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19/04/2023 | FRANCE | N°20/02734

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 19 avril 2023, 20/02734


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 19 AVRIL2023



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/02734 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBZH5



Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Février 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 19/06323



APPELANTE



S.A. GROUPE KHERE

[Adresse 1]

[Localité 3]

Repré

sentée par Me Sylvie MESSICA SITBON, avocat au barreau de PARIS, toque : D1899



INTIMEE



Madame [V] [R] épouse [X]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Fanny RENOU, a...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 19 AVRIL2023

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/02734 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBZH5

Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Février 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 19/06323

APPELANTE

S.A. GROUPE KHERE

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Sylvie MESSICA SITBON, avocat au barreau de PARIS, toque : D1899

INTIMEE

Madame [V] [R] épouse [X]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Fanny RENOU, avocat au barreau de PARIS, toque : P0503

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président de chambre

Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère

Madame Florence MARQUES, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et Justine FOURNIER, Greffière présente lors de la mise à disposition.

***

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES

Mme [V] [R] épouse [X], née en 1968, a été engagée par la société FFE selon contrat de travail à durée indéterminée à compter du 10 octobre 1989 en qualité d'employée administrative.

L'entreprise, qui est filiale à 99 % de la holding de gestion la société Groupe Khere, édite des revues pour le compte d'associations.

Elle était chargée de suivre les prestations des graphistes externes indépendants à qui l'entreprise confiait les mises en page des publications et le contrôle de leur facturation.

Par lettre datée du 13 mai 2019, Mme [R] a été convoquée par la SA Groupe Khere à un entretien préalable fixé au 23 mai 2019, avec mise à pied conservatoire en vue d'un éventuel licenciement.

Celui-ci lui a été notifié pour faute grave par lettre datée du 29 mai 2019, dans les termes suivants.

« Dans le cadre de vos fonctions, vous aviez pour missions, entre autre, de valider et confirmer les devis et de contrôler les factures des maquettistes / graphistes extérieurs.

A ce titre, soit les factures vous parvenaient directement et vous les transmettiez à notre chef Comptable, Monsieur [T] pour règlement, soit Monsieur [T] les recevait et vous demandait votre accord pour règlement.

Or, lors d'un contrôle de la revue de l'INSA avec la Responsable de l'Association, Madame [Z], nous avons découvert avec stupéfaction que, depuis de nombreuses années, vous validiez les factures erronées émises par la graphiste de cette publication, Madame [I] [C].

Madame [C] facturait de la même façon les pages qu'elle réalisait et les pages de publicités transmises par nos annonceurs alors que ces dernières ne nécessitaient aucune intervention graphique de sa part.

De plus, cette facturation était établie sur le même prix de 30 euros HT la page, qu'elle soit réalisée par Madame [C] ou fournie par un annonceur. Or, le prix à la page que vous me présentiez dans vos différents courriels, en particulier ceux du 30 juillet 2015 et du 6 février 2017, faisait apparaitre exclusivement le prix de la page montée, comme il est d'usage dans notre profession et comme le font les graphistes externes, partenaires de notre entreprise.

Comble de la situation, nous avons également constaté que Madame [C] facturait deux fois la même prestation dans la même publication (la Revue Personnel) à savoir les publirédactionnels ; elle les intégrait dans la pagination totale de la revue et les facturait en supplément ; ainsi, ces pages nous étaient facturées 50 euros HT, au lieu de 30 euros HT.

(')

Quand je vous ai fait part de cette situation tout à fait anormale pour les deux raisons que je viens d'évoquer, vous en aviez convenu et aviez demandé à Madame [C] par courrier recommandé en date du 5 avril 2019 de corriger ces surfacturations. Cette dernière nous a fait répondre par son avocat, Maître Loullig BRETEL, en date du 25 avril, que le principe de facturation des publicités des annonceurs et de surfacturation des publirédactionnels «font partie d'un contrat liant ma cliente à votre société depuis 2005" soit après votre prise de fonction du poste de Responsable des Éditions (...).

' Mesdames [C], [N] et [H] surfacturaient leurs prestations, les autres respectaient leurs devis. Ainsi, ces trois maquettistes nous facturaient donc une prestation inexistante et, après contrôle de votre part, vous validiez ces factures auprès du Chef Comptable alors que cela ne correspondait à aucune prestation.

'Ce système a perduré depuis de très nombreuses années et le préjudice pour notre entreprise représente plus de 120.000 euros HT sur les 5 dernières années. Sachant que [I] [C] et [P] [N] sont prestataires de notre groupe depuis plus de 10 ans, le préjudice total est nettement supérieur».

A la date du licenciement, Mme [R] avait une ancienneté de 29 ans et 7 mois.

Contestant la légitimité de son licenciement, Mme [R] a saisi le 12 juillet 2019 le conseil de prud'hommes de Paris, des demandes suivantes :

- indemnité de licenciement conventionnelle : 62.309,57 euros,

- indemnité compensatrice de préavis : 11.462,46 euros,

- indemnité compensatrice de congés payés sur préavis : 1.146,25 euros,

- indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 114.624,60 euros,

- rappel de salaires pour la période de mise à pied conservatoire : 2.554,01 euros,

- dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité : 5.731,23 euros,

- dommages et intérêts pour violation de l'obligation de loyauté : 11.462,46 euros,

- article 700 du code de procédure civile : 2.500 euros,

- remise de l'attestation d'employeur destinée au Pôle Emploi,

- remise d'un certificat de travail,

- remise de bulletin(s) de paie,

- le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document à partir de la date du prononcé du jugement,

- exécution provisoire article 515 code de procédure civile,

- intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil,

- avec mise des dépens à la charge de la défenderesse.

Celle-ci s'est opposée à ces prétentions et a sollicité l'allocation de la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par lettre du 20 janvier 2020, la société FFE a déposé plainte auprès du parquet de Paris contre Mmes [C], [N] et [H] pour abus de confiance.

Par jugement du 20 février 2020, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes de Paris a déclaré le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamné la SA Groupe Khere à payer à Mme [R] épouse [X] les sommes suivantes :

* 62.309,75 euros d'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 11.462,46 euros d'indemnité compensatrice de préavis,

* 1.146,25 euros d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

* 2.554,01 euros de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire,

* 46.000,00 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En outre la juridiction a rappelé qu'en application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les intérêts couraient à compter de la réception, par la défenderesse, de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation pour les créances de nature salariale et à compter du prononcé du jugement pour les créances à caractère indemnitaire, a ordonné la remise des documents de fin de contrat rectifiés et a accordé à la salariée la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. La demanderesse a été déboutée du surplus de ses demandes et la SA Groupe Khere des siennes, avec mise des dépens à la charge de cette dernière.

Par déclaration du 21 mars 2020, le Groupe Khere a interjeté appel de cette décision, notifiée par lettre du greffe adressée aux parties le 2 mars 2020.

Le 9 juillet 2020, la SA Groupe Khere a déposé plainte une seconde fois mais avec constitution de partie civile devant le doyen des juges d'instruction pour abus de confiance contre Mmes [C], [N] et [H].

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 12 octobre 2022, le Groupe Khere, appelant et intimé à titre incident, demande à la cour de :

- débouter l'appelante de l'ensemble de ses demandes,

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a fixé la moyenne des salaires de Mme [V] [R] épouse [X] à la somme de 5.731,23 euros,

Y ajoutant :

- condamner Mme [R] à restituer à la société Groupe Khere la somme de 51.581,07 euros versées au titre de l'exécution provisoire,

- condamner Mme [R] à lui verser la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 18 septembre 2022, l'intimée demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a dit le licenciement de Mme [R] dépourvu de cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a ordonné la remise des documents de fin de contrat rectifiés, et :

- condamner la société Groupe Khere au paiement de la somme de 62.309,57 euros

d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- condamner la société Groupe Khere au paiement de l'indemnité compensatrice de préavis de 11.462,46 euros, outre la somme de 1.146,25 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

- condamner la société Groupe Khere au paiement d'un rappel de salaire pour la

période de mise à pied à titre conservatoire de 2.554,01 euros,

- infirmer le jugement, en ce qu'il a fixé le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 46.000 euros, en ce qu'il a débouté Mme [R] de sa demande de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité en ce qu'il a débouté Mme [R] de sa demande de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de loyauté, et en ce qu'il n'a pas fixé d'astreinte de 100 euros par jour de retard à partir de la date de prononcé du jugement dans le cadre de la remise des documents de fin de contrat,

- condamner la société Groupe Khere au paiement de la somme de 114.624,60 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société Groupe Khere au paiement de la somme de 5.731,23 euros de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité,

- condamner la société Groupe Khere au paiement de la somme de 11.462,46 euros de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de loyauté,

- enjoindre la société Groupe Khere de transmettre à Mme [X] les documents de fin de contrat rectifiés sous astreinte de 100 euros par jour de retard à partir de la date de prononcé de la décision,

- condamner la société Groupe Khere à la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- ordonner l'intérêt au taux légal à compter de la saisine du Conseil de Prud'hommes,

- condamner la société Groupe Khere aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 novembre 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 21 novembre 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

1 : Sur la licéité du licenciement

La SA Groupe Khere reproche à la salariée d'avoir validé depuis des années les factures trompeuses de trois graphistes, Mmes [C], [H] et [N] en ce que d'une part elle acceptait de tarifer de la même façon au prix de 30 euros HT la page, les pages qu'elles réalisaient et les pages de publicité qui ne nécessitait guère d'intervention de la part des graphistes et d'autre part qu'elle tarifait deux fois les mêmes prestations, à savoir les pages dites de plublirédactionnels, qui étaient des pages de publicité avec texte, pourtant simples à gérer et qui était comptées pour 30 euros HT comme les autres outre 20 euros HT en supplément. La société considère que Mme [V] [R] épouse [X] a violé sa mission de contrôle des factures dont la mise en oeuvre était d'une grande simplicité, sans tenir compte des directives qu'elle recevait sur les tarifs à appliquer. L'employeur souligne que ce n'est qu'à l'égard de ces trois graphistes que Mme [V] [R] épouse [X] laissait passer de telles facturations.

Elle relève que son préjudice sur les cinq dernières années était de 148 272,50 euros HT, et qu'il est en réalité bien plus important, sachant que Mmes [C] et [N] sont prestataires du groupe depuis plus de 10 ans. Elle souligne que cette pratique va contre le bon sens et l'usage de la profession.

Mme [V] [R] épouse [X] répond qu'elle n'avait pas la mission de valider les factures, qu'elle n'a jamais été promue responsable des éditions, et qu'elle n'a été affectée à cette fonction qu'en 2011, sans qu'aucune fiche de poste ne lui fixât précisément son rôle. Le contrôle en revenait au directeur général qui était destinataire des notes d'honoraires de Mme [C], il traitait du recrutement des graphistes ainsi que les prix, qui étaient différents d'un graphiste à l'autre.

Elle prétend que la véritable cause de la rupture est la suppression de son poste pour faire des économies, cette entreprise ayant l'habitude, au demeurant, d'éviter les contraintes du salariat en demandant à ses employés d'adopter le statut d'autoentrepreneur, ce que Mme [V] [R] épouse [X] aurait refusé.

Sur ce

Il résulte des articles L. 1234 - 1 et L. 1234 -9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à préavis ni à indemnité de licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

Il résulte de la combinaison d'une part des courriels et lettres de demande d'explications que Mme [V] [R] épouse [X] a envoyés aux trois graphistes auxquelles sont imputées les surfacturations anormales et d'autre part d'une attestation concordante de M. [T], chef comptable du groupe, que la salariée avait pour mission de s'entendre avec les graphistes sur les prix et d'apposer les lettres 'OK' sur les factures après s'être assurée qu'elles étaient bien dues.

La pratique qui consistait à accepter une facturation des pages de publicité à intégrer égale à celles des autres pages soit 30 euros ou à facturer plus encore, à hauteur de 50 euros, les publi-rédactionnels était contraire à la pratique des autres graphistes et aux usages de la profession, ainsi que le démontrent des attestations de professionnels et le certificat du commissaire au compte de la société, qui indiquent que les prestations correspondant à ces pages étaient moins facturées voire pas facturées du tout en règle générale.

Ces tâches n'exigeaient pas nécessairement de directives écrites et au demeurant, le dossier révèle que jamais l'intéressée ne s'est interrogée sur la politique qu'il y avait tenir. Il était au contraire désinvolte de sa part de ne pas s'être posé de questions au vu des différences existantes entre les demandes des trois graphistes en cause et celle des autres, à moins qu'il ne s'agisse d'une manifestation d'une absence totale d'étude des factures.

Le commissaire aux comptes précise par ailleurs que 'le montant total des surfacturations' imputables au manque de contrôle de Mme [V] [R] épouse [X] s'élève à 148 272,50 euros.

Ainsi, il apparaît que celle-ci a manqué à sa mission en s'abstenant de procéder à des vérifications simples pendant cinq ans, alors que l'affectation à l'exécution d'une telle tâche ne saurait s'analyser comme une modification du contrat de travail.

Néanmoins, il n'est pas établi qu'elle agissait autrement que par négligence fautive.

Même à supposer que la société n'ait pas remplacé Mme [V] [R] épouse [X] après son départ dans le cadre d'une réorganisation, le licenciement n'en demeure pas moins fondé au regard des motifs qui précèdent, car les fautes de la salariée conduisait normalement à un licenciement.

Compte tenu de cette analyse combinée à la grande ancienneté de la salariée dans l'entreprise, le maintien de Mme [V] [R] épouse [X] dans l'entreprise le temps du préavis n'était pas exclu, de sorte que seule une faute simple peut être retenue.

2 : Sur les conséquences financières du licenciement

Les calculs précis et non contredit par la salariée conduisent la cour à lui allouer les sommes demandées, au titre du préavis de deux mois en application de l'article 49 de la convention collective, de l'indemnité de licenciement en application de l'article 31 de cette même convention collective compte tenu de son ancienneté, préavis compris. La cour reprend également le calcul de la société s'agissant du rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire.

En revanche, la demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ne peut qu'être rejetée.

Au vu des motifs qui précèdent, il sera ordonné la délivrance des documents de fin de contrat dans les conditions prévues au dispositif, sans qu'il soit nécessaire de fixer une astreinte. Il conviendra d'infirmer le jugement sur ce point, en ce qu'il n'a pas précisé les documents à fournir.

3 : Sur la demande de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de loyauté

Mme [V] [R] épouse [X] sollicite la condamnation de l'employeur à lui verser la somme de 11 462,46 euros en réparation d'un manquement de celui-ci à l'obligation de loyauté aux motifs que d'une part, il l'avait soumise à un chantage en lui indiquant que si elle acceptait de démissionner et de devenir autoentrepreneur, elle ne serait pas licenciée pour faute grave et, d'autre part, il n'aurait pas procédé aux déclarations auprès des organismes sociaux et notamment de retraite, relatives aux quatre premiers mois de l'année 1996, et aux années 2013, 2016 et 2017.

La SA Groupe Khere conteste ces faits.

Sur ce

Aux termes de l'article L.1222-1 du Code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

La seule trace du prétendu chantage invoqué figure sur le compte rendu d'entretien préalable rédigé par le conseiller du salarié, qui rapporte que le 13 mai précédent, son employeur lui a reproché de ne pas avoir vérifié les factures, qu'il envisageait en conséquence de la licencier, mais qu'en même temps, il lui a proposé de devenir autoentrepreneur si elle démissionnait. L'employeur, poursuit ce témoin, a précisé au cours de l'entretien préalable ne plus envisager une telle solution.

Cette démarche, qui n'impliquait pas nécessairement de laisser à la salariée les mêmes responsabilités que celles découlant de son contrat de travail dans le cadre d'une activité indépendante, ne saurait être qualifiée d'exécution de mauvaise foi du contrat de travail, la proposition qui pouvait intéresser Mme [V] [R] épouse [X] n'apparaissant pas violer une quelconque obligation légale.

S'agissant des droits à la retraite, la salariée en réalité ne se prévaut que d'un relevé de retraite complémentaire où elle n'apparaît pas sur les périodes précitées.

Or la salariée ne démontre aucune obligation de l'employeur à ce titre.

Par suite, la demande de dommages-intérêts sera rejetée.

4 : Sur la demande de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de prévention

Mme [V] [R] épouse [X] sollicite l'allocation de la somme de 5 731,23 euros de dommages-intérêts en réparation du manquement de l'employeur pour manquement à l'obligation de sécurité en ce qu'en trente ans de carrière professionnelle à son service, aucune visite médicale n'a été organisée pour elle et en ce qu'à la suite d'un chantage laissant à Mme [V] [R] épouse [X] le choix laissé lors d'un entretien du 13 mai 2019 entre un licenciement pour faute grave et la démission avec adoption du statut d'autoentrepreneur, elle a fait l'objet d'un malaise qui a été reconnu comme accident du travail après que la société a mis un mois pour procéder à la déclaration d'accident du travail. Mme [V] [R] épouse [X] souligne qu'à la suite de cet événement elle a dû subir un lourd traitement médicamenteux, s'est trouvée dans l'impossibilité de retravailler et a été placée en invalidité catégorie 2.

Sur ce

En vertu de l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur est tenu d'une obligation de sécurité en matière de protection de la santé physique et mentale de ses préposés. Il doit mettre en oeuvre des mesures nécessaires pour garantir la sécurité et protéger la santé physique et mentale des salariés, à savoir tant des actions de prévention que l'organisation de moyens adaptés et l'amélioration des situations existantes. Il doit assurer l'effectivité des mesures tendant à identifier, prévenir et gérer les situations pouvant avoir un impact négatif sur la santé du salarié.

L'article L.4121-2 prévoit que l'employeur met en oeuvre ces mesures sur le fondement des principes généraux de prévention suivants : éviter les risques, évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités, combattre les risques à la source, adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé, tenir compte de l'état d'évolution de la technique, remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux, planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l'article L. 1142-2-1, rendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle et donner les instructions appropriées aux travailleurs.

Il appartient au salarié en cas de manquement de l'employeur à cet égard de justifier de son préjudice.

Une attestation du 13 mai 2019 de M. [O], autre salarié de la société, et le rapport d'intervention des pompiers établissent que l'intéressée a eu une crise d'angoisse avec malaise à la suite de l'entretien qu'elle a eu avec l'employeur le même jour. Les documents médicaux versés aux débats prouvent que Mme [V] [R] épouse [X] a subi un traitement médicamenteux et s'est vu prescrire des séances de kinésithérapie après la rupture avant d'être admise au bénéfice d'une pension d'invalidité établie par une attestation du 13 septembre 2022.

La notification par l'employeur à la salariée le 13 mai 2019 du projet de licenciement a nécessairement perturbé la salariée. Il a été relevé que le 'chantage' reproché par Mme [V] [R] épouse [X] à la société ne peut être considéré comme fautif.

Ainsi ce malaise qui résulte des fautes reprochées à juste titre à la salariée et du projet légitime de rupture, ne peut être reproché à celui-ci qui, devant l'état de Mme [V] [R] épouse [X], a pris immédiatement les mesures adéquates en appelant les pompiers qui ont amené l'intéressée aux urgences.

Il n'est pas démontré que l'absence de visite médicale ait provoqué un préjudice à la salariée qui au demeurant ne s'explique pas sur la nature de celui-ci.

Aussi la demande de dommages-intérêts en question sera rejetée.

5 : Sur les intérêts

Conformément aux dispositions de l'article 1231-7 du code civil, les intérêts au taux légal courent sur les créances salariales à compter de l'accusé de réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation et sur les créances indemnitaires à compter du présent arrêt

6 : Sur la demande de remboursement de la SA Groupe Khere, sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

La demande de remboursement des sommes versées au titre de l'exécution provisoire est en tout état de cause sans objet, dès lors que la présent arrêt infirmatif vaut titre exécutoire.

Au vu de la solution retenue, il convient de rejeter les demandes des parties au titre des frais irrépétibles.

Pour le même motif chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.

PAR CES MOTIFS,

Statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe et en dernier ressort ;

Confirme le jugement déféré, sauf sur les demandes de Mme [V] [R] épouse [X] en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de délivrance des documents de fin de co, d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens ;

Rejette la demande de Mme [V] [R] épouse [X] en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Ordonne la remise par la SA Groupe Khere à Mme [V] [R] épouse [X] dans le mois de la signification du présent arrêt d'un bulletin de paie récapitulatif, d'une attestation Pôle Emploi et d'un certificat de travail conformes à la présente décision, sans fixation d'une astreinte ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens de première instance ;

Y ajoutant ;

Rejette les demande de la SA Groupe Khere et de Mme [V] [R] épouse [X] au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens d'appel ;

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 20/02734
Date de la décision : 19/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-19;20.02734 ?
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