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13/04/2023 | FRANCE | N°21/05073

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 13 avril 2023, 21/05073


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 13 AVRIL 2023



(n°2023/ , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/05073 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDZZY



Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Février 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 19/06499



APPELANTE



S.A.R.L. TAYLOR S COMPANY

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représ

entée par Me Philippe FALCONNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0522



INTIMEE



Madame [B] [I]

[Adresse 2]

[Localité 4]

née le 30 Avril 1996 à [Localité 7]



Représentée par Me Caro...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 13 AVRIL 2023

(n°2023/ , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/05073 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDZZY

Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Février 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 19/06499

APPELANTE

S.A.R.L. TAYLOR S COMPANY

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Philippe FALCONNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0522

INTIMEE

Madame [B] [I]

[Adresse 2]

[Localité 4]

née le 30 Avril 1996 à [Localité 7]

Représentée par Me Caroline BOECKMANN, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : 291

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 31 Janvier 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Séverine MOUSSY, Conseillère chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre, Présidente de formation,

Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre,

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

Greffier : Madame Alicia CAILLIAU, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, initialement prévue le 30 mars 2023 et prorogée au 13 avril 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Catherine BRUNET, Présidente et par Madame Philippine QUIL, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat d'apprentissage du 3 septembre 2018, la société Taylor's Company (ci-après la société) a embauché Mme [B] [I] - apprentie préparant un BTS communication - à compter de cette date et jusqu'au 10 juillet 2020 moyennant une rémunération égale à 53% du SMIC la première année (du 3 septembre 2018 au 2 septembre 2019) et à 61% du SMIC la deuxième année (du 3 septembre 2019 au 10 juillet 2020).

Par lettre recommandée datée du 21 août 2019, la société Taylor's Company (ci-après la société) a convoqué Mme [B] [I] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 2 septembre 2019.

Par lettre recommandée datée du 20 septembre 2019, la société a notifié à Mme [I] son licenciement pour faute grave pour arrêts maladie répétés et injustifiés, abandon de poste depuis le 29 mai 2019, désorganisation du service due à ses absences et retards répétés et propos diffamatoires.

Se plaignant de n'avoir pas perçu la rémunération convenue depuis le mois d'avril 2019, Mme [I] avait saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 17 juillet 2019. Elle le saisira de nouveau le 4 octobre 2019 ' les deux instances ayant fait l'objet ensuite d'une jonction.

Par jugement du 11 février 2021 auquel il est renvoyé pour l'exposé des prétentions initiales et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Paris a :

- fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 794,19 euros ;

- condamné la société à verser à Mme [I] les sommes suivantes :

* 3 970,95 euros « brut » à titre de rappel de salaire,

* 228 euros au titre des frais de transport,

* 794,19 euros « brut » à titre d'indemnité compensatrice de congés payés ;

- condamné la société à verser à Mme [I] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté Mme [I] du surplus de ses demandes ;

- ordonné l'exécution provisoire du jugement sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile ;

- condamné la société aux dépens.

Par déclaration du 4 juin 2021, la société a régulièrement interjeté appel du jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 3 septembre 2021 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société demande à la cour de:

- dire et juger recevable son appel ;

à titre principal,

- infirmer le jugement en ce qu'il a fait droit aux demandes de Mme [I] ;

statuant à nouveau,

- constater que Mme [I] ne peut solliciter qu'une somme de 1 672,67 euros « brute » au titre du rappel de salaire ;

- constater que Mme [I] ne peut solliciter qu'une somme de 171 euros « brute » au titre de la prise en charge des frais de transports ;

- constater que Mme [I] ne peut solliciter qu'une somme de 585,76 euros « brute » au titre de l'indemnité de congés payés ;

-condamner Mme [I] au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 1er décembre 2021 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, Mme [I] demande à la cour de:

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société ;

- infirmer le jugement sur les montants et, statuant à nouveau, condamner la société à lui verser les sommes suivantes :

* 1 903,25 euros au titre du rappel de salaire,

* 209 euros au titre des frais de transport,* 695,59 euros au titre des congés payés ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la recevoir en son appel incident ;

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes indemnitaires au titre de l'absence de visite de prévention et de la rupture anticipée du contrat d'apprentissage ;

statuant à nouveau,

- condamner la société à lui verser la somme de 350 euros au titre de l'indemnisation de son préjudice né de l'absence de visite d'information et de prévention ;

- condamner la société à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'indemnisation de son préjudice né de la rupture déloyale du contrat d'apprentissage par l'employeur ;

- débouter la société de sa demande en paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société au versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- assortir la condamnation des intérêts au taux légal à compter du jugement ;

- condamner la société aux dépens ;

- ordonner l'exécution provision de la décision.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 18 janvier 2023.

MOTIVATION

Sur l'exécution du contrat d'apprentissage

* sur le rappel de salaire

Mme [I] soutient qu'elle n'a perçu aucun salaire entre les mois d'avril et août 2019 alors qu'elle a travaillé dans l'entreprise au cours de cette période. Elle précise qu'ensuite, elle s'est vu refuser l'accès à l'entreprise par l'employeur sans aucun motif et que la situation l'a plongée dans un état anxio-dépressif qui a conduit à un arrêt de travail.

Mme [I], qui indique que son salaire mensuel net était de 794,19 euros, fait valoir que son salaire pour le mois d'avril 2019 lui est entièrement dû et que les sommes de 640,25 euros et de 238,23 euros lui sont respectivement dues pour les mois de mai et de juin 2019. Elle fait également valoir qu'aucun calcul au pro rata n'a été effectué pour le mois de juillet 2019 alors qu'elle a été présente une semaine dans l'entreprise (du 1er au 8 juillet et le 11 juillet soit neuf jours). Elle estime donc qu'une somme de 230,58 euros lui est due à ce titre.

Au total, la somme réclamée par Mme [I] s'élève à 1 903,25 euros.

Ce à quoi la société réplique que Mme [I] a volontairement omis de préciser au conseil de prud'hommes qu'elle avait présenté un arrêt de travail du 3 au 7 mai et le 31 mai 2019 (six jours d'absence), du 1er au 15 juin et du 24 au 30 juin 2019 (21 jours d'absence), du 9 au 10 juillet 2019 puis du 12 juillet au 1er septembre 2019. La société fait valoir que Mme [I] ne peut donc pas solliciter sa rémunération à taux plein pour les mois d'avril à août 2019 et estime que Mme [I] ne peut pas revendiquer plus de 794,19 euros pour le mois d'avril 2019, 640,25 euros pour le mois de mai 2019 et 238,23 euros pour le mois de juin 2019. Elle fait encore valoir que Mme [I] n'a pas vocation à percevoir de rémunération pour les mois de juillet et août 2019.

Aux termes de l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

Et l'article 1153 du code civil de disposer que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et, réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

Les éléments de la cause et les dernières écritures des parties révèlent que :

- il n'est pas contesté par la société que la rémunération brute mensuelle prévue au contrat d'apprentissage est de 794,19 euros ;

- la société a elle-même reconnu dans un courrier adressé à l'apprentie que, pour des raisons économiques, elle n'était pas en mesure de lui payer sa rémunération du mois d'avril à l'échéance prévue ;

- que, sous réserve de la prise en compte des absences de l'apprentie en mai et juin, le quantum des sommes dues à Mme [I] pour les mois d'avril, mai et juin 2019 n'est pas discuté par la société qui, par ailleurs, ne rapporte pas la preuve d'un paiement effectif de ces sommes à son apprentie.

La circonstance selon laquelle le bulletin de salaire du mois d'avril 2019 mentionne un virement du 1er mai 2019 est inopérante à établir que l'employeur s'est acquitté de son obligation de payer à Mme [I] la rémunération convenue.

S'agissant du mois de juillet 2019, il ressort des dernières écritures de la société qui listent les dates auxquelles Mme [I] a présenté un arrêt de travail que l'apprentie n'était pas en arrêt de travail du 1er au 8 juillet et le 11 juillet 2019. La cour relève que cela coïncide précisément avec les dates pour lesquelles Mme [I] sollicite une rémunération pour le mois de juillet 2019 et que la seule raison invoquée par la société pour ne pas verser de rémunération à l'apprentie au mois de juillet est la situation d'arrêt de travail jusqu'au mois de septembre 2019.

Dans ces conditions, la société sera condamnée à payer à Mme [I] la somme totale de 1 903,25 euros au titre du rappel de salaire et la décision des premiers juges sera infirmée sur le quantum alloué.

* sur le rappel de frais de transport

Mme [I] soutient qu'elle a payé un Pass Navigo d'un montant de 38 euros par mois pour se rendre de son domicile de [Localité 6] (91) à son lieu de travail à [Localité 5] et que l'employeur n'a jamais pris en charge 50% de ce coût depuis son arrivée dans l'entreprise en 'juillet 2018' jusqu'à son départ en août 2019. Mme [I] fait valoir que cette prise en charge est due par l'employeur dès lors que le titre de transport a été utilisé au moins une fois au cours de sa période de validité de sorte que, selon elle, l'employeur doit également prendre en charge à hauteur de 50% le coût du Pass Navigo en juin et en juillet 2019 et que seul le mois d'août 2019 sera exclu. Mme [I] sollicite donc le paiement d'une somme de 209 euros pour onze mois.

Ce à quoi la société réplique que Mme [I] n'a pas vocation à bénéficier de la prise en charge par l'employeur d'une partie de ses frais de transport pour les mois de juin, juillet et août 2019 et qu'elle ne peut donc obtenir une somme supérieure à 171 euros.

Suivant l'article L. 3261-2 du code du travail, l'employeur prend en charge, dans une proportion et des conditions déterminées par voie réglementaire, le prix des titres d'abonnements souscrits par ses salariés pour leurs déplacements entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail accomplis au moyen de transports publics de personnes ou de services publics de location de vélos.

La cour observe que l'employeur ne conteste pas que Mme [I] a payé un titre de transport sous la forme d'un Pass Navigo d'un montant de 38 euros par mois à compter du mois de septembre 2018 ni que son coût doit être pris en charge par l'employeur à hauteur de 50% pour la période de septembre 2018 à mai 2019 inclus.

S'agissant des mois de juin et juillet 2019, il résulte des développements qui précèdent que Mme [I] a été au moins présente dans l'entreprise entre le 16 et le 23 juin 2019, entre le 1er et le 8 juillet 2019 ainsi que le 11 juillet 2019 de sorte qu'elle a donc utilisé son Pass Navigo pour se rendre sur le lieu de travail. Dès lors, la prise en charge par l'employeur d'une partie de ses frais de transport est justifiée à hauteur de 50% pour les mois de juin et juillet 2019.

Par conséquent, la société sera condamnée à payer à Mme [I] la somme de 201 euros au titre de la prise en charge d'une partie des frais de transport de l'apprentie et la décision des premiers juges sera infirmée sur le quantum.

* sur le rappel d'indemnité compensatrice de congés payés

Mme [I] soutient qu'elle a droit au paiement de 19 jours de congés payés.

Elle expose que, eu égard aux formulaires d'absence produits par l'employeur, elle était effectivement en congés les 24 et 31 décembre 2018 mais conteste, en revanche, avoir pris des jours de congés en avril 2019. A cet égard, elle relève que l'employeur ne produit aucun formulaire d'absence signé par elle.

Elle fait valoir que seuls deux jours peuvent donc être décomptés des 21 jours de congés payés auxquels elle a droit sur la période. Elle fait encore valoir que le calcul de l'employeur n'est pas explicité mais qu'il correspond, selon elle, à 36,61 euros par jour x 19 jours soit 695,59 jours.

Ce à quoi la société réplique que Mme [I] a pris quatre jours de congés : les 24 et 31 décembre 2018 et du 15 au 17 avril 2019. Elle soutient que Mme [I] ne pouvait pas bénéficier de plus de 21 jours de congés payés sur l'ensemble de la période de travail desquels il faut retrancher quatre jours de sorte qu'elle ne peut être tenue au paiement de plus de 16 jours de congés payés soit la somme de 585,76 euros.

Il résulte des deux premiers alinéas de l'article L. 3141-28 du code du travail que, lorsque le contrat de travail est rompu avant que le salarié ait pu bénéficier de la totalité du congé auquel il avait droit, il reçoit, pour la fraction de congé dont il n'a pas bénéficié, une indemnité compensatrice de congé déterminée d'après les articles L. 3141-24 à L. 3141-27 et que l'indemnité est due que cette rupture résulte du fait du salarié ou du fait de l'employeur.

En l'espèce, l'employeur ne produit que les formulaires d'absence relatifs aux 24 et 31 décembre 2018 de sorte que 19 jours de congés payés sont dus à l'apprentie. Dès lors, eu égard à la rémunération prévue au contrat d'apprentissage, la société sera condamnée à payer à Mme [I] une indemnité de 685,89 euros correspondant à ces 19 jours de congés payés non pris.

* sur les dommages-intérêts pour absence de visite d'information et de prévention

Mme [I] soutient qu'elle n'a bénéficié d'aucune visite médicale à son arrivée dans l'entreprise contrairement à ce que prévoit l'article R. 4624-10 du code du travail.

La société n'a pas conclu sur cette demande de Mme [I].

Aux termes de l'article R. 4624-10 du code du travail, tout travailleur bénéficie d'une visite d'information et de prévention, réalisée par l'un des professionnels de santé mentionnés au premier alinéa de l'article L. 4624-1 dans un délai qui n'excède pas trois mois à compter de la prise effective du poste de travail.

L'article R. 6222-36 du même code prévoit que l'apprenti bénéficie de cette visite d'information et de prévention.

Or, en l'espèce, l'employeur ne justifie pas avoir organisé une telle visite pour Mme [I]. Cette carence a causé un préjudice à l'apprentie en ce qu'elle a été privée d'informations qui lui auraient été utiles lorsqu'elle a rencontré des difficultés avec son employeur à partir du mois d'avril 2019.

Son préjudice sera réparé en lui allouant une somme de 300 euros à titre de dommages-intérêts suffisant à réparer son entier préjudice. La décision des premiers juges sera donc infirmée à ce titre.

Sur la rupture du contrat d'apprentissage

Mme [I] soutient que la société a commis de nombreux manquements qui sont à l'origine de la rupture anticipée du contrat d'apprentissage qui lui a causé un préjudice.

La société soutient que Mme [I] a soit démissionné soit rompu unilatéralement son contrat d'apprentissage avant qu'elle ne lui notifie sa décision de la licencier.

L'article L. 6222-18 du code du travail dans sa rédaction applicable à la date de conclusion du contrat d'apprentissage dispose :

Le contrat d'apprentissage peut être rompu par l'une ou l'autre des parties jusqu'à l'échéance des quarante-cinq premiers jours, consécutifs ou non, de formation pratique en entreprise effectuée par l'apprenti.

Passé ce délai, la rupture du contrat, pendant le cycle de formation, ne peut intervenir que sur accord écrit signé des deux parties. A défaut, la rupture du contrat conclu pour une durée limitée ou, pendant la période d'apprentissage, du contrat conclu pour une durée indéterminée, ne peut être prononcée que par le conseil de prud'hommes, statuant en la forme des référés, en cas de faute grave ou de manquements répétés de l'une des parties à ses obligations ou en raison de l'inaptitude de l'apprenti à exercer le métier auquel il voulait se préparer. (').

La cour rappelle que le contrat d'apprentissage est un contrat de travail par lequel un employeur s'engage à assurer à un travailleur une formation professionnelle et à lui verser la rémunération convenue tandis que l'apprenti s'engage à suivre la formation prévue et à travailler pour l'employeur. Il s'agit d'un contrat d'un type particulier pour lequel la législation prévoit des dispositions protectrices de l'apprenti et l'employeur perçoit des aides financières.

En l'espèce, la cour relève que l'échéance des 45 premiers jours en entreprise était passée; qu'aucune résiliation du contrat d'apprentissage n'est intervenue par accord écrit des deux parties et que le contrat d'apprentissage a été conclu avant le 1er janvier 2019 de sorte que seule une décision judiciaire pouvait décider de la résiliation unilatérale du contrat d'apprentissage.

Or, il ressort des éléments de la cause que :

- le 17 juillet 2019, Mme [I] a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande en résiliation judiciaire de son contrat d'apprentissage ;

- par lettre recommandée datée du 21 août 2019, la société a convoqué Mme [I] à un entretien préalable à un éventuel licenciement et, par lettre recommandée datée du 20 septembre 2019, la société a notifié à Mme [I] son licenciement pour faute grave ;

- le 2 septembre 2019, Mme [I] a signé un autre contrat d'apprentissage avec la société Brunoy Centrimmo pour la période du 2 septembre 2019 au 10 juillet 2020.

La condamnation de la société au paiement d'un rappel de salaire qui porte sur plusieurs mois révèle que l'employeur a manqué à une obligation essentielle du contrat d'apprentissage, ce qui a conduit Mme [I] à saisir le conseil de prud'hommes d'une demande en résiliation de son contrat d'apprentissage dès le mois de juillet 2019.

Dans ce contexte, il ne peut être reproché à l'apprentie d'avoir signé un nouveau contrat d'apprentissage indispensable à la poursuite de sa formation :

- d'une part, après avoir reçu de l'employeur une convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement alors que le licenciement n'était pas un mode de rupture du contrat d'apprentissage légalement admis eu égard à la date de conclusion du contrat ;

- d'autre part, dans l'attente de la décision du conseil de prud'hommes.

Partant, la rupture anticipée du contrat d'apprentissage est imputable à l'employeur et elle a causé à Mme [I] un préjudice qui sera indemnisé à hauteur de 3 000 euros, ces dommages-intérêts suffisant à réparer son entier prejudice.

Sur les intérêts

Les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale sont dus à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation et ceux portant sur les condamnations de nature indemnitaire sont dus à compter de la décision qui les prononce.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La société sera condamnée aux dépens en appel et la décision des premiers juges sur les dépens sera confirmée.

La société sera également condamnée à payer à Mme [I] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la décision des premiers juges sur les frais irrépétibles sera confirmée. La société sera déboutée de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire et par mise à disposition,

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions déférées à la cour sauf en ce qu'il a alloué à Mme [B] [I] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et a condamné la société Taylor's Company aux dépens de première instance ;

Statuant sur les chefs infirmés et y ajoutant,

CONDAMNE la société Taylor's Company à payer à Mme [B] [I] les sommes suivantes :

* 1 903,25 euros au titre du rappel de salaire ;

* 201 euros au titre du rappel de frais de transport ;

* 685,89 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés ;

* 300 euros à titre de dommages-intérêts pour absence de visite d'information et de prévention ;

* 3 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la rupture anticipée du contrat d'apprentissage ;

DIT que les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale sont dus à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation et ceux portant sur les condamnations de nature indemnitaire sont dus à compter de la décision qui les prononce ;

CONDAMNE la société Taylor's Company à payer à Mme [B] [I] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;

CONDAMNE la société Taylor's Company aux dépens en appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 21/05073
Date de la décision : 13/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-13;21.05073 ?
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