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19/04/2023 | FRANCE | N°18/00537

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 4, 19 avril 2023, 18/00537


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 4



ARRET DU 19 AVRIL 2023



(n° 76 , 19 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/00537 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B4X5Y



Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Novembre 2017 - Tribunal de Commerce de PARIS - RG n°J2015000307





APPELANTES



SAS RIVER agissant tant en son nom personnel qu'en sa qua

lité d'ayant droit de la SAS KARAVEL et de la SAS LHT suivant fusion absorption par la société RIVER

immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 532 321 916

[Adresse 1]

[Lo...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 4

ARRET DU 19 AVRIL 2023

(n° 76 , 19 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/00537 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B4X5Y

Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Novembre 2017 - Tribunal de Commerce de PARIS - RG n°J2015000307

APPELANTES

SAS RIVER agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'ayant droit de la SAS KARAVEL et de la SAS LHT suivant fusion absorption par la société RIVER

immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 532 321 916

[Adresse 1]

[Localité 6]

SARL UN MONDE A DEUX agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'ayant droit de la SAS TOORISM suivant fusion absorption par la société UN MONDE A DEUX

immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 435 041 363

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentées par Me François TEYTAUD de l'AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque J125, avocat postulant

Assistées de Me Hubert MORTEMARD DE BOISSE, du Cabinet BUNCH, avocat au barreau de LYON, avocat plaidant

INTIMES

Monsieur [K] [N]

Né le 2 Décembre 1958 à [Localité 8]

[Adresse 4]

[Localité 5]

Madame [G]-[H] [P]

Née le 22 Octobre1964 à [Localité 10]

[Adresse 4]

[Localité 5]

SAS YAMS agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 533 300 521

[Adresse 2]

[Localité 7]

SAS ES TOURISME anciennement dénommée EVASION SPIRIT agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 751 548 512

[Adresse 2]

[Localité 7]

SAS JETS agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 752 138 081

[Adresse 3]

[Localité 7]

SAS MANA PARTENAIRES agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 750 663 932

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentées et assistées par Me David LUSTMAN de la SELARL BUREAU D'ETUDES JURIDIQUES PEYRE, avocat au barreau de PARIS, toque L0040.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Laure DALLERY, Présidente de chambre, chargée du rapport, et Monsieur Julien RICHAUD, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Laure DALLERY, Présidente de la chambre 5.4

Madame Sophie DEPELLEY, Conseillère

Monsieur Julien RICHAUD, Conseiller

Greffière, lors des débats : Madame Claudia CHRISTOPHE

ARRÊT :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Laure DALLERY, Présidente de chambre, et par Claudia CHRISTOPHE, Greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

*******

M. [K] [N] était l'actionnaire principal et dirigeant de la société Un Monde à deux, exerçant l'activité d'organisation de voyages, société mère de la SARL Toorism qu'elle a absorbée et aux droits de laquelle elle se trouve désormais.

En 2010, les sociétés LHT et Karavel ont procédé à l'acquisition de l'intégralité des parts sociales de M. [N], tout en lui laissant la gérance de l'entreprise. Ces acquéreurs ont chacun été absorbés par la société River exerçant sous la dénomination sociale Karavel (désormais " nouvelle " société Karavel).

Le 24 mai 2011, M. [N] a quitté le groupe Karavel et a signé à cette occasion, avec les sociétés LHT, Karavel et Un Monde à deux un contrat sous seings privés dénommé protocole d'accord et comportant des engagements de non-concurrence, de non-sollicitation et de non-débauchage de personnel.

Mme [G]-[H] [P], compagne de M. [N], a quitté la société Un Monde à deux en même temps que ce dernier est désormais directrice générale de la société Evasion Spirit depuis le 30 mai 2012.

La société Karavel reproche à M. [N] d'avoir constitué la SAS Yams (Mojito spirit) dès le mois de septembre 2011, en violation de ses engagements.

M. [N] est désormais également le représentant légal des sociétés Evasion spirit depuis le 22 mai 2012 (devenue Es Tourisme) et Mana Partenaires depuis le 27 mars 2012.

La société Jets, appartenant au groupe créé par M. [N] à sa sortie du groupe Karavel est dirigée par Mme [Y] [E], ancienne salariée d'Un Monde à deux, depuis le 29 juin 2013.

Par acte extrajudiciaire du 29 janvier 2015, les sociétés Karavel et Un Monde à deux ont assigné M. [N] en responsabilité contractuelle du fait de la violation du protocole d'accord du 24 mai 2011 ainsi qu'en concurrence déloyale, mettant en cause, sur ce dernier fondement juridique, la responsabilité de Mmes [P] et [E] ainsi que des sociétés Yams (Mojito Spirit) Evasion Spirit, Jets (Tiare spirit) et Mana Partenaires.

L'instance contre Mme [E] a été renvoyée devant une autre juridiction, par un arrêt de la cour d'appel de Paris du 10 novembre 2016 statuant sur la compétence.

C'est dans ces conditions que par jugement du 20 février 2017, le tribunal de commerce de Paris a :

- Débouté la SAS River venant aux droits de la SAS Karavel et Un Monde à deux, agissant en son nom personnel ainsi qu'en qualité d'ayant droit de la SAS Toorism, de l'ensemble de ses demandes ;

- Condamné la SAS River venant aux droits de la SAS Karavel et Un Monde à deux, agissant en son nom personnel ainsi qu'en qualité d'ayant droit de la SAS Toorism, à payer les sommes suivantes :

*10 000 euros à titre de dommages intérêts à chacune des sociétés Mana Partenaires, Evasion Spirit et Jets ;

*8 000 euros à M. [N], Mme [P] et aux sociétés Yams, Evasion Spirit, Mana Partenaires et Jets chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné la SAS River venant aux droits de la SAS Karavel et Un Monde à deux, agissant en son nom personnel ainsi qu'en qualité d'ayant droit de la SAS Toorism aux dépens.

Par déclaration du 22 décembre 2017, Les sociétés Karavel, en son nom personnel et en tant qu'ayant droit des sociétés absorbées Karavel et LHT et Un Monde à deux ont interjeté appel de ce jugement.

Par arrêt du 9 décembre 2020, la cour d'appel de Paris a :

-Réformé le jugement entrepris,

-Dit que M. [N] a commis, pendant l'exercice des mandats sociaux à lui confiés par les sociétés Un Monde à deux et Toorism, une faute ayant consisté à organiser une activité concurrente de ces sociétés,

Avant dire droit,

- Révoqué l'ordonnance de clôture,

- Donné injonction à la société Yams de communiquer aux débats le journal de ses ventes pour 2011 et 2012 mentionnant les destinations des séjours qu'elle a vendus, notamment via le site www.tiarespirit.com, sous l'ensemble des marques dont Yams est en réalité titulaire,

- Dit que faute pour la société Yams de s'être acquittée de cette obligation dans le délai d'un mois suivant la signification qu'elle aura reçue du présent arrêt, elle sera redevable d'une astreinte de 500 euros par jour de retard,

- Dit que la Cour se réserve la liquidation de l'astreinte,

-Sursis à statuer sur les demandes, tous autres moyens réservés,

- Renvoyé le dossier à la mise en état,

- Réservé les dépens et l'indemnité de l'article 700 du code de procédure civile.

Par arrêt du 1er septembre 2021, la cour d'appel de Paris a :

-Dit n'y avoir lieu à liquidation d'astreinte,

Avant dire droit,

- Révoqué l'ordonnance de clôture,

- Donné injonction à la société Yams de communiquer aux débats la liste des mots-clés qu'elle et ses filiales ont achetés sur Google Adword jusqu'au 28 février 2012,

- Dit que faute pour la société Yams de s'être acquittée de cette obligation dans le délai d'un mois suivant la signification qu'elle aura reçue du présent arrêt, elle sera redevable d'une astreinte de 500 euros par jour de retard,

- Dit que la Cour se réserve la liquidation de l'astreinte,

- Sursis à statuer sur les demandes, tous autres moyens réservés,

- Renvoyé le dossier à la mise en état,

- Réservé les dépens et l'indemnité de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de leurs dernières conclusions déposées et notifiées le 5 décembre 2022, la société River et la société Un monde à deux demandent à la Cour de :

Vu les dispositions du protocole d'accord du 24 mai 2011,

Vu les articles 1116, 1134, 1142, 1147, 1382, 1628 et suivants du Code Civil, dans leur version applicable au litige

Vu l'article 223-22 du Code de commerce,

Vu l'article 700 du Code de procédure civile

Vu les pièces versées aux débats,

-DÉCLARER la société Karavel et la société Un monde à deux recevables et bien fondées en leurs demandes,

-INFIRMER en toutes ses dispositions le Jugement rendu le 20 novembre 2017 par le Tribunal de Commerce de Paris.

Et, statuant à nouveau, il est demandé à la Cour de :

-CONSTATER que M. [K] [N] était tenu, en tant que gérant des sociétés Un monde à deux, Toorism, Voyage A, Kit Tourisme et l'Agence de com.com, à une obligation de loyauté vis-à-vis de ces concurrents jusqu'au 10 juin 2011,

-CONSTATER que M. [K] [N] s'est engagé, en quittant le groupe, par la signature d'un protocole d'accord avec les sociétés Karavel, et Un monde à deux le 24 mai 2011 :

*à ne pas exercer d'activité concurrente à quelque titre que ce soit,

*à ne pas débaucher ou solliciter des salariés et dirigeants du groupe,

*à ne pas détourner des clients prestataires ou fournisseurs du groupe,

*à transmettre et restituer avant son départ l'ensemble des matériels, documents, dossiers et contacts en sa possession,

-CONSTATER que M. [K] [N] n'a pas respecté les obligations et engagements précités, puisqu'il a créé la société concurrente Yams immatriculé dès le 30 juin 2011, et a débauché les salariés de la société Karavel et Un monde à deux et détourné ses clients, partenaires et fournisseurs habituels, par des man'uvres antérieures et postérieures au 10 juin 2011,

-CONSTATER que M. [K] [N] et Madame [G]-[H] [P] ont organisé de façon frauduleuse, alors qu'il exerçait toujours des fonctions actives au sein des sociétés Karavel et Un monde à deux, la création de la société concurrente Yams, immatriculée le 30 juin 2011,

-CONSTATER que M. [K] [N], Madame [G]-[H] [P], et a fortiori la société YAMS puis les sociétés du groupe créés par la suite, Evasion Spirit, Mana Partenaires et Jets, ont exploité les connaissances techniques des sociétés Karavel et Un monde à deux, ont détourné les fichiers contacts/clients/prospects ainsi que d'autres fichiers confidentiels, ont débauché de façon fautive de nombreux salariés des sociétés Karavel et Un monde à deux

-CONSTATER que la société Yams n'a pas fait droit à l'injonction de communication de pièces du 9 décembre 2020 ;

En conséquence,

-JUGER que M. [K] [N] a violé son obligation de loyauté en tant que gérant des sociétés précitées et engage à ce titre sa responsabilité délictuelle,

-JUGER que M. [K] [N] a violé le protocole d'accord du 24 mai 2011 et engage à ce titre sa responsabilité contractuelle,

-JUGER M. [K] [N], Madame [G]-[H] [P], ainsi que les sociétés Yams, Evasion spirit, Mana Partenaires et Jets in solidum coupables d'une concurrence déloyale engageant leur responsabilité contractuelle pour M. [N] et délictuelle pour les autres intimés,

-CONDAMNER M. [K] [N] à verser respectivement à la société Un monde à deux la somme de 60 000 euros et à la société Karavel la somme de 326.039,70 euros en réparation du préjudice subi du fait de ces violations,

-CONDAMNER M. [K] [N], Madame [G]-[H] [P], ainsi que les sociétés Yams, Evasion spirit, Mana Partenaires et Jets in solidum à verser à la société Un monde à deux, pour son propre préjudice et celui de la société Toorism aux droits de laquelle elle intervient, la somme de 2.405.987 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice, se décomposant comme suit :

*713.487 euros au titre de la création en toute déloyauté d'une entreprise concurrente

*1.042.500 euros, au titre du détournement de fichiers,

*650.000 euros au titre du débauchage fautif de salariés,

-LIQUIDER l'astreinte de 500 euros par jour de retard à compter du 2 mars 2021 ;

-FAIRE INJONCTION aux sociétés Yams, Evasion spirit, Mana partenaires et Jets, ainsi qu'à M. [K] [N] et Madame [G]-[H] [P] de supprimer les fichiers en leur possession appartenant aux sociétés Karavel et Un monde à deux, et de cesser le débauchage des salariés de Karavel et Un monde à deux, et le démarchage de ses partenaires commerciaux, et ce, sous astreinte de 500 € par infraction constatée,

-ORDONNER la publication du jugement à intervenir sur les pages d'accueil des différents sites Internet exploités par les sociétés Yams, Evasion spirit, Mana partenaires et Jets, et notamment:http://www.mojitospirit.com;http://www.evasionspirit.com; http://www.tiarespirit.com; http://www.bouddhaspirit.com; http://www.lagonspirit.com; ainsi que la publication du dispositif du jugement à intervenir dans 2 publications écrites nationales ainsi que sur 2 publications Internet de tourisme, au choix de Karavel et Un monde à deux aux frais des sociétés Yams, Evasion spirit, Mana partenaires et Jets, sur un espace occupant la moitié de la page, en caractères noirs sur fond blanc, en police 14, et pendant une durée minimale de 60 jours consécutifs, dans les termes qui suivent :

" Par arrêt en date du XXXX, et à la demande des sociétés Karavel et Un monde à deux, la Cour d'appel de Paris a jugé que les sociétés YAMS, EVASION SPIRIT, MANA PARTENAIRES et JETS, ainsi que M. [K] [N] et Madame [G]-[H] [P] ont commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire au préjudice des sociétés KARAVEL et UN MONDE À DEUX. La Cour les a en conséquence condamnés à indemniser le préjudice subi par KARAVEL et UN MONDE À DEUX à ce titre ".

-INFIRMER le jugement en ce qu'il a fait droit aux demandes sociétés Yams, Evasion spirit, Mana partenaires et Jets, en condamnant la SAS RIVER venant aux droits des sociétés Karavel et Un monde à deux à payer la somme de 10.000 euros à chacune des sociétés Yams, Evasion spirit, Mana partenaires et Jets, et 8.000 euros respectivement à Monsieur [N], Madame [P], et à chacune des sociétés Yams, Evasion spirit, Mana partenaires et Jets, sur le fondement de l'article 700 du CPC,

-DÉBOUTER M. [K] [N], Madame [G]-[H] [P] et les sociétés Yams, Evasion spirit, Mana Partenaires et Jets de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

-CONDAMNER M. [K] [N], Madame [G]-[H] [P], ainsi que les sociétés Yams, Evasion spirit, Mana Partenaires et Jets in solidum au paiement de la somme de 25.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

-CONDAMNER les mêmes aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Teytaud, de l'Association TEYTAUD SALEH AARPI, Avocat, sur son affirmation de droit. "Aux termes de ses dernières conclusions déposées et notifiées le 6 janvier 2023, la société Yams, Monsieur [N], Madame [P], la société ES tourisme, la société Jets, la société Mana Partenaires, demandent à la Cour de :

"Vu les articles 1147 et 1382 du Code civil,

Vu encore les pièces versées aux débats,

-CONFIRMER en toutes ses dispositions le jugement déféré ;

-JUGER irrecevables et infondées les demandes des sociétés appelantes et en conséquence Débouter les sociétés Karavel et Un monde à deux de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

En conséquence,

-CONDAMNER in solidum les sociétés Karavel et Un monde à deux au paiement à M. [N], Mme [P] aux sociétés Yams, Evasion spirit, Mana Partenaires et Jets à chacun une somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés dans le cadre de la présente procédure d'appel;

-CONDAMNER les sociétés Karavel et Un monde à deux en outre aux entiers dépens d'instance dont distraction au bénéfice du Cabinet PEYRE en application de l'article 699 du CPC"

L'ordonnance de clôture de l'instruction est intervenue le 25 janvier 2023.

MOTIVATION

Sur la faute délictuelle commise par M [N]

Les sociétés River et Un monde à deux soutiennent que M [N] a violé son devoir général de non-concurrence et de loyauté pesant sur le dirigeant social sur le fondement délictuel, ajoutant qu'il n'était pas salarié des sociétés du groupe Karavel, exerçant ses fonctions sous le régime des travailleurs non-salariés, qu'il était gérant de la société Un monde à deux depuis sa création en 2001, puis après la cession de la société au groupe Karavel, co-gérant de la société jusqu'au 10 juin 2011, qu'il était également gérant de la société Toorism jusqu'à cette date ainsi que d'autres filiales de la société Un monde à deux.

Elles font valoir :

-que M. [K] [N] a occupé la fonction de gérant de la société Un monde à deux depuis sa création en 2001 et, suite à la cession de la SARL au groupe Karavel en février 2010, celle de co-gérant de la société jusqu'au 10 juin 2011. Il exerçait par ailleurs la fonction de gérant de Toorism jusqu'à cette date, ainsi que d'autres filiales de la société Un monde à deux, de sorte qu'il était tenu d'une obligation de loyauté et de fidélité et ainsi de non-concurrence jusqu'à la fin de ses mandats,

-que M. [N] a commencé à organiser la création de la société Yams et de son activité concurrente bien avant l'expiration de ses mandats sociaux (novembre 2020 création de deux adresses mail au nom de la future agence de voyage de la société Yams - pièces 14,15 et 44 et d'une adresse mail permettant de transférer les emails reçus en qualité de gérant de Un monde à deux vers sa future activité concurrente - pièces 27,28 et 35, pouvoir donné à Virtual Tech, un des futurs actionnaires de Yams associé statutaire dès le 15 juin 2011, pour mettre en place les moyens techniques avant la création de Yams : enregistrement de noms de domaine, dépôt de marques cédées le 13 mars 2013 à Yams, création du site de la société Yams en avril 2011 -Pièces 79, 80 et 14, financement indirect de la société Yams par le biais d'un accord formalisé le 21 juin 2011 avec M [V] [L] devenu président de Yams à sa création, mais nécessairement négocié avant la fin des fonctions de M [N] au sein du groupe Karavel - pièces 4 et 17, échanges de courriels avec M [L] dès le 16 mars 2011- pièces 35 et 36 , dès avril 2011 démarchage de fournisseurs de Karavel et Un monde à deux à partir d'une autre adresse mail- pièce 16), copie " de nombreux fichiers et documents dès novembre 2010 et jusqu'à la veille de son départ- pièces 28,29, 47, 51 à 58),

-que cette obligation de loyauté et de fidélité de M [N] vis-à-vis des sociétés qu'il dirigeait, n'était pas limitée aux territoires visés par la clause de non-concurrence du Protocole (Maurice, Seychelles, Maldives et Polynésie) mais visait l'ensemble des destination desservies par les sociétés Un monde à deux, Toorism, Voyage A, notamment les Caraïbes et l'Asie,

-que ces man'uvres sont constitutives de concurrence déloyale engageant la responsabilité délictuelle de M [N].

Les intimés rétorquent :

-que M [N] avait le statut de salarié de la société Un monde à Deux dont il était gérant salarié,

-que l'adresse électronique [Courriel 12] était connue des nouveaux actionnaires et de la société Karavel (leur pièce 14),

-que les adresses mojitospirit@ et mojitospirit2@ ne peuvent démontrer l'organisation d'une activité concurrente (pièce adverse 15),

-que les marques Mojito Spiritit et Boudha Spirit ont été déposées par la société Virtual Tech le 29 mars 2011, leur transmission à la société Yams immatriculée le 30 juin 2011 n'intervenant que le 18 mars 2013 (pièce adverse79).

- que la conclusion du protocole le 24 juin 2011 est postérieure à la démission de M [N] de ses fonctions de gérant de la société Un monde à deux, rien ne venant démontrer une formalisation antérieure, étant observé que ce protocole qui concerne la création de la société Yams n'est susceptible de générer aucun préjudice, la création de cette société n'étant pas interdite par ce protocole,

- qu'à compter du 10 juin 2011, M. [N] était en droit d'établir une société concurrente avec pour seule limite -jusqu'au 28 février 2012- de ne pas proposer des séjours packagés sur internet vers l'Ile Maurice, les Seychelles, les Maldives et la Polynésie Française.

Ils sollicitent en conséquence le rejet de la demande de condamnation de M [N] in solidum avec les autres intimés y compris les sociétés Mana Partenaires, Yams et Jets qui n'existaient pas encore en mars 2011 à verser aux appelantes la somme de 60 000 € de dommages intérêts.

Réponse de la Cour

Il convient de rappeler qu'aux termes de ses deux premiers arrêts, la Cour a retenu la faute délictuelle commise par M [N] en raison de son manquement à son obligation de loyauté pour avoir pendant ses fonctions de co-gérant de la société Un monde à deux et de gérant de la société Toorism, filiale du groupe Karavel, fonctions qui ont pris fin le 10 juin 2011, commencé à développerune activité parallèle consistant à organiser une activité concurrente de celle de ces sociétés.

Ainsi, c'est dès le mois de mars 2011, le futur président de la société Yams, M. [L] depuis la boîte à lettre électronique " [Courriel 13]@[...] " écrivait une liste de fournisseurs à démarcher lors d'un salon professionnel et précisait : " Question à discuter : quid si je rencontre un karavelien (il y a des chances) Quel discours ''.

De même, au mois de mai 2011, M. [N], après avoir transféré un courriel de sa boîte à lettres électronique " @unmonde.fr " sur une messagerie '[Courriel 12]', dans l'intention

de se soustraire à une éventuelle surveillance de la société Un Monde à deux, a donné par courriel instruction à M. [L] de s'inscrire à une manifestation destinée aux professionnels du tourisme et présentant les destinations dans les Caraïbes.

Le protocole d'accord établi en juin 2011 en vue de la création et de la gestion de la société Yams, prévu pour être signé entre M. [L], d'une part et Mme [P] et M. [N], d'autre part, ceux-ci étant qualifiés d'investisseurs ayant les mêmes intérêts déclarés, indique que ces investisseurs s'engageaient à présenter pour le compte de M. [L] un chèque de banque de 22 500 euros, afin que ce dernier puisse réaliser la souscription lors de la création de la société et accepte de se présenter aux fonctions de président de la future société. Ce document confirme en particulier que M. [L] était en position subordonnée par rapport à M. [N] pour exercer la présidence de la société Yams, dont les statuts seront signés le 21 juin 2011 par M. [L], Mme [J] et la SARL Virtual Tech.

En avril 2011, M. [N] a également démarché par courriel à partir de la boîte à lettres électronique "[Courriel 12]@[...]" et pour une activité concurrente de la société Un monde à deux, une entreprise hôtelière qui avait été le fournisseur de celle-ci avant qu'elle ne s'en détourne par l'effet de la politique du groupe Karavel, précisant à son interlocuteur: " Bonjour [C], Bien reçu tes mails. Mais attention, la boîte mail que tu as utilisée est mouchardée par Karavel. Je t'invite à utiliser celle qui n'est pas mouchardée ".

En avril 2011, M. [N] a utilisé la messagerie électronique à l'adresse " mojitospirit@ ", qui existait déjà en novembre 2010, alors que Mojito spirit est le nom de l'agence exploitée à [Localité 10] par la société Yams, qui a été immatriculée le 30 juin 2011.

Il est établi également qu'une adresse électronique " mojitosspirit2@ " a été utilisée par Mme [P], compagne de M. [N], pour l'organisation de cette activité concurrente mise en place sous l'action première de M. [N].

En avril 2011, Mme [P], directrice d'agence de la société Toorism jusqu'au 30 mai 2011 date de la rupture conventionnelle de son contrat de travail, a écrit à son " beau-frère " depuis l'adresse " mojitospirit2@ " pour l'alerter du fait que sur une affiche, il avait écrit tourisme " toorism " en précisant " c'est chaud, en espérant qu'aucun de nos associés karavel ne se trouvera à montargis ce week end ".

Il est encore établi que la SARL Virtual Tech déjà mentionnée, dès mars 2011, a déposé pour autrui les marques Mojito spirit, L'Agence de voyages et Boudha spirit, lesquelles ont été transmises au bénéfice de la société Yams courant 2013.

En mai 2011, la SARL Virtual tech a déposé pour autrui la marque Tiare spirit l'Agence de voyages qui a été transmise à la société Yams à la même date que les deux marques précédentes.

Il sera seulement ajouté que M [N] n'était pas salarié des sociétés du groupe Karavel, exerçant ses fonctions sous le régime des travailleurs non-salariés ((pièce 89 des appelantes).

Dès lors qu'est établie une faute de M. [N] pour la période précédant la date de fin de ses mandats sociaux, soit le 10 juin 2011, il en résulte nécessairement que sa responsabilité délictuelle pour manquement à son devoir de loyauté à l'égard de la société Un Monde à deux est susceptible d'être engagée.

Sur la responsabilité contractuelle de M [N] à raison du dol viciant le protocole.

Les appelantes soutiennent que les man'uvres et le silence gardé par M. [N] pendant les négociations du protocole, constitutifs d'un dol au sens de l'article 1116 ancien du code civil, ont conduit la société Un monde à deux à renoncer à engager la garantie de passif de M [N] et a dû lui verser 60 000 € au titre de la clause de non-concurrence limité dans le temps, le protocole prévoyant explicitement qu'en contrepartie des engagements et renonciations faites à l'article 2.1 par M [N], Karavel renonce à percevoir une somme de 326 039,70€ au titre des réclamations formulées en application de la garantie prévue dans le cadre du contrat 1MA2.

Les intimés rétorquent :

-que la convention du 24 mai 2011 autorisait M [N] à exercer une activité concurrente dans la limite jusqu'au 28 février 2012 des séjours packagés sur internet vers l'Ile Maurice, les Seychelles, les Maldives et la Polynésie Française,

-que la demande de condamnation au titre du dol est présentée au bénéfice du " groupe Karavel " qui n'est pas une personne morale et qu'il est demandé la restitution des sommes versées sans solliciter la nullité de la convention.

Réponse de la Cour

Les appelantes se prévalent d'un dol au sens de l'article 1116 ancien du code civil, et ainsi d'un vice de consentement lors de la conclusion du contrat du 24 mai 2011 avec M [N].

Or, elles ne demandent pas réparation d'un préjudice mais uniquement des restitutions consécutives à une nullité qu'elles ne sollicitent pas.

Par conséquente les demandes sollicitées sur ce fondement sont rejetées.

Sur la responsabilité contractuelle de M [N] à raison de la violation d'engagements du protocole d'accord.

Les appelantes font valoir que la clause de non-débauchage et de non-sollicitation courait jusqu'à fin 2014 (pièce 3 article 2.1.6) et que le Protocole contenait aussi une clause de non-concurrence (article 2.1.5) et de restitution des matériels, documents et informations (article 2.1.3) outre une " obligation d'exécution de bonne foi du protocole (2.1.7).

Sur la violation de la clause de non-concurrence

Les appelantes soutiennent que M [N] a violé la clause de non-concurrence figurant au protocole d'accord qui est parfaitement valable en créant et exploitant la société Yams par le biais d'actionnaires et d'un dirigeant de façade dès le 30 juin 2011, soutenant que cette société a été créée et exploitée dès l'origine pour la distribution de voyages haut de gamme à destination des territoires couverts par la clause de non-concurrence ( Ile Maurice, Seychelles, Maldives et Polynésie française) ce qui ressort de l'objet social de la société non limité aux Caraïbes et à l'Amérique latine, de l'enregistrement des marques et noms de domaine Tiare Spirit et Lagon Spirit avant même la création de la société Yams, de la conclusion du contrat entre M [N] , Yams et Mme [E] en vue de l'ouverture par Yams d'un site internet de e-tourisme WWW.tiarespirit.com pour commercialiser des offres touristiques à destination des pays de la région pacifique, au cours du premier semestre 2012, soit pendant l'engagement de non-concurrence de M [N] pour ces pays.

Elles se prévalent des opérations de constat réalisées le 4 juillet 2012 constatant la présence de M [N] dans les locaux de la société Yams, qui avait un rôle de dirigeant effectif, rôle officialisé le 28 mars 2014 par un mandat de président de la société. (P 64).

Elles ajoutent que le recrutement en janvier 2012 de Mme [E] qui était cadre chez Toorism constitue une violation de la clause de non-concurrence.

Elles en concluent que M [N] a engagé sa responsabilité contractuelle au sens des articles 1134 et 1147 anciens du code civil.

Enfin, elles disent que Yams n'a pas satisfait à l'injonction de la Cour en ne transmettant pas des données identifiant les destinations de nombreux clients sur 2011 et 2012 et n'a pas davantage satisfait à l'injonction qui vise ses ventes pour 2011 et 2012.

Elles font valoir qu'elles démontrent que Yams a bien réalisé des ventes vers l'Ile Maurice avant l'expiration de la clause de non-concurrence, que l'expert-comptable de chambre Yams a délivré une attestation de complaisance qui doit être écartée des débats, que Yams reconnaît désormais avoir vendu des séjours pour des destinations interdites par la clause de non-concurrence (ses pièces 14 à 19) en contradiction avec ses affirmations dans ses écritures de février 2021. Elles soutiennent que contrairement à ce que soutient Yams, seule la date de la conclusion de la vente doit être prise en compte et non celle du départ, peu important que les ventes aient été faites sur internet ou en agence.

Les intimés rétorquent que les appelantes ne démontrent pas que M [N] aurait exercé directement ou indirectement une activité de vente par internet de séjours packagés en France et en Espagne pour les destinations Ile Maurice, Seychelles, Maldives ou Polynésie Française avant le 28 février 2012.

Ils font valoir que ni l'objet social de la société Yams, ni l'enregistrement des marques et de noms de domaine Tiare Spirit et Lagon Spirit par la société Virtual Tech le 29 mars 2011, ni le contrat envisagé avec Mme [E] prévoyant une commercialisation des offres touristiques via le site WWW.tiarespirit.com à destination de la région pacifique au cours du premier semestre 2012, ni l'adresse électronique de Mme [E]: [Courriel 9], ni davantage le protocole signé avec M [L] ne démontrent des actes positifs de concurrence, étant observé que les sites internet Tiare Spirit et Lagon Spirit n'existaient toujours pas le 4 juillet 2012 ( pièce adverse 19).

Ils ajoutent ni les marques prétendument développées par M [N] ni les protocoles d'accord en vue de la constitution de filiales ne rendent compte d'une concurrence effective de M [N] sur les destinations prohibées jusqu'au 28 avril 2012. Ainsi, ils font valoir que Tiare Spirit est la marque de la société Jets immatriculée le 14 juin 2012, soit postérieurement au 28 février 2012 et que la marque Lagon Spirit a ouvert postérieurement au 28 février 2012. S'agissant des protocoles invoqués, ils disent que les sociétés Stebs et Vals n'ont jamais existé, et que la société Jets a été créée le 14 juin 2012,

Réponse de la Cour

La clause 2.1.5 du protocole d'accord signé le 24 mai 2011 est rédigée ainsi qu'il suit :

"Pour une durée expirant le 28 février 2012, M. [N] s'oblige à ne pas exercer d'Activité à quelque titre que ce soit (et notamment un mandat de dirigeant social), directement ou indirectement, au sein de toute entreprise, entité ou personne morale, et s'interdit de débaucher, directement ou indirectement, des cadres ou dirigeants du Groupe, ou inciter des clients ou prestataires réalisant une part significative de leurs activités à mettre fin à leur collaboration avec le Groupe ou à en modifier les conditions au détriment du Groupe. [']

Pour les besoins du présent article, la notion d'Activité et de territoire sont définies comme la vente par internet, en France et en Espagne, de séjours packagés (vol+hôtel) haut de gamme vers les destinations suivantes : Ile Maurice, Seychelles, Maldives et Polynésie française. Il est précisé que la rémunération de M. [N] au titre du présent engagement de non concurrence est incluse dans la somme de 60.000 euros visées à l'article 2.3 (I). "

Par conséquent, il appartient aux appelantes de démontrer que M [N] a exercé directement ou indirectement une activité de vente par internet de séjours packagés en France et en Espagne pour les destinations Ile Maurice, Seychelles, Maldives ou Polynésie Française avant le 28 février 2012, en violation de la clause de non-concurrence.

La Cour dans son arrêt du 1er septembre 2021 a retenu que la société Yams avait satisfait à sa demande de production du " journal de ses ventes pour 2011 et 2012 mentionnant les destinations des séjours qu'elle a vendus, notamment via le site WWW.tiarespirit.com, sous l'ensemble des marques dont Yams est en réalité titulaire ", et que l'attestation de l'expert-comptable produite par la société Yams indiquant " une absence de chiffre d'affaires

au 31 décembre 2011 à destination de l'Ile Maurice, de la Polynésie, de l'Océan Indien (Lagon) " n'était pas mensongère. Il en résulte que la demande tendant à voir écarter des débats cette attestation est rejetée.

En revanche, la Cour dans ce même arrêt, relevant qu'en dépit de la spécialisation alléguée de la société Yams dans les voyages à destination des Caraïbes, il est constant que des ventes de plusieurs voyages à destination de l'Ile Maurice ou des Maldives sont intervenus dans la période antérieure au 28 février 2012, a ordonné la production forcée au titre des mots-clés achetés sur Google Adword par Yams jusqu'au 28 février 2012 afin de permettre d'identifier , le cas échéant, les dépenses publicitaires vers les destinations couvertes par la clause de non-concurrence, sous astreinte.

La société Yams a satisfait à cette obligation ainsi qu'il résulte de la production de ses pièces 11, 36 à 43.

Il en résulte qu'aucune campagne publicitaire à destination de l'Ile Maurice, des Seychelles, des Maldives ou de la Polynésie française pour la période antérieure au 28 février 2012, n'a été mise en évidence, que les comptes Mojito Spirit et Bouddha Spirit n'ont jamais été facturés pour des mots clés se référant à ces quatre destinations avant le 28 février 2012, que les comptes Tiare Spirit, Bouddha Spirit et Lagon Spirit n'ont été ouverts et facturés par les services Google Adwords que postérieurement au 28 février 2012.

Par conséquent la demande de liquidation d'astreinte est rejetée.

Néanmoins, il est établi que cinq séjours ont été vendus via Beachcomber à destination de l'Ile Maurice entre le 24 novembre 2011 et le 5 janvier 2012, soit antérieurement au 28 février 2012, date de cessation de la période d'interdiction, peu important à cet égard la date du départ effectif des voyageurs, puisque c'est " la vente " au cours de la période qui est prohibée.

Cependant, les appelantes n'établissent pas, ainsi qu'il leur incombe, qu'il s'agissait de ventes sur internet seules prohibées, ces ventes portant la mention " en agence " (pièces 15, 17, 18 des intimés, étant observé que Mme [U] atteste (pièce 19) que les sites Tiare Spirit desservant le Pacifique et Lagon Spirit desservant l'océan Indien n'étaient pas encore ouverts au mois de juillet 2012.

Ainsi, la violation de la clause de non-concurrence par M [N] n'est pas établie.

Sur la violation de l'engagement de non-débauchage, de non-sollicitation et de confidentialité de M [N]

Les appelantes soutiennent que M [N] a violé l'article 2.1.6 du protocole qui lui faisait interdiction de débaucher les salariés de Karavel directement ou indirectement jusqu'au 31 décembre 2014. Elles font état à cet égard de l'embauche indirecte par M [N] de 13 salariés de Un monde à deux et Toorism avant le 31 décembre 2014, de la concomitance des démissions des salariés et de leur recrutement par Yams caractérisant selon elles un débauchage déloyal et massif par M [N] et Yams. Elles ajoutent que M [N] a pris une part active à ces recrutements (leurs pièces 20 et 21), peu important que certains des salariés aient quitté le groupe Karavel suite à une rupture conventionnelle ou à une démission,

Il est ainsi reproché à M [N] d'avoir engagé sa responsabilité contractuelle sur le fondement des articles 1134 et 1147 anciens du code civil en violant la clause de non-débauchage et de non-contact qui lui était imposée.

S'agissant de la clause de non sollicitation, il est reproché à M [N] d'avoir contacté, par l'intermédiaire de ses salariés des partenaires commerciaux du groupe Karavel (pièce 26).

S'agissant du détournement fautif et déloyal allégué du fichier de contacts de Karavel par Yams, les appelantes soutiennent qu'une grande partie des ventes de 2011 et 2012 a été effectuée avec les partenaires commerciaux de Karavel pendant la durée de la clause de non sollicitation à laquelle était tenue M [N] (grand livre de Yams - pièce 11) et que l'un des fichiers saisis sur les ordinateurs de Yams comprend une liste de contacts issue de Karavel (pièce 84).

Les intimés opposent à titre préalable, l'irrecevabilité des demandes de condamnation de M [N] au paiement d'une somme de 650 000 € au titre du débauchage de salariés formées à la fois sur le terrain délictuel et sur le terrain contractuel en vertu du principe du non cumul des responsabilités, ajoutant qu'en tout état de cause les demandes sur le fondement délictuel doivent être écartées, s'agissant en l'espèce de l'inexécution d'une obligation contractuelle.

S'agissant du débauchage allégué d'anciens salariés d'Un monde à deux et de Toorism,

les intimés écartent le cas de Mme [E] qui n'était pas cadre mais agent de maîtrise chez Toorism alors que la clause 2.1.6 du protocole ne vise que les cadres et les dirigeants, ajoutant que cet engagement perpétuel leur est inopposable.

S'agissant des 13 salariés prétendument débauchés, ils font valoir qu'aucune pièce de nature à établir un débauchage n'est produite, et encore moins un débauchage massif, qu'il s'agit de candidatures spontanées et de réponse à des annonces passées faisant suite à des démissions ou des ruptures conventionnelles, précisant que deux de ces salariés ne viennent ni d'Un monde à deux ni de Toorism. Ils ajoutent qu'aucune désorganisation de ces sociétés résultant de ces embauches n'est démontrée.

S'agissant de la non sollicitation de partenaires, les intimés soutiennent que l'article 2.1.6 second paragraphe est inopposable comme dépourvue de limite temporelle et est contradictoire avec l'article 2.1.5 sur la clause de non-concurrence, en ce qu'elle aboutit à empêcher toute concurrence après le 28 février 2012.

Ils ajoutent que la condition d'un préjudice subi par le " Groupe LHT " n'est pas établie, s'agissant d'avoir contacté deux hôtels, l'un aux Caraïbes, l'autre à l'Ile Maurice dans le respect de la clause de non-concurrence.

Réponse de la Cour

La clause 2.1.6 du protocole d'accord est ainsi libellée :

"Monsieur [N] s'engage en outre ['] à ne pas débaucher directement ou indirectement, des salariés ou dirigeants du Groupe LHT jusqu'au 31 décembre 2014[']

Par ailleurs et plus généralement, Monsieur [N] s'interdit directement et indirectement de prendre contact (i) avec tout salarié ou représentant du Groupe LHT à l'exception de Mme [G] [P] (ii) ainsi qu'avec tous les partenaires commerciaux (fournisseurs directs ou indirects) du Groupe LHT sauf dans l'hypothèse où cela ne causerait aucun préjudice au Groupe LHT ".

S'agissant, en premier lieu, de la clause de non-débauchage des salariés ou dirigeants du Groupe LHT, il est établi notamment par le procès-verbal de constat d'huissier du 4 juillet 2012 4 embauches par Yams sur 7 mois de salariés d'Un monde à deux et 7 embauches sur 13 mois de salariés de la société Toorism aux droits de laquelle se trouve désormais la société Un monde à deux, peu important que sur ces 11 embauches quatre aient fait l'objet d'une rupture conventionnelle, étant observé que le cas de Mme [P] n'est pas comptabilisé, ni celui de Mme [E] (agent de maîtrise) et que deux autre embauches n'ont pas été prises en compte comme ne provenant pas directement du groupe LHT ( Mme [R] et Mme [X]).

Est également établie la concomitance de ces départs du groupe Karavel avec leur embauche parYams (grand livre de Yams- Pièce 11des intimés et départ du groupe Karavel -pièce 83des appellantes). Ainsi Mme [A] [I] et M [F] [Z] ont quitté le groupe le 3 septembre 2011 et leur première salaire leur a été versé par Yams le 30 septembre 2011, M [M] [B] est noté comme partant du groupe Karavel le 6 février 2012 (à la faveur de ses congés payés) et reçoit son premier salaire de Yams dès le 1erjanvier2012, M [S] quitte le groupe le 3 mars 2012 et reçoit son premier salaire de Yams le 31 mars 2012, Mme [W] quitte le groupe le 8 mars 2012 et est payée par Yams le 31 mars 2012, '

Il résulte de ces éléments un faisceau d'indices suffisant pour retenir la violation par M [N] de son obligation de non-débauchage directe ou indirecte. La circonstance que ces embauches d'anciens salariés du Groupe LHT soient intervenues à la suite d'annonces ou de candidatures spontanées, après démission ou rupture conventionnelle (pièces 22 à 27 des intimés) est insuffisante à rapporter la preuve contraire. En outre, il est établi que M [N] a envoyé en 2011 des courriels contenant des documents de Mme [I] et de M. [Z] précisant que ceux-ci seraient confirmés à la fin de leur période d'essai (pièces 20 et 21 des appelantes) tandis qu'en avril 2012, il a indiqué être en charge des déclarations unique à l'embauche pour Yams (pièce 23 des appelantes), violant également la clause de non-contact qui lui était imposée.

S'agissant, en second lieu, de la non sollicitation des partenaires commerciaux du groupe LHT, outre que cette clause est bien limitée dans le temps comme prenant fin le 31 décembre 2014, date mentionnée au premier paragraphe de cet article, il est établi que deux hôtels, l'un aux Caraïbes le 5 octobre 2011, l'autre à l'Ile Maurice le 30 mai 2012 ont été contactés par la société Yams. Ainsi M [Z] s'est présenté comme ancien salarié d'Un monde/Toorism dans son courriel adressé le 6 octobre 2011 à l'Hôtel Le Toiny à St Barthélémy pour présenter l'agence de voyage Mojito Spirit et le référencer (pièce 26 des appelantes). De la même manière Mme [U], ancienne salariée de Toorism a proposé un partenariat avec Evasion Spirit à l'hôtel Anahita à l'Ile Maurice le 30 mai 2012 " sous la direction générale de [K] [N] " (pièce 19 des appelantes). La violation indirecte de cette obligation par M [N] est ainsi établie, peu important qu'il s'agisse d'hôtels haut de gamme connus de tous ainsi qu'il est allégué alors que contact a été pris en se revendiquant d'anciens liens avec le groupe Karavel et de M [N], sauf à vider de toute substance la clause de non-sollicitation. Il sera ajouté que la mention " sauf dans l'hypothèse où cela ne causerait aucun préjudice au Groupe LHT " ne serait de nature à exonérer M [N] de sa responsabilité contractuelle que si aucun préjudice n'était démontré.

Sur la violation de l'engagement contractuel de restitution des fichiers de Karavel et l'utilisation déloyale de ces fichiers par Yams.

Les appelantes soutiennent que M [N] a violé la clause de restitution de l'article 2.1.7 du protocole, outre l'article 2.1.3, faisant valoir que des fichiers Excel qui constituent des bases de clientèle et de prospects des sociétés du groupe ont été saisis sur son ordinateur (pièce 18).

Les intimés rétorquent que les articles 2.1.7 et 2.1.3 n'interdisent pas la simple possession de documents mais seulement leur utilisation et que celle-ci n'est pas démontrée par le constat d'huissier.

Réponse de la Cour

La clause 2.1.3 " Restitution des matériels " du protocole d'accord mentionne :

" Monsieur [N] restituera à la Société au plus tard le 10 juin 2011, l'ensemble des matériels, documents et informations en sa possession appartenant au Groupe, à LHT ou à Karavel (ensemble le Groupe " LHT ").

Monsieur [N] s'engage à ne pas utiliser tous documents qui seraient en sa possession."

La clause 2.1.7 " Engagement de collaboration " est ainsi libellée :

" (')

Monsieur [N] s'engage irrévocablement :

(i)" à transmettre avant son départ et à ne plus utiliser, l'ensemble des codes et identification de connexion permettant l'accès aux logiciels utilisés par lui (notamment Rumba, Kit Tourisme), l'accès aux services distants utilisés par lui (notamment les accès aux comptes bancaires, le contrôle d'accès aux locaux et le contrôle des alarmes.

(ii) à remettre à la Société :

avant son départ et au plus tard le 10 juin 2011 un rapport d'activité détaillé sur la mise en place d'une production Ile Maurice et Polynésie Française.

(iii) à transmettre avant son départ l'ensemble des dossiers et de ses contacts étant entendu que les contacts sont tous sur Outlook. A ce titre, Monsieur [N] autorise Monsieur [T] et toute personne que ce dernier désignera à accéder à la boite mail [Courriel 11] ".

Il résulte du procès-verbal de constat d'huissier du 4 juillet 2012 (pièce71 des appelantes) qu'un fichier " Un monde " constituant des bases de clientèle et de prospects des sociétés du groupe Karavel a été saisi sur l'ordinateur de M [N], alors qu'en vertu de l'article 2.1.3, il était tenu de restituer "au plus tard le 10 juin 2011, l'ensemble des matériels, documents et informations en sa possession appartenant au Groupe, à LHT ou à Karavel (ensemble le Groupe " LHT ".

L'un des fichiers saisis contient une liste de contacts issue de Karavel comprenant pour chaque entité des interlocuteurs, leur position dans l'entreprise et leurs coordonnées (pièce 84 des appelantes).

De même une liste de clients de Karavel a été trouvée.

Par conséquent, la violation de la clause de restitution des matériels par M [N] ainsi que de son engagement de collaboration est établie.

En revanche, selon le procès-verbal de constat d'huissier : " Il appert que les collaborateurs disposent de postes fixes PC et il n'a pas été mis en évidence l'existence de fichiers qui pourraient être à leur disposition, notamment fichiers de prospects, de clients ou d'adresse mail utilisés pour l'envoi de la newsletter ".

Sur la responsabilité in solidum des intimés au titre de la concurrence déloyale et parasitaire.

Les appelantes font état d'actes déloyaux commis de concert par les intimés visant à désorganiser les sociétés Un monde à deux et Karavel par une collusion frauduleuse de M [N] et de Mme [P], initiée alors qu'ils exerçaient encore des fonctions au sein du groupe Karavel, " pour piller " le fonds de commerce de ces sociétés en vue du lancement d'une activité concurrente parasitaire. Elles invoquent au titre de ces agissements déloyaux : la création d'adresses électroniques leur permettant de communiquer sur la création de Yams sans attirer les soupçons de Karavel, le transfert vers ces adresses de documents sensibles du groupe Karavel pour travailler sur le positionnement de la société concurrente, le dépôt des marques et des noms de domaines devant être exploitées par Yams, le financement dissimulé de Yams et l'encadrement des pouvoirs du président, la désignation de M [L] en cette qualité étant fictive.

Elles soutiennent que les consorts [N]-[P] sont à l'origine de la création d'un groupe de sociétés en concurrence directe avec les sociétés Karavel et Un monde à deux tant dans son objet et son champ d'activité que dans son positionnement de marché et son organisation interne (Yams (Mojito Spirit) immatriculée le 30 juin 2011 dirigée par M [N] depuis le 28 mars 2014 mais créée par M [N] avant son départ du groupe Karavel et en tout état de cause avant le 28 février 2012, terme de son obligation de non-concurrence. Mana partenaires créée le 27 mars 2012 dirigée par M [N], Evasion Spirit créée le 15 mai 2012, dirigée par M [N], Jets (Tiare spirit) créée le 14 juin 2012 dirigée par Mme [Y] [E], radiée le 18 décembre 2015).

Elles soutiennent que cette collusion frauduleuse en vue de créer une société concurrente d'Un Monde à Deux engage la responsabilité délictuelle in solidum de Mme [P] et des sociétés Yams, Evasion Spirit, Jets et Mana Partenaires pour des faits de concurrence déloyale et de parasitisme.

Au titre des actes de concurrence déloyale, source de responsabilité, les appelantes se prévalent aussi du débauchage fautif des salariés du groupe Karavel qui a désorganisé l'activité de celui-ci, du détournement déloyal de fichiers appartenant au groupe Karavel et de leur utilisation déloyale au profit des sociétés crées par M [N], du détournement de clientèle et de partenaires commerciaux.

Elles soutiennent que le succès fulgurant de Yams, puis du groupe de sociétés, ne peut s'expliquer que par les pratiques déloyales mises en 'uvre par les consorts [N] et leurs sociétés.

Les intimés rétorquent :

-que les demandes au titre de la concurrence déloyale et parasitaire formées à leur encontre doivent être rejetées, faisant valoir que la création d'une société concurrente qui leur est reprochée n'a jamais été interdite par aucun engagement contractuel et que la libre concurrence est un principe constitutionnel ;

-que s'agissant des demandes au titre de la concurrence déloyale et parasitaire formées à l'encontre de la société Yams, aucune démonstration d'actes déloyaux concomitants aux embauches de salariés ni d'actes déloyaux de désorganisation effective n'est faite ;

-qu'aucune démonstration de l'utilisation des fichiers des sociétés Un monde à deux et Karavel n'est faite, ajoutant au surplus que se pose un problème de recevabilité de leur demande au regard de l'intérêt à agir s'agissant de la propriété des fichiers litigieux , de leur licéité et des déclarations à la CNIL ;

-que s'agissant du détournement de clientèle et de partenaires commerciaux par Yams, aucune concurrence déloyale ne peut être reprochée à celle-ci ;

-que s'agissant des demandes au titre de la concurrence déloyale formulées à l'encontre de M [N], les intimées opposent leur irrecevabilité au regard de la règle du non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle et en tout état de cause leur caractère infondé,

-que s'agissant des demandes au titre de la concurrence déloyale formulées à l'encontre de Mme [P], outre que la double réparation d'un même préjudice ne peut être sollicitée s'agissant en l'espèce des demandes au titre de détournement de fichiers et de débauchage de salariés, les griefs invoqués sont infondés

Réponse de la Cour,

- La responsabilité délictuelle sur le fondement de la concurrence déloyale de M [N] ne peut être recherchée pour des manquements allégués à ses obligations contractuelles en vertu du principe du non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle qui interdit de rechercher la responsabilité d'une partie pour des mêmes faits sur ces deux fondements. Et le manquement de M [N] à plusieurs de ses obligations contractuelles a été retenu.

- S'agissant des demandes au titre de la concurrence déloyale formée à l'encontre de Mme [P], il convient de rappeler que celle-ci a été déliée de son obligation de non-concurrence (pièce 5 des appelantes), lorsqu'elle a quitté par rupture conventionnelle, en sa qualité de directrice d'agence, la société Toorism le 30 mai 2011, qu'il ne peut ainsi lui être reproché d'avoir apporté la société Virtual Tech, comme un des trois associés de la société Yams dont les statuts ont été signés le 21 juin 2011 et qui a été immatriculée le 30 juin suivant, d'avoir assumé la co-direction de la société Yams depuis septembre 2011, d'avoir 'uvré pour la mise en place du site internet de la société Yams et d'avoir créé des sites internet spécialisés par régions du monde sur le même modèle que les filiales Un monde à deux dont l'originalité n'est pas même établie et à supposer ce fait établi, ni davantage selon les allégations invoquées, d'avoir aidé à transgresser les obligations de M [N] en sa qualité notamment de conjointe de celui-ci.

Quant à la violation de son devoir de loyauté alors qu'elle était encore salariée de la société Toorism, il n'est pas démontré qu'elle ait exercé une activité concurrente avant son départ de la société, étant observé que la seule préparation d'une activité concurrente alors qu'elle était salariée de Toorism ne peut lui être reprochée.

Par conséquent, les demandes présentées à son encontre sur le fondement de la concurrence déloyale et parasitaire sont rejetées.

-S'agissant de la société Yams, il lui est reproché d'avoir manqué à son obligation de concurrence loyale, en procédant à des embauches massives d'anciens salariés de Toorism et Un monde à deux, désorganisant ainsi durablement ces sociétés, d'avoir utilisé les fichiers Excel conservés par M [N] qui constituent des bases de clientèle et de prospects des sociétés du groupe, ainsi qu'il résulte notamment du fait que 45% des clients de Yams proviennent des fichiers clients de Karavel ( leur pièce 56), de sorte que selon les appelantes, Yams a tiré un avantage indu de l'utilisation de cette base de données, se livrant ainsi à une concurrence déloyale et parasitaire, ce qui a permis à Yams de développer rapidement un volume d'affaires ainsi qu'une trésorerie conséquente et de dissimuler dans sa comptabilité ses ventes vers les destinations couvertes par la clause de non-concurrence, faisant valoir à cet égard que les hôtels Beachcomber sont exclusivement à l'Ile Maurice.

Il est établi ainsi qu'il a été dit que Yams a procédé à l'embauche de 11 salariés des sociétés Un monde à deux et Toorism dans une période de 13 mois, désorganisant ces sociétés au regard de de l'ampleur de ces embauches dans un délai restreint, ainsi que de l'ancienneté de ces salariés dans ces sociétés dont il se déduit leur caractère expérimenté. Ces faits sont constitutifs d'une concurrence déloyale.

De la même manière, Yams a bénéficié de fichiers conservés par M [N] constituant des bases de clientèle et de prospects des sociétés Un monde à deux et Toorism, ainsi qu'il résulte notamment du fait que nombre de clients de Yams proviennent des fichiers clients de Karavel (pièce 56 des appelantes), étant observé que Yams se prévaut à tort de l'ancienneté des clients figurant sur le listing (pièce 88 des appelantes) puisque si pour certains d'entre eux la dernière commande remontait à 5 voire 6 ans, pour un certain nombre d'autres les commandes remontaient à deux ans. Ces faits sont constitutifs non seulement d'une concurrence déloyale mais aussi parasitaire en ce qu'elle a permis à Yams en se glissant dans le sillage des sociétés appelantes de s'épargner des frais de constitution de fichiers, notamment de publicité et de développer rapidement un volume d'affaires.

En revanche, la création en toute déloyauté de cette société concurrente n'est pas établie dans la mesure où la création d'une société concurrente entant que telle n'était nullement interdite.

- Enfin, s'agissant des demandes au titre de la concurrence déloyale et parasitaire formées à l'encontre des sociétés Mana Partenaires, jets et Evasion Spirit (désormais dénommée Es Tourisme), en l'absence de démonstration de faits fautifs qui leur seraient imputables, notamment que ces sociétés se seraient placées dans le sillage des appelantes, ces demandes ne peuvent qu'être rejetées.

En outre, la participation à un dol au demeurant non établi, ne peut leur être reprochée alors qu'elles n'existaient pas le 24 mai 2011, jour de la conclusion du protocole d'accord. Quant à la remontée de dividendes dont elles auraient bénéficié, force est de constater qu'il ne s'agit pas d'un ace positif de concurrence déloyale ainsi que le font justement valoir les intimés.

Les demandes de ce chef sont rejetées à leur égard.

Sur les demandes de condamnation formées contre de M [N]

-Les sociétés appelantes sollicitent la condamnation de M. [K] [N] à leur verser respectivement à la société Un monde à deux la somme de 60 000 euros et à la société Karavel la somme de 326.039,70 euros en réparation du préjudice subi du fait de ces violations, contractuelles

Aux termes du protocole d'accord du 24 mai 2011, M [N] a perçu la somme de 60 000 € de la société Un monde à deux en contrepartie de différents engagements de non-concurrence, de non-débauchage et de collaboration dont il a été dit que les deux derniers n'ont pas été respectés.

Au regard de leur gravité, le non-respect des engagements prive de cause la somme versée en contrepartie.

En conséquence, la société Un Monde à deux est fondée à solliciter à titre de dommages-intérêts de M [N] le paiement de la somme de 60 000 € versée.

De même, la société Karavel est fondée à solliciter de M [N] à titre de dommages-intérêts le paiement de la somme de 326 039,70 € qu'elle a renoncé à percevoir en contrepartie des engagements et renonciations figurant à l'article 2.1 du protocole d'accord souscrits par M [N] au regard de la gravité du non-respect des engagements qui prive de cause la renonciation intervenue.

-Sur le préjudice subi par la société Karavel du fait du paiement du prix de cession des parts sociales de la société Un monde à deux en contrepartie d'un fonds de commerce vidée de sa substance en application de l'article 1630 du code civil dans sa version applicable au litige.

Les appelantes soutiennent que M [N] est, en tout état de cause, tenu d'une obligation de non-éviction en qualité de vendeur de la société Un monde à deux au groupe Karavel sur le fondement des articles 1628 et suivants anciens du code civil, que la Cour par son arrêt avant dire droit a constaté les man'uvres mises en 'uvre par M [N] pour créer une entreprise concurrente alors qu'il était encore dirigeant de la société Un monde à deux, que ces man'uvres et leurs poursuites après son départ de la société ont vidé l'entreprise vendue de sa substance, notamment de sa clientèle, de sorte que M [N] a violé son obligation de non-éviction et la jouissance paisible par le groupe Karavel de l'entreprise acquise. Elles sollicitent en conséquence la restitution du prix de cession d'un montant de 713 487€ versée à M [N].

Les intimés rétorquent que cette garantie d'éviction ne peut être invoquée relativement à une cession de titres dès lors que la société Un monde à deux a poursuivi et poursuit toujours son activité et a pu réaliser son objet social sans le moindre détournement de clientèle, la pièce adverse 88 étant inopérante à cet égard, s'agissant de personnes qui n'étaient plus clientes de la société Un monde à deux depuis 5 voire 6 ans.

Réponse de la Cour

La garantie légale d'éviction du fait personnel entraine pour le vendeur s'agissant de la cession d'actions d'une société l'interdiction pour celui-ci de se rétablir si ce rétablissement est de nature à empêcher les acquéreurs de ces actions de poursuivre l'activité économique de la société et de réaliser l'objet social.

Et la prospection effectuée par le vendeur de parts de société auprès de son ancienne clientèle constitue au sens de l'article 1628 du code civil un fait personnel contraire à la garantie due à l'acheteur.

En l'espèce, il n'est pas établi que le rétablissement de M [N] a été de nature à empêcher les sociétés du groupe Karavel, qui ont acquis ces actions, de poursuivre l'activité économique des sociétés et de réaliser leur objet social.

En conséquence, les demandes sur ce fondement de restitution du prix de cession et de la renonciation à la garantie de passif sont rejetées.

Sur le préjudice subi par les appelantes du fait du manquement de M [N] à son obligation de loyauté.

Il a été dit que la responsabilité délictuelle de M [N] était susceptible d'être engagée au titre du manquement à l'obligation de loyauté.

Les appelantes sollicitent sur ce fondement la somme de 60 000 € à titre de remboursement de la contrepartie financière indument versée à M [N].

Force est de constater que cette demande de remboursement a été accueillie sur le fondement contractuel au titre du manquement de M [N] à ses obligations.

Par conséquent, faute de justification d'un préjudice distinct du fait du manquement de M [N] à son obligation de loyauté, cette demande est rejetée.

Sur la demande de réparation au titre de la concurrence déloyale.

Il est sollicité à ce titre la condamnation de M. [K] [N], Madame [G]-[H] [P], ainsi que les sociétés Yams, Evasion spirit, Mana Partenaires et Jets in solidum à verser à la société Un monde à deux, pour son propre préjudice et celui de la société Toorism aux droits de laquelle elle intervient, la somme de 2.405.987 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice, se décomposant comme suit :

-713.487 euros au titre de la création en toute déloyauté d'une entreprise concurrente

-1.042.500 euros, au titre du détournement de fichiers,

-650.000 euros au titre du débauchage fautif de salariés.

Il a été dit que les appelantes étaient irrecevables en cette demande dirigée à l'encontre de M. [N], que des faits de concurrence déloyale n'étaient établis ni à l'encontre de Mme [P], ni à l'encontre des sociétés Evasion spirit, Mana Partenaires et Jets.

Seule la responsabilité de la société Yams a été retenue sur ce fondement pour avoir désorganisé les sociétés en procédant au recrutement de salariés et avoir tiré un avantage indu des fichiers conservés, occasionnant préjudice non déjà réparé par les sommes allouées.

S'agissant des faits de concurrence déloyale et parasitaire au titre du détournement de fichiers, en l'absence d'éléments de nature à renverser la présomption de préjudice en résultant, et au vu de la consistance des fichiers dont la valeur n'est toutefois pas établie par des éléments précis, ainsi que de l'avantage concurrentiel en résultant, notamment la stagnation des sociétés victimes et la progression rapide de la société nouvelle, la Cour dispose des éléments suffisants lui permettant de fixer à 100 000€ le montant des dommages-intérêts que devra leur verser la société Yams.

S'agissant des faits de concurrence déloyale au titre de la désorganisation résultant de l'embauche d'au moins 11 salariés des sociétés victimes sur 13 mois, bénéficiant tous d'une expérience au regard de leur ancienneté, des frais de du recrutement d'un nouveau personnel nécessairement exposés, la Cour dispose d'éléments suffisants lui permettant de fixer à 60 000 € le montant des dommages-intérêts que devra leur verser la société Yams.

Sur la demande de suppression des fichiers et autres

Au regard du temps écoulé, il ne sera pas fait droit à la demande de suppression des fichiers de même qu'à l'interdiction de débauchage des salariés et de démarchage des partenaires commerciaux des sociétés appelantes.

Sur la demande de publication de la décision

La demande de publication de la décision n'apparaît pas nécessaire.

Sur les dommages-intérêts, les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Le sens de l'arrêt commande d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné les appelantes à payer 10 000 euros à titre de dommages intérêts à chacune des sociétés Mana Partenaires, Evasion Spirit et Jets.

De même le sens de l'arrêt commande de condamner M [N] et la société Yams in solidum aux dépens, de débouter ces derniers de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de les condamner in solidum à verser la somme globale de 15 000 € sur ce dernier fondement aux sociétés Karavel et Un monde à deux.

L'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Mme [P] ainsi que des sociétés Mana Partenaires, Es Tourism et Jets.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire,

Vu ses arrêts des 9 décembre 2020 et 1er septembre 2021,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions qui lui sont soumises,

Statuant à nouveau et Y ajoutant,

Condamne M [K] [N] à payer en réparation de ses manquements contractuels à la société Un Monde à deux la somme de 60 000 € à titre de dommages-intérêts ainsi qu'à la société Karavel la somme de 326 039,70 € à titre de dommages-intérêts,

Condamne la société Yams à verser aux sociétés Un Monde à deux et Karavel la somme globale de 100 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi pour des faits de concurrence déloyale et parasitaire au titre du détournement de fichiers et la somme globale de 60 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi pour des faits de concurrence déloyale au titre du débauchage fautif de salariés,

Condamne M [K] [N] et la société Yams in solidum aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à payer à la société Un monde à deux et à la société Karavel la somme globale de 15 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute autre demande.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 18/00537
Date de la décision : 19/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-19;18.00537 ?
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