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19/04/2023 | FRANCE | N°20/03364

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 19 avril 2023, 20/03364


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRET DU 19 AVRIL 2023



(n°2023/ , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/03364 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB32K



Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Mars 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 19/02875





APPELANT



Monsieur [T] [R]

[Adresse 1]

[Localité 3]
>

Représenté par Me Barbara GOUDET, avocat au barreau de PARIS, toque : C1899





INTIMÉE



S.A.R.L. EUROLOC CHAUFFEURS

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représentée par Me Sandra OHANA,...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRET DU 19 AVRIL 2023

(n°2023/ , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/03364 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB32K

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Mars 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 19/02875

APPELANT

Monsieur [T] [R]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Barbara GOUDET, avocat au barreau de PARIS, toque : C1899

INTIMÉE

S.A.R.L. EUROLOC CHAUFFEURS

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Sandra OHANA, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 février 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre

Madame Nadège BOSSARD, Conseillère

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES

La société Euroloc-chauffeurs a employé M. [R], né en 1983, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er avril 2016 en qualité de chauffeur poids lourds.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport.

Sa rémunération mensuelle brute moyenne s'élevait en dernier lieu à la somme de 2 406 €.

Par lettre notifiée le 27 décembre 2018, M. [R] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 7 janvier 2019.

M. [R] a ensuite été licencié pour faute grave par lettre notifiée le 10 janvier 2019 ; la lettre de licenciement indique :

« Nous faisons suite à l'entretien préalable du 7 Janvier 2019 à 9 h 00 au cours duquel nous vous avons demandé des explications sur les fautes que nous avons à vous reprocher.

Malgré vos explications, nous avons décidé de vous licencier pour faute grave.

En effet, le lundi 24 Décembre dernier, vous deviez prendre vos fonctions à 6 heures du matin pour effectuer votre tournée.

Nous avons été prévenus par notre cliente que vous n'étiez pas présent : nous avons alors tenté de vous joindre téléphoniquement de 9 h 14 à 11 h 22, soit 6 appels téléphoniques auxquels vous n'avez pas répondu.

Le même jour à 17 h 56, nous vous avons envoyé un e-mail pour connaître la raison de votre absence. Cet e-mail est resté sans réponse.

Nous n'avons eu aucune nouvelle de votre part pendant 2 jours : ce n'est que le 26 Décembre à 13 h 52 que vous nous avez enfin prévenu être en arrêt maladie.

Cet énième manquement à vos obligations nous oblige à vous licencier pour faute grave.

Depuis votre embauche, les mêmes faits se reproduisent trop fréquemment malgré nos rappels à l'ordre et avertissements. Nous vous rappelons que :

- le 15 Décembre 2016, vous receviez un premier avertissement suite à des fautes professionnelles et à un comportement inacceptable vis-à-vis de votre supérieur hiérarchique.

- le 6 Juin 2017, un second avertissement vous était notifié concernant une faute professionnelle chez un client et un comportement inacceptable vis-à-vis de ce client (Loxam rental) lequel nous a signifié qu'il ne souhaitait plus vous voir dans cette agence.

- le 8 Septembre 2017, nous vous avions également adressé un e-mail de rappel à l'ordre sur le respect de vos horaires et de vos temps de travail. Nous vous signalions également une attitude à revoir vis-à-vis de la clientèle.

- le 22 Juin 2018, nous vous avions adressé un e-mail vous informant d'une plainte de notre cliente, Loxam access, sur des livraisons en retard : nous vous rappelions à cette occasion que « toutes vos livraisons devaient être faites avant 8 h ».

- Enfin, le 13 Décembre 2018, nous étions à nouveau avertis à 8 h 32 que vous étiez malade alors que nous pensions que vous étiez à votre poste depuis 6 heures.

L'absence de respect de vos horaires désorganise gravement l'activité de l'entreprise et nuit à son image ce qui rend impossible votre maintien au sein de la société.

Ainsi, votre licenciement est donc immédiat, sans préavis ni indemnité de rupture.

Nous vous demandons de bien vouloir nous restituer les clés du camion que vous avez encore en votre possession et la carte as24 à votre nom qui vous a été confiée.

Nous tenons à votre disposition, à l'entreprise, l'ensemble des documents obligatoires de fin de contrat (attestation Pôle emploi, certificat de travail, solde de tout compte).

Nous vous signalons en outre que le salaire correspondant à la période pendant laquelle nous vous avons mis à pied à titre conservatoire vous sera versé à titre exceptionnel.

Enfin, vous pouvez faire une demande de précision des motifs du licenciement énoncés dans la présente lettre, dans les 15 jours suivant sa notification, par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé. ».

A la date de présentation de la lettre recommandée notifiant le licenciement, M. [R] avait une ancienneté de 2 ans et 9 mois et la société Euroloc-chauffeurs occupait à titre habituel 14 salariés lors de la rupture des relations contractuelles.

M. [R] a saisi le 4 avril 2019 le conseil de prud'hommes de Paris pour former les demandes suivantes :

« A TITRE PRINCIPAL,

' Dire que le licenciement de Monsieur [R] est nul

EN CONSEQUENCE :

' Ordonner la réintégration de Monsieur [R] au sein de EUROLOC CHAUFFEURS.

' Condamner la SARL EUROLOC CHAUFFEURS à payer à Monsieur [R] une somme correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulé entre son licenciement et sa réintégration.

Dire que ce préjudice est évalué à la somme est 19.248 € au 10 septembre 2019.

Dire que cette somme sera complétée au jour de la réintégration effective de Monsieur [R] par un montant mensuel de 2.406 € à compter du 11 septembre 2019.

avec intérêts au taux légal à compter de la date de convocation devant le Bureau de Conciliation.

A TITRE SUBSIDIAIRE,

Si par extraordinaire, la nullité du licenciement et la réintégration de Monsieur [R] n'étaient pas ordonnées,

' Dire que le licenciement de Monsieur [R] est imputable à l'employeur et est sans cause réelle et sérieuse

EN CONSEQUENCE :

' Condamner la société EUROLOC CHAUFFEURS à payer à Monsieur [T] [R] les sommes suivantes :

' indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :15.000,00 €

' Indemnité compensatrice de préavis : 4.812,00 €

' Indemnité de licenciement : 1.771,00 €

' Article 700 du CPC : 2.000,00 €.

avec intérêts au taux légal à compter de la date de convocation devant le Bureau de Conciliation.

' Condamner la société EUROLOC CHAUFFEURS en tous les dépens. »

Par jugement du 5 mars 2020, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes a rendu la décision suivante :

« Déboute M. [R] de l'ensemble de ses demandes.

Déboute la société Euroloc-chauffeurs de sa demande reconventionnelle. »

M. [R] a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le 9 juin 2020.

La constitution d'intimée de la société Euroloc-chauffeurs a été transmise par voie électronique le 23 juin 2020.

L'ordonnance de clôture a été rendue à la date du 3 janvier 2023.

L'affaire a été appelée à l'audience du 27 février 2023.

Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 11 avril 2022, M. [R] demande à la cour de :

« A TITRE PRINCIPAL,

' Dire que le licenciement de Monsieur [R] est nul

EN CONSEQUENCE :

' Ordonner la réintégration de Monsieur [R] au sein de EUROLOC CHAUFFEURS.

' Condamner la SARL EUROLOC CHAUFFEURS à payer à Monsieur [R] une somme correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulé entre son licenciement et sa réintégration.

Dire que ce préjudice est évalué à la somme est 101.052 € au 30 juin 2022.

Dire que cette somme de 101.052 € sera complétée au jour de la réintégration effective de Monsieur [R] par un montant mensuel de 2.406 € à compter du 30 juin 2022.

avec intérêts au taux légal à compter de la date de convocation devant le Bureau de Conciliation.

A TITRE SUBSIDIAIRE,

Si par extraordinaire, la nullité du licenciement et la réintégration de Monsieur [R] n'étaient pas ordonnées,

' Dire que le licenciement de Monsieur [R] est imputable à l'employeur et est sans cause réelle et sérieuse

EN CONSEQUENCE :

' Condamner la société EUROLOC CHAUFFEURS à payer à Monsieur [T] [R] les sommes suivantes :

' indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :15.000,00 €

' Indemnité compensatrice de préavis : 4.812,00 €

' Indemnité de licenciement : 1.771,00 €

' Article 700 du CPC : 3.000,00 €.

avec intérêts au taux légal à compter de la date de convocation devant le Bureau de Conciliation.

' Condamner la société EUROLOC CHAUFFEURS en tous les dépens. »

Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 11 avril 2022, la société Euroloc-chauffeurs demande à la cour de :

« Confirmer le jugement intervenu en toutes ses dispositions en déboutant M. [R] de toutes ses demandes,

A titre reconventionnel :

Condamner Monsieur [R] à payer à la société EUROLOC CHAUFFEURS la somme suivante :

' 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamner Monsieur [R] aux entiers dépens. »

Lors de l'audience présidée selon la méthode dite de la présidence interactive, le conseiller rapporteur a fait un rapport et les conseils des parties ont ensuite plaidé par observations et s'en sont rapportés pour le surplus à leurs écritures ; l'affaire a alors été mise en délibéré à la date du 19 avril 2023 par mise à disposition de la décision au greffe (Art. 450 CPC)

MOTIFS

Vu le jugement du conseil de prud'hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties auxquelles il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.

Sur la discrimination

Aux termes de l'article L.1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français.

Selon l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses mesures d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations :

- constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation sexuelle ou de son sexe, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable,

- constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d'entraîner, pour l'un des motifs précités, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés,

- la discrimination inclut tout agissement lié à l'un des motifs précités et tout agissement à connotation sexuelle, subis par une personne et ayant pour objet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement hostile, dégradant, humiliant ou offensant.

L'article L.1134-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En l'espèce, M. [R] invoque les faits suivants :

- l'absence justifiée pour raison de santé du 24 décembre au 6 janvier 2019 constitue la véritable cause de son licenciement ; c'est ce qu'indique la lettre de licenciement ;

- il n'existe aucun motif réel et sérieux à son licenciement, autre que la maladie ;

- il devait reprendre le travail le 7 janvier 2019, date à laquelle l'entretien préalable à son licenciement a été fixé.

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour dispose d'éléments suffisants pour retenir que M. [R] établit l'existence matérielle de faits pouvant laisser présumer l'existence d'une discrimination à son encontre.

La société Euroloc-chauffeurs fait valoir

- en réalité, M. [R] a manqué à son obligation contractuelle relative au respect de ses horaires de travail à de nombreuses reprises ;

- même si l'entreprise n'a fondé son licenciement que sur les derniers agissements fautifs non prescrits, soit les 13 et 24 décembre 2018, rien n'empêche de rappeler les agissements fautifs de même nature et antérieurs que M. [R] a commis ;

- ces éléments dépeignent parfaitement le comportement adopté par M. [R] qui depuis son embauche, est coutumier des retards et des absences non justifiées ;

- contrairement à ce que M. [R] invoque, la maladie n'est pas la cause de son licenciement ;

- le dernier manquement du 24 décembre a été l'élément déclencheur du licenciement ; l'existence de retards réitérés et fautifs est caractérisée en tous ses éléments ;

- M. [R] n'a pas justifié son absence « dès que possible » comme la convention collective le prévoit ;

- il a averti l'entreprise de son absence le 26 décembre 2018 à 13h52 (pièce employeur n° 13) alors même qu'il ne s'était pas rendu sur son lieu de travail depuis le 24 décembre 2018 à 6 heures et a laissé sans réponse les appels téléphoniques de l'entreprise et son courrier électronique (pièces employeur n° 14 et 10) ;

- rien ne prouve que M. [R] était dans l'incapacité de contacter son employeur plus tôt, c'est-à-dire, dès le 24 décembre 2018 ; en effet, comme le révèle l'attestation de consultation aux urgences dermatologiques, il ne s'est rendu aux urgences que le 26 décembre 2018 (pièce employeur n° 15 : Compte-rendu de consultation aux urgences dermatologiques du 26.12.2018) et un drainage d'un abcès au cou a été effectué ; le compte rendu de consultation du 26 décembre 2018 prescrit une exérèse d'un kyste en ville à réaliser sous 6 à 8 semaines avec un dermatologue : ce compte-rendu prouve l'absence de gravité de l'affection ;

- il n'a donc aucunement subi d'intervention chirurgicale lourde ou douloureuse qui aurait pu expliquer une impossibilité de justifier son absence auprès de l'entreprise, mais une simple prescription d'antibiotiques, de soins et de compresses (pièce employeur n° 16 : Ordonnance et prescription de médicaments).

La société Euroloc-chauffeurs produit ses pièces 3, 4, 5, 9, 10, 13 à 16 et 1 et 11

Pièce n°1 : Contrat de travail de Monsieur [R]

Pièce n°3 : Avertissement du 6 Juin 2017

Pièce n°4 : Email du 8 septembre 2017

Pièce n°5 : Email du 22 Juin 2018

Pièce n°9 : SMS Whatsapp du 13 décembre 2018

Pièce n°10 : Email du 24 Décembre 2018

Pièce n°11 : Extrait Article 15 Convention collective du transport routier

Pièce n°13 : SMS Whatsapp du 26 décembre 2018

Pièce n° 14 : Extrait du journal d'appel du 24 décembre 2018

Pièce n° 15 : Compte-rendu de consultation aux urgences dermatologiques

Pièce n° 16 : Ordonnance et prescription de médicaments

Il convient donc pour la cour d'apprécier préalablement si le licenciement pour faute grave est ou non justifié pour voir si l'employeur justifie qu'il a décidé de licencier M. [R] pour des éléments objectifs étrangers à toute discrimination relative à l'état de santé.

Il ressort de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige que M. [R] a été licencié pour les faits suivants : le lundi 24 décembre 2019, alors qu'il devait prendre vos fonctions à 6 heures du matin pour effectuer sa tournée, il n'a pas pris son travail et n'a prévenu son employeur que 2 jours plus tard le 26 décembre à 13 h 52 qu'il était en arrêt maladie et cela sans avoir répondu aux 6 appels téléphoniques passés par l'employeur le 24 décembre de 9 h 14 à 11 h 22, ni au courrier électronique qui lui a été adressé le même jour à 17 h 56.

Il ressort de l'article L. 1235-1 du Code du travail qu'en cas de litige, le juge à qui il appartient d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties ; si un doute subsiste il profite au salarié.

Quand le licenciement est prononcé pour faute grave, il incombe à l'employeur de prouver la réalité de la faute grave, c'est à dire de prouver non seulement la réalité de la violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail mais aussi que cette faute est telle qu'elle impose le départ immédiat du salarié, le contrat ne pouvant se poursuivre même pour la durée limitée du préavis.

Pour apprécier la gravité de la faute, les juges doivent tenir compte des circonstances qui l'ont entourée et qui peuvent atténuer la faute et la transformer en faute légère.

Si un doute subsiste sur la gravité de la faute reprochée, il doit profiter au salarié.

Il ressort de l'article 15 de la convention collective des transports routiers qu'est en absence irrégulière tout travailleur qui ne s'est pas présenté à son travail au jour et à l'heure prescrits par le tableau de service, sauf accord préalable avec l'employeur, s'il n'a pas justifié son absence par un motif valable dès que possible, et au plus tard dans un délai fixé à 3 jours francs, sauf en cas de force majeure.

Il ressort de l'article 6 du contrat de travail de M. [R] que M. [R] est tenu de prévenir immédiatement la société Euroloc-chauffeurs de toute absence pour maladie ou accident. Il devra fournir un certificat médical justifiant son absence dans les 48 heures.

La cour constate que le compte-rendu de consultation aux urgences dermatologiques de l'hôpital de [Localité 5] établi le 26 décembre 2018 mentionne :

« Provenance: domicile

Antécédents : 0

Traitements en cours 0

Histoire de la maladie :

bouton du cou depuis 48h sensible, pas d'émission de pus

sensation de fièvre il y a 72h, pas depuis; non mesurée

a essayé une crème antibactérienne sans effet

Description des lésions:

abcès collecté du cou de 5cm

Conclusion: drainage mise à plat d'un abcès cervical

Traitement: Augmentin 1 9 matin, midi, et soir pendant 7 jours

Paracétamol: 1 g x 4 par jour si douleurs (2 boites)

Algosterll 5*5cm : 1 par jour

Mepore 10*10cm : 1 par jour

Seringue de 10cc : 1 par jour

Serum physiologique en dosette

Betadine dermique en dosette à diluer avec le serum physiologique pour irrigation de l'abcès les premiers jours

' mediset l/jour

compresses stériles 2 paquets

QSP 30 jours

Soins d'abcès par IDE au cabinet de ville tous les jours WE et jours fériés inclus

lavage et Irrigation au serum physiologique

mèche d'algosteril

couvrir d'un pansement type MEPORE

jusqu'à cicatrisation complète

Devenir : RAD. Exérèse du kyste en ville, à distance de l'épisode Inflammatoire (dans 6 à 8 semaines minimum) avec un dermatologue qui pratique la chirurgie ou un chirurgien plasticien

Si pas d'amélioration après drainage, antibiotiques et soins locaux par l'IDE reconsulter directement aux urgences dermato »

Il résulte de l'examen des pièces versées aux débats et des moyens débattus que la société Euroloc-chauffeurs apporte suffisamment d'éléments de preuve pour établir le lundi 24 décembre 2019, alors que M. [R] devait prendre ses fonctions à 6 heures du matin pour effectuer sa tournée, il n'a pas prévenu immédiatement et en tout cas dés que possible son employeur qu'il ne prenait pas son travail et de fait que 2 jours plus tard le 26 décembre à 13 h 52 par un SMS indiquant qu'il était en arrêt maladie, qu'il n'a en outre pas répondu aux 6 appels téléphoniques passés par l'employeur le 24 décembre de 9 h 14 à 11 h 22, ni au courrier électronique qui lui a été adressé le même jour à 17 h 56 ; qu'il a ainsi manqué à son obligation contractuelle de prévenir immédiatement la société Euroloc-chauffeurs de toute absence pour maladie, et en tout cas dés que possible, étant précisé que le compte-rendu de consultation aux urgences dermatologiques de l'hôpital de [Localité 5] établi le 26 décembre 2018 prouve que M. [R] n'était pas dans l'incapacité de contacter son employeur dès le 24 décembre 2018 ; en effet, ce compte-rendu mentionne « Histoire de la maladie : bouton du cou depuis 48h sensible, pas d'émission de pus ; sensation de fièvre il y a 72h, pas depuis ; non mesurée ; a essayé une crème antibactérienne sans effet » et qu'un drainage d'un abcès au cou a été effectué lors de cette consultation ; en outre le compte rendu prescrit une exérèse d'un kyste en ville à réaliser sous 6 à 8 semaines avec un dermatologue, ce qui prouve suffisamment l'absence manifeste d'impotence et d'aphasie qui se déduit d'ailleurs des mentions précitées sur l'histoire de la maladie.

C'est donc en vain que M. [R] conteste la légitimité de son licenciement en soutenant qu'il a justifié de son absence dans les délais prévus par la convention collective ; en effet, la cour retient que ce moyen est mal fondé au motif que ce qui lui est reproché, c'est de ne pas avoir prévenu immédiatement et en tout cas dès que possible son employeur de son absence du 24 décembre 2018 alors qu'il souffrait seulement d'un abcès au cou pour lequel il s'est limité à mettre « une crème antibactérienne » et à aller consulter 2 jours plus tard le 26 décembre les urgences dermatologiques où un drainage a été effectué, ce qui suffit à démontrer qu'il n'avait pas perdu la parole (aphasie) ni la capacité à répondre au téléphone et à se mouvoir, ce qui ressort aussi de l'arrêt de travail pour maladie qu'il produit (pièce salarié n° 5) qui montre qu'il a été consulté un médecin de ville le 24 décembre 2018 pour un « kyste cervical infecté » : si M. [R] a pu se rendre chez un médecin de ville le 24 décembre 2018, il pouvait et devait prévenir son employeur par un simple appel téléphonique ou par un simple SMS.

La cour retient que cette faute constituée par le défaut de prévenance de son absence le 24 décembre 2018 en violation de l'obligation de prévenance fixée dans le contrat de travail est, avec le passé disciplinaire de M. [R], d'une gravité telle qu'elle imposait son départ immédiat, le contrat ne pouvant se poursuivre même pour la durée limitée du préavis ; en effet la cour retient que M. [R] s'est placé en dehors de tout lien de subordination et en dehors de son contrat de travail en s'abstenant délibérément de prévenir son employeur de son absence au travail le 24 décembre 2018 alors qu'il avait une tournée à effectuer et un client à livrer et en s'abstenant délibérément de répondre aux appels téléphoniques de son employeur et à son courrier électronique du même jour.

Compte tenu de ce qui précède, la cour retient que la société Euroloc-chauffeurs démontre que les faits matériellement établis par M. [R] sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. M. [R] a fait l'objet d'un licenciement pour faute grave non pas en raison de son état de santé comme il le soutient mais pour avoir manqué à ses obligations contractuelles de prévenance en cas d'absence et cela dans un contexte de réitérations des comportements fautifs mentionnés dans la lettre de licenciement et établis par les éléments de preuve produits.

Les demandes relatives à la nullité du licenciement doivent par conséquent être rejetées.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a jugé que le licenciement de M. [R] est justifié par une faute grave et en ce qu'il a débouté M. [R] de l'ensemble de ses demandes.

Sur les autres demandes

La cour condamne M. [R] aux dépens de la procédure de première instance et de la procédure d'appel en application de l'article 696 du Code de procédure civile.

Le jugement déféré est confirmé en ce qui concerne l'application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il n'apparaît pas inéquitable, compte tenu des éléments soumis aux débats, de laisser à la charge de la société Euroloc-chauffeurs les frais irrépétibles de la procédure d'appel.

L'ensemble des autres demandes plus amples ou contraires formées en demande ou en défense est rejeté, leur rejet découlant des motifs amplement développés dans tout l'arrêt.

PAR CES MOTIFS

La cour,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;

Ajoutant,

DÉBOUTE la société Euroloc-chauffeurs de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples et contraires ;

CONDAMNE M. [R] aux dépens de la procédure de première instance et de la procédure d'appel.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 20/03364
Date de la décision : 19/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-19;20.03364 ?
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