte sur l'inexécution d'un contrat de prestation de services conclu entre M. [D] et Mme [U] ayant pour objet la réalisation de prestations juridiques, la société Bba Consultants soutenant que M. [D] est le rédacteur des écritures déposées au soutien des intérêts des 848 cheminots tant en première instance que devant la cour d'appel de Paris, mais également devant le conseil de prud'hommes s'agissant des 351 nouveaux dossiers des cheminots supplémentaires, le rôle de Mme [U] s'étant limité à la mise en page des écritures et aux plaidoiries, mais également que M. [D] a rédigé les écritures au titre des autres dossiers relevant du contentieux prud'hommal.

Les parties sollicitent conjointement que l'applicabilité de la loi française aux prestations litigieuses soit examinée au regard des seules dispositions du Règlement européen n°593/2008 du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I).

Les dispositions de l'article 3b) du Règlement européen n° 593/2008 du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I) prévoyant que la loi applicable au contrat de prestation de services est régie par la loi du pays doivent être écartées au bénéfice de la loi de police du pays dans lequel les obligations du contrat doivent ou ont été exécutées en application de l'article 9 dudit Règlement qui dispose que :

' 1. Une loi de police est une disposition impérative dont le respect est jugé crucial par un pays pour la sauvegarde de ses intérêts publics, tels que son organisation politique, sociale ou économique, au point d'en exiger l'application à toute situation entrant dans son champ d'application, quelle que soit par ailleurs la loi applicable au contrat d'après le présent règlement.

2. Les dispositions du présent règlement ne pourront porter atteinte à l'application des lois de police du juge saisi

3. Il pourra également être donné effet aux lois de police du pays dans lequel les obligations découlant du contrat doivent être ou ont été exécutées, dans la mesure où lesdites lois de police rendent l'exécution du contrat illégale. Pour décider si effet doit être donné à ces lois de police, il est tenu compte de leur nature et de leur objet, ainsi que des conséquences de leur application ou de leur non-application'.

La société Bba Consultants qui soutient que la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques n'est pas applicable en ce que conformément à l'article 3 du code civil les lois de police et de sureté obligent tous ceux qui habitent le territoire, reconnaît de facto que ladite loi est une loi de police et de sureté en France.

La loi du 31 décembre 1971 répond aux critères posés par l'article 9 du Règlement européen n°593/2008 du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I) susvisé, en ce qu'elle est une disposition impérative ayant trait à la règlementation de la profession des avocats en France, dont la méconnaissance peut être sanctionnée pénalement, et qu'elle vise manifestement à protéger l'intérêt général des destinataires des services en question contre le préjudice qu'ils pourraient subir du fait de conseils juridiques qui leur seraient donnés par des personnes qui n'auraient pas les qualifications professionnelles ou morales nécessaires. Son respect est par conséquent jugé crucial par la France pour la sauvegarde de ses intérêts publics, tels que son organisation politique, sociale ou économique, au point d'en exiger l'application à toute situation entrant dans son champ d'application, quelle que soit par ailleurs la loi applicable au contrat d'après le présent règlement.

La loi du 31 décembre 1971 est applicable au contrat allégué, conclu entre un résident marocain et un avocat français et ayant pour objet l'accomplissement de prestations juridiques sur le territoire français et en particulier la rédaction de conclusions juridiques déposées auprès des juridictions françaises.

En application des articles 54 et suivants de cette loi d'ordre public, les consultations juridiques et la rédaction d'actes juridiques sont réservées aux membres des professions judiciaires et juridiques, notamment aux avocats inscrits à barreau français (article 56).

Les prestations juridiques prétendument accomplies par M. [D] ne sont pas conformes aux dispositions de l'article 57 de la loi du 31 décembre 1971 prévoyant que 'Les personnes entrant dans le champ d'application du décret du 29 octobre 1936 [abrogé] relatif aux cumul des retraites, de rémunérations et de fonctions, en activité ou en retraite et dans les conditions prévues par ledit décret, ainsi que les enseignants des disciplines juridiques des établissements privés d'enseignement supérieur reconnus par l'Etat délivrant des diplômes visés par le ministre chargé de l'enseignement supérieur, peuvent donner des consultations en droit juridique', dès lors que cet article ne vise que les professeurs agrégés des universités françaises, les maîtres de conférence en droit et les docteurs en droit.

M. [D] ne justifie pas avoir la qualification requise, les pièces produites par ses soins et pertinemment discutées par Mme [U] établissant non pas qu'il est titulaire d'une licence en droit et professeur associé de l'Université Mohamed Premier à Oujda, mais d'une licence en sciences économiques délivrée par la faculté des sciences juridiques, économiques et sociales de l'Université [Y] [G] et qu'il a assuré des heures de cours au sein de l'Université Mohamed Premier à Oujda en tant que vacataire.

La circonstance que M. [D] aurait exercé une activité de consultant juridique n'est pas démontrée et est inopérante.

Le contrat de prestation de services allégué contrevient ainsi aux dispositions d'ordre public de la loi du 31 décembre 1971 en ce qu'il consiste en l'accomplissement d'actes juridiques réservés à l'exercice de l'activité règlementée de la profession d'avocat dont M. [D] ne remplit pas les critères. Son objet illicite constitue une cause de nullité absolue du contrat.

La société Bba Consultants n'est pas fondée à solliciter l'indemnisation des prestations accomplies en raison de l'impossibilité de remettre les parties en leur état antérieur compte tenu de la nullité du contrat de prestation de services, ne justifiant aucunement par les pièces produites aux débats de la conclusion d'un tel contrat entre M. [D] et Mme [U] et l'accomplissement de prestations en exécution d'un tel contrat.

Elle doit donc être déboutée de ses demandes de ce chef.

Sur la responsabilité délictuelle de l'avocat :

La société Bba Consultants recherche la responsabilité délictuelle de Mme [U] au titre des dossiers des cheminots, pour les avoir incités à ne pas exécuter l'obligation contractuelle souscrite envers M. [D] de verser l'honoraire de résultat de 15% HT, ce en le faisant passer pour un escroc, alors qu'en la mandatant, M. [D] lui avait donné toute sa confiance et fourni une opportunité professionnelle hors du commun.

Mme [U] réplique que ni le mandat prétendument confié à M. [D] ni les documents versés aux débats ne prévoient la perception d'un quelconque honoraire, en sorte qu'il n'est justifié d'aucune obligation contractuelle stipulée au profit de M. [D] qu'elle aurait violée en envoyant à ses propres clients ses conventions d'honoraires conformément à la loi.

En l'absence de caractérisation d'un quelconque engagement des cheminots à verser un honoraire de résultat à M. [D], qui au demeurant n'est pas habilité à en percevoir en application des dispositions d'ordre public de la loi du 31 décembre 1971, il n'est justifié d'aucune faute délictuelle de Mme [U] au titre de sa rétribution pour les dossiers dont elle était chargée.

La demande de ce chef est donc également rejetée.

Sur le bien fondé des demandes de M. [D] au titre des dossiers Venticom et Crédit Agricole:

Le tribunal a jugé s'agissant des dossiers susvisés non mentionnés dans la facturation de la société Bba Consultants que les éléments produits sont insuffisants pour fonder le principe et le montant des demandes en paiement formées par M. [D].

M. [D] qui précise avoir été sollicité par Mme [U] pour procéder à la rédaction d'écritures dans ces dossiers dans le cadre de contentieux prud'homaux, invoque à titre principal la responsabilité de l'intimée pour défaut d'exécution du contrat de prestations de service les liant et subsidiairement son enrichissement sans cause.

Sur la responsabilité contractuelle fondée sur le contrat de prestation de service :

Pour les motifs ci-avant dévelopés, les contrats de prestation de services allégués au titre des dossiers susvisés sont nuls pour objet illicite et leur annulation ne saurait donner lieu à une quelconque contrepartie au bénéfice de M. [D] qui ne justifie pas de la conclusion de tels contrats avec l'intimée.

Sur l'action en enrichissement sans cause :

M. [D] fait valoir l'enrichissement sans cause de Mme [U] qui a déjà perçu du fait de ses manoeuvres un important montant d'honoraire de résultat ne correspondant pas à la réalité des tâches accomplies par elle, mais très majoritairement par lui.

Mme [U] fait valoir :

- l'irrecevabilité de la demande au titre d'un enrichissement injustifié visant à contourner l'interdiction édictée par les articles 54 et suivants de la loi du 31 décembre 1971,

- l'absence d'appauvrissement de M. [D] et d'enrichissement corrélatif de sa part alors que les honoraires qu'elle a perçus sont le fruit de son travail réalisé au profit de ses clients et que M. [D] ne peut percevoir aucun honoraire,

- M. [D] est mal fondé à se prévaloir de sa propre turpitude et des ses mensonges.

L'action en enrichissement sans cause ne peut être introduite pour suppléer à une autre action qui se heurte à un obstacle de droit et les règles de l'enrichissement sans cause ne peuvent tenir en échec les dispositions de l'ordre public de la législation ayant trait à la règlementation de la profession d'avocat.

Au demeurant, il n'est justifié d'aucun enrichissement injustifié de Mme [U] au titre de la perception d'honoraires convenus avec ses clients et dont le partage avec M. [D] qui ne répond pas aux critères des dispositions de la loi du 31 décembre 1971 est prohibé.

La demande est donc infondée et doit être rejetée.

Sur la demande de condamnation pour procédure abusive :

Le tribunal a jugé que l'irrecevabilité ou le caractère infondé des demandes de M. [D] ne suffisent pas à caractériser un abus de droit de sa part, ni à démontrer sa mauvaise foi ou son intention malicieuse ou vexatoire dans l'exercice de son action.

Mme [U] fait valoir le caractère abusif de la procédure en ce que :

- le but de M. [D] est de capter à son profit une partie des condamnations pécuniaires qui ont été prononcées en faveur des cheminots, résultant de son travail et alors que M. [D] n'a le droit de percevoir aucun honoraire,

- il a mené une campagne de dénigrement et diffamation à son encontre auprès des [K] et des instances ordinales des avocats et du parquet, ainsi que par voie de presse afin de jeter le discrédit sur elle et d'inciter les cheminots à ne pas signer ses conventions d'honoraires, pour ensuite pouvoir capter ses honoraires,

- échouant dans cette demarche, il a imaginé la facturer ainsi que les cheminots au travers de sa société Bba Consultants créée le 28 mars 2018 et utilise la présente instance pour réclamer la rémunération d'une prestation illégale qu'il prétend avoir réalisée alors qu'en réalité c'est elle, en sa qualité d'avocate, qui a travaillé et défendu les [K] et obtenu la condamnation de la Scnf,

- il a tenté de tromper la religion de la cour en présentant des pièces mensongères et truquées afin de s'approprier une rémunération indue, faisant preuve de mauvaise foi et d'intention de lui nuire.

M. [D] réplique s'être borné à user de son droit d'ester en justice pour faire valoir ses droits dans le cadre du litige l'opposant à Mme [U].

La présente procédure se situe dans le contexte d'un long contentieux engagé auprès de Mme [U] devant diverses instances ordinales et juridictions, sans que les faits de diffamation et dénigrement allégués, dont les premiers relèvent de règles procédurales propres, ne soient établis par les pièces produites aux débats.

Il résulte cependant des développements ci-avant que M. [D] a produit en cause d'appel une pièce n°124 constitutive d'un faux afin de tromper la religion de la cour quant à la caractérisation d'un prétendu mandat reçu de la part des cheminots ayant trait à la perception d'honoraires.

La production d'une fausse pièce devant la cour réalisée pour les seuls besoins de la cause et afin de tromper la religion de la cour, établit que l'exercice de l'action en justice a dégénéré en abus de droit, M. [D] ne pouvant s'être mépris sur l'étendue de ses droits.

Le caractère abusif de la procédure, préjuciable à Mme [U] eu égard aux tracas causés alors même que ses honoraires ont été fixés en justice, justifie la condamnation de M. [D] à lui payer une indemnité de 8 000 euros.

Le jugement est donc confirmé sauf en ce qu'il a rejeté la demande indemnitaire de Mme [U].

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

M. [D] et la société Bba Consultants échouant sont condamnés in solidum aux dépens d'appel et à payer chacun à Mme [U] une indemnité de procédure de 7 000 euros.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté Mme [P] [U] de sa demande de dommages et intérêts,

Y ajoutant,

Dit irrecevable l'intervention volontaire accessoire de la société Bba Consultants,

Dit recevable l'intervention volontaire principale de la société Bba Consultants,

Déboute la société Bba Consultants de l'ensemble de ses demandes,

Statuant de nouveau,

Condamne M. [Z] [D] à payer à Mme [P] [U] une somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Condamne in solidum M. [Z] [D] et la société Bba Consultants à payer chacun à Mme [P] [U] une somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum M. [Z] [D] et la société Bba Consultants aux dépens d'appel.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 20/16837
Date de la décision : 19/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-19;20.16837 ?
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