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19/04/2023 | FRANCE | N°18/14188

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 19 avril 2023, 18/14188


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 19 AVRIL 2023

(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/14188 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B67MF



Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Septembre 2018 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL - Section Industrie - RG n° F 18/00046





APPELANT



Monsieur [S] [H]

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représenté par Me François LIVERNET-D'ANGELIS, avocat au barreau de PARIS







INTIMÉE



SA SANOFI CHIMIE

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représentée par Me Laurence DUMURE LAMBERT, avocat...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 19 AVRIL 2023

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/14188 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B67MF

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Septembre 2018 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL - Section Industrie - RG n° F 18/00046

APPELANT

Monsieur [S] [H]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me François LIVERNET-D'ANGELIS, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE

SA SANOFI CHIMIE

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Laurence DUMURE LAMBERT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0419

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Stéphane MEYER, président, et Mme Nelly CHRETIENNOT, conseillère, chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Stéphane MEYER, président de chambre

M. Fabrice MORILLO, conseiller

Mme Nelly CHRETIENNOT, conseillère

Greffier : Mme Pauline BOULIN, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Stéphane MEYER, président de chambre, et par Madame Pauline BOULIN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société SANOFI CHIMIE a pour activité la conception et la commercialisation de produits médicamenteux.

Elle comporte plus de 10 salariés et relève de la convention collective nationale des industries chimiques.

Elle dispose de neuf établissements en France, dont les sites de [Localité 6] et [Localité 9].

Monsieur [S] [H] a été engagé par contrat à durée indéterminée en qualité d'Agent de production, coefficient 205 à compter du 1er mai 2000 avec une reprise d'ancienneté au 19 mai 1999, et affecté sur le site de [Localité 6].

Au mois de juillet 2008, dans le cadre du projet de conversion de l'établissement de [Localité 6] aux biotechnologies et produits cytotoxiques, la société SANOFI CHIMIE mettait en 'uvre un plan d'adaptation des effectifs et de sauvegarde de l'emploi.

Dans le cadre de la réorganisation du centre de production de [Localité 6], le poste occupé par Monsieur [H] était concervé puisque supprimé. C'est dans ces circonstances qu'il s'est porté candidat à la mobilité interne vers le site d'[Localité 5] en juin 2009 pour un poste de Technicien de Fabrication coefficient 225. Cette mobilité interne a été confirmée, après période d'adaptation, par avenant définitif du 1er octobre 2009.

Monsieur [H] est délégué syndical, représentant syndical au comité d'entreprise, et représentant syndical au Comité central d'entreprise.

En 2012, Monsieur [H] a fait part à son employeur de sa volonté de retourner travailler en région parisienne, afin d'y rejoindre sa femme qui y était restée, plus particulièrement sur le site de [Localité 6]. Il a fondé sa demande sur une clause du plan de sauvegarde de l'emploi ainsi rédigée':

«' 2.2.3 Priorité de Retour

Les salariés ayant fait preuve de mobilité seraient prioritaires sur les postes que le CPV [Centre de Production de Vitry] créerait pour accompagner son expansion future ».

Monsieur [H] a ensuite postulé à plusieurs postes en interne, trois au sein du site de [Localité 6] et un au sein du site de [Localité 7]. Ses candidatures ont toutefois toutes été refusées, au motif notamment de son absence de compétence ou d'expertise suffisante.

C'est dans ces circonstances que le 29 juillet 2016, Monsieur [H] a saisi le conseil de prud'hommes de Créteil afin de voir':

-Dire qu'il est en droit de bénéficier du droit au retour prévu par le Plan de Sauvegarde de l'emploi de 2008,

-Enjoindre à la société SANOFI CHIMIE de lui proposer un poste de technicien au sein de son établissement de [Localité 6] ou tout autre établissement du groupe SANOFI en Ile-de-France et ce, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir,

-Condamner la société SANOFI CHIMIE à lui verser la somme de 10.000 € en réparation des préjudices moral et professionnel subis en raison de la violation du PSE,

-Condamner la société SANOFI CHIMIE à lui verser la somme de 30.000 € en réparation des préjudices nés de la discrimination syndicale dont il est victime de la part de son employeur,

-Condamner la société SANOFI CHIMIE à lui verser la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 28 septembre 2018, le conseil de prud'hommes de Créteil a débouté Monsieur [H] de l'ensemble de ses demandes et a débouté la société SANOFI CHIMIE de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [H] a interjeté appel de la décision par déclaration du 17 décembre 2018, en visant expressément les dispositions critiquées.

Par écritures récapitulatives notifiées électroniquement le 14 juin 2019, Monsieur [H] demande à la cour de':

-Dire qu'il est en droit de bénéficier du droit au retour prévu par le Plan de Sauvegarde de l'emploi de 2008,

-Enjoindre à la société SANOFI CHIMIE de proposer un poste de technicien à Monsieur [H] au sein de son établissement de [Localité 6] ou tout autre établissement du groupe SANOFI en Ile-de-France et ce, sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir,

-Condamner la société SANOFI CHIMIE à verser la somme de 50.000 € à Monsieur [H] en réparation des préjudices moral et professionnel subis en raison de la violation du PSE,

-Condamner la société SANOFI CHIMIE à verser la somme de 50.000 € à Monsieur [H] en réparation des préjudices nés de la discrimination syndicale dont il est victime de la part de son employeur,

-Condamner la société SANOFI CHIMIE à verser la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-Se déclarer compétente pour liquider l'astreinte.

A l'appui de ses prétentions, Monsieur [H] fait valoir que l'employeur se refuse à respecter les engagements pris dans le plan de sauvegarde de l'emploi, qui avaient pourtant influé sur sa décision au moment d'accepter une mobilité,à savoir':

- que son épouse pourrait bénéficier d'aides et de mesures spécifiques pour lui permettre d'obtenir une mutation,

-qu'il avait droit à une priorité de retour, à tout moment et sans aucune restriction.

Il indique qu'outre le fait que son épouse n'a pas bénéficié des aides promises par le groupe Sanofi, elle n'a malgré ses démarches personnelles pas pu obtenir sa mutation, et qu'en ce qui le concerne, bien qu'ayant présenté sa candidature à de nombreux postes correspondant à ses qualifications, aucune de ses candidatures n'a été retenue.

Il expose que du fait de cette situation, lui et son épouse ne vivent plus ensemble, et il a été contraint de louer un studio compte tenu de la distance entre le domicile conjugal et le site d'[Localité 5], et que cela impacte sa santé mentale et financière, ce que son employeur n'ignore pas.

Il ajoute que plusieurs salariés placés dans la même situation ont pu bénéficier du droit au retour prévu par le PSE.

Il considère qu'il n'existe aucune raison valable permettant d'expliquer le refus persistant de l'employeur à exécuter l'obligation à laquelle il a consenti dans le cadre du PSE de 2008 et que la seule explication susceptible d'expliquer la position de l'employeur relève de la discrimination syndicale dont est il victime.

Par écritures récapitulatives notifiées électroniquement le 15 mars 2019, la société SANOFI CHIMIE demande à la cour de':

-Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Créteil,

En conséquence,

-Débouter Monsieur [H] de ses demandes, outre de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-Condamner Monsieur [H] à verser à la société SANOFI CHIMIE la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société SANOFI CHIMIE fait valoir que la clause de retour du PSE ne prévoyait pas un droit au retour absolu, mais était conditionnée, pour les raisons suivantes':

-elle ne concernait que le site de [Localité 6], ce qui exclut tout autre site de région parisienne,

-elle ne s'appliquait qu'aux postes créés sur le site de Vitry, dans le cadre de sa conversion, c'est-à-dire aux postes relevant de la biotechnologie et des produits cytotoxiques, et non aux postes de technicien chimie, et qu'étaient donc seuls visés les postes visés au PSE, soit les 10 postes créés dans l'unité Docétaxel (de 2008 au 1er janvier 2012), et les 89 postes créés dans l'unité Biolaunch (de 2008 au 1er janvier 2012),

-elle était donc limitée dans le temps, pour les postes créées durant la période de conversion du site, et le salarié ne peut en revendiquer l'application dix ans plus tard,

-elle ne conférait une priorité d'embauche que pour les salariés disposant des compétences pour occuper le posté créé.

La société SANOFI CHIMIE explique que si la candidature de Monsieur [H] n'a pas été retenue sur les postes auxquels il a postulé, c'est parce qu'il ne disposait pas des compétences requises.

L'employeur s'oppose donc à toute injonction de retour du salarié, et conteste la discrimination invoquée.

La clôture a été prononcée le 7 décembre 2021.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions.

MOTIFS

Sur la demande de Monsieur [H] tendant à enjoindre à la société SANOFI CHIMIE de lui proposer un poste de technicien au sein de son établissement de [Localité 6] ou tout autre établissement du groupe SANOFI en Ile-de-France

Monsieur [H] fonde sa demande sur une clause du plan de sauvegarde de l'emploi de 2008 ainsi rédigée':

«' 2.2.3 Priorité de Retour

Les salariés ayant fait preuve de mobilité seraient prioritaires sur les postes que le [Centre de Production de Vitry] créerait pour accompagner son expansion future ».

Contrairement à ce que soutient la société SANOFI CHIMIE, cette disposition du PSE n'est circonscrite ni dans le temps, ni s'agissant du type de poste concerné. Monsieur [H] est donc bien fondé à en solliciter le bénéfice.

Toutefois, cette clause ne lui confère pas un droit au retour, mais uniquement une priorité sur les postés créés sur le site de [Localité 6]. Il ne peut donc sur ce fondement imposer à la société de lui proposer un poste, mais uniquement revendiquer une priorité sur les postes créés sur le site de [Localité 6].

En conséquence, il convient de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il l'a débouté de sa demande.

Sur la demande de dommages et intérêts au titre de la violation du PSE

Monsieur [H] fait valoir en premier lieu que son épouse n'a pas bénéficié des aides promises par le groupe SANOFI, qui lui auraient permis de se rapprocher de lui sur le site d'[Localité 5].

L'article 2.8 du plan de sauvegarde de l'emploi prévoyait un dispositif d'aide à la recherche d'emploi du conjoint, lorsque le reclassement interne du salarié entraînait un changement de domicile et la perte d'emploi de son conjoint. Cette aide prenait la forme d'un financement par la société SANOFI CHIMIE d'une partie d'un programme d'outplacement. Toutefois, Monsieur [H] n'a à aucun moment sollicité cette aide auprès de la société SANOFI CHIMIE, et ne peut donc se prévaloir d'un manquement de sa part.

Monsieur [H] fait valoir en second lieu que l'employeur n'a pas respecté les engagements pris dans le PSE en ce qu'il ne lui a pas proposé de poste sur le site d'[Localité 6].

Toutefois, ainsi qu'il a été jugé plus haut, la clause de priorité au retour du PSE n'imposait pas à l'employeur de proposer un poste à Monsieur [H], mais lui conférait uniquement une priorité sur les postes créés sur le site de [Localité 6].

Monsieur [H] soutient enfin que l'employeur n'a donné suite à aucune des candidatures formées, au motif erroné qu'il n'aurait pas les compétences pour le poste. Il indique que la société l'empêche ainsi de mener une vie de famille normale, et commet ainsi une faute lui causant un préjudice moral et financier qu'il convient de réparer.

Il convient donc d'examiner les candidatures réalisées par celui-ci afin de déterminer si le refus opposé par l'employeur était fondé sur un défaut de compétence, ou, si tel n'est pas le cas, si celui-ci a commis un manquement à la clause de priorité de retour':

-Le poste de Technicien - Opérateur de bloc sur le site de [Localité 7] de la société SANOFI WINTHROP INDUSTRIE sur lequel le salarié a postulé en 2015 ne relève pas du PSE dont la salarié revendique l'application, ce qui est exact puisque la clause de priorité de retour du PSE ne visait que le site de [Localité 6]';

-Le poste de Technicien de production HAC sur le site de [Localité 6] sur lequel le salarié a postulé en 2015 supposait un profil niveau Bac +2, ce qui est avéré au vu de la fiche de poste produite par le salarié lui-même, outre que l'offre a finalement été suspendue et que le poste n'a été attribué à aucun candidat, ainsi que cela ressort de l'échange de mail de mai 2016 versé aux débats';

-Les deux postes de techniciens sur lesquels le salarié a postulé sur le site de [Localité 6] supposaient un niveau BTS ou licence Biotech, dont le salarié ne disposait pas puisqu'ainsi qu'il ressort de son curriculum vitae, il dispose d'un niveau bac professionnel industrie chimique, et a effectué une formation de remise à niveau en biotechnologie mais qui n'était pas diplômante, de même qu'il ne justifie pas de validations d'acquis.

Au regard de ces éléments, Monsieur [H] ne démontre pas que l'employeur n'a pas respecté les engagements pris dans le PSE.

Le jugement du conseil de prud'hommes sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.

Sur la demande de dommages et intérêts au titre de la discrimination syndicale

Aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable au litige, aucun salarié ne peut être licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap.

Aux termes de l'article L. 1133-1 du même code, cette disposition ne fait pas obstacle aux différences de traitement, lorsqu'elles répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l'objectif soit légitime et l'exigence proportionnée.

L'article L. 1134-1 du même code dispose que lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance de ces dispositions, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

En l'espèce, Monsieur [H] soutient que l'employeur refuse de lui appliquer la clause de priorité au retour du PSE compte tenu des postes syndicaux qu'il occupe, à savoir, délégué syndical, représentant syndical au comité d'entreprise, et représentant syndical au Comité central d'entreprise.

Depuis 2012, il a postulé à quatre postes de technicien afin de rejoindre la région parisienne, trois au sein du site de [Localité 6] et un au sein du site de [Localité 7], et ses candidatures ont toutes été refusées pour défaut de compétence, alors qu'il occupe actuellement un poste de technicien sur le site d'[Localité 5], même si dans un domaine un peu différent, et que ses évaluations sont satisfaisantes.

Par ailleurs, six salariés qui avaient fait l'objet d'une mobilité externe suite au PSE du site de [Localité 6] en 2008 ont pu réintégrer ce site, ainsi que cela ressort du procès-verbal du comité d'établissement de [Localité 6] du 16 juin 2015.

Ces éléments laissent supposer l'existence d'une discrimination.

En réponse, l'employeur indique que':

-Le poste de Technicien - Opérateur de bloc sur le site de [Localité 7] de la société SANOFI WINTHROP INDUSTRIE sur lequel la salarié a postulé en 2015 ne relève pas du PSE dont le salarié revendique l'application, ce qui est exact puisque la clause de priorité de retour du PSE ne visait que le site de [Localité 6]';

-Le poste de Technicien de production HAC sur le site de [Localité 6] sur lequel le salarié a postulé en 2015 supposait un profil niveau Bac +2, ce qui est avéré au vu de la fiche de poste produite par le salarié lui-même, outre que l'offre a finalement été suspendue et que le poste n'a été attribué à aucun candidat, ainsi que cela ressort de l'échange de mail de mai 2016 versé aux débats';

-Les deux postes de techniciens sur lesquels le salarié a postulé sur le site de [Localité 6] supposaient un niveau BTS ou licence Biotech, dont le salarié ne disposait pas puisqu'ainsi qu'il ressort de son curriculum vitae, il dispose d'un niveau bac professionnel industrie chimique, et a effectué une formation de remise à niveau en biotechnologie mais qui n'était pas diplômante, de même qu'il ne justifie pas de validations d'acquis.

S'agissant des six autres salariés ayant bénéficié d'un retour sur le site de [Localité 6], tels qu'évoqués par le procès-verbal du comité d'établissement de [Localité 6] du 16 juin 2015, l'employeur fournit les explications suivantes':

-Pour trois d'entre eux, Messieurs [A] [M], [J] [V] et [Z] [P], la société SANOFI CHIMIE indique qu'ils avaient été reclassés sur le site de [Localité 8] dans le cadre du PSE de 2008, mais que celui-ci a fait l'objet d'une fermeture en 2014 dans le cadre d'un autre PSE, et que n'ayant plus de poste, ils ont bénéficié d'une mutation sur le site de [Localité 6].

La société SANOFI ne produit toutefois aucune pièce à l'appui de ses dires concernant ces trois salariés.

-Pour deux d'entre eux, Monsieur [I] [C] et son remplaçant, Monsieur [X] [R], la société SANOFI CHIMIE expose qu'ils ont postulé sur un poste de responsable de coordination technologique en biotechnologie sur le site de [Localité 6], Monsieur [C] ayant finalement renoncé au poste lors de la période d'adaptation, Monsieur [R] prenant sa suite.

Si la société SANOFI verse au débat le curriculum vitae des deux salariés concernés, elle ne produit ni la décision d'affectation, ni la fiche de poste, ce qui ne permet pas de déterminer l'adéquation des profils au poste, et notamment, s'il existait une exigence de diplôme et si elle a été respectée dans le cadre de ce recrutement, étant précisé qu'aucun des deux salariés n'a de niveau BTS ou licence au vu de son CV et que la société a mis en avant cette exigence de diplôme pour refuser plusieurs postes à Monsieur [H].

-Pour le dernier, Monsieur [E] [G], la société SANOFI CHIMIE explique qu'il a postulé sur un poste en Supply Chain, hors champ d'application de la clause de priorité de retour, qu'il disposait des compétences pour occuper ce poste et était le seul candidat à postuler de sorte qu'il a naturellement été retenu.

La société SANOFI ne verse toutefois aucun élément attestant de ses dires': ni la fiche de poste, ni les modalités de diffusion du poste, ni le profil du candidat. Elle ne démontre pas non plus en quoi ce poste serait hors champ de la clause de priorité au retour.

Au regard de ce qui précède, la société SANOFI CHIMIE démontre par des éléments objectifs que Monsieur [H] n'avait pas les diplômes mentionnés sur les fiches des poste pour lesquels sa candidature a été rejetée.

En revanche, elle n'apporte pas d'éléments suffisants permettant d'établir les modalités selon lesquelles six salariés objet du PSE de 2008 ont pu réintégrer le site de [Localité 6], alors que Monsieur [H], technicien expérimenté, ne pouvait pas le réintégrer. Elle échoue donc à démontrer que cette situation est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

En conséquence, la société SANOFI CHIMIE doit réparer le préjudice causé par la discrimination de Monsieur [H] pour raison syndicale. Il sera retenu que son préjudice est une perte de chance de réintégrer le site de [Localité 6], alors que le fait de travailler à [Localité 5] le prive d'une vie familiale normale avec sa femme restée en région parisienne, et le contraint à louer un studio à hauteur de 350 € par mois.

Le préjudice de Monsieur [H] du fait de la discrimination syndicale sera évalué à 10.000 €.

Le jugement du conseil de prud'hommes sera infirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [H] de sa demande de dommages et intérêts du fait de la discrimination syndicale, et la société SANOFI CHIMIE sera condamnée à verser à Monsieur [H] la somme de 10.000 € à ce titre.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Il y a lieu d'infirmer la décision du conseil de prud'hommes sur ces points, et statuant de nouveau, de condamner la société SANOFI CHIMIE aux dépens de l'instance ainsi qu'à verser à Monsieur [H] la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, tant au titre de la première instance que de l'appel.

La société SANOFI sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, rendu publiquement par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Créteil du 28 septembre 2018, sauf':

-en ce qu'il a débouté Monsieur [H] de sa demande de dommages et intérêts au titre de la discrimination syndicale,

-sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant de nouveau sur les points infirmés,

Condamne la société SANOFI CHIMIE à verser à Monsieur [H] la somme de 10.000 € de dommages et intérêts au titre de la discrimination syndicale,

Condamne la société SANOFI CHIMIE aux dépens de la procédure tant de première instance que d'appel,

Condamne la société SANOFI CHIMIE à verser à Monsieur [H] la somme de 3.000 € sur au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de toute autre demande.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 18/14188
Date de la décision : 19/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-19;18.14188 ?
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