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12/04/2023 | FRANCE | N°20/01577

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 12 avril 2023, 20/01577


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 12 AVRIL 2023



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/01577 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBP3K



Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Janvier 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EVRY - RG n° F18/00864



APPELANT



Monsieur [X] [E]

[Adresse 1]

[Localité 3]

ReprésentÃ

© par Me Mohamed DIARRA, avocat au barreau d'ESSONNE



INTIMEE



S.A.S. CROC TOUT

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Muriel DELUMEAU, avocat au barreau de PARIS, toqu...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 12 AVRIL 2023

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/01577 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBP3K

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Janvier 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EVRY - RG n° F18/00864

APPELANT

Monsieur [X] [E]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Mohamed DIARRA, avocat au barreau d'ESSONNE

INTIMEE

S.A.S. CROC TOUT

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Muriel DELUMEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : B0967

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme MARQUES Florence, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Jean-François de CHANVILLE, président de chambre

Madame Anne-Gaël BLANC, conseillère

Madame Florence MARQUES, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Justine FOURNIER

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Justine FOURNIER, greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [X] [E] a été engagé par la société Croc tout, suivant contrat de travail à durée indéterminée à effet du 15 octobre 2013 en qualité d'employé commercial, avec ancienneté reprise à compter du 13 février 2008, moyennant une rémunération mensuelle de 1837 euros.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire (IDCC 2216).

En dernier lieu, la rémunération mensuelle moyenne de M. [X] [E] s'élevait à la somme de 3.473,32 euros

Le salarié a fait l'objet de trois avertissements entre septembre 2015 et janvier 2017 et d'un rappel à l'ordre.

Par lettre datée du 17 janvier 2018, M. [X] [E] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 1er février 2018, avec mise à pied conservatoire.

M. [X] [E] a ensuite été licencié pour faute grave par lettre datée du 8 février 2018.

Contestant la légitimité de son licenciement, M. [X] [E] a saisi, le 4 octobre 2018, le conseil de prud'hommes d'Evry-Courcouronnes aux fins de voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner la société Croc Tout à lui payer diverses sommes .

Par jugement en date du 21 janvier 2020, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le CPH d'Evry-Coucouronnes a :

- débouté M. [E] de l'ensemble de ses demandes,

- débouté la société Croc tout de sa demande reconventionnelle,

- laissé les entiers dépens à la charge de M. [E].

Par déclaration du 20 février 2020, M. [E] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Dans ses uniques conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 1er juin 2020, M. [X] [E] demande à la cour de :

- fixer le salaire mensuel de M. [E] à la somme de (trois derniers mois) : 3.473,32 euros,

A titre principal :

- dire que le licenciement de M. [E] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamner la société Croc tout à verser à M. [E] les sommes suivantes :

* 2.095,34 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,

* 209,53 euros au titre des congés payés afférents,

* 6.946,64 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis (2 mois),

* 694,66 euros au titre des congés payés afférents,

* 8.678,54 euros à titre d'indemnité de licenciement,

* 31.259,88 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (9 mois),

* 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

A titre subsidiaire :

- dire que le licenciement de M. [E] ne repose pas sur une faute grave,

- condamner la société Croc tout à verser à M. [E] les sommes suivantes :

* 2.095,34 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,

* 209,53 euros au titre des congés payés afférents,

* 6.946,64 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis (2 mois),

* 694,66 euros au titre des congés payés afférents,

* 8.678,54 euros à titre d'indemnité de licenciement,

* 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

En toute hypothèse :

- condamner la société Croc tout aux entiers dépens.

Dans ses uniques conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 27 août 2020, la société Croc Tout demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Evry le 21 janvier 2020,

- débouter M. [E] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

Statuant de nouveau :

A titre principal :

- dire et juger que le licenciement repose sur une faute grave,

- débouter en conséquence M. [E] de l'intégralité de ses demandes,

A titre subsidiaire :

- dire et juger que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,

- débouter M. [E] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

A titre infiniment subsidiaire :

- limiter le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à 3 mois de salaires brut, soit à la somme de 10.419,09 euros,

En tout état de cause :

- débouter M. [E] du surplus de ses demandes,

- condamner M. [E] au paiement d'une somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner l'appelant aux entiers dépens,

- dire et juger que les sommes éventuellement allouées à M. [E] s'entendent comme des sommes brutes avant précompte des charges sociales.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 mai 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 13 février 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1-Sur le licenciement pour faute grave

L'article L.1231-1 du code du travail dispose que le contrat à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié. Aux termes de l'article L.1232-1 du même code, le licenciement par l'employeur pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Il résulte par ailleurs des dispositions combinées des articles L 1232-1, L 1232-6, L 1234-1 et L 1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise.

En l'espèce, aux termes de la lettre de rupture du 8 février 2018, il est reproché à M. [X] [E] d'avoir laissé en vente, le 20 décembre 2017 date à laquelle il a été acheté, un paquet de viande surgelée de la marque "Inegol Kofte" périmé depuis 6 mois. Il est précisé que la viande a été consommée par un enfant à qui il a été diagnostiqué une intoxication alimentaire et dont le magasin a assuré l'indemnisation.

Il est reproché au salarié de n'avoir pas respecté les consignes de vérification des dates de péremption ni les règles de rotation des produits alors qu'il est le seul responsable du rayon des produits surgelés.

Il est souligné que la société a dû indemniser la famille et qu'il a été porté atteinte à sa réputation.

Le salarié conteste avoir eu la charge, au moment des faits, du rayon surgelé, expliquant que la prime "grand froid" lui a d'ailleurs été retirée à compter d'octobre 2013. Il explique qu'il était employé polyvalent. Il souligne que le listing de ses commandes ne mentionne pas celles de la viande incriminée. Il conteste avoir été le seul responsable de la rotation des produits du rayon surgelés.

Le salarié indique que la société est connue pour commercialiser les produits de courte péremption et qu'en tout état de cause les faits reprochés ne pourraient qu'être qualifiés de "négligence fautive" et non de faute grave. Il souligne qu'il n'est pas non plus établie la plainte des clients, ni même la réalité de l'intoxication alimentaire et son éventuelle imputation à l'ingestion de la viande.

La cour estime qu'en l'état des documents produits aux débats, la réalité de la vente d'un produit (viande surgelée) périmé depuis 6 mois, ayant eu pour conséquence l'intoxication alimentaire d'un jeune enfant, est établie.

La cour constate néanmoins que l'employeur ne démontre pas que M. [X] [E] avait seul la charge de l'approvisionnement et surtout de la rotation des produits surgelés, l'attestation de son supérieur hiérarchique, dont il est indiqué qu'il est le chef des produits du rayon surgelés ayant ici peu de portée, compte tenu de son éventuelle responsabilité dans le contrôle (ou l'absence de contrôle) du travail de son subordonné.

Dès lors, la faute ne pouvant être exclusivement rattachée à M. [X] [E] et l'employeur ayant attendu plus de trois semaines pour convoquer et mettre à pied son salarié après la connaissance qu'il a eu des faits, le licenciement pour faute grave doit être requalifié en licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Le jugement est infirmé de ce chef.

2-Sur les conséquences financières du licenciement pour cause réelle et sérieuse

Le salaire mensuel de référence à retenir est de 3473,22 euros.

2-1-Sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents

La salariée peut prétendre à 2 mois de préavis. Il lui est dû de ce chef la somme de 6946,44 euros, outre la somme de 694,64 euros pour les congés payés afférents.

2-2-Sur l'indemnité légale de licenciement

En application de l'article R 1234-2 du code du travail dans sa version applicable au litige, il est dû au salarié la somme de 8678,54 euros de ce chef.

2-3-Sur le rappel de salaire

Le salarié peut prétendre au salaire retenu sur la période de sa mise à pied, soit la somme de 2095,34 euros outre 209,53 euros au titre de l'indemnité de congés payés y afférents.

3-Sur les demandes accessoires

Le jugement est infirmé sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile sauf en ce qu'il a débouté la SAS Croc Tout de sa demande au titre des frais irrépétibles.

Partie perdante, la SAS Croc Tout est condamnée aux dépens d'appel.

L'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel au profit de M. [X] [E] ainsi qu'il sera dit au dispositif.

La SAS Croc Tout est déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté la SAS Croc Tout de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Requalifie le licenciement pour faute grave de M. [X] [E] en licenciement pour cause réelle et sérieuse,

Condamne la SAS Croc Tout à payer à M. [X] [E] les sommes suivantes :

- 2095,34 euros au titre de rappel de salaire durant la période de mise à pied et 209,53 euros d'indemnité de congés payés y afférents,

- 6946,44 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre celle de 694,64 euros pour les congés payés afférents,

- 8678,54 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

-1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SAS Croc Tout à payer à M. [X] [E] la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel,

Déboute la SAS Croc Tout de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel,

Condamne la SAS Croc Tout aux dépens de première instance et d'appel.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 20/01577
Date de la décision : 12/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-12;20.01577 ?
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