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17/04/2023 | FRANCE | N°19/13424

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 13, 17 avril 2023, 19/13424


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 13



RÉPARATION DES DÉTENTIONS PROVISOIRES



DÉCISION DU 17 Avril 2023



(n° , 4 pages)



N°de répertoire général : N° RG 19/13424



Décision contradictoire en premier ressort ;



Nous, Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre, à la cour d'appel, agissant par délégation du premier président, assistée de Florence GREGORI, Greffière, lors des débats et de V

ictoria RENARD, greffière, lors de la mise à disposition, avons rendu la décision suivante :



Statuant sur la requête déposée le 22 Juillet 2019 par M. [M] [J]

né le [Date na...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 13

RÉPARATION DES DÉTENTIONS PROVISOIRES

DÉCISION DU 17 Avril 2023

(n° , 4 pages)

N°de répertoire général : N° RG 19/13424

Décision contradictoire en premier ressort ;

Nous, Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre, à la cour d'appel, agissant par délégation du premier président, assistée de Florence GREGORI, Greffière, lors des débats et de Victoria RENARD, greffière, lors de la mise à disposition, avons rendu la décision suivante :

Statuant sur la requête déposée le 22 Juillet 2019 par M. [M] [J]

né le [Date naissance 1] 1975 à [Localité 4] (SURINAME), élisant domicile chez Me [X] [C], [Adresse 2] ;

non comparant

Représenté par Me Maude SAVEY, avocat au barreau du Val-de-Marne

Vu les pièces jointes à cette requête ;

Vu les conclusions de l'Agent Judiciaire de l'Etat, notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;

Vu les conclusions du procureur général notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;

Vu les lettres recommandées avec avis de réception par lesquelles a été notifiée aux parties la date de l'audience fixée au 12 Décembre 2022 ;

Entendue Me Maude SAVEY représentant M. [M] [J],

Entendue Me Fabienne DELECROIX de la SELARL DELECROIX-GUBLIN, avocat au barreau de Paris, représentant l'Agent Judiciaire de l'Etat,

Entendue Mme Anne BOUCHET, Substitute Générale,

Les débats ayant eu lieu en audience publique, le conseil du requérant ayant eu la parole en dernier ;

Vu les articles 149, 149-1, 149-2, 149-3, 149-4, 150 et R.26 à R40-7 du Code de Procédure Pénale ;

* * *

M. [M] [J], de nationalité néerlandaise, a été mis en examen du chef d'infractions à la législation sur les stupéfiants.

Il a été placé en détention provisoire à la maison d'arrêt de [Localité 3] du 15 janvier 2016 au 12 septembre 2017, date à laquelle il a été relaxé par le tribunal correctionnel de Créteil, décision qui a été confirmée par un arrêt de la cour d'appel de Paris du 23 janvier 2019. La décision est devenue définitive selon certificat de non-pourvoi du 12 décembre 2022.

Le 22 juillet 2019, M. [J] a adressé une requête au premier président de la cour d'appel de Paris en vue d'être indemnisé de sa détention provisoire, en application de l'article 149 du code de procédure pénale.

Il sollicite dans celle-ci, soutenue oralement,

- que sa requête soit déclarée recevable,

- le paiement des sommes suivantes :

* 65 000 euros au titre de son préjudice moral,

* 47 000 euros au titre de son préjudice matériel,

* 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner l'agent judiciaire de l'Etat aux entiers dépens.

Dans ses écritures, notifiés par RPVA le 17 juin 2022 et déposées le 20 juin 2022 suivant, développées pour partie oralement, l'agent judiciaire de l'Etat demande au premier président d'allouer à M. [J] la somme de 35 000 euros en réparation de son préjudice moral, mais de le débouter de sa demande en réparation de son préjudice matériel, de ramener à de plus justes proportions le montant sollicité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et de le débouter du surplus de ses demandes.

Le procureur général, reprenant oralement à l'audience une partie des termes de ses conclusions déposées le 24 octobre 2022, conclut à la réparation du préjudice moral et du préjudice matériel dans les conditions indiquées.

Le requérant a eu la parole en dernier.

SUR CE,

Sur la recevabilité

Au regard des dispositions des articles 149, 149-1, 149-2 et R.26 du code de procédure pénale, la personne qui a fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, relaxe ou acquittement devenue définitive, a droit, à sa demande, à la réparation intégrale du préjudice moral et matériel que lui a causé cette détention. Il lui appartient dans les six mois de cette décision, de saisir le premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle celle-ci a été prononcée, par une requête, signée de sa main ou d'un mandataire, remise contre récépissé ou par lettre recommandée avec accusé de réception au greffe de la cour d'appel.

Cette requête doit contenir l'exposé des faits, le montant de la réparation demandée et toutes

indications utiles prévues à l'article R.26 du même code.

M. [J] a présenté sa requête aux fins d'indemnisation le 22 juillet 2019, dans le délai de six mois suivant le jour où la décision de relaxe est devenue définitive ; cette requête est signée par son avocat et la décision de relaxe n'est pas fondée sur un des cas d'exclusion visé à l'article 149 du code de procédure pénale.

La demande de M. [J] est donc recevable au titre d'une détention provisoire indemnisable du 15 janvier 2016 au 12 septembre 2017, soit pour une durée de 606 jours.

Sur l'indemnisation

- Sur le préjudice moral

M. [J] soutient qu'il a subi un choc carcéral certain aggravé par le fait qu'il s'agissait de sa première incarcération, qu'il a clamé son innocence tout au long de la procédure, que son casier judiciaire ne faisait état d'aucune mention, qu'il a été séparé de ses proches et notamment de ses deux enfants âgés de 11 et 13 ans, que le dénuement dans lequel il s'est trouvé l'a obligé à recourir à la solidarité des détenus et à des associations caritatives pour se vêtir durant toute la durée de sa détention, par les conditions de celle-ci au sein de la maison d'arrêt de [Localité 3] qu'il a subi à titre personnel, par l'isolement linguistique et par son état de santé précisant avoir souffert de douleurs abdominales avec reflux gastro-oesophagien, d'épistaxis à répétition de la narine gauche, de fortes angoisses et avoir été suivi sur une très longue période par le service médico-psychologique du Smpr du centre pénitentiaire de [Localité 3].

L'agent judiciaire de l'Etat et le procureur général rappellent que le préjudice moral ne doit être apprécié qu'au regard de l'âge du requérant, de la durée et des conditions de la détention, de son état de santé, de sa situation familiale et d'éventuelles condamnation antérieures. Ils ne contestent pas l'existence d'un choc carcéral.

M. [J] était âgé de 41 ans au moment de son incarcération Il était père de deux enfants âgés de 11 et 13 ans vivant avec leur mère et n'avait jamais été détenu.

Le choc carcéral a été aggravé par l'isolement linguistique puisqu'il est avéré que M. [J] ne parlait pas français, par la séparation d'avec ses enfants avec lesquels il n'a pas pu communiquer et par les conditions de la détention personnellement subies au sein de la maison d'arrêt de [Localité 3], établissement dont l'insalubrité, le taux d'occupation particulièrement élevé et les mauvaises conditions d'hygiène ont été constatés par le contrôleur général des lieux de privation de liberté et par le tribunal administratif de Melun en octobre 2016.

Il ne peut pas être tenu compte en revanche comme facteurs d'aggravation de son préjudice moral de son sentiment d'injustice lié à la proclamation de son innocence, de ses problèmes de santé dès lors que le certificat médical du 13 février 2017 et le relevé de présence d5 septembre 2017 n'établissent aucun lien permettant de les imputer à la détention ou à une absence de soins durant celle-ci et de l'absence de mandat reçu de sa famille.

Il lui sera alloué une somme de 47 000 euros en réparation de son préjudice moral.

- Le préjudice matériel

M. [J] invoque en premier lieu la perte de chance de trouver un emploi, soutenant qu'avant son incarcération il était à la recherche d'un emploi mais exerçait régulièrement des missions d'intérim, ce que la détention l'a empêché d'effectuer. Il demande en réparation de sa perte de revenus le versement d'une somme de 18 000 euros. En deuxième lieu, il allègue de sa difficulté à retrouver un emploi et sollicite une somme de 4 000 euros en réparation d'une perte de chance d'acquérir une situation professionnelle stable. Il indique enfin avoir perdu son appartement, ses meubles et une partie de ses affaires faute pour le loyer d'avoir été payé, être sans domicile fixe et toujours obligé de vivre chez son frère, raison pour laquelle il sollicite à ce titre une somme de 25 000 euros.

L'agent judiciaire de l'Etat et le ministère public concluent au rejet de ces demandes faute de justifier exercer un emploi ou des missions d'intérim avant son placement en détention et doncd'une perte de revenus.

M. [J] ne produit aucun contrat de travail ou bulletin de salaire démontrant l'exercice d'un emploi antérieurement voire même postérieurement à son incarcération et aucune pièce justifiant de la perte de son logement, de ses meubles ou de ses affaires personnelles

Ses demandes à ce titre seront donc entièrement rejetées.

PAR CES MOTIFS :

Déclarons la requête de M. [M] [J] recevable,

Lui allouons les sommes suivantes :

- 47 000 euros en réparation de son préjudice moral,

- 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboutons M. [M] [J] de sa demande au titre de son préjudice matériel,

Laissons les dépens à la charge de l'Etat.

Décision rendue le 17 Avril 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE MAGISTRAT DÉLÉGUÉ


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 19/13424
Date de la décision : 17/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-17;19.13424 ?
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