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12/04/2023 | FRANCE | N°20/01384

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 3, 12 avril 2023, 20/01384


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3



ARRET DU 12 AVRIL 2023



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/01384 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBOVF



Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Janvier 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 19/02860



APPELANTE



Madame [K] [M]

[Adresse 3]

[Localité 4]

ReprésentÃ

©e par Me Kamel YAHMI, avocat au barreau de PARIS, toque : E0663



INTIMEE



ASSOCIATION TUTELAIRE DE LA FEDERATION PROTESTANTE DES OEUVRES 'ATFPO '

[Adresse 1]

[Localité 2]

...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3

ARRET DU 12 AVRIL 2023

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/01384 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBOVF

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Janvier 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 19/02860

APPELANTE

Madame [K] [M]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Kamel YAHMI, avocat au barreau de PARIS, toque : E0663

INTIMEE

ASSOCIATION TUTELAIRE DE LA FEDERATION PROTESTANTE DES OEUVRES 'ATFPO '

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Marie-béatrix BEGOUEN, avocat au barreau de PARIS, toque : D2080

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s'étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Fabienne ROUGE, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Fabienne ROUGE, présidente

Madame Anne MENARD, présidente

Madame Véronique MARMORAT, présidente

Greffier, lors des débats : Sarah SEBBAK, stagiaire en préaffectation sur poste

ARRÊT :

- Contradictoire

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Fabienne ROUGE, présidente et par Madame Sarah SEBBAK, greffière stagiaire en préaffectation sur poste, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

L'ASSOCIATION TUTELAIRE DE LA FEDERATION PROTESTANTE DES 'UVRES est un service mandataire judiciaire à la protection des majeurs placés sous tutelle, curatelle ou faisant l'objet de mesures d'accompagnements judiciaires.

La convention collective applicable est celle des Établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif (FEHAP) du 31 octobre 1951.

L'ATFPO relève du médico-social. Elle a été déclarée le 24 juillet 1989 et est reconnue d'intérêt général. Les effectifs sont de plus de 11 salariés.

Madame [K] [M] a été engagée par CDD signé le 29 septembre 2016 à effet du 5 octobre 2016 avec une reprise d'ancienneté au 1 er juin 2016 pour le remplacement d'une salariée en congé maternité. Elle travaillait comme MJPM (mandataire judiciaire à la protection des majeurs ) Déléguée le contrat s'est poursuivi par avenant du 15 mars 2017, en contrat à durée indéterminée .

Par courrier du 25 février 2019, Mme [M] était licenciée pour faute grave dans les termes suivants :

« Vous nous avez prévenu de votre absence par courriel le 13 février, cependant à la lecture de votre arrêt de travail, nous constatons que vos sorties sont autorisées sans restriction d'horaire.

Nous considérons donc que vous n'avez pas souhaité être présente ni apporté vos précisions et éventuels éléments de réponse.

Nous nous voyons contraints de vous notifier votre licenciement pour faute grave, compte tenu des éléments suivants :

Il est mis en relief votre insubordination par le non-respect des dispositions règlementaires et des consignes données par votre responsable hiérarchique, avec une réelle intention de ne pas appliquer les consignes et demandes formulées par votre responsable et de nuire à la bonne marche de l'ATFPO.

- Premier élément, vous avez caché à votre employeur votre demande d'agrément en qualité de mandataire individuel sur le ressort du Val de Marne, ne respectant pas le décret n°2016-1986 du 27 décembre 2016, en son article 1 er a), manifestant ainsi un défaut de loyauté et un manquement légal.

- Nous constatons ce que nous avions déjà signalé dans notre lettre d'observation datée du 12 juin 2018, à savoir le non- respect de la procédure de l'ATFPO qui demande de visiter les personnes protégées une fois par trimestre pour les personnes vivant à domicile, et une fois par semestre pour les personnes vivant en établissement (ne citant que ceux non vus en 2018 :

[G], [X], [Y], [D], [H], [R], [F], [A], [U], [Z], [P], [N], [J], [O], [V], [UR], [MM]), soit 17 personnes sur les 58 que vous suivez qui n'auront pas eu de visite en 2018. Alors que cette demande de visite régulière émane des substituts des Procureurs de la République en charge des tutelles, et qu'à tous moment l'ATFPO peut être mise en cause si des personnes protégées sont insuffisamment visitées. Certes vos arrêts ont dû ralentir le rythme des visites, mais pas au point de générer ce délaissement et manquement contractuel.

Dans le suivi des personnes protégées le non-respect de votre fiche de poste marque votre insoumission, désobéissance volontaire, et certains de vos agissements portent préjudice à l'image de l'ATFPO :

- Budgets :

1- Budget de M. [U] [W], il est indiqué que M. peut bénéficier de 110€ par semaine alors que vous avez programmé un versement hebdomadaire de 180€ mettant en erreur le solde mensuel du budget qui impacte les accords des demandes de supplément d'argent.

2- Budget de M. [J], actualisé par vous le 8/11/2018 ne mentionne pas le changement de situation à savoir qu'il ne vit plus en appartement thérapeutique mais à l'hôtel, avec un montant de loyer diffèrent.

3- Budget de Mme [I], mis à jour par vous le 14/12/2018, qui ne mentionne pas la démission de Mme de son ESAT d'octobre 2018, le salaire n'est plus versé. Votre consigne de lui remettre 300€ par mois, rend son budget déficitaire.

- Vos consignes - Les suppléments que vous avez autorisés, à remettre aux personnes protégées, ne concordent pas avec les budgets que vous avez établis :

o M. [MC], vos consignes indiquent que nous pouvons remettre 200€ à Monsieur alors que son budget autorise seulement 50€.

o Mme [T], son budget n'autorise aucun supplément alors que vos consignes indiquent 150€.

o Mme [F] est en rupture de droits, avec un solde bancaire d'environ 800€, cette situation devrait vous conduire à la prudence, or votre consigne autorise 150€ de supplément.

o M. [H], son budget est déficitaire de 83€ et vous autorisez un supplément de 100€.

o M. [MM], son budget est déficitaire de 35€, et votre consigne lui accorde un supplément de 150€.

- Assurances RC et Habitation non payées :

o Avis d'échéances reçues le 13 décembre 2018 et non mises en paiement, et certaines sont à résilier ou à modifier car les personnes protégées ont changé d'hébergement. Les courriers de résiliation ou les demandes de changement d'adresse n'ont pas été fait.

(Cela concerne Mme [F], M. [O], Mme [A], M. [L], M. [J], M. [BW], Mme [C] et Mme [I]).

Or, l'ensemble de ces manquements mettent l'ATFPO en contravention avec nos objectifs et surtout nos obligations. Peut-être plus grave encore, les conséquences pour les personnes dont nous avons la charge sont dramatiques puisque le budget est erroné voire pour certaines personnes, nous allons être contraints de les faire déménager ce qui est très préjudiciable pour une personne âgée ou vulnérable.

- Intention de nuire et répétition volontaire des manquements :

o Suite à l'entretien disciplinaire en date du 30 mai 2018, la situation à risque de Mme [B] avait été pointée. Or vous n'avez rien fait depuis, en particulier sur sa capacité financière de payer un maintien à domicile.

o Mme [I] et Mme [Y] : l'échéance des mesures est en avril 2019, mais vous n'avez fait aucune démarche pour le renouvellement bien que les tribunaux demandent de les saisir 6 mois avant.

o Non suivi des consignes de votre responsable : elle vous demande de terminer vos comptes rendus de gestion (pour la période 2017) à fin septembre 2018. Au 1 er octobre, il vous en restait 37 à réaliser sur les 60 mesures que vous avez à gérer.

La déclaration d'impôts 2018 sur les revenus 2017 de Mme [I] : vous avez déclaré les frais d'hébergement du foyer où elle résidait en charges déductibles alors qu'il s'agit d'un foyer d'hébergement qui n'ouvre pas droit à cette réduction.

o Le placement d'une personne en EHPAD non habilitée à l'aide sociale alors que la personne protégée ne possède pas d'épargne suffisante pour financer seule l'établissement. En parallèle, vous aviez déposé un dossier d'aide en juillet 2017 sans réponse à ce jour. Après une prise de contact par votre Responsable avec le département, il s'avère que le dossier de Mme [S] a été rejeté. Vous n'avez jamais relancé le département pour savoir où en était l'instruction du dossier.

o L'ATFPO a été convoquée au Tribunal de Saint Maur des Fossés le 4 avril 2019 suite à un courrier envoyé par M. [E] aidé par son assistante sociale pour se plaindre de votre travail.

Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l'association s'avère impossible et votre licenciement intervient donc à la première présentation de cette lettre, sans préavis ni indemnité de licenciement ».

Par jugement du 21 janvier 2020, le Conseil de prud'hommes de Paris a débouté madame [M] de l'ensemble ses demandes en reconnaissant que les faits qui lui étaient reprochés étaient constitutifs d'une faute grave justifiant son licenciement.

Madame [M] en a interjeté appel.

Par conclusions récapitulatives déposées par RPVA le 2 décembre 2022 , auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, madame [M] demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de ses demandes et, statuant à nouveau, de juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur au paiement des sommes suivantes :

À titre principal

- indemnité légale de licenciement : 1528,04 euros

- indemnité compensatrice de préavis : 4445, 22 euros

- congés payés sur préavis : 444,52 euros

- indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse : 22 226,10 euros

A titre subsidiaire

- indemnité légale de licenciement : 1528,04 euros

- indemnité compensatrice de préavis : 4445, 22 euros

- congés payés sur préavis : 444,52 euros

- indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse : 7779,13 euros

En tout état de cause :

-Frais irrépétibles : 2 500 euros ;

-Ordonner sous astreinte de 100 euros par jour de retard, une attestation Pôle Emploi conforme à l'arrêt à intervenir ;

-Débouter la partie adverse de ses demandes plus amples et contraires.

-Entiers dépens dont distraction au prof t de Me Kamel YAHMI conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.

Par conclusions récapitulatives déposées par RPVA le 5 décembre 2022 , auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, L'ATFPO demande à la cour de:

- Confirmer le jugement rendu le 21 janvier 2020 par le Conseil de prud'hommes de Paris

- Condamner Mme [M] à régler à l'ATPO la somme de 2.000€ au titre de l'article

700 du CPC outre les entiers dépens.

La Cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.

MOTIFS

Sur la faute grave

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifie son départ immédiat. L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve ;à défaut de faute grave, le licenciement pour motif disciplinaire doit reposer sur des faits précis et matériellement vérifiables présentant un caractère fautif réel et sérieux

Il résulte des articles L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.

L'association reproche à madame [M] de lui avoir caché la demande d'agrément qu'elle avait fait en vue de devenir mandataire judiciaire à la protection des majeurs.

La salariée considère qu'elle n'avait pas à informer son employeur de sa demande d'agrément et que cette demande relevait de sa vie privée.

Le contrat de travail à durée déterminée signée par la salariée prévoyait expressément que la salariée s'interdisait pendant la durée du contrat de s'inscrire auprès des parquets compris dans la zone d'intervention de l'ATFPO pour exercer une activité tutélaire à titre personnel ou institutionnel. Le contrat s'est poursuivi à titre indéterminée aux mêmes conditions , cette interdiction perdurant .

Le contrat de travail mentionne clairement l'interdiction de s'inscrire auprès des parquets où exerce l'ATFPO.

Elle considère qu'elle n'avait pas à en informer son employeur, alors que le formulaire CERFA de dossier de candidature demande que soit transmis le courrier ' par lequel vous avez informé votre employeur de votre intention de demander un agrément'.

L'arrêté du 1er octobre 2018 du préfet du Val de Marne mentionne que madame [M] fait partie de la liste des candidats dont le dossier est recevable pour l'agrément des mandataires judiciaires à la protection des majeurs exerçant à titre individuel.

Ce texte est officiel dés lors aucune atteinte à la vie privée de la salariée ne peut être invoquée.

Il est établie que celle-ci a violé une des obligations découlant de son contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de l'employé dans la société concernée dans la mesure où elle s'apprêtait à concurrencer directement l'activité de l'ATFPO en devenant à titre individuel mandataire judiciaire dans le département où elle travaillait pour l'ATFPO ayant été embauchée pour le service du Val de Marne .

Ce comportement déloyal justifie à lui seul le licenciement pour faite grave de la salariée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l'article 450 du code de procédure civile,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE madame [M] à payer à l'ATFPO en cause d'appel la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE les parties du surplus des demandes ,

LAISSE les dépens à la charge de madame [K] [M].

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 20/01384
Date de la décision : 12/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-12;20.01384 ?
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