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17/04/2023 | FRANCE | N°21/02190

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 10, 17 avril 2023, 21/02190


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 10



ARRÊT DU 17 AVRIL 2023



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/02190 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDBOU



Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Janvier 2021 -Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY RG n° 18/11365



APPELANT



Me [D] [J] (SELEURL [D] AVOCATS) - Mandataire de Monsieur [F] [P]

[Adresse 6]

[Localité

7]



Monsieur [P] [F]

[Adresse 5]

L5887 ALZINGEN LUXEMBOURG



Représenté par Me David SULTAN de la SELEURL SULTAN AVOCATS, avocat au barreau de PARIS



INTIMES



DIRECTION DEPARTEME...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 10

ARRÊT DU 17 AVRIL 2023

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/02190 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDBOU

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Janvier 2021 -Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY RG n° 18/11365

APPELANT

Me [D] [J] (SELEURL [D] AVOCATS) - Mandataire de Monsieur [F] [P]

[Adresse 6]

[Localité 7]

Monsieur [P] [F]

[Adresse 5]

L5887 ALZINGEN LUXEMBOURG

Représenté par Me David SULTAN de la SELEURL SULTAN AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

INTIMES

DIRECTION DEPARTEMENTALE DES FINANCES PUBLIQUES

DU VAL DE MARNE

Ayant son siège social

[Adresse 1]

[Localité 11]

Représentée par Me Laurine SALOMONI de la SARL FRICAUDET LARROUMET SALOMONI, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 192

INTERVENANT

LE COMPTABLE PUBLIC RESPONSABLE DU SERVICE DES IMPOTS DES ENTREPRISES (SIE)

En ses bureaux [Adresse 2]

[Localité 8]

Représentée par Me Laurine SALOMONI de la SARL FRICAUDET LARROUMET SALOMONI, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 192

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 16 Janvier 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Edouard LOOS, Président

Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Présidente

Monsieur Jacques LE VAILLANT, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Présidente, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MOLLÉ

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Edouard LOOS, Conseiller et par Sylvie MOLLÉ, Greffier présent lors du prononcé.

FAITS ET PROCÉDURE

L'administration fiscale a émis à l'encontre de Monsieur [P] [F] des avis de mise en recouvrement en date des 30 mars 2007 et 17 décembre 2007 au titre de l'ISF pour les années 2002, 2003 et 2004.

Après avoirs formé des réclamations gracieuses qui ont été rejetées, Monsieur [F] a, par courrier du 5 avril 2008, formé une réclamation contentieuse concernant l'SF 2002, 2003 et 2004 sur le principal et les pénalités.

La réclamation contentieuse aurait été rejetée par l'administration fiscale le 29 mai 2015 ce qui est contesté par M. [F].

Par courrier en date du 29 mars 2018, le directeur départemental des finances publiques de [Localité 11] a pris note de la contestation de Monsieur [P] [F] de ses avis à tiers détenteurs et a rejeté sa réclamation contentieuse portant sur l'ISF 2002/2003/2004 et ses pénalités.

Monsieur [P] [F] a saisi le tribunal administratif de Melun le 12 juillet 2018 invoquant la prescription quadriennale.

Par jugement du 17 août 2018, le tribunal administratif de Melun s'est déclaré incompétent.

Monsieur [P] [F] a attrait l'administration fiscale devant le tribunal judiciaire de Bobigny par acte en date du 15 octobre 2018 aux fins de voir prononcer la décharge des pénalité de 41 183 euros ainsi que le remboursement des commissions sur les différents avis à tiers détenteurs facturées par les banques.

Par conclusions , il a sollicité également le remboursement par l'administration fiscale de la somme de 70 600 euros au titre des ISF 2002, 2003 et 2004.

Par jugement rendu le 14 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Bobigny a statué comme suit :

- dit hors délai la demande en paiement de la direction générale des finances publiques relative aux pénalités pour les ISF,

- prononce la décharge des pénalités réclamées à M. [P] [F] à hauteur de la somme de 45 183 euros,

- rejette le surplus des demandes,

- dit que chaque partie au litige conserve la charge des dépens qu'elle aurait exposés à l'occasion de la présente instance.

Par déclaration du 1er février 2021, Monsieur [P] [F] a interjeté appel du jugement.

Par dernières conclusions signifiées le 22 avril 2021, Monsieur [P] [F] demande à la cour de :

vu les articles 564, 565, 566 et 700 du code de procédure civile, les articles L 274 du livre des procédures fiscales,

infirmer le jugement sur les points suivants en ce qu'il a :

- rejette le surplus des demandes ;

- dit que chaque partie au litige conserve la charge des dépens qu'elle aurait exposés à l'occasion de la première instance.

confirmer le jugement sur les points suivants :

- dit hors délai la demande en paiement de la direction générale des finances publiques relative aux pénalités pour les ISF ;

- prononce la décharge des pénalités ISF 2002/2003/2004 réclamées à M. [P] [F] à hauteur de la somme de 45 183 euros.

et statuant à nouveau

- ordonner le remboursement des droits en principal des ISF 2002/2003/2004 d'un montant de 70 600 euros ;

- ordonner le remboursement des intérêts moratoires pour les pénalités ISF ainsi que pour les ISF 2002/2003/2004 calculés sur la base de l'année 2007 à ce jour ;

- condamner la Direction départementale des finances publiques du Val de Marne à rembourser à Monsieur [F] les frais déboursés en première instance à hauteur de 3 000 euros, en vertu de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la Direction départementale des finances publiques du Val de Marne à régler à Monsieur [F], en application de l'article 700 du code de procédure civile, une somme de 2 500 euros, outre les dépens.

Par dernières conclusions signifiées le 28 juillet 2021, la direction départementale des finances publiques du Val de Marne demande à la cour de :

vu l'article L274 et R*199-1 du livre des procédures fiscales, l'article 2234 et 2240 du code civil, les articles 564 et 566 du code de procédure civile,

- recevoir le comptable public responsable du service des impôts des entreprises de Champigny sur Marne en son intervention ;

- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Bobigny du 14 janvier 2021 dont appel en ce qu'il a :

dit hors délai la demande de paiement de la direction générale des finances publiques relatives aux pénalités pour les ISF ;

prononcé la décharge des pénalités réclamées à M. [P] [F] à hauteur de la somme de 45 183 euros ;

dit que chaque partie conserve la charge des dépens qu'elle aurait exposés à l'occasion de la présente instance.

statuant à nouveau :

- à titre principal, déclarer Monsieur [P] [F] irrecevable en ses demandes ;

- à titre subsidiaire, débouter Monsieur [P] [F] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- en tout état de cause, condamner Monsieur [P] [F] à payer à la Direction départementale des finances publiques du Val de Marne et au Comptable public responsable du service des impôts des entreprises de Champigny sur Marne la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Monsieur [P] [F] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

SUR CE,

Sur l'intervention du SIE de Champigny sur Marne

Le SIE de Champigny sur Marne expose qu'il est bien fondé à intervenir volontairement à la présente instance dès lors que c'est sur ce comptable que pèse la charge du recouvrement de l'imposition d'ISF contre M. [F].

Aucune contestation de la recevabilité de l'intervention du SIE de Champigny sur Marne n'est formée par l'intimé.

L'intervention sera déclarée recevable.

Sur la recevabilité de l'action de M. [F] en contestation de l'assiette

Monsieur [F] expose que si le juge de première instance a fait droit à ses demandes concernant les pénalités calculées à partir des ISF 2002, 2003 et 2004, il n'a pas réellement statué sur les droits en principal à hauteur de 70 600 euros au titre des ISF 2002, 2003 et 2004 déjà acquittés outre les intérêts moratoires de 2007 à ce jour qui ont pourtant fait l'objet d'une demande de sa part dans ses écriture ; qu'il ne s'agit donc pas d'une demande nouvelle.

Il fait valoir que le redressement fiscal au titre de l'ISF relatif aux années 2002, 2003 et 2004 a été réalisé par la 6ème brigade de vérification des Hauts de Seine Sud et non par le SIE de Champigny sur Marne et qu'il semblerait que ce soit cette même brigade voire le SIE de Champigny qui lui ait adressé l'avis de mise en recouvrement en 2007, à une adresse différente de celle où il résidait de telle sorte qu'il n'a reçu ni notification de redressement ni ses avis de mise en recouvrement. Il précise qu'il a régulièrement établi ses déclarations fiscales de 2006 à ce jour au centre des impôts des non-résidents, de telle sorte que l'administration fiscale connaissait ses différentes adresses ; que le SIP de Champigny ayant voulu traiter lui-même le dossier, il n'a pas pris en compte ces précieuses informations ; que le dossier étant trop ancien et ayant été perdu par la 6ème brigade de vérification des Hauts de Seine Sud, il a demandé plusieurs fois au SIE de Champigny sur Marne un double des courriers qui lui ont été adressés de 2006 à 2015 ainsi que son avis de mise en recouvrement. Or, cet avis ainsi que son dossier ISF de 2006 à 2015, n'ont jamais pu lui être transmis par la SIE puisque perdus.

Il indique que, dès qu'il a eu connaissance des montants des droits en principal, en 2007, il s'est acquitté de sa dette fiscale mais a introduit une réclamation contentieuse des droits en principal ainsi que des pénalités pour les ISF susvisés ; qu'aucun courrier en réponse ne lui a été adressé de la part de l'administration fiscale. Il a alors demandé au SIP de lui communiquer des copies des courriers envoyés à son égard depuis l'année 2007 mais son dossier ayant été perdu, aucune réponse ne lui est parvenue.

Il soutient qu'il apparaît clairement qu'aucun courrier, aucune mise en demeure ou acte interruptif ne lui a été adressé, depuis le 13 avril 2007 jusqu'en 2015 et que, sans acte interruptif de la part de l'administration fiscale, la prescription quadriennale est acquise ; qu'en l'absence de réponse à la réclamation contentieuse du contribuable, la créance de l'administration fiscale n'est ni justifiée ni exigible, puisque prescrite et que ce constat doit être étendu aux pénalités et aux droits en principal, ainsi qu'aux intérêts moratoires puisqu'ils font partie de la dette fiscale de Monsieur [F] au titre de ces ISF.

Il indique que le montant des intérêts moratoires pour les ISF 2002/2003/2004 de 2007 ne peut pas être fixé à ce jour puisqu'ils courent toujours.

L'administration fiscale soutient que la demande en décharge des pénalités de Monsieur [F] ainsi que sa demande en cause d'appel en décharge du principal et des intérêts moratoires, sont irrecevables.

Elle soutient que la demande déposée au tribunal après l'expiration du délai de deux mois de l'article R*199-10 du livre des procédures fiscale, est irrecevable ; qu'en l'espèce, le requérant se saisit de la réponse d'attente du 29 mars 2018, accusant réception de sa contestation reçue le 20 mars 2018, relative à la contestation des avis à tiers détenteur liés à l'impôt sur les revenus dont il a fait l'objet, comme étant la réponse à sa réclamation d'assiette d'ISF introduite en 2007 (en réalité datée du 5 avril 2008) ; qu'il s'agit de deux contentieux différents, l'un étant un contentieux d'assiette, portant donc sur le fond, l'autre étant un contentieux de recouvrement de créances et que ces deux contentieux ne sont régis ni par les mêmes textes ni par les mêmes services.

Elle expose que M. [F] attribue l'accusé de réception (réponse d'attente du 29 mars 2018) d'un contentieux de recouvrement (avis à tiers détenteur du SIP) comme étant la réponse à son contentieux d'assiette d'ISF mis en recouvrement par le SIE de Champigny sur Marne ; que pourtant, les impositions au titre de l'ISF 2002 à 2004, ses majorations et pénalités ont fait l'objet d'avis de mise en recouvrement ; que M.[F] n'a déposé une réclamation préalable au titre de ces impositions que le 5 avril 2008 à laquelle il a été répondu par un rejet le 29 mai 2015 ; que M. [F] n'a saisi le tribunal administratif de Melun que le12 juillet 2018, soit manifestement au-delà du délai de deux mois prévu à l'article R*199-1 du LPF précité ; qu'il prétend n'avoir jamais reçu la lettre de rejet en raison de son déménagement ; qu'il est justifié du bordereau d'envoi de la lettre de rejet en recommandé à l'adresse de M. [F] au Luxembourg, dernière adresse connue de M. [F] par l'administration fiscale à défaut pour M. [F] d'avoir communiqué à l'administration sa nouvelle adresse ; que la lettre du 29 mai 2015 a donc bien fait courir le délai de deux mois, sans qu'il soit besoin de s'interroger sur la réception, effective par M. [F], celui-ci ayant l'obligation de communiquer sa nouvelle adresse en cas de déménagement ; qu'en toute hypothèse, à supposer que la lettre du 29 mai 2015 n'ait pas fait courir le délai de deux mois au motif qu'elle n'aurait pas valablement touché M. [F], celui-ci a été de nouveau informé de cette lettre de rejet de la réclamation aux termes d'un courrier de l'administration fiscale du 19 janvier 2017 adressé à l'adresse alors connue au Luxembourg de M. [F], l'accusé réception de cette lettre ayant signé par ce dernier qui l'a donc parfaitement reçu ; qu'au surplus, dans un courrier du 12 avril 2017, il reconnaît lui-même avoir reçu au mois de mars 2017, la lettre de rejet de sa réclamation du 29 mai 2015 : « la réclamation contentieuse de mon ISF qui date de 2008, dont je n'ai reçu la réponse qu'en mars 2017, c'est-à-dire 9 ans après » ; qu'à supposer même qu'il n'ait reçu la lettre de rejet de sa réclamation qu'au mois de janvier ou mars 2017, le délai de deux mois pour saisir le tribunal était largement dépassé lors du dépôt de son mémoire devant le tribunal administratif de Melun le 12 juillet 2018.

Elle ajoute que Monsieur [F] a réglé en intégralité au cours des années 2007 et 2008 sous forme d'un échéancier et que dès lors, la créance en droits avait été soldée, le comptable n'avait, ni ne pouvait mettre en 'uvre d'acte d'exécution interruptifs de prescription ; que M. [F] a reconnu la créance fiscale, interrompant ainsi le délai de prescription conformément à l'article 2240 du code civil, en réglant sa dette.

Elle soutient que la demande de remboursement des droits au titre de l'ISF 2002, 2003 et 2004 et des intérêts moratoires est irrecevable comme étant nouvelle en application de l'article 554 du code de procédure civile, faute d'avoir été présentée en première instance, Monsieur [F] n'ayant sollicité, dans son assignation que la décharge des pénalités au titre de l'ISF.

Elle soutient que la prescription quadriennale a été interrompue puisqu'entre l'avis de mise en recouvrement du 28 avril 2007 et la réclamation d'assiette avec demande de sursis de paiement du 5 juin 2008 se sont écoulés 1 an, 1 mois et 8 jours et que la prescription a a été suspendue jusqu'au 29 juillet 2015 à compter de la décision de rejet de la réclamation du 28 mai 2015 et qu'à compter de cette date, la prescription a repris son cours pour une durée restant à courir de 2 ans, 11 mois et 23 jours ; qu'elle a été valablement interrompue dans ce délai quadriennal dès le 20 janvier 2017 par l'envoi d'une mise en demeure à M. [F] (AR signé le 7 février 2017 par M. [F]) et que les avis à tiers détenteur du 28 mars 2018 ont ensuite de nouveau interrompu le délai de prescription

Elle ajoute que l'absence de décision de l'administration à l'expiration du délai de six mois éventuellement prolongé jusqu'à neuf mois autorise le contribuable à porter l'affaire directement devant le tribunal et que la réclamation ne peut être analysée comme ayant fait l'objet d'une décision de rejet susceptible de devenir définitive à défaut d'être contestée devant la juridiction compétente ; le fait qu'un contribuable ne saisisse par la juridiction compétente à l'expiration du délai de six mois ne pouvant mettre fin au sursis de paiement.

Ceci étant exposé, s'agissant des demandes de décharge de remboursement des droits au titre de l'ISF 2002, 2003 et 2004 et des intérêts moratoires, il résulte du jugement entrepris que M. [F] a, par conclusions signifiées en première instance, formé une demande de remboursement de la somme de 70 600 euros au titre des ISF 2002, 2003 et 2004 déjà acquittés en ajoutant les intérêts moratoires de 2007 au jour des écritures. Sa demande formée en appel à ce titre n'est donc pas nouvelle au sens de l'article 554 du code de procédure civile. Cependant, il convient de souligner que, contrairement à ce qu'indique M. [F] dans ses écritures d'appel, le tribunal a statué sur cette demande en la rejetant, retenant qu'il n'y avait pas lieu d'ordonner le remboursement des sommes dues au titre des ISF en principal en ce que les réclamations de M. [F] n'avaient pas porté sur ces montants.

L'article R*199-1 du livre des procédures fiscales relatif au contentieux de l'établissement de l'impôt dispose que : « L'action doit être introduite devant le tribunal compétent dans le délai de deux mois à partir de jour de la réception de l'avis par lequel l'administration notifie au contribuable la décision prise sur la réclamation, que cette notification soit faite avant ou après l'expiration du délai de six mois prévu à l'article R. 198-10.

Toutefois, le contribuable qui n'a pas reçu la décision de l'administration dans un délai de six mois mentionné au premier alinéa peut saisir le tribunal dès l'expiration de ce délai.

L'administration peut soumettre d'office au tribunal la réclamation présentée par un contribuable. Elle doit en informer ce dernier.  »

En l'espèce, M. [F] a formé une réclamation contentieuse par courrier du 5 avril 2008 reçue par l'administration fiscale le 9 avril 2008 concernant les ISF 2002, 2003 et 2004 et les pénalités. L'adresse mentionnée par M. [F] est alors [Adresse 3] à [Localité 10]. L'administration dit avoir répondu par un rejet le 29 mai 2015 adressé au [Adresse 4] à [Localité 12] au Luxembourg. Elle justifie du bordereau d'envoi de la lettre en recommandé mais pas de la réception du courrier par M. [F].

En tout état de cause, M. [F] a été de nouveau informé du rejet de sa réclamation par courrier du 19 janvier 2017 à l'adresse alors connue de M. [F], [Adresse 5] à [Localité 9] au Luxembourg. Il en a accusé réception le 16 février 2017. Il reconnaît, au surplus, dans un courrier du 12 avril 2017, avoir reçu au mois de mars 2017 la lettre de rejet de sa réclamation du 29 mai 2015. Le tribunal administratif de Melun a été saisi le 12 juillet 2018, soit au-delà du délai de deux mois prévu à l'article R*199-10 du livre des procédures fiscales, de sorte que la demande est irrecevable. Il est, précisé, en outre, que la réclamation de M. [F] devant le tribunal administratif de Melun ne concernait que les pénalités d'impôt de solidarité sur la fortune et le remboursement des commissions portant sur différents frais bancaires appréhendées par le service des impôts des entreprises.

Monsieur [F] est dès lors mal fondé à invoquer la réponse de l'administration fiscale du 29 mars 2018 accusant réception de sa contestation reçue le 20 mars 2018 relative à la contestation des avis à tiers détenteur liés à l'impôt sur les revenus dont il a fait l'objet comme étant la réponse à sa réclamation d'assiette d'ISF introduite le 5 avril 2008 à laquelle l'administration a répondu par décision de rejet en date du 29 mai 2015 et reçue par M. [F] le 16 février 2017.

Le jugement entrepris qui a débouté M. [F] de sa demande de remboursement de l'ISF des années 2002, 2003 et 2004 et des intérêts moratoires sera dès lors infirmé, la demande étant irrecevable.

Sur la recevabilité de l'action en recouvrement de l'administration fiscale

L'article 274 du livre des procédure fiscales dispose que : « Les comptables publics des administrations fiscales qui n'ont fait aucune poursuite contre un redevable pendant quatre années consécutives à compter du jour de la mise en recouvrement du rôle ou de l'envoi de l'avis de mise en recouvrement sont déchus de tous droits et de toute action contre de redevable. »

La demande de sursis de paiement produite à l'appui d'une réclamation contentieuse régulière, qui sous condition de la constitution de garanties dans les conditions prévues par les articles L 277 à L. 279 et R 277-1 à R 277-6 du livre des procédures fiscales, suspend l'exigibilité de l'impôt à la date de sa réception par l'administration et met aussi le comptable dans l'impossibilité d'agir, est suspensive de la prescription de l'action en recouvrement.

Le délai de quatre ans est interrompu par tous actes comportant reconnaissance de la part du contribuable et par tous autres actes interruptifs de la prescription (mise en demeure conformément à l'article L. 257 du livre des procédures fiscales ou actions en recouvrement telles que des avis à tiers détenteur).

Les avis de mise en recouvrement ont été émis les 30 mars 2007 et 17 décembre 2007.

Une mise en demeure de payer les pénalités sur ISF des années 2002, 2003 et 2004 a été adressée à M. [F] le 20 janvier 2017.

Monsieur [F] a par courrier du 4 juin 2018 reçu par l'administration fiscale le 14 juin 2018, contesté les avis à tiers détenteurs sur les pénalités ISF 2002, 2003 et 2004, contestation rejetée par courrier du 1er août 2018.

Si, en application de l'article 274 alinéa 2 du livre des procédures fiscales, l'exigibilité de la créance et la prescription de l'action en recouvrement sont suspendues jusqu'à ce qu'une décision définitive ait été prise sur la réclamation, soit par l'administration, soit par le tribunal compétent, c'est à la condition que le débiteur n'ait pas réglé les sommes réclamées. En l'espèce, il n'est pas contesté que Monsieur [F] a réglé entre 2007 et le mois d'avril 2008, alors qu'il avait payé l'intégralité du principal de l'imposition et que dès lors, le sursis à paiement n'avait pas d'objet.

Entre la date du dernier paiement opéré par M. [F] le 4 mars 2008 et la saisine du tribunal administratif de Melun, l'administration fiscale ne justifie d'aucun acte interruptif de prescription pendant une période ininterrompue de quatre ans de sorte que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a déclaré l'action en recouvrement des pénalités hors délai, sauf à préciser que l'action est prescrite et ordonné non pas la décharge mais le dégrèvement correspondant.

L'administration fiscale qui succombe en ses demandes sera condamnée aux dépens d'appel et déboutée de sa demande d'indemnité de procédure. Elle sera condamnée, sur ce même fondement, à payer à M. [F] la somme de 2 500 euros.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

DÉCLARE le comptable public responsable du service des impôts des entreprises de Champigny sur Marne recevable en son intervention ;

INFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Monsieur [P] [F] de sa demande de sa demande de remboursement de l'ISF des années 2002, 2003 et 2004 et des intérêts moratoires ;

Statuant à nouveau de ce chef,

DÉCLARE la demande de Monsieur [P] [F] de remboursement de l'ISF des années 2002, 2003 et 2004 et des intérêts moratoires irrecevable ;

CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus de ses dispositions  sauf à préciser que la demande en recouvrement de l'administration fiscale est prescrite et qu'il convient d'ordonner le dégrèvement de la somme de 45 183 euros au titre des pénalités ;

CONDAMNE la direction départementale des finances publiques du Val de Marne aux dépens d'appel ;

DÉBOUTE la direction départementale des finances publiques du Val de Marne de sa demande d'indemnité de procédure ;

CONDAMNE la direction départementale des finances publiques du Val de Marne à payer à Monsieur [F] la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

S.MOLLÉ E.LOOS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 21/02190
Date de la décision : 17/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-17;21.02190 ?
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