La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/04/2023 | FRANCE | N°21/18342

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 11, 13 avril 2023, 21/18342


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11



ARRET DU 13 AVRIL 2023



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/18342 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEQVP



Décision déférée à la Cour : jugement du 19 octobre 2021 - tribunal judiciaire de Melun RG n° 18/02035



APPELANTS



Madame [E] [L] veuve [X]

[Adresse 15]

[Localité 13]

Née le [Da

te naissance 1] 1963 à [Localité 18] (COLOMBIE)

Représentée par Me Vanessa BRANDONE de la SELARL JCVBRL, avocat au barreau de PARIS, toque : L0306

Assistée par Me Raphaël MARTEYN, a...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11

ARRET DU 13 AVRIL 2023

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/18342 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEQVP

Décision déférée à la Cour : jugement du 19 octobre 2021 - tribunal judiciaire de Melun RG n° 18/02035

APPELANTS

Madame [E] [L] veuve [X]

[Adresse 15]

[Localité 13]

Née le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 18] (COLOMBIE)

Représentée par Me Vanessa BRANDONE de la SELARL JCVBRL, avocat au barreau de PARIS, toque : L0306

Assistée par Me Raphaël MARTEYN, avocat au barreau de PARIS

Monsieur [C] [X]

[Adresse 15]

[Localité 13]

Né le [Date naissance 8] 1995 à [Localité 12]

Représenté par Me Vanessa BRANDONE de la SELARL JCVBRL, avocat au barreau de PARIS, toque : L0306

Assisté par Me Raphaël MARTEYN, avocat au barreau de PARIS

Monsieur [G] [X]

[Adresse 15]

[Localité 13]

Né le [Date naissance 2] 1991 à [Localité 19] (COLOMBIE)

Représenté par Me Vanessa BRANDONE de la SELARL JCVBRL, avocat au barreau de PARIS, toque : L0306

Assisté par Me Raphaël MARTEYN, avocat au barreau de PARIS

Madame [M] [X]

[Adresse 15]

[Localité 13]

Née le [Date naissance 6] 1992 à [Localité 19] (COLOMBIE)

Représentée par Me Vanessa BRANDONE de la SELARL JCVBRL, avocat au barreau de PARIS, toque : L0306

Assistée par Me Raphaël MARTEYN, avocat au barreau de PARIS

Madame [R] [X]

[Adresse 15]

[Localité 13]

Née le [Date naissance 4] 1994 à [Localité 12]

Représentée par Me Vanessa BRANDONE de la SELARL JCVBRL, avocat au barreau de PARIS, toque : L0306

Assistée par Me Raphaël MARTEYN, avocat au barreau de PARIS

Madame [D] [X]

[Adresse 15]

[Localité 13]

Née le [Date naissance 5] 1996 à [Localité 20]

Représentée par Me Vanessa BRANDONE de la SELARL JCVBRL, avocat au barreau de PARIS, toque : L0306

Assistée par Me Raphaël MARTEYN, avocat au barreau de PARIS

INTIMES

Monsieur [P] [I]

[Adresse 7]

[Localité 17]

n'a pas constitué avocat

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE SEINE ET MARNE

[Adresse 23]

[Localité 14]

Représentée par Me Rachel LEFEBVRE de la SELARL KATO & LEFEBVRE ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901

Assistée par Me Lucie DEVESA, avocat au barreau de PARIS

S.A. ASSURANCES DU CREDIT MUTUEL

[Adresse 9]

[Localité 10]

Représentée et assistée par Me Catherine KLINGLER, avocat au barreau de PARIS, toque : E1078

Société SMI

[Adresse 3]

[Localité 12]

n'a pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 février 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Nina TOUATI, présidente de chambre, chargée du rapport et devant Mme [J] [F].

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre

Mme Nina TOUATI, présidente de chambre

Mme Dorothée DIBIE, conseillère

Greffier lors des débats : Mme Roxanne THERASSE

Greffier lors de la mise à disposition : Mme Emeline DEVIN

ARRÊT :

- rendu par défaut

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Nina TOUATI, présidente de chambre pour la présidente empêchée et par Emeline DEVIN, greffière, présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Le 23 février 2016, M. [C] [X], qui avait pris place à l'arrière d'une voiture conduite par M. [Y] [O] [E] [H], appartenant à M. [P] [I] et assurée auprès de la société Assurances du crédit mutuel IARD (la société ACM), a été retrouvé, après le démarrage du véhicule, gisant sur la chaussée et présentant un grave traumatisme crânien.

Par ordonnance du 18 septembre 2016, le juge des référés du tribunal de grande instance de Melun a ordonné une mesure d'expertise confiée au Docteur [U] qui s'est adjoint le concours de M. [S], accidentologue.

L'expert a établi son rapport le 7 juin 2018.

Par acte d'huissier en date du 6 juillet 2018, M. [C] [X], sa mère Mme [E] [L] veuve [X] ainsi que ses frère et soeurs, M. [G] [X], Mme [M] [X], Mme [R] [X] et Mme [D] [X] (les consorts [X]) ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Melun la société ACM en indemnisation de leurs préjudices, en présence de la mutuelle SMI et de la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne (la CPAM).

La société ACM a, parallèlement, fait assigner M. [I] en annulation du contrat d'assurance pour fausse déclaration intentionnelle devant le tribunal judiciaire de Créteil qui a, par jugement du 9 juin 2020, dit nul et de nul effet à compter du 9 février 2016 le contrat d'assurance automobile souscrit par M. [P] [I] le 26 juin 2015 ainsi que son avenant du 24 septembre 2015.

A la suite de ce jugement, la société ACM a, par acte d'huissier du 3 mars 2021, fait assigner M. [P] [I] en intervention forcée devant le tribunal judiciaire de Melun.

Par jugement du 19 octobre 2021, cette juridiction a :

- débouté les consorts [X] de l'ensemble de leurs demandes dirigées contre la société ACM,

- débouté la CPAM de l'ensemble de ses demandes dirigées contre la société ACM,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la décision,

- laissé les dépens à la charge des consorts [X].

Par déclaration 20 octobre 2021, les consorts [X] ont interjeté appel de ce jugement.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu les conclusions des consorts [X], notifiées le 12 novembre 2021, aux termes desquelles ils demandent à la cour de :

Vu la loi du 5 juillet 1985,

- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Melun,

Ce faisant,

- condamner la société ACM à indemniser intégralement les préjudices subis par les concluants,

- condamner la société ACM à verser à M. [C] [X] :

- 624,80 euros au titre des dépenses de santé actuelles,

- 4 742,35 au titre des frais divers,

- 124 742 euros au titre de la tierce personne avant consolidation,

- 7 430 114,12 euros au titre de la tierce personne après consolidation,

- 1 492 348,24 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs,

- 200 000 euros au titre de l'incidence professionnelle,

- 23 707,50 euros au titre de la gêne temporaire totale et partielle,

- 10 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,

- 50 000 euros au titre des souffrances endurées,

- 480 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,

- 30 000 euros au titre du préjudice d'agrément,

- 30 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent,

- 50 000 euros au titre du préjudice sexuel,

- 50 000 euros au titre du préjudice d'établissement,

- 95 908 euros au titre des frais de vacances et de sorties,

- réserver les dépenses de santé futures, l'aménagement du domicile et du véhicule,

- condamner la société ACM à verser à Mme [E] [L] veuve [X] :

- 20 000 euros au titre de son préjudice moral et d'accompagnement,

- 384,95 euros de frais de transport,

- condamner la société ACM à verser à M. [G] [X] 10 000 euros au titre de son préjudice moral et d'accompagnement,

- condamner la société ACM à verser à Mme [M] [X] 10 000 euros au titre de son préjudice moral et d'accompagnement,

- condamner la société ACM à verser à Mme [R] [X] 10 000 euros au titre de son préjudice moral et d'accompagnement,

- condamner la société ACM à verser à Mme [D] [X] 10 000 euros au titre de son préjudice moral et d'accompagnement,

- condamner la société ACM à verser à Mme [E] [L] veuve [X] une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société ACM aux entiers dépens comprenant les frais d'expertise qui se sont élevés à 3 500 euros,

- dire l'arrêt à intervenir commun aux organismes sociaux appelés dans la cause.

Vu les conclusions de la CPAM, notifiées le 7 janvier 2022, aux termes desquelles elle demande à la cour de :

Vu l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale,

- recevoir la CPAM en son appel incident et l'y déclarer bien fondée,

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

En conséquence,

- condamner la société ACM à verser à la CPAM :

- la somme de 420 719,09 euros au titre des prestations déjà versées dans l'intérêt de M. [C] [X],

- les dépenses de santé futures à échoir, au fur et à mesure de leur engagement ou sous la forme d'un capital d'un montant de 219 243,35 euros,

- assortir ces condamnations des intérêts au taux légal :

- à compter des écritures notifiées le 31 janvier 2019 sur le somme de 420 719,09 euros,

- au fur et à mesure de leur engagement pour les prestations à échoir, ou à compter de l'arrêt à intervenir si la société ACM opte pour un versement en capital,

- réserver les droits de la CPAM quant aux prestations non connues à ce jour et celles qui pourraient être versées ultérieurement,

- condamner la société ACM à verser à la CPAM l'indemnité forfaitaire de gestion, due de droit en application des dispositions d'ordre public de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, soit la somme de 1 114 euros au 1er janvier 2022,

- condamner la société ACM à verser à la CPAM la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société ACM en tous les dépens, d'instance et d'appel, dont distraction au profit de la Selarl Kato & Lefebvre associés, par application de l'article 699 du code de procédure civile.

Vu les conclusions de la société ACM, notifiées le 24 janvier 2022, aux termes desquelles elle demande à la cour de :

Vu l'article 3 de la loi du 5 juillet 1985,

Vu les articles «L. 221-9 ancien», L. 221-20, R. 421-9 et R. 211-13 du code des assurances,

Vu les articles 1240 et 1242 du code civil,

Au principal,

- confirmer purement et simplement le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [X] et les demandeurs ainsi que les organismes sociaux de leurs demandes,

- par conséquent, déclarer mal fondés les appels principal et incident respectivement des «consorts [I]» et de la CPAM,

de manière infiniment subsidiaire, si par extraordinaire la cour réformait le jugement et considérait qu'il existe un droit à indemnisation et une obligation de la société ACM,

- débouter les demandeurs de leur demande de condamnation à paiement ; condamner seulement la société ACM non pas à payer mais seulement à avancer des sommes pour le compte de qui il appartiendra, emportant subrogation de la société ACM dans les intérêts de la victime à l'encontre de M. [I] et à concurrence des sommes avancées par la société ACM,

- réduire dans tous les cas les montants de l'indemnisation aux sommes suivantes (base 100% indemnisation) :

Préjudices patrimoniaux temporaires

- dépenses de santé actuelles restées à charge : 548,30 euros,

créance de la CPAM : 403 917,65 euros

- frais divers : 4 567,55 euros

- pertes de gains professionnels actuels :

créance de la CPAM à déduire : 16 801,44 euros

- tierce personne temporaire : 54 007,50 euros

Préjudices patrimoniaux permanents

- dépenses de santé futures :

créance de la CPAM à déduire : 219 243,35 euros

- tierce personne permanente :

- jusqu'au 31 décembre 2022 : 460 079 euros

- à partir du 1er janvier 2023 :

* une rente mensuelle de 7 787 euros

* ou un capital de 4 508 673 euros

- pertes de gains professionnels futurs :

- jusqu'au 31 décembre 2022 : 67 960 euros

- à partir du 1er janvier 2023 :

* une rente mensuelle de 1 200 euros

* ou un capital de 694 800 euros

- incidence professionnelle : 30 000 euros

Préjudices extra-patrimoniaux temporaires

- déficit fonctionnel temporaire : 19 735 euros

- préjudice esthétique temporaire : 5 000 euros

- souffrances endurées : 35 000 euros

- préjudice esthétique temporaire : 5 000 euros

Préjudices extra-patrimoniaux permanents

- déficit fonctionnel permanent : 480 000 euros

- préjudice d'agrément : 15 000 euros

- préjudice esthétique : 20 000 euros

- préjudice sexuel : 30 000 euros

- préjudice d'établissement : 30 000 euros

Préjudices des proches

- moral et d'accompagnement parent : 15 000 euros

- frais de déplacement : 384,95 euros

- préjudice d'accompagnement des frères et soeurs : 7 500 euros chacun

- rejeter toutes autres demandes des consorts [X] et des tiers payeurs,

Dans tous les cas,

- rejeter les demandes de condamnation aux dépens et d'article 700 du code de procédure civile,

Et enfin,

- condamner M. [I] à garantir et relever la société ACM de toute condamnation quelle qu'elle soit qui serait prononcée contre la société ACM que ce soit au profit des consorts [X] ou de toute autre partie.

M. [P] [I], auquel la déclaration d'appel a été signifiée par acte d'huissier en date du 24 novembre 2021, délivré suivant les modalités de l'article 659 du code de procédure civile, et la mutuelle SMI, à laquelle la déclaration d'appel a été signifiée le 24 novembre 2021 à personne habilitée, n'ont pas constitué avocat.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il convient de relever, à titre liminaire, qu'interprétée à la lumière des articles 3 et 13 de la directive n° 2009/103/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 concernant l'assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs, la nullité édictée par l'article L. 113-8 du code des assurances n'est pas opposable aux victimes d'un accident de la circulation ou à leurs ayants droit.

Il en résulte que l'annulation pour fausse déclaration intentionnelle du contrat d'assurance souscrit par M. [P] [I] et de l'avenant à ce contrat, n'est pas opposable aux consorts [X], ce qu'admet la société ACM dans ses écritures.

Sur le droit à indemnisation

Le tribunal a retenu d'une part, que M. [C] [X] avait commis une faute inexcusable en ouvrant la portière du véhicule dans lequel il se trouvait et en sautant de celui-ci en laissant traîner ses pieds sur la chaussée, d'autre part, que cette faute était la cause exclusive de l'accident, aucune faute ne pouvant être reprochée au conducteur qui avait immédiatement stoppé après avoir constaté que le passager n'était plus à bord.

Les consorts [X], qui concluent à l'infirmation du jugement, font valoir que les circonstances de la chute de M. [C] [X] du véhicule en mouvement dont il était passager sont indéterminées, de sorte qu'aucune faute inexcusable n'est établie à son encontre.

Ils reprochent au tribunal de ne pas avoir tenu compte des avis émis par les experts, le Docteur [U] et M. [S], dont il résulte qu'aucune des hypothèses émises n'est établie avec certitude ; ils soulignent que les chaussures de M. [C] [X] ne présentaient aucune trace de frottement, ce qui vient contredire les déclarations de MM. [O] [E] [H] et [I] selon lesquelles ils auraient entendu un bruit de frottement de chaussure sur la chaussée.

La CPAM relève en outre que la victime qui ouvre la portière et chute sur la chaussée alors qu'elle est dans un état de confusion mentale, ou d'absence de discernement, ne commet pas une faute inexcusable et fait observer que M. [C] [X] avait consommé de l'alcool et que l'expert accidentologue, M. [S], a indiqué qu'il était dans un état limitant son discernement.

Pour la société ACM, il résulte des témoignages recueillis juste après l'accident que M. [C] [X], passager arrière, n'était pas attaché avec sa ceinture de sécurité ou l'a détachée volontairement, qu'il a déclaré à ses amis qu'il allait descendre du véhicule en marche puis a ouvert la portière et a laissé traîner ses pieds par terre avant de tomber sur la chaussée.

Elle fait observer que la mère de M. [C] [X], Mme [E] [L] veuve [X], a admis lors de sa première audition devant les services de police que son fils avait déjà sauté d'un véhicule en marche deux semaines avant l'accident, avant de se rétracter.

La société ACM ajoute qu'aucune constatation relative à l'état des chaussures de M. [C] [X] n'a pu être faite par les fonctionnaires de police dans la mesure où la famille de ce dernier ne les a pas remises aux services de police sur la réquisition du procureur de la République.

Elle invoque également les conclusions d'une expertise en accidentologie réalisée à son initiative qui a conclu, compte tenu de la taille de la victime qui mesure 1 m 82 et de la configuration du véhicule Renault Laguna, dans lequel il avait pris place comme passager arrière gauche, que l'hypothèse d'une chute accidentelle n'était pas plausible.

**********

Sur ce, aux termes de l'article 3 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, les victimes, hormis les conducteurs de véhicules terrestres à moteur, sont indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu'elles ont subis, sans que puisse leur être opposée leur propre faute à l'exception de leur faute inexcusable si elle a été la cause exclusive de l'accident .

Seule est inexcusable au sens de ce texte, la faute volontaire d'une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience.

En l'espèce, il convient d'observer que la mission assignée au Docteur [U] par le juge des référés du tribunal de grande instance de Melun ne se limitait pas à l'évaluation des préjudices subis par M. [C] [X] à la suite de l'accident ; il lui était également demandé de se rendre sur les lieux de l'accident, le cas échéant avec un sapiteur, d'examiner le véhicule en cause et, à partir des constatations médico-légales et accidentologiques, de donner tous éléments techniques et de fait permettant de déterminer les circonstances de l'accident.

C'est dans ces conditions que le Docteur [U] s'est adjoint le concours de M. [S] , expert en accidentologie, qui s'est rendu sur les lieux de l'accident mais n'a pas pu examiner le véhicule impliqué.

Il résulte du procès-verbal établi 23 février 2016, que deux fonctionnaires de police ont été requis pour se rendre sur les lieux de l'accident, [Adresse 16], que sur place ils ont pris attache avec les sapeurs pompiers et l'équipe du SAMU [en réalité le SMUR] qui leur ont indiqué qu'ils avaient pris en charge un jeune homme inconscient à la suite d'une chute d'un véhicule en mouvement, précisant que son pronostic vital était engagé et qu'il présentait un traumatisme crânien avec enfoncement de la cloison nasale.

Ils ont par ailleurs relevé la présence d'une « mare de sang » sur la chaussée à la hauteur du n° [Adresse 11].

MM. [Y] [O] [E] [H] et [P] [I] ont été entendus respectivement dans les locaux du commissariat de police de [Localité 21] le 24 février 2016 à 0 h 10 et à 1 h 15.

M. [Y] [O] [E] [H] a déclaré aux services de police : «Je me trouvais avec mon ami [I] [P] sur le parking au niveau de la [Adresse 16]. Nous étions en train d'attendre [X] [C] qui était chez lui en train de manger. Il était vers 22 h 30 lorsque nous sommes arrivés sur le parking. [C] est arrivé puis nous avons pris la route pour aller rejoindre des amis sur la commune de [Localité 22]. Je vous informe que j'étais le conducteur du véhicule BW 991 RG, c'est un véhicule de marque Renault de type Laguna. Ce véhicule ne m'appartient pas, c'est à mon ami [P] [I]. (...) Nous avons fait à peine 100 mètres que j'ai entendu un bruit sourd et que j'ai vu mon ami [C] au sol. Nous étions en train de discuter, [C] nous disait qu'il allait rester à [Localité 22] car il avait une amie. Puis [C] nous a dit j'ouvre la porte et je saute. [C] se trouvait en tant que passager arrière gauche. Je suis habitué à ce discours car il nous l'a déjà dit mais sans le faire. Je ne sais pas s'il avait sa ceinture ou non. J'ai entendu la porte s'ouvrir puis le bruit de sa chaussure frottée au sol. Je me suis retourné pour voir ce qu'il faisait et là j'ai vu qu'il n'était plus dans la voiture. Je me suis arrêté et j'ai constaté mon ami [C] au sol».

M. [P] [I], propriétaire du véhicule impliqué, a expliqué : «Nous sommes allés tous les trois, moi, [Y] et [C], en début de soirée au Laser Game de [Localité 24]. Ensuite nous avons déposé [C] chez ses parents pour qu'il aille manger. Il habite au [Adresse 16]. [Y] a posé ma voiture face à la maison de [C] et nous avons attendu, [Y] et moi, qu'il termine de dîner pour aller à [Localité 22] (...) [C] est revenu dans la voiture, côté passager arrière gauche. J'étais passager avant et [Y] se trouvait au volant. Personne d'autre ne se trouvait dans la voiture, il n'y avait pas de passager arrière droit. (....) [Y] commence à démarrer et moins de cent mètres plus loin, j'ai entendu la portière

arrière gauche qui s'ouvrait, puis tout est allé très vite, j'ai entendu comme un bruit de gros frottement de chaussures sur la chaussée, je me suis retourné et j'ai vu immédiatement que [C] n'était plus à bord de la voiture. De lui même, [Y] a aussi compris et il a pilé. On est sorti de la voiture, on a couru vers lui, [C] se trouvait à cinq ou six mètres de la voiture. J'ai vu une flaque de sang sur le sol et [Y] m'a dit d'appeler les pompiers (...)»

Comme l'ont relevé les premiers juges, ces déclarations claires et circonstanciées, recueillies dans les suites immédiates de l'accident présentent toute garantie de crédibilité.

M. [C] [X] qui n'a pu être entendu par les services de police compte tenu de son état de santé a déclaré lors des opérations d'expertise judiciaire qu'il aurait été renversé dans l'après-midi par une voiture alors que l'accident s'est produit dans la soirée et qu'il était passager transporté d'un véhicule.

La mère de M. [C] [X], Mme [E] [L] veuve [X], entendue le 26 février 2016 par les fonctionnaires de police a déclaré que son fils avait déjà sauté d'un véhicule en marche il y a deux semaines, qu'il présentait des égratignures et qu'il lui avait déclaré qu'il s'agissait d'un jeu.

Si elle est ultérieurement revenue sur ses propos en arguant d'une mauvaise retranscription de ses déclarations, cette rétractation tardive n'emporte pas la conviction de la cour.

Dans son rapport d'expertise, M. [S] a admis qu'il n'avait pu examiner le véhicule Renault Laguna impliqué dans l'accident et n'a procédé à aucune reconstitution cinématique du processus accidentel, étant observé que son appréciation subjective de la valeur probante des déclarations des différents protagonistes ne lie pas la cour.

Si dans son rapport d'expertise, le Docteur [U] a indiqué qu'une chute de la victime, les pieds en avant, après frottement de ces derniers, aurait entraîné des lésions périphériques des membres ou du tronc, il convient d'observer que selon le bilan établi par le SMUR, intégralement retranscrit en page 4 du rapport, M. [C] [X] présentait des dermabrasions au niveau des genoux.

Les médecins du SMUR ont d'ailleurs indiqué s'agissant de l'«historique de la maladie» que M. [C] [X] « a bu [des] verres d'alcool, d'abord dans la soirée, était en voiture avec deux amis à lui (passager arrière gauche). A ouvert la portière de la voiture et menacé de sauter en plaisantant. A posé son pied au sol, a été entraîné et est tombé», sans relever une quelconque incohérence d'ordre médico-légal dans le déroulement des faits.

Il convient de relever que l'expertise unilatérale en accidentologie réalisée à la demande de la société ACM, dont les conclusions sont corroborées par les photographies produites, permet de constater que, compte tenu de la taille de la victime qui mesure 1 m 82 selon le rapport d'expertise du Docteur [U] et de la configuration de l'habitacle du véhicule Renault Laguna dans lequel il avait pris place comme passager arrière gauche, M. [C] [X] devait opérer un mouvement de flexion vers l'avant pour s'extraire du véhicule, ce qui exclut une chute accidentelle.

S'agissant des chaussures que M. [C] [X] portaient le jour de l'accident, il ressort de l'enquête pénale que le substitut de permanence du tribunal de grande instance de Melun, a demandé le 27 février 2016 aux fonctionnaires de police d'aller les récupérer (PV n° 2016/002257/14).

Si les procès-verbaux établis ultérieurement ne font état d'aucune démarche accomplie en ce sens par les fonctionnaires de police, l'absence de vérification de l'état des semelles des chaussures de la victime ne permet pas de remettre en cause les circonstances de l'accident telles qu'elles résultent des déclarations précises et concordantes du conducteur et du passager avant du véhicule.

Il ressort des données qui précèdent que contrairement à l'avis exprimé par le Docteur [U] et par M. [S], les circonstances de l'accident sont établies et que M. [C] [X] en ouvrant délibérément la portière du véhicule dont il était le passager arrière gauche alors que ce véhicule roulait à une vitesse comprise entre 30 et 40 km/h, puis en décidant par jeu ou par défi de descendre de cette voiture en mouvement et enfin en mettant un pied à terre ce qui l'a fait basculer et a entraîné sa chute, a commis une faute d'une exceptionnelle gravité l'exposant sans raison valable à un danger dont il aurait dû avoir conscience.

Il convient de relever que si M. [C] [X] avait bu de l'alcool dans la soirée, ce que confirment MM. [O] [E] [H] et [I] dans leurs dépositions, aucun élément ne permet de retenir qu'il était privé de discernement, alors que M [O] [A], sur question des fonctionnaires de police, a indiqué le 26 février 2016 qu'il ne paraissait pas « bourré ».

Pour justifier l'exclusion du droit à indemnisation de la victime non conductrice, la faute inexcusable de cette dernière doit être la cause exclusive de l'accident.

En l'espèce, aucune faute n'est établie à l'encontre de M. [Y] [O] [E] [H] qui roulait à une vitesse comprise entre 30 et 40 km/h ainsi qu'il résulte de ses déclarations qu'aucun élément objectif de l'enquête pénale ne permet de remettre en cause et qui, comme l'a indiqué M. [I], passager avant du véhicule, a stoppé celui-ci en « pilant » lorsqu'il a constaté que M. [C] [X] n'était plus à bord de l'engin.

Il en résulte que la faute inexcusable de M. [C] [X] est la cause exclusive de l'accident.

Le jugement qui a débouté les consorts [X] de leurs demandes d'indemnisation et rejeté le recours subrogatoire de la CPAM doit ainsi être confirmé.

Sur les autres demandes

Compte tenu de la solution du litige, la demande de la société ACM tendant à être garantie par M. [P] [I] des condamnations prononcées à son encontre est devenue sans objet.

Il n'y a pas lieu de déclarer le présent arrêt commun à la mutuelle SMI et à la CPAM qui sont en la cause.

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles doivent être confirmées.

Les consorts [X] qui succombent en leur recours supporteront la charge des dépens d'appel.

L'équité ne commande pas d'allouer à l'une ou l'autre des parties une indemnité au titre des frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt rendu par défaut et par mise à disposition au greffe,

- Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

- Condamne M. [C] [X], Mme [E] [L] veuve [X], M. [G] [X], Mme [M] [X], Mme [R] [X] et Mme [D] [X] aux dépens d'appel,

- Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 21/18342
Date de la décision : 13/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-13;21.18342 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award