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06/04/2023 | FRANCE | N°22/17706

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 06 avril 2023, 22/17706


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRÊT DU 06 AVRIL 2023



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/17706 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGRRL



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 12 Juillet 2022 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de FONTAINEBLEAU - RG n° 22/00097





APPELANTS



M. [M] [R]

[Adresse 2]r>
[Localité 3]



LA MUTUELLE ASSURANCES DU CORPS DE SANTE FRANCAIS (MACSF), société d'assurances mutuelles agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domic...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRÊT DU 06 AVRIL 2023

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/17706 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGRRL

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 12 Juillet 2022 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de FONTAINEBLEAU - RG n° 22/00097

APPELANTS

M. [M] [R]

[Adresse 2]

[Localité 3]

LA MUTUELLE ASSURANCES DU CORPS DE SANTE FRANCAIS (MACSF), société d'assurances mutuelles agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentés par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090

Assistés à l'audience par Me Charlotte BOITTIAUX, substituant Me Angélique WENGER, avocat au barreau de PARIS, toque : R1230

INTIMEES

Mme [H] [D]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée et assistée par Me Bénédicte FERRIERE ALBERT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1163

LA CPAM DE LA SEINE ET MARNE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Défaillante, signifiée le 01.12.2022 à personne morale

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 02 Mars 2023 en audience publique, devant Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et Michèle CHOPIN, Conseillère, conformément aux articles 804, 805 et 905 du CPC, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller

Michèle CHOPIN, Conseillère

Qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Thomas RONDEAU, Conseiller pour la Président de chambre empêchée et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [H] [D] s'est fait poser des implants dentaires par le docteur [M] [R] les 4 et 7 décembre 2017.

Au cours de l'année 2018, ses prothèses dentaires ont dû être retirées à plusieurs reprises en raison notamment de vives douleurs qu'elles lui provoquaient.

M. [R] est assuré pour sa responsabilité civile professionnelle auprès de la MACSF.

Par ordonnance en date du 10 décembre 2019, confirmée par arrêt du 10 février 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de Fontainebleau a fait droit aux demandes de Mme [D], en ordonnant une expertise judiciaire, en commettant M. [O] [B] pour y procéder et en lui accordant une provision d'un montant de 30.000 euros à valoir sur ses préjudices.

M. [O] [B] a rendu son rapport le 21 décembre 2020.

Par actes des 1er et 03 juin 2022, Mme [D] a assigné la MACSF, la CPAM de Seine-et-Marne et M. [R] devant le juges des référés du tribunal judiciaire de Fontainebleau, aux fins de voir :

- condamner M. [R] et la MACSF in solidum à lui payer une somme provisionnelle de 90.000 euros à valoir sur l'indemnisation définitive de son préjudice ;

- condamner M. [R] et la MACSF in solidum à lui payer une somme de 10.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

M. [R] et la MACSF ont sollicité le rejet des demandes.

Par ordonnance réputée contradictoire du 06 septembre 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Fontainebleau, a :

- condamné solidairement M. [R] et la MACSF à payer à Mme [D] la somme provisionnelle de 30.000 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice corporel ;

- condamné solidairement M. [R] et la MACSF à payer à Mme [D] la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté toutes les autres demandes plus amples ou contraires ;

- condamné solidairement M. [R] et la MACSF aux entiers dépens ;

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.

Par déclaration du 13 octobre 2022, M. [R] et la MACSF ont interjeté appel de la décision.

Dans leurs conclusions remises le 7 février 2023, M. [R] et la MACSF demandent à la cour, au visa de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, de :

- infirmer l'ordonnance rendue par le président du tribunal judiciaire de Fontainebleau le 6 septembre 2022 en ce qu'elle a fait partiellement droit à la demande de provision formulée par Mme [D] et les a condamnés solidairement à lui verser la somme de 30.000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices définitifs ;

- infirmer l'ordonnance rendue par le président du tribunal judiciaire de Fontainebleau le 6 septembre 2022 en ce qu'elle a partiellement fait droit à la demande formulée par Mme [D] au titre des frais irrépétibles et condamné solidairement ceux-ci à lui verser la somme de 3.000 euros ;

- infirmer l'ordonnance rendue par le président du tribunal judiciaire de Fontainebleau le 6 septembre 2022 en ce qu'elle les a déboutés de leurs demandes et les a condamnés aux dépens ;

statuant à nouveau,

- dire et juger que des contestations sérieuses font obstacle à la demande de provision de Mme [D] ;

- débouter en conséquence Mme [D] de sa demande de provision ;

- débouter Mme [D] de sa demande de dommages et intérêts ;

- débouter Mme [D] de sa demande formulée au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ou, à défaut, réduire cette demande à de plus justes proportions ;

- condamner Mme [D] aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

M. [R] et la MACSF soutiennent en substance :

- qu'il existe des contestations sérieuses dans la mesure où, d'une part, la demande de Mme [D] n'est en rien une demande de provision, mais est une demande de liquidation de ses préjudices temporaires et définitifs, qui relèvent de la compétence du juge du fond et où, d'autre part, les conclusions de l'expert judiciaire sont contestées, si bien que la responsabilité de M. [R] sera débattue au fond ;

- que Mme [D] motive sa demande de provision par l'urgence à réaliser les soins nécessaires à la réhabilitation et à la consolidation, alors que la MACSF a déjà versé une provision d'un montant de 30.000 euros en décembre 2019 pour l'indemnisation de ses préjudices et qu'elle ne peut solliciter une provision complémentaire sans que le devis et le plan de traitement afférent n'aient été soumis à l'avis de l'expert.

Dans ses conclusions remises le 10 janvier 2023, Mme [D] demande à la cour, au visa de l'article 809 du code de procédure civile, de :

- juger mal fondé l'appel de la MACSF et du docteur [R] ;

- juger non sérieusement contestable la responsabilité du docteur [R] et la demande de provision qu'elle a formée dans l'attente de sa consolidation définitive ;

- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance du 12 juillet 2022 ;

y ajoutant,

- condamner in solidum le docteur [R] et la MACSF à lui régler la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- condamner in solidum le docteur [R] et la MACSF à lui payer la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- les condamner aux entiers dépens d'appel dont distraction au profit de Me Bénédicte Ferrière, avocat.

Mme [D] soutient en substance :

- que l'obligation d'indemnisation n'est pas sérieusement contestable, eu égard au rapport d'expertise amiable du docteur [Y], ayant pris en charge les suites thérapeutiques des soins, qui indique que le comportement du docteur [R] n'a pas été conforme aux règles de l'art et aux données acquises de la science dans la surveillance et dans les soins apportés ;

- que le rapport du docteur [B] précise lui que la responsabilité du docteur [R] est engagée en raison de soins ne correspond pas dans leurs indications, réalisation et suivi aux données actuelles de la science ;

- que lorsqu'elle sera consolidée, le montant de l'indemnisation de ses préjudices sera nettement supérieur à la somme de 60.000 euros.

SUR CE LA COUR

L'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile dispose que, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours accorder en référé une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Le montant de la provision en référé n'a d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée.

Une contestation sérieuse est caractérisée lorsque l'un des moyens de défense opposés aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

En l'espèce, il y a lieu de relever :

- que, comme rappelé ci-avant, l'intimée a reçu à titre provisionnel en l'état la somme de 30.000 euros ;

- que le rapport judiciaire indique notamment, dans sa conclusion, les éléments suivants :

'La responsabilité du Docteur [R] est engagée en raison de soins ne correspondant pas dans leurs indications, réalisations et suivis aux données actuelles de la science [...]

La consolidation n'est pas acquise à la date de l'expertise [...]

DFTP

15 % du 4 décembre 2017 au 24 juillet 2018

10 % du 25 juillet 2018 au 19 octobre 2019

SE : souffrances endurées ne sauraient être inférieures à 3/7 de par leur intensité et leur durée sur 2 à 3 mois

DFP : absent. Pas de déficit sensitif

Dépenses de santé futures : elles seront à préciser après devis lors d'une prochaine expertise

Frais de logement sans objet

Pertes de gains professionnels : à évaluer à la date de consolidation

Incidence professionnelle : absente

Préjudice scolaire : sans objet

Préjudice esthétique temporaire : 3/7 lié aux hématomes faciaux dépassant le simple cadre buccal et difficultés au port de prothèses provisoires mal adaptées

Préjudice sexuel : retentissement sur la libido

Préjudice d'établissement : sans objet

Préjudice d'agrément : retentissement sur une activité sportive et sociale relationnelle normale

Préjudice exceptionnel : absent' ;

- qu'il sera observé que, s'il appartient à Mme [D] de démontrer le caractère non sérieusement contestable de l'obligation de paiement, le juge des référés, statuant à titre provisionnel, ne pouvant se substituer au juge du fond pour liquider le préjudice corporel, s'agissant notamment des préjudices permanents, il n'en demeure pas moins aussi que le juge des référés peut toujours accorder une nouvelle provision s'il est démontré le caractère non sérieusement contestable de l'obligation de paiement ;

- que les appelants exposent que la responsabilité professionnelle sera débattue au fond ;

- que, cependant, force est aussi de relever que, ne versant aucune pièce aux débats, ils ne communiquent aucun élément permettant de contester les conclusions de l'expertise judiciaire, diligentée au contradictoire des parties, expertise retenant de manière incontestable la responsabilité de M. [R] ;

- que Mme [D] produit en outre, pour solliciter la confirmation de la condamnation provisionnelle, un tableau des dépenses engagées à ce jour (pièce 16) ;

- que, nonobstant les contestations élevées sur ce point, il reste établi, avec l'évidence requise en référé, que, même s'il a déjà été obtenu une provision de 30.000 euros par ordonnance en date du 10 décembre 2019, son état de santé s'est aggravé et a occasionné de nouvelles dépenses en lien direct avec l'intervention de M. [R], étant notamment à relever une intervention le 14 juin 2022, la détection d'un aspergillome dû à l'implant (pièce 17, compte-rendu du Dr [J] du 23 juin 2022), l'apparition d'une bactérie (clostridium difficile) à la suite des prises d'antibiotiques et d'inflammatoires (pièce 18 en date du 8 septembre 2022) puis l'apparition d'un oedème circulaire provoqué par le retrait des implants (pièces 19 à 21) de nature à altérer la vision, le dilettantisme de la patiente allégué par les appelants n'étant pas démontré ;

- que la circonstance que les éléments médicaux versés par l'intimée n'aient pas été discutés lors de l'expertise n'empêchent pas l'allocation d'une nouvelle provision, eu égard au caractère incontestable de l'aggravation constatée ;

- que Mme [D] fait à juste aussi état de la nécessité d'un protocole de reconstruction faciale osseuse, au regard de son état de santé très dégradé ;

- que l'expert amiable notait d'ailleurs déjà, avant même les éléments d'aggravation rappelés ci-avant, que le coût de la dépose et de la repose d'au moins quatre implants et de la réalisation de prothèses supra implantataires pouvait déjà être fixé à un montant entre 18.000 et 25.000 euros ;

- qu'eu égard aux conclusions de l'expertise judiciaire, qui établit avec l'évidence requise le principe de la faute, la responsabilité du praticien et l'existence de préjudices, et compte tenu de l'aggravation de son état de santé et de la lourdeur des soins à mettre en place, ce alors que l'état de l'intimée n'apparaît toujours pas consolidé, le premier juge a à juste titre fait droit à hauteur de 30.000 euros à la demande de condamnation provisionnelle complémentaire.

Aussi, au regard de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de confirmer l'ordonnance entreprise, en ce compris le sort des frais et dépens de première instance exactement réglé par le premier juge.

L'appel n'apparaît ni téméraire ni abusif, les appelants ayant pu se méprendre sur la portée de leurs droits.

La demande de dommages et intérêts formée par Mme [D] à ce titre sera rejetée.

Enfin, les appelants devront indemniser l'intimée pour ses frais non répétibles exposés à hauteur d'appel et seront condamnés aux dépens d'appel, dans les conditions indiquées au dispositif.

PAR CES MOTIFS

Confirme l'ordonnance entreprise ;

Yajoutant,

Rejette la demande de dommages et intérêts formée par Mme [H] [D] ;

Condamne in solidum M. [M] [R] et la MACSF à verser à Mme [H] [D] la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel ;

Condamne in solidum M. [M] [R] et la MACSF aux dépens d'appel, dont distraction au profit de Me Bénédicte Ferrière.

LA GREFFIÈRE POUR LA PRESIDENTE

DE CHAMBRE EMPÊCHÉE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 22/17706
Date de la décision : 06/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-06;22.17706 ?
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