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12/04/2023 | FRANCE | N°20/05543

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 12 avril 2023, 20/05543


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 12 AVRIL 2023



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/05543 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCIVE



Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Juillet 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 19/04403



APPELANTE



S.A.S. QUANTUM ONE Représentée par Monsieur [S] [X], Président
>[Adresse 2]

[Localité 4]/France

Représentée par Me Amèle BENTAHAR, avocat au barreau de PARIS, toque : G0469



INTIME



Monsieur [R] [E] [P]

[Adresse 3]

[Localit...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 12 AVRIL 2023

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/05543 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCIVE

Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Juillet 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 19/04403

APPELANTE

S.A.S. QUANTUM ONE Représentée par Monsieur [S] [X], Président

[Adresse 2]

[Localité 4]/France

Représentée par Me Amèle BENTAHAR, avocat au barreau de PARIS, toque : G0469

INTIME

Monsieur [R] [E] [P]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par Me Baptiste ROBELIN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0008

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme BLANC Anne-Gaël, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

M. de CHANVILLE, président de chambre

Mme BLANC Anne-Gaël, conseillère, chargée, conseiller

Mme MARQUES Florence, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Justine FOURNIER

ARRET :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Justine FOURNIER, greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La SAS Quantum one, dont les associés sont, d'une part, la société Quantum one consulting, représentée par son président, M. [X] [S], et, d'autre part, M. [R] [E] [P], exerce une activité de conseil en stratégie opérationnelle, transformation digitale et modernisation des systèmes d'information.

Par contrat de travail à durée indéterminée à effets au 2 janvier 2018, M. [E] [P] a été engagé par la société Quantum one en qualité de directeur des offres technologiques. Le 1er avril suivant, il est devenu manager et responsable des offres technologiques.

Parallèlement à son contrat de travail, M. [E] [P] exerçait un mandat de directeur général de la société.

La société Quantum one compte moins de 11 salariés et applique la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils (SYNTEC).

Le salaire brut contractuel de M. [E] [P] était de 5.000 euros. Par avenant du 4 avril 2018, sa rémunération a été réduite à 4.000 euros.

Le 10 octobre suivant, après avoir proposé une rupture conventionnelle à son employeur, M. [E] [P] lui a remis sa démission 'avec effet au 30 septembre précédent'.

A l'issue de cette période, M. [E] [P], par l'intermédiaire d'une société qu'il a créée, a entretenu des relations commerciales avec un client de la société Quantum one.

Le 22 mai 2019, considérant que la rupture de son contrat de travail devait s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et réclamant le paiement de rappel de salaire du fait de la modification non acceptée de sa rémunération, M. [E] [P] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris. Pour sa part, l'employeur a formé des demandes reconventionnelles au titre d'un manquement à l'obligation de loyauté ainsi que pour le non-respect du préavis.

Par jugement du 10 juillet 2020, le conseil a condamné la société Quantum one au paiement de 8.000 euros à titre de rappel de salaire avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de sa convocation devant le bureau de conciliation, condamné le salarié au paiement de 15.000 euros au titre de la non-exécution du préavis, débouté les parties du surplus de leurs prétentions et partagé les dépens.

Le 14 août 2020, la société Quantum one a fait appel de cette décision notifiée le 20 juillet précédent.

Dans ses dernières conclusions remises au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 4 juillet 2022, la société Quantum one demande à la cour de confirmer le jugement sur la qualification de la démission et la non-exécution du préavis mais de l'infirmer sur le rappel de salaire, le rejet du surplus de ses demandes reconventionnelles et les dépens et, statuant à nouveau et y ajoutant, de :

- débouter M. [E] [P] de ses prétentions ;

- condamner M. [E] [P] au paiement de la somme 173.519,40 euros (sic, 273.519, euros dans le corps des écritures) et subsidiairement 228.315 euros au titre du préjudice subi du fait de la captation à son profit de la cliente de la société Quantum one, la société Saur ;

- condamner M. [E] [P] au versement de la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;

- assortir la condamnation aux dépens du droit au profit de Maître Amèle Bentahar de recouvrer directement contre M. [E] [P] les dépens dont son cabinet a fait l'avance sans avoir reçu provision ;

- assortir la décision à intervenir de l'exécution provisoire.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 13 janvier 2021, M. [E] [P] demande à la cour de confirmer la décision sur le rappel de salaire et le rejet du surplus des demandes reconventionnelles de la société Quantum one, mais l'infirmer pour le surplus et, statuant à nouveau et y ajoutant, de :

- principalement, juger que la rupture de son contrat de travail doit s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamner la société Quantum one à lui payer 15.000 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 1.500 euros brut à titre d'indemnité de congé payé afférents ;

- condamner la société Quantum one à lui payer 937,50 euros à titre d'indemnité légale de licenciement ;

- condamner la société Quantum one à lui payer 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamner la société Quantum one à lui payer 5.000 euros de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure légale de licenciement ;

- débouter la société Quantum one de l'ensemble de ses demandes ;

- à titre subsidiaire, si la cour devait analyser la rupture en démission, rejeter toute condamnation au titre du préavis ;

- en tout état de cause, condamner la société Quantum one à lui payer 800 euros brut à titre de congé payé afférents au rappel de salaire de 8.000 euros ;

- débouter la société Quantum one de sa demande de dommages et intérêts ;

- condamner la société Quantum one à lui payer 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance ;

- assortir la décision à intervenir de l'exécution provisoire.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 septembre 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 27 février 2023.

Pour l'exposé des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1 : Sur la modification du contrat et le rappel de salaire

Il est constant que la rémunération du salarié ne peut être modifiée sans son accord, même de manière minime. En cas de modification du contrat de travail, l'accord du salarié doit être exprès. Dans l'hypothèse d'un litige, il appartient à l'employeur d'apporter la preuve de cette acceptation. En outre, le silence du salarié ou la poursuite par lui du travail aux nouvelles conditions ne peut suffire à établir qu'il a accepté la modification de son contrat.

Au cas présent, l'employeur a modifié unilatéralement le contrat de travail de M. [E] [P] à compter du mois de février 2018, son salaire mensuel est ainsi passé de 5.000 à 4.000 euros et sa classification conventionnelle de 210 à 170.

Il n'est pas démontré que le salarié a accepté cette modification, peu important à cet égard qu'il ait été associé non majoritaire et directeur général de la société et qu'il ait continué de travailler aux nouvelles conditions. Par ailleurs, le montant de cette diminution, même à supposer qu'on puisse, comme le fait l'employeur, le qualifier de minime, comme le fait que la rémunération reste supérieure au minimum conventionnel sont indifférents.

Dès lors, il convient de confirmer le jugement en ce que, au motif que la modification du contrat emportant diminution de la rémunération n'avait pas été acceptée, il condamne l'employeur au paiement de la différence non réglée, cette réduction de rémunération devant être considérée comme non avenue.

Par ailleurs, cette somme, de nature salariale, ouvre droit à congés payés. L'employeur sera condamné au paiement de ceux-ci soit 800 euros et le jugement sera complété en ce sens.

Ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la signature par l'employeur de l'accusé de réception de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil.

2 : Sur la démission

La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail. Lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de la démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou de manquements imputables à son employeur, le juge doit, s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l'analyser en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués la justifiaient, ou, dans le cas contraire, d'une démission. Il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur.

En l'espèce, par courrier daté du 10 octobre 2018, le salarié a remis sa démission à son employeur.

Ce courrier de démission ne fait pas mention de griefs relatifs à la relation de travail salarié et est intrinsèquement dépourvu de tout caractère équivoque.

Or, si le salarié démontre aujourd'hui un manquement de son employeur à ses obligations, il ne justifie pas d'un différend antérieur à la rupture qui se serait traduit par des actes concrets ou qu'il aurait porté à la connaissance de son employeur. Ainsi, il n'établit notamment pas s'être plaint auprès de celui-ci de son salaire ou d'un problème inhérent à sa classification.

Enfin, M. [E] [P] n'a pas remis en cause sa démission dans un bref délai après celle-ci puisqu'il n'a formulé les premiers griefs à l'encontre de son employeur que par la saisine du conseil, le 22 mai 2019, soit plus de sept mois après son courrier de démission du 10 octobre précédent.

Dès lors, le jugement sera confirmé en ce qu'il rejette la demande de M. [E] [P] tendant à voir sa démission produire les effets d'un licenciement sans cause et réelle ainsi que les demandes subséquentes d'indemnité de préavis, de congés payés afférents, d'indemnité de licenciement, d'indemnité pour licenciement irrégulier et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

3 : Sur les dommages et intérêts au titre du préavis non effectué

Il est constant que le salarié démissionnaire, qui n'effectue pas son préavis, doit indemniser l'employeur non pas à hauteur du préjudice effectivement subi, mais de façon forfaitaire, la somme à verser correspondant à la rémunération qu'aurait dû percevoir le salarié au cours de cette période de préavis.

Au cas présent, au regard des stipulations de l'article 15 de la convention collective SYNTEC, le préavis de M. [E] [P], qui était cadre, était de trois mois.

Le salarié n'établit pas l'accord de son employeur pour une dispense d'exécution de son préavis, il convient donc de confirmer le jugement qui l'a condamné au paiement de trois mois de salaire soit 15.000 euros d'indemnité à ce titre.

Cette somme, de nature indemnitaire, portera intérêts au taux légal à compter du jugement du 10 juillet 2020.

4 : Sur les dommages et intérêts pour captation à son profit de la cliente de la société Quantum one, la société Saur

Seule la faute lourde supposant l'intention de nuire à l'employeur peut permettre d'engager la responsabilité pécuniaire du salarié.

Au cas présent, le contrat de travail n'a pas été signé par le salarié en sorte qu'il est acquis que ce dernier n'est tenu par aucune clause contractuelle de non-concurrence.

Cependant, en application de l'article L.1222-1 du code du travail, le salarié restait néanmoins tenu à une obligation de loyauté vis-à-vis de son employeur jusqu'à l'expiration de son contrat de travail qui est intervenue le 10 octobre 2018, sa démission ne pouvant être considérée comme rétroactive et comme produisant effet dès le 30 septembre précédent.

L'employeur fait valoir à ce titre que M. [E] [P] aurait usé de son statut de salarié de la société Quantum One pour organiser la mise en place et l'exploitation de sa future activité concurrente et qu'il aurait ainsi violé son obligation de loyauté.

Cependant, aucun acte positif au cours de la relation de travail ne permet d'établir ces allégations, le simple fait que le salarié ait été, dans ce cadre, en contact avec un futur client de la société qu'il a fondée ou qu'il annonce, dès le 1er octobre 2018, un changement de vie professionnelle ne permettant pas d'en déduire de manière certaine l'existence de manoeuvres déloyales aux fins de captation de clientèle pendant la relation de travail salariée.

Dès lors aucune faute lourde permettant d'engager la responsabilité pécuniaire du salarié n'est caractérisée.

La demande à ce titre sera rejetée et le jugement confirmé de ce chef.

5 : Sur les demandes accessoires

La présente décision n'est pas susceptible de voie de recours suspensive d'exécution. Il n'y a donc pas lieu de l'assortir de l'exécution provisoire.

Le jugement sera confirmé sur les dépens et les frais irrépétibles.

En cause d'appel, la partie appelante, qui a pris l'initiative du recours, supportera la charge de ses dépens.

Elle sera également condamnée à payer au salarié la somme de 5.000 euros au titre de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour :

- Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 10 juillet 2020, en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant :

- Condamne la SAS Quantum one à payer à M. [R] [E] [P] la somme de 800 euros au titre des congés payés afférents au rappel de salaire ;

- Rappelle que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la signature par l'employeur de l'accusé de réception de sa convocation devant le bureau de conciliation, les créances indemnitaires confirmées à compter du jugement du 10 juillet 2020 et le surplus à compter du présent arrêt ;

- Condamne la SAS Quantum one à payer à M. [R] [E] [P] la somme de 5.000 euros au titre de ses frais irrépétibles ;

- Condamne la SAS Quantum one aux dépens de l'appel

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 20/05543
Date de la décision : 12/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-12;20.05543 ?
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