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12/04/2023 | FRANCE | N°20/01362

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 3, 12 avril 2023, 20/01362


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3



ARRET DU 12 AVRIL 2023



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/01362 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBOTK



Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Février 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MEAUX - RG n° 17/00985



APPELANTE



SAS LA LIMOUSINE

[Adresse 2]

[Localité 4]

Repré

sentée par Me Isabelle WASSELIN, avocat au barreau de MELUN



INTIME



Monsieur [G] [W]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Véronique MEURIN, avocat au ba...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3

ARRET DU 12 AVRIL 2023

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/01362 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBOTK

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Février 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MEAUX - RG n° 17/00985

APPELANTE

SAS LA LIMOUSINE

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Isabelle WASSELIN, avocat au barreau de MELUN

INTIME

Monsieur [G] [W]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Véronique MEURIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D1275

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s'étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Fabienne ROUGE, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Fabienne ROUGE, présidente

Madame Anne MENARD, présidente

Madame Véronique MARMORAT, présidente

Greffier, lors des débats : Sarah SEBBAK, stagiaire en préaffectation

ARRÊT :

- contradictoire

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Fabienne ROUGE, présidente et par Madame Sarah SEBBAK, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

La SAS LA LIMOUSINE est une société de travaux publics qui intervient particulièrement sur les canalisations en milieu urbain.

Il s'agit d'une entreprise familiale créée en 1947 qui emploie à ce jour 40 salariés.La convention collective applicable est la convention collective des entreprises de travaux publics.

Monsieur [W] a été engagé à compter du 8 août 1994 en qualité de chauffeur poids lourds, niveau 1, position 2, coefficient 125.

La société LA LIMOUSINE a licencié pour faute grave Monsieur [W] par lettre du 17 novembre 2017 énonçant les motifs suivants :... ' Vous avez été engagé au sein de notre société le 8 août 1994 en qualité de chauffeur P.L.niveau I position 2 coefficient 125 de la convention collective des entreprises de travaux publics avec une rémunération de 7986 francs par mois pour 41h50 par semaine.

À ce jour vous occupez le poste de chauffeur P.L.niveau 2 position 2 coefficient 140 avec une rémunération brute mensuelle de 2405€ pour 151,67 heurs par mois .

Dans le cadre de vos fonctions, vous avez notamment l'obligation de transporter le matériel nécessaire à la réalisation de nos chantiers du dépôt aux chantiers et entre les différents chantiers.

Le transport de ce matériel en temps et en heure est indispensable à la bonne réalisation des chantiers dont la plupart sont des marchés publics imposant le respect notamment de délais précis dont le dépassement entraîne le paiement d'indemnités de retard ou des retenues sur facturation.

Le mercredi 25 octobre 2017, vos horaires de travail vous faisaient terminer à l7h00. Vous étiez affecté au chantier situé à [Localité 6].

À l5h, votre Chef de chantier, Monsieur [Y] [D] vous a demandé de charger la mini-pelle et de l'apporter sur le chantier situé à [Localité 7] où les équipes en avaient besoin. Ce chantier se situait à moins de 40 minutes de route de [Localité 6] et à moins de 40 minutes du dépôt de [Localité 5].

Vous avez alors refusé purement et simplement de respecter ces instructions et de remplir la mission.Vous avez prétexté ne pas disposer de suffisamment de temps pour réaliser le transport et avez pris la décision unilatérale de rentrer directement au dépôt de [Localité 5].

Le Chef de chantier m'a contacté pour me signaler votre refus ferme et réitéré de respecter les instructions données et votre intention de rentrer directement au dépôt de [Localité 5]

ROMAlNVlLLlERS.

Je vous ai alors contacté téléphoniquement à l5h07 mais votre téléphone était sur messagerie. Je vous ai laissé un message vous demandant de me contacter de toute urgence, sans délai.

N'ayant pas de vos nouvelles , j'ai renouvelé mon appel à 15h19 et à 15h20 en vain, votre téléphone étant toujours éteint. Vous ne m'avez pas rappelé de l'après midi .

Le lendemain jeudi 26 octobre 2017 , vous vous êtes présenté au dépôt [Localité 5] et je vous ai alors demandé des explications sur votre comportement de la veille.

Vous avez affirmé ne pas avoir pu répondre à mes appels car vous auriez été au volant de votre véhicule et ne pas avoir pensé à me rappeler après votre arrivée au dépôt .

Examinant avec vous le disque chronotachygraphe de votre véhicule, j'ai alors constaté que vos explications étaient mensongères . En effet vous n'avez repris votre camion sur le chantier de [Localité 6] qu'à 15h20.

Par conséquent c'est volontairement que vous avez éteint votre téléphone et n'avez répondu à aucun de mes appels de 15h07 15h19 et 15h20.

C'est également volontairement que vous n'avez pas pris soin de me recontacter malgré mes instructions en ce sens laissées sur votre messagerie.

Il ressort également du disque chronotachygraphe qu'en quittant le chantier à [Localité 6] vers 15h20, vous n'avez rejoint le dépôt de [Localité 5] qu'après 16h30 soit plus d'une heure de trajet plus tard .

Face à ces constats, vous avez expliqué avoir emprunté la route passant par les centres villes, sans pouvoir justifier votre choix de ce trajet alors que du fait de votre expérience , vous connaissiez parfaitement le trajet le plus rapide contournant les centres villes et permettant de rejoindre le dépôt en à peine 30 minutes . En quittant le chantier de [Localité 6] à 15h20 et en empruntant le trajet habituel vous auriez en effet dû arriver au dépôt au plus tard à 16 heures.

C'est donc là encore de manière totalement volontaire et consciente que vous avez fait le choix du trajet le plus long afin de ne rejoindre le dépôt qu'à peine 30 minutes avant la fin de votre service, ' tentant manifestement de justifier votre refus pour des raisons de temps de suivre les instructions de votre Chef de chantier de déposer du matériel sur le chantier de [Localité 7] avant de revenir au dépôt.

ll est manifeste que si vous aviez respecté les instructions de votre Chef de chantier et aviez quitté le chantier de [Localité 6] à 15h00 comme cela vous avait été demandé, alors vous auriez largement eu le temps de déposer la mini~pelle sur le chantier de [Localité 7] et de revenir avant 17h au dépôt de [Localité 5] situé à moins de 15 minutes de [Localité 7].

Ce comportement de refus réitéré de respecter les instructions données par votre hiérarchie et de mensonges volontaires est inacceptable.

ll nuit considérablement à l'organisation de l'entreprise et porte atteinte à la confiance qui vous est accordée dans l'exécution de votre travail.

La société a été contrainte de revoir en urgence son organisation afin de permettre au chantier de [Localité 7] de se servir de la mini pelle dont les équipes avaient besoin pour réaliser les travaux .

Votre comportement est d'autant plus inacceptable qu'au regard de votre ancienneté , il nuit également aux relations de travail avec le reste des équipes en ce qu'il donne une mauvaise image à vos collègues du respect qui doit nécessairement diriger les rapports hiérarchiques, les instructions données rentrant parfaitement et incontestablement dans vos fonctions

Par conséquent votre licenciement pour faute grave prend effet à la date de la présente ..'

Par jugement rendu le 5 février 2020 le Conseil de Prud'hommes de MEAUX a dit le licenciement nul et a condamnée la société LA LIMOUSINE à verser à Monsieur [W] les sommes suivantes :

16.634,59 € à titre d'indemnité légale de licenciement

4.810 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

481 € au titre des congés payés afférents

6.606 € au titre de la prime d'assiduité de décembre 2014 à novembre 2017

660 € au titre des congés payés afférents

48.000 € à titre d'indemnité pour licenciement nul

3.000 € à titre de dommages-intérêts pour discrimination salariale

2.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

- à remettre à Monsieur [W] un bulletin de paie, un certificat de travail et une attestation POLE EMPLOI sous astreinte de 50 € par jour et par document à compter de la notification du jugement.

La société LIMOUSINE a interjeté appel.

Par conclusions récapitulatives déposées par RPVA, le 26 août 2020 , auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, la société LA LIMOUSINE demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a dit le licenciement de Monsieur [W] nul

et en ce qu'il a condamné la SAS LA LIMOUSINE au paiement de différentes sommes statuant à nouveau sur ces points, de débouter Monsieur [W] de l'intégralité de ses demandes, de confirmer le jugement entrepris sur le surplus

Y ajoutant

de condamner Monsieur [W] à verser à la SAS LA LIMOUSINE la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

Condamner Monsieur [W] aux entiers dépens en ce compris les éventuels dépens d'exécution du jugement à intervenir conformément aux dispositions de l'article de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 modifiant le décret no 96-1080 du 12 décembre 1996 portant fixation du tarif des huissiers de justice en matière civile et commerciale et relatif à la détermination du droit proportionnel de , recouvrement ou d'encaissement mis à la charge des créanciers.

Par conclusions récapitulatives déposées par RPVA le 17 juillet 2020 , auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, monsieur [W] demande à la cour de

Confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de Meaux en ce qu'il a :

' Fixé la moyenne des salaires de M. [W] à la somme de 2.405€ bruts/mois.

' Dit que le licenciement de M. [G] [W] est nul.

' Condamné la société LA LIMOUSINE au paiement de différentes sommes

Infirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de Meaux en ce qu'il a :

' Débouté M. [W] des demandes formulées au titre des heures

supplémentaires,

' Débouté M. [W] des demandes formulées au titre de la prime de noël,

' Condamné la société LA LIMOUSINE à verser à M. [W] la somme de

3.000€ nets au titre de la discrimination salariale.

En conséquence, statuant à nouveau,

Condamner la S.A.S LA LIMOUSINE à payer à M. [W] les sommes suivantes :

- 13.692,04€ bruts au titre des heures supplémentaires d'octobre 2014 à octobre 2017

- 1.369,20€ bruts pour les congés payés afférents.

- 1 710€ bruts au titre des primes de noël dues au titre des années 2014 à 2017

- 171€ bruts au titre des congés payés afférents aux primes de noël

- 10.000€ nets au titre des dommages et intérêts pour discrimination salariale

En tout état de cause,

Condamner la société LA LIMOUSINE à verser à M. [G] [W] la somme de

4.000€ sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile pour les frais

irrépétibles engagés devant la Cour d'Appel.

Ordonner la remise des bulletins de salaire, certificat de travail et attestation Pôle

Emploi conformes aux condamnations sous astreinte de 50€ par jour et par document

à compter de la notification de la décision à intervenir.

Assortir le montant des condamnations du taux d'intérêt légal à compter de la saisine

du Conseil de prud'hommes pour les sommes à caractère salarial, et à compter du

prononcé de la décision à intervenir pour les sommes indemnitaires.

Ordonner la capitalisation des intérêts.

Condamner la S.A.S LA LIMOUSINE aux entiers dépens, y compris les frais d'une éventuelle exécution forcée par voie d'huissier.

Dire qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la

présente décision et qu'en cas d'exécution par voie extrajudiciaire, les sommes

retenues par l'huissier instrumentaire en application des dispositions de l'article 10 du

décret du 8 mars 2001, portant modification du décret du 12 décembre 1996, devront

être supportées par la société en sus de l'indemnité mise à sa charge sur le fondement

des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La Cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.

MOTIFS

Sur la nullité du licenciement

L article L.1226-9 du Code du Travail prévoit que ' au cours des périodes de suspension du contrat de travail l'employeur ne peut rompre ce dernier , que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie.'

L'article L. 1226-13 du Code du Travail précisant que la rupture du contrat de travail

prononcée en méconnaissance de l'article L.1226-9 précité est nulle.

Monsieur [W] soutient que l'employeur avait connaissance de son accident du travail quand il l'a convoqué et licencié puisqu'il lui avait adressé le certificat médical initial d'accident du travail, maladie professionnelle daté du 27 octobre 2017.

Les sapeurs pompiers du Val de Marne intervenu le 27 octobre sur le lieu de travail ont mentionnés 'détresse psychologique'et fait état dans leur rapport d'un problème de dépression un an plus tôt .

Il sera néanmoins observé que le salarié a également transmis un avis d'arrêt de travail daté du même jour ne mentionnant pas d'accident du travail et que la CPAM n'a pas reconnu le caractère accidentel de cet arrêt de travail, par courrier du 15 janvier 2018.

Monsieur [W] soutient que cet accident du travail résulterait de l'acharnement de son nouvel employeur à son égard, le fils de l'ancien chef d'entreprise ayant repris la société familiale.

Il fait état de plusieurs courriers de rappels et d'avertissements sans démontrer leur caractère infondé et ne mentionne pas que son employeur après l'avoir reçu en juin 2014 lui demandait d'exposer des faits concrets à l'origine de sa souffrance psychologique, ce qu'il n'a pu faire , évoquant uniquement l'agressivité d'un chef de chantier avec lequel il ne travaillait plus depuis plusieurs mois . Son employeur l'invitait par lettre du 7 juillet 2014 , à lui signaler immédiatement tout agissement dont il serait victime.

Sur la faute grave

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifie son départ immédiat. L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve ;à défaut de faute grave, le licenciement pour motif disciplinaire doit reposer sur des faits précis et matériellement vérifiables présentant un caractère fautif réel et sérieux

Il est reproché au salarié d'avoir refusé le mercredi 25 octobre 2017 d'exécuter les instructions du chef de chantier qui lui demandait de déposer une mini pelle sur un autre chantier avant de rentrer au dépôt et de ne pas avoir répondu au téléphone à l'appel de son supérieur hiérarchique ou /et de ne pas l'avoir rappelé.

Monsieur [W] ne conteste pas être rentré directement au dépôt et avoir refusé de faire le transport demandé, il justifie son comportement en indiquant que s'il avait fait ce détour il aurait effectué des heures supplémentaires, ce qu'il n'établit cependant pas .

La société verse aux débats une note de service en date du 4 juin 2014 mentionnant que les horaires de travail sont de 8h à 12h et de 13h à 17h du lundi au jeudi .

Il résulte des cartes versées aux débats sur lesquelles figurent les moyennes des temps de transport entre [Localité 6] et [Localité 7] qui mentionnent pour les deux itinéraires par les centres villes et par la départementale de 30 à 40 mn maximum qu'en partant aux alentours de 15h10 , il est démontré qu'il avait le temps de retourner au dépôt après .

Il n'établit pas la légitimité de son insubordination.

Monsieur [W] ne conteste pas non plus ne pas avoir répondu au téléphone et ne pas avoir rappelé son supérieur hiérarchique mais explique n'avoir pu répondre au téléphone car il était au volant de son véhicule .

Cependant au vu du relevé des appels téléphoniques produit par la société LA LIMOUSINE, il est démontré que le premier appel téléphonique a été passé à 15h07 et au vu du disque chronotachygraphe il est également avéré que le camion conduit par monsieur [W] n'avait pas demarré ainsi le salarié pouvait répondre à son employeur , de plus il n'est pas contesté qu'il n'a pas rappelé celui-ci , alors que ce comportement lui avait été reproché précédemment. En effet le 3 mars 2014 la société lui adressait une lettre recommandée mentionnant que suite à l'entretien du 28 février 2014, son employeur notait que monsieur [W] s'était engagé à être joignable sur le téléphone portable mis à sa disposition par son entreprise pendant ses heures de travail.

Dès lors la faute grave est justifiée puisque le salarié a commis une insubordination caractérisée.

Le jugement sera infirmé , la faute grave permettant le licenciement d'un salarié absent même pour cause d'accident du travail.

Sur les heures supplémentaires

Aux termes de l'article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ;

Le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, de répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.

Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, le juge évalue souverainement sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances s'y rapportant.

Monsieur [W] verse aux débats les feuilles de route sur lesquels il est souvent noté départ dépôt 7 h, il indique que la note de service rappelant que la journée de travail commençait à 8h sur le chantier ne peut être applicable aux chauffeurs car pour être sur le chantier à 8h ils doivent nécessairement passer par le dépôt avant, ce que confirme l'attestation de monsieur [K] .

Il soutient que les disques chronotachygraphes corroborent les feuilles de route mais conteste la lecture qui en est faite par l'employeur .

Cependant a l'examen des disques et notamment celui du 22 juin 2016 date à laquelle le salarié estime avoir travaillé de 7h à 16h30 , le disque établit un départ à 7h et un arrêt définitif à 15h20 , le 13 juillet 2016 , monsieur [W] indique 7h 16h30 , le disque établit 7h20 15h ou le 5 décembre , monsieur [W] note 7h 16h30 alors que le disque mentionne 7h15 et 15h 45 .

Dès lors il sera constaté que les heures supplémentaires invoquées ne résultent pas de l'examen des disques . En admettant qu' un quart d'heure de prise de poste et de fin de poste est nécessaire, les heures supplémentaires ne sont pas plus établies .

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la discrimination

Par application de l'article L.1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1er de la loi du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap.

En application des articles L. 1132-1, et L. 1134-1 du code du travail, lorsque le salarié présente plusieurs éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Monsieur [W] soutient que depuis le mois de décembre 2011 il ne bénéficie plus de la prime de Noël contrairement à ses collègues, il en demande le paiement à hauteur de 1710€ et 171€ au titre des congés payés afférents , qu'il n'a jamais bénéficié de prime d'assiduité ou d'entretien au titre de laquelle il sollicite le paiement de la somme de 6.606€ et 660€ au titre des congés payés afférents .

Par ailleurs il expose que ses demandes de formations ont été rejetées et qu'il n'a jamais bénéficié du moindre entretien annuel . Il sollicite en réparation de son préjudice au titre de cette discrimination la somme de 10 000€.

Monsieur [W] démontre qu'il ne bénéficie plus de la prime de Noël alors que celle-ci lui était versée régulièrement jusqu'à cette date et que son collègue monsieur [K] a continué à en bénéficier .

La société LA LIMOUSINE verse aux débats de nombreux bulletins de salaire de différents salariés montrant que cette prime n'est pas versée à tous les salariées, monsieur [W] ne produit aucune note de service permettant d'établir le caractère constant , général et fixe de cette prime. Le jugement du conseil de Prud'hommes qui a relevé que la demande en paiement était prescrite et que cette prime ne résultait d'aucun usage sera confirmé .

La société LA LIMOUSINE indique que la prime d'assiduité est versée aux chauffeurs qui manipulent des camions grues et qui ont les formations nécessaires pour conduire des camions équipées de grue.

Monsieur [W] a suivi la formation 'grues auxiliaire de chargement de véhicules', il convient de constater comme l'a fait le conseil de Prud'hommes qu'aucun élément ne vient démontrer que le critère d'attribution de cette prime soit la conduite d'engins équipés de grue.

Dès lors il convient de reconnaître le caractère discriminatoire du non paiement de cette prime et il sera fait droit à sa demande en paiement.

Monsieur [W] verse aux débats une lettre de refus à sa demande de formation 'conducteur routier véhicule articulé' le 13 février 2006 et un formation en vue de l'obtention du permis super lourd daté du 6 avril 2010 puis l'autorisation d'un congé individuel de formation par son employeur mais au titre du FONGECIF qui refusait cette demande en 2014, étant observé que pendant cette période il ne suivait aucune autre formation.

Le salarié n'a bénéficié que de 4 formations en 23 ans, sans que l'employeur ne justifie des raisons de ses refus et ni du nombre peu importants des formations suivies par le salarié .

Le jugement du conseil de prud'hommes qui a considéré ces refus de formation discriminatoire sera confirmé de même que le montant de 3000€ alloué à titre de réparation.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l'article 450 du code de procédure civile,

CONFIRME le jugement sauf en ce qu'il a dit le licenciement nul,

Y ajoutant,

DIT que le licenciement repose sur une faute grave.

DÉBOUTE monsieur [W] de ses demandes indemnitaires liées au licenciement nul.

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

REJETTE la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile

DEBOUTE les parties du surplus des demandes ,

LAISSE les dépens à la charge de monsieur [W].

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 20/01362
Date de la décision : 12/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-12;20.01362 ?
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