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12/04/2023 | FRANCE | N°21/00065

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 12 avril 2023, 21/00065


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 6



ARRET DU 12 AVRIL 2023



(n° 2023/ , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/00065 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CC3W2



Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Octobre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MEAUX - RG n° F19/00865





APPELANTE



S.A.S. TECHNIFAB

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée

par Me Belgin PELIT-JUMEL, avocat au barreau de PARIS, toque : D1119





INTIMÉ



Monsieur [B] [S]

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représenté par Me Sahra HAMDAOUI, avocat au barreau de SEINE-SAIN...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRET DU 12 AVRIL 2023

(n° 2023/ , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/00065 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CC3W2

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Octobre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MEAUX - RG n° F19/00865

APPELANTE

S.A.S. TECHNIFAB

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Belgin PELIT-JUMEL, avocat au barreau de PARIS, toque : D1119

INTIMÉ

Monsieur [B] [S]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Sahra HAMDAOUI, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 28 février 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre

Madame Nadège BOSSARD, Conseillère

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Stéphane THERME, Conseiller, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

M. [S] a été engagé par la société Technifab le du 4 août 2014, selon un contrat à durée indéterminée en qualité de serrurier métallier, qualification ouvrier de la convention collective de la métallurgie.

Une altercation est survenue le 19 octobre 2018 entre un salarié et le dirigeant de la société. M. [S] a été en arrêt de travail, dont le caractère professionnel a été reconnu par la CPAM. Les arrêt ont été renouvelés.

Le 12 août 2019 M. [S] a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

M. [S] a saisi le conseil de prud'hommes de Meaux le 5 novembre 2019 aux fins de contester le licenciement.

Par jugement du 7 octobre 2020, le conseil de prud'hommes a :

Requalifié la prise d'acte de la rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse, aux torts exclusifs de l'employeur,

Condamné la société Technifab à payer à M. [S] les sommes suivantes :

3 600,62 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

5 761,02 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

576,10 euros au titre des congés payés y afférents,

Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la réception de la convocation devant le bureau de conciliation,

17 283,06 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement,

Ordonné à la société Technifab de remettre à M. [S] un certificat de travail, une attestation Pôle Emploi, un solde de tout compte et un bulletin de paye récapitulatif conforme au jugement sous astreinte de 5 euros par jour et par document à compter du 30ème jour suivant la notification du jugement,

Débouté M. [S] du surplus de ses demandes,

Débouté la société Technifab de sa demande reconventionnelle,

Condamné la société Technifab aux entiers dépens.

La société Technifab a formé appel par acte du 14 décembre 2020.

Par conclusions déposées au greffe et notifiées le 24 août 2021, auxquelles la cour fait expressément référence, la société Technifab demande à la cour de :

Confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de M. [S] au titre des dommages et intérêts au titre du préjudice distinct,

Réformer le jugement du conseil de prud'hommes de Meaux du 7 octobre 2020 en ses autres dispositions et en ce qu'il a jugé que la prise d'acte du contrat de travail de M. [S] devait être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Statuant à nouveau:

Juger que la brigade de police qui est intervenue le 19 octobre 2018 n'a constaté aucune blessure sur M. [Y] ;

Juger que M. [S] ne pouvait donc être témoin de cette prétendue agression physique qui n'a pas eu lieu ;

Juger qu'aucun témoin n'a constaté des prétendues menaces sur M. [S] ;

Juger que la société Technifab n'a pas failli à son obligation de sécurité à l'égard de M. [S] ;

Juger que la prise d'acte du contrat de travail de M. [S] produit les effets d'une démission ;

Débouter M. [S] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

Condamner M. [S] à payer à la société Technifab la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions déposées au greffe et notifiées le 12 décembre 2022, auxquelles la cour fait expressément référence, M. [S] demande à la cour de :

Débouter la société Technifab de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Confirmer le jugement rendu le 7 octobre 2020 par le conseil de prud'hommes de Meaux en ce qu'il a requalifié la rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Confirmer le jugement rendu le 7 octobre 2020 par le conseil de prud'hommes de Meaux en ce qu'il a condamné la société Technifab à verser à M. [S] les sommes suivantes :

3 600,62 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement

5 761,02 euros au titre de l'indemnité de préavis,

576,10 euros au titre des congés payés y afférents,

Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la réception de la convocation devant le bureau de conciliation,

17 283,06 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement,

Infirmer le jugement rendu le 7 octobre 2020 par le conseil de prud'hommes de Meaux en ses autres dispositions,

Statuant à nouveau,

- Condamner la société Technifab à verser à M. [S] les sommes ci-après énumérées :

8 641,53 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice distinct,

Remise à M. [S] des documents de fin de contrat conformes à la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du jour de ladite décision,

3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Prononcer l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 décembre 2022.

MOTIFS

La prise d'acte de la rupture du contrat de travail est l'acte par lequel le salarié met un terme à son contrat de travail en raison de manquements qu'il impute à son employeur. Si les manquements sont établis et justifiaient la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur, la prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, à défaut elle produit les effets d'une démission.

La charge de la preuve des manquements incombe au salarié.

La juridiction doit se prononcer sur l'ensemble des griefs invoqués par le salarié.

Le courrier de prise d'acte du 12 août 2019 adressé par le conseil de M. [S] indique qu'il a subi des brimades et propos désobligeants et menaçants du président de la société. Il expose avoir été témoin de l'agression d'un de ses collègues par le président, qui l'a ensuite menacé. Il explique également avoir rencontré des difficultés dans le règlement des indemnités journalières, l'employeur ayant fait le choix de la subrogation. M. [S] rappelle l'obligation de sécurité qui pèse sur l'employeur.

Dans ses conclusions, M. [S] précise que le 19 octobre 2018 au matin il est intervenu lors d'une altercation entre le président de la société et un autre salarié, au cours de laquelle le président a étranglé et frappé son collègue, qu'il les a séparés puis que la police est arrivée. Il fait valoir que l'employeur n'a pris aucune mesure pour faire cesser le comportement régulier du président de la société à l'égard des salariés, avoir subi un

harcèlement moral, avoir été insulté et menacé après son intervention lors de l'altercation physique, puis avoir reçu un avertissement.

M. [S] produit l'attestation d'un salarié de la société qui indique que le président est lunatique, tient des propos désagréables à l'égard des salariés avec des termes injurieux. Cette personne décrit l'altercation physique entre le responsable et un autre salarié, sans faire état de la présence de M. [S] lors de celle-ci ni de propos qui auraient ensuite été tenus à son encontre par le responsable de la société.

M. [S] verse aux débats un courrier d'une ancienne salariée qui indique avoir subi des propos injurieux des dirigeants de la société et avoir été témoin de violences et menaces à l'égard des employés.

M. [S] a déposé une plainte au commissariat de police, dans laquelle il indique qu'il y a eu une altercation verbale entre le président de la société et un de ses collègues, qu'il est intervenu et a alors été menacé, puis qu'il y a eu une nouvelle altercation entre le dirigeant et son collègue, physique, à laquelle il a assisté et qu'il est intervenu pour les séparer.

M. [S] a fait l'objet d'un arrêt de travail à compter du 19 octobre 2018, renouvelé, qui a été pris en compte comme un accident du travail. Le 16 novembre 2018 le médecin du travail a estimé qu'il ne pouvait pas reprendre le travail.

Par courrier du 22 octobre 2018 l'employeur a demandé à M. [S] d'apporter des justificatifs concernant son absence depuis plusieurs jours, puis dans un second courrier du 28 novembre a indiqué avoir reçu les documents médicaux la justifiant, dans lequel le gérant a également contesté la version développée par le salarié.

M. [S] indique avoir subi un harcèlement moral, sans articuler d'autres faits que des injures et propos désobligeants subis, qui ne sont pas précisés.

En application de l'article L. 1154-1 du code du travail il incombe au salarié qui l'invoque d'établir des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement.

Le salarié produit l'attestation et le courrier qui émanent de deux anciens salariés de l'entreprise. Ces documents sont rédigés en termes généraux, sans indiquer que M. [S] a effectivement subi le comportement du président de la société. La réalité de ces faits n'est pas établie et le harcèlement moral ne peut pas être retenu.

Le comportement du dirigeant qui aurait eu lieu le 19 octobre 2018 à l'égard de M. [S] n'est pas établi, aucune autre personne ne décrivant les faits qu'il a rapportés aux services de police. Le témoin direct de l'altercation entre le dirigeant et l'autre salarié ne mentionne pas la présence de M. [S] dans son attestation, ni qu'il serait intervenu pour les séparer, ni qu'il aurait été menacé.

Aucun avertissement disciplinaire n'est produit par le salarié. L'intimé ne justifie pas de difficultés qui auraient été rencontrées concernant les indemnités journalières, aucun document en ce sens n'étant versé aux débats.

La société Technifab conteste les faits et explique que M. [S] et un autre salarié adoptaient tous deux un comportement provocateur et perturbant dans l'entreprise.

Un courrier a été adressé à M. [S] le 7 août 2018 pour lui demander des explications sur son absence, après que le dirigeant ait formé une remarque sur le volume sonore de sa radio, qu'il écoutait sur le lieu de travail.

Dans un courrier auquel la pièce d'identité est jointe, un salarié de l'entreprise confirme qu'il n'y a eu aucun coup entre le dirigeant et l'autre salarié le 19 octobre 2018, et précise que M. [S] est quant à lui parti chercher une matraque télescopique. D'autres salariés attestent de l'absence de coup donné par le dirigeant à un salarié, et qu'aucune altercation n'a eu lieu avec M. [S].

Il résulte du procès-verbal de police établi le 29 novembre 2018 qu'aucune personne n'était blessée au moment de l'intervention des policiers qui sont arrivés sur les lieux le 19 octobre 2018.

Plusieurs salariés font état de la bonne ambiance dans la société et de l'écoute des salariés par les dirigeants, alors que M. [S] et un autre salarié avaient quant à eux une attitude provocatrice.

La société Technifab produit les consignes affichées dans l'entreprise concernant la sécurité dans l'établissement. Le 20 novembre 2017 le médecin du travail a rendu un avis d'aptitude concernant M. [S].

L'employeur justifie avoir mis en oeuvre des mesures pour assurer le suivi de la santé de ses salariés et aucun manquement à son obligation de sécurité n'est établi.

Le salarié a été absent de l'entreprise après l'altercation du 19 octobre 2018 et l'employeur n'a commis aucune faute en lui demandant de s'expliquer sur ce point.

L'employeur n'a commis aucun manquement à l'égard de M. [S].

La prise d'acte produit en conséquence les effets d'une démission et M. [S] doit être débouté de ses demandes relatives à la rupture du contrat de travail.

Le jugement sera infirmé de ces chefs.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [S] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice distinct.

Sur les dépens et frais irrépétibles

M. [S] qui succombe supportera les dépens et sera condamné à verser à la société Technifab la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Le jugement qui a alloué une somme à ce titre à M. [S] sera infirmé de ce chef.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté M. [S] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice distinct,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

DÉBOUTE M. [S] de ses demandes,

CONDAMNE M. [S] aux dépens,

CONDAMNE M. [S] à payer à la société Technifab la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 21/00065
Date de la décision : 12/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-12;21.00065 ?
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