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19/04/2023 | FRANCE | N°19/16864

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 5, 19 avril 2023, 19/16864


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 5



ARRET DU 19 AVRIL 2023



(n° /2023,10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/16864 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAS4Y



Décision déférée à la Cour : jugement du 21 juin 2019 - tribunal de grande instance de CRÉTEIL - RG n° 18/07913





APPELANTE



S.C.I. LE CLOS DES MUSICIENS pris en la personne

de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représentée par Me Xavier SAVIGNAT de la SCP GABORIT RUCKER, avocat au barreau ...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 5

ARRET DU 19 AVRIL 2023

(n° /2023,10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/16864 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAS4Y

Décision déférée à la Cour : jugement du 21 juin 2019 - tribunal de grande instance de CRÉTEIL - RG n° 18/07913

APPELANTE

S.C.I. LE CLOS DES MUSICIENS pris en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Xavier SAVIGNAT de la SCP GABORIT RUCKER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0297

INTIMEE

S.A.R.L. AUXILIAIRE DE VOIRIE IDF agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Jean-claude CHEVILLER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0945

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 décembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Elise THEVENIN-SCOTT, conseillère chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Mme Marie-Ange SENTUCQ, présidente de chambre

Mme Elise THEVENIN-SCOTT, conseillère

Mme Alexandra PELIER-TETREAU, vice-présidente placée faisant fonction de conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Nora BENDERRADJ

ARRET :

- contradictoire.

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Elise THEVENIN-SCOTT, et par Manon CARON, greffière, présente lors de la mise à disposition.

EXPOSE DU LITIGE

La SCI LE CLOS DES MUSICIENS a entrepris une opération de promotion immobilière sur un terrain sis [Adresse 1], conduisant à la construction d'un immeuble comprenant plusieurs appartements. Elle a assuré elle-même la maîtrise d''uvre.

Suivant marché du 22 décembre 2015, elle a confié à la SARL SOCIETE AUXILIAIRE DE VOIRIE IDF la réalisation de travaux portant sur les lots n° 03 (VRD Voirie Réseaux) et 04 (Terre végétale) pour un montant global net, forfaitaire définitif et non révisable de 60.600 euros.

Les travaux ont été réceptionnés avec réserves le 24 février 2016.

Par acte du 24 septembre 2018, la SARL SOCIETE AUXILIAIRE DE VOIRIE IDF a fait citer la SCI Le Clos des Musiciens devant le tribunal de grande instance de Créteil afin d'obtenir le paiement du solde du marché.

Par jugement contradictoire du 21 juin 2019, le tribunal de grande instance de Créteil a :

Condamné la SCI Le Clos des Musiciens à payer à la SARL Société Auxiliaire de Voirie IDF:

11 514 euros au titre du solde de son marché de travaux,

2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Ordonné l'exécution provisoire du jugement,

Condamné la SCI Le Clos des Musiciens aux dépens de 1'instance,

Rejeté le surplus des demandes des parties.

Le 19 août 2019, la SCI LE CLOS DES MUSICIENS a interjeté appel du jugement précité.

Par conclusions signifiées le 25 octobre 2019, la SARL SOCIETE AUXILIAIRE DE VOIRIE IDF a saisi le magistrat chargé de la mise en état pour solliciter la radiation du rôle de l'affaire inscrite au répertoire général sous le numéro 19/16864.

Par ordonnance du 14 mars 2020, les demandes de la SARL SOCIETE AUXILIAIRE DE VOIRIE IDF ont été rejetées.

Aux termes de ses dernières conclusions au fond signifiées par voie électronique le 19 mai 2020, la SCI LE CLOS DES MUSICIENS demande à la cour de :

Vu l'article 122 du Code de Procédure Civile,

Vu la norme AFNOR NFP03-001 notamment en son article 21.2 ;

Vu l'article 1134 alinéa 1 du Code Civil,

INFIRMER le jugement en ce que :

la fin de non-recevoir de la SCI LE CLOS DES MUSICIENS a été rejetée ;

la SCI LE CLOS DES MUSICIENS a été condamnée à payer à la société AUXILIAIRE DE VOIERIE IDF :

la somme de 11.514 euros TTC au titre du solde de son marché ;

la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du CPC.

la SCI LE CLOS DES MUSICIENS a été condamnée aux dépens de l'instance.

Statuant à nouveau :

DIRE irrecevable la société AUXILIAIRE DE VOIERIE IDF en ses demandes faute de respect de la procédure de consultation obligatoire préalablement à l'introduction de l'instance.

DIRE infondée la société AUXILIAIRE DE VOIERIE IDF en sa demande de condamnation au titre du solde de son marché de travaux.

En tout état de cause :

REJETER l'ensemble des demandes fins et conclusions de la société AUXILIAIRE DE VOIERIE IDF.

CONDAMNER la société AUXILIAIRE DE VOIERIE IDF à payer à la SCI LE CLOS DES MUSICIENS la somme de 3.000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.

La CONDAMNER aux entiers dépens et AUTORISER Maître Xavier SAVIGNAT à en poursuivre le recouvrement en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions au fond signifiées par voie électronique le 19 octobre 2020, la SARL AUXILIAIRE DE VOIRIE IDF demande à la cour de :

Vu les dispositions des articles 1231-6 et 1343-3 du Code civil,

Vu les dispositions de l'article L. 441-6 du Code de commerce,

Vu les dispositions des articles 515, 696 et 700 du Code de procédure civile,

Vu la loi du 16 juillet 1971 et notamment son article 2,

Vu la norme AFNOR NF P 03-001,

CONFIRMER le Jugement de première instance en ce qu'il a :

rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la SCI LE CLOS DES MUSICIENS ;

condamné la SCI LE CLOS DES MUSICIENS au paiement de la somme de 11.514 euros TTC au titre du solde de son marché et de la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné la SCI LE CLOS DES MUSICIENS aux dépens de l'instance ;

DEBOUTER la SCI LE CLOS DES MUSICIENS de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

Et statuant à nouveau :

CONDAMNER la SCI LE CLOS DES MUSICIENS à verser à la Société AUXILIAIRE DE VOIRIE IDF la somme de 1 67,7 euros TTC correspondant aux intérêts moratoires ;

CONDAMNER la SCI LE CLOS DES MUSICIENS à payer à la Société AUXILLIAIRE DE VOIRIE IDF la somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts ;

ORDONNER la capitalisation des intérêts au titre des sommes dues ;

En tout état de cause,

CONDAMNER la SCI LE CLOS DES MUSICIENS à payer à la société AUXILLIAIRE DE VOIRIE IDF la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNER la SCI LE CLOS DES MUSICIENS aux entiers dépens de l'instance.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 22 novembre 2022. L'affaire a été appelée à l'audience de plaidoiries du 7 décembre 2022 et mise en délibéré au 19 avril 2023.

MOTIVATION

Sur la fin de non-recevoir

La SCI LE CLOS DES MUSICIENS soulève une fin de non-recevoir tirée du non-respect par la SARL AUXILIAIRE DE VOIRIE IDF des dispositions de l'article 21-2 de la norme AFNOR P03 001 imposant aux parties une consultation pour examiner l'opportunité de soumettre le différend relatif au règlement du marché à un arbitrage. L'appelante reproche au jugement d'avoir écarté l'irrecevabilité soulevée en considérant cette procédure comme étant non-obligatoire.

La SARL AUXILIAIRE DE VOIRIE IDF sollicite, à l'inverse, la confirmation de la décision de première instance, estimant que la clause visée par la SCI LE CLOS DES MUSICIENS ne figure pas dans la liste des normes obligatoires de la norme AFNOR P03 001. Elle ajoute que cette disposition ne peut s'analyser comme étant une clause compromissoire obligeant les parties à soumettre leur litige à un arbitrage préalable. Enfin, la SARL AUXILIAIRE DE VOIRIE IDF considère avoir tenté une procédure amiable en adressant, avant saisine de la juridiction, une mise en demeure à la SCI LE CLOS DES MUSICIENS, qui n'a pas répondu et a donc, de fait, refusé tout procédure amiable de résolution du litige.

Réponse de la cour :

En application de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

L'article 124 du même code précise que les fins de non-recevoir doivent être accueillies sans que celui qui les invoque ait à justifier d'un grief et alors même que l'irrecevabilité ne résulterait d'aucune disposition expresse.

La liste dressée par l'article 122 du code de procédure civile n'est pas limitative.

Le moyen tiré du défaut de mise en 'uvre d'une clause qui institue une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge constitue une fin de non-recevoir qui s'impose au juge si les parties l'invoquent.

En l'espèce, il est constant que les parties ont fait entrer dans le champ contractuel la norme AFNOR P03 001 et plus particulièrement son article 22-1 qui prévoit : « Pour le règlement des contestations qui peuvent s'élever à l'occasion de l'exécution ou du règlement du marché, les parties contractantes doivent se consulter pour examiner l'opportunité de soumettre leur différend à un arbitrage ou pour refuser l'arbitrage ».

Cet article ne saurait s'analyser comme instituant une procédure de conciliation obligatoire, préalable à la saisine du juge, laquelle se définit d'une part, comme l'accord par lequel deux personnes en litige y mettent fin et, d'autre part, comme la phase de la procédure au cours de laquelle il est tenté de parvenir à cet accord, ce que n'est pas un simple contact en vue d'éventuellement soumettre un litige à l'arbitrage. La clause litigieuse n'obligeant pas les parties à la mise en place d'une procédure de conciliation préalable obligatoire, son non-respect ne saurait être sanctionné par l'irrecevabilité du recours judiciaire.

Par conséquent, le jugement ayant écarté cette fin de non-recevoir sera confirmé.

Sur le solde du marché

A titre liminaire il convient de rappeler la chronologie non contestée des échanges entre parties :

22 décembre 2015 signature du marché pour des travaux d'un montant forfaitaire de 60 600 euros TTC, pour un démarrage du chantier prévu dans le contrat au 16 novembre 2015

19 novembre 2015 : Situation n°1, réglée, d'un montant de 12 744 euros TTC

17 décembre 2015 : Situation n°2, réglée, d'un montant de 36 342 euros TTC

24 Février 2016 procès-verbal de réception avec réserves

17 mars 2016 établissement d'une facture intitulée « décompte final » par la SARL AUXILIAIRE DE VOIRIE IDF pour un montant total de 5 454 euros TTC et d'un « Décompte final » d'un montant de 6 060 euros, soit un total de 11 514 euros TTC

13 septembre 2016 : lettre recommandée avec avis de réception de la SCI LE CLOS DES MUSICIENS notifiant à la SARL AUXILIAIRE DE VOIRIE IDF de nouvelles réserves et lui demandant de procéder à la levée de l'ensemble des réserves

23 novembre 2016 : Établissement du décompte général définitif par la SCI LE CLOS DES MUSICIENS

24 septembre 2018 : Assignation en paiement de la SARL AUXILIAIRE DE VOIRIE IDF

La SCI LE CLOS DES MUSICIENS, s'oppose au règlement des sommes réclamées par la SARL AUXILIAIRE DE VOIRIE IDF en faisant valoir, tout d'abord, que la facture du 17 mars 2016 n'a pas été établie après constat contradictoire de l'état d'avancement des travaux et suivant la procédure prévue par l'article 3 paragraphe 1 du marché.

Elle ajoute que le procès-verbal du 24 février 2016 comporte des réserves qui n'ont jamais été levées par la SARL AUXILIAIRE DE VOIRIE IDF. Ces réserves sont d'importance, contrairement à ce qu'a considéré le tribunal de grande instance en raison de leur nombre et du fait que l'une d'elle (livraison de terre végétale) constitue une partie même du marché conclu et représentant un tiers de celui-ci.

En outre, la SCI LE CLOS DES MUSICIENS conteste avoir accepté tacitement le mémoire définitif de la SARL AUXILIAIRE DE VOIRIE IDF dès lors que celui-ci a été établi avant la levée des réserves et est donc sans aucun effet.

Se fondant sur son propre décompte général définitif du 23 novembre 2016, la SCI LE CLOS DES MUSICIENS affirme que le solde du marché est négatif pour la SARL AUXILIAIRE DE VOIRIE IDF qui est redevable, à son égard, d'une somme de 1 678,47 euros dont elle demande le paiement. Elle souligne que son décompte général définitif n'a pas été contesté par l'entreprise et est donc réputé accepté.

La SARL AUXILIAIRE DE VOIRIE IDF sollicite la confirmation du jugement ayant condamné la SCI LE CLOS DES MUSICIENS à lui régler l'intégralité du mémoire définitif du 17 mars 2016. Elle ne conteste pas l'existence de réserves listées dans le procès-verbal de réception, mais estime qu'elles sont minimes et ne justifient pas l'exception d'inexécution que tente d'opposer la SCI LE CLOS DES MUSICIENS pour échapper au règlement des sommes dues. Elle ajoute que les principales réserves ont été levées (envoi du dossier ouvrage exécuté et des documents administratifs), et que celle notifiée en septembre 2016 n'a pas été constatée contradictoirement.

S'agissant de l'établissement de la situation n°3 intitulée « Décompte final », elle conteste l'absence de constat contradictoire de l'état d'avancement des travaux dès lors que celle-ci a été établie après les opérations de réception nécessairement contradictoires. Or, la réception marque la fin du contrat et atteste de l'achèvement des travaux.

Elle ajoute qu'en l'absence d'observation ou de réponse du maître d'ouvrage sur le mémoire définitif, dans le délai imparti par les articles 19-5-1, 19-6 et 19-6-2 de la norme AFNOR P03-001 à laquelle les parties ont entendu soumettre leurs relations, la SCI LE CLOS DES MUSICIENS est réputé avoir accepté celui-ci et ne peut plus s'opposer à son règlement.

Le tribunal de grande instance de CRETEIL a fait droit aux demandes en paiement de la SARL AUXILIAIRE DE VOIRIE IDF en considérant que l'absence de levée de toutes les réserves ne peut être justifiée par le non-paiement du solde des travaux, mais n'est toutefois pas de nature à affranchir le maître d'ouvrage de son obligation de paiement du solde dans la limite du coût des travaux de reprise subséquent. Il ajoute que la preuve de travaux de reprise et donc d'un préjudice n'est pas faite par la SCI LE CLOS DES MUSICIENS, pas plus que n'est démontrée la réalité des réserves supplémentaires dénoncées le 23 novembre 2016.

Réponse de la cour :

L'article 1134 code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 applicable aux faits d'espèce, énonce que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

En application de l'article 1315 du code civil, il appartient à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

En l'espèce, il n'est pas contesté que les relations des parties sont régies par les pièces suivantes, par ordre de prévalence en cas de contradictions entre elles :

Le marché du 22 décembre 2015,

Un cahier des clauses administratives particulières,

Un cahier des clauses administratives générales

La norme AFNOR P03-001.

Le point 3 du marché prévoit que « les factures sont établies après un état contradictoire mensuel d'avancement des travaux, sur lesquels les parties engagent leur accord. Les règlements seront adressés après réception des factures libellées en 3 originaux, par chèque à 30 fin de mois ».

L'article 3-2-6 du cahier des clauses administratives particulières précise que « l'avancement sera établi contradictoirement en pourcentage et d'un commun accord entre le contractant général et l'entreprise. (') En fin d'opération, l'entrepreneur remet son projet de décompte définitif qui est traité dans les mêmes conditions que les projets de décomptes mensuels ».

L'article 3-4-7 du cahier des clauses administratives générales relatif à l'arrêté de comptes du marché énonce que « dans le délai de 60 jours à compter de la réception (') l'entrepreneur remet au contractant général le mémoire définitif des sommes qu'il estime lui être dû en application du marché. (')

Le contractant examine le mémoire définitif et établit le décompte général définitif (')

Le maître d'ouvrage notifie à l'entrepreneur ce décompte général définitif dans un délai de 45 jours à dater de la réception du mémoire définitif. »

Enfin, il ressort de l'article 19-6-2 de la norme AFNOR P03-001 que si dans le délai de 45 jours, le maître de l'ouvrage n'a pas notifié le décompte définitif à l'entrepreneur, il est réputé avoir accepté le mémoire définitif remis au maître d''uvre.

Il a déjà été indiqué que l'entreprise a établi deux documents le 17 mars 2016, adressé par lettre recommandée avec avis de réception à la SCI LE CLOS DES MUSICIENS :

Situation de travaux 3 N°160304 ' Décompte final du 17/03/2016, facturé à la SCI LE CLOS DES MUSICIENS, pour 5 454 euros TTC

Situation de travaux 3 N°160304 ' Décompte final, daté du 17 mars 2016, pour 6 060 euros TTC

Il doit donc être considéré que le mémoire définitif a fait l'objet, en réalité, de la rédaction de deux documents, rédigés concomitamment, établissant l'ensemble des sommes restant dues à l'entreprise. Cette analyse est confortée par le fait que le total des deux sommes correspond au montant du marché déduction faite des sommes déjà versées, et que ce même montant (11 514 euros) est repris dans le décompte général définitif qui sera établi par la SCI LE CLOS DES MUSICIENS le 23 novembre 2016.

S'agissant du caractère contradictoire de ces documents, il ne peut être affirmé qu'ils auraient été établis sans constat contradictoire de l'achèvement des travaux puisque, précisément, ils ont été dressés par la SARL AUXILIAIRE DE VOIRIE IDF à l'issue de la réception, opération contradictoire marquant la fin du chantier. En outre, il ne résulte pas du procès-verbal du 24 février 2016 que les réserves soient liées à l'inachèvement des travaux.

Par ailleurs, et surtout, le mémoire définitif, établi le 17 mars 2016, a été reçu par lettre recommandée avec avis de réception par la SCI LE CLOS DES MUSICIENS le 22 mars 2016, alors que le décompte général définitif de cette dernière n'a été établi que le 23 novembre 2016, soit au-delà du délai de 45 jours prévu contractuellement. Ce faisant, la SCI LE CLOS DES MUSICIENS est réputée l'avoir accepté et ne peut plus le contester, y compris au titre des réserves qui n'auraient pas été levées.

En conséquence, le jugement ayant condamné la SCI LE CLOS DES MUSICIENS à payer à la SARL AUXILIAIRE DE VOIRIE IDF la somme de 11 514 euros TTC sera confirmé.

III. Sur les intérêts moratoires et la demande de dommages-intérêts complémentaires

La SARL AUXILIAIRE DE VOIRIE IDF demande à la cour, sur le fondement combiné des articles 1231-6 alinéas 1 et 2 du code civil et L.441-6 du code du commerce la condamnation de la SCI LE CLOS DES MUSICIENS à lui verser la somme de 1 267,70 euros à titre de dommages-intérêts moratoires correspondant au cumul des intérêts dus en application de l'article 1231-6 du code civil (intérêts au taux légal de 1,01 %) et les pénalités de retard au titre de l'article L.441-6 du code de commerce (taux BCE majoré de 10 points, soit 10 % au 24 février 2016).

Elle sollicite, en outre, la capitalisation des intérêts.

En outre, arguant de la mauvaise foi de la SCI LE CLOS DES MUSICIENS et d'un préjudice financier et de trésorerie, la SARL AUXILIAIRE DE VOIRIE IDF demande sa condamnation à lui verser une somme de 1 500 euros de dommages-intérêts en application de l'article 1231-6 alinéa 3 du code civil.

La SCI LE CLOS DES MUSICIENS sollicité la confirmation du jugement sur ce point en raison de l'absence de faute de sa part.

Le jugement a débouté la SARL AUXILIAIRE DE VOIRIE IDF de ses demandes en première instance estimant que les pénalités de retard n'étaient justifiées par aucune des pièces communiquées.

Réponse de la cour :

Il convient de rappeler que la relation contractuelle ayant existé entre la SCI LE CLOS DES MUSICIENS et la SARL AUXILIAIRE DE VOIRIE IDF est issue d'un marché signé le décembre 2015, et se trouve donc soumise aux dispositions du code civil antérieures à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016.

L'article 1153 du code civil alors applicable énonce que « Dans les obligations qui se bornent au paiement d'une certaine somme, les dommages-intérêts résultant du retard dans l'exécution ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts au taux légal, sauf les règles particulières au commerce et au cautionnement.

Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte.

Ils ne sont dus que du jour de la sommation de payer, ou d'un autre acte équivalent telle une lettre missive s'il en ressort une interpellation suffisante, excepté dans le cas où la loi les fait courir de plein droit.

Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts des intérêts moratoires de la créance. »

En application de l'article 1154 du même code, « les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière. »

Enfin, il ressort de l'article L.441-6 alinéa 12 du code de commerce dans sa version applicable au 22 décembre 2015 que « Les conditions de règlement doivent obligatoirement préciser les conditions d'application et le taux d'intérêt des pénalités de retard exigibles le jour suivant la date de règlement figurant sur la facture ainsi que le montant de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement due au créancier dans le cas où les sommes dues sont réglées après cette date. Sauf disposition contraire qui ne peut toutefois fixer un taux inférieur à trois fois le taux d'intérêt légal, ce taux est égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage. »

En l'espèce, les factures de la SARL AUXILIAIRE DE VOIRIE IDF, constituant des pièces contractuelles, précisent, en bas de page, que les délais de paiements sont ceux fixés par la loi n°2008-776 du 4 août 2008, ce qui correspond à l'article L.441-10 du code de commerce, lequel précise que :

Sauf accord entre les parties, le délai de règlement est fixé à 30 jours à compter de la date de réception des marchandises ou d'exécution de la prestation

Le délai convenu entre les parties ne peut dépasser 60 jours à compter de la date d'émission de la facture

Par dérogation, un délai maximal de 45 jours fin de mois à compter de la date d'émission de la facture peut être convenu par contrat entre les parties

En cas de facture périodique, le délai convenu ne peut dépasser 45 jours à compter de la date d'émission de la facture, conformément à l'article 123 de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014.

Le délai de règlement, en l'espèce, était de 45 jours fin de mois s'agissant de facturation périodique.

Les factures de la SARL AUXILIAIRE DE VOIRIE IDF précisent, également, que « le non-respect de ces délais donnera droit sans formalité au versement d'intérêts moratoires calculés au taux publiés par la BCE majoré de 7 points ».

La SCI LE CLOS DES MUSICIENS sollicite le cumul des intérêts prévus par la disposition générale que constitue l'article 1153 du code civil et ceux prévus par la disposition spéciale de l'article L.441-6 du code de commerce. Les pénalités prévues par ce texte ne constituant pas un intérêt, elles n'entrent donc pas dans le champ d'application de la L. no 66-1010 du 28 décembre 1966 prohibant l'usure et peuvent, en cas de mise en demeure adressée à l'acheteur, se cumuler avec des intérêts moratoires.

Les sommes réclamées par la SARL AUXILIAIRE DE VOIRIE IDF au titre de son mémoire définitif étaient dues à compter du 15 mai 2016 (17 mars 2016 + 45 jours). Les intérêts fondés sur l'article L.441-6 du code de commerce sont dus à compter de cette date, ceux au titre de l'article 1153 du code civil ne l'étant qu'à compter de l'assignation.

En conséquence, le jugement ayant écarté la demande de la SARL AUXILIAIRE DE VOIRIE IDF sur ce double fondement sera infirmé, et la SCI LE CLOS DES MUSICIENS sera condamnée à payer à la SARL AUXILIAIRE DE VOIRIE IDF la somme précitée.

S'agissant des demandes complémentaires d'indemnisation, il n'est rapporté par la SARL AUXILIAIRE DE VOIRIE IDF la preuve ni d'une faute caractérisée de la SCI LE CLOS DES MUSICIENS, ni d'un préjudice distinct de la simple privation de la somme d'argent due à l'échéance. Le jugement l'ayant déboutée de ces demandes sera donc confirmé sur ce point.

IV. Sur les autres demandes

Le sens de l'arrêt conduit à confirmer le jugement s'agissant des dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.

Par ailleurs, la SCI LE CLOS DES MUSICIENS succombant en appel sera condamnée aux entiers dépens de cette instance, outre au versement d'une indemnité de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés par la SARL AUXILIAIRE DE VOIRIE IDF, sa propre demande étant, par ailleurs, rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour,

CONFIRME le jugement du tribunal de grande instance de CRETEIL en ce qu'il a :

Condamné la SCI Le Clos des Musiciens à payer à la SARL Société Auxiliaire de Voirie IDF:

11 514 euros au titre du solde de son marché de travaux,

2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejeté la demande de dommages-intérêts complémentaires formulée par la SARL AUXILIAIRE DE VOIRIE IDF,

Ordonné l'exécution provisoire du jugement,

Condamné la SCI Le Clos des Musiciens aux dépens de 1'instance.

L'INFIRME pour le surplus,

Statuant à nouveau,

DIT que la somme de 11 514 euros portera intérêts au taux appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage à compter du 15 mai 2016, et ORDONNE la capitalisation des intérêts pour une année entière à compter de la même date ;

DIT que la somme de 11 514 euros portera intérêts au taux légal à compter du 24 septembre 2018, et ORDONNE la capitalisation des intérêts pour une année entière à compter de la même date ;

CONDAMNE la SCI LE CLOS DES MUSICIENS aux entiers dépens de l'instance d'appel ;

ADMET les avocats qui en ont fait la demande et qui peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SCI LE CLOS DES MUSICIENS à payer à la SARL AUXILIAIRE DE VOIRIE IDF la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE la SCI LE CLOS DES MUSICIENS de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 19/16864
Date de la décision : 19/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-19;19.16864 ?
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