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06/04/2023 | FRANCE | N°21/22189

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 7, 06 avril 2023, 21/22189


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7



ARRÊT DU 06 AVRIL 2023

(n° , 13 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/22189 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CE3WY



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Novembre 2021 par le Tribunal Judiciaire de MELUN - RG n° 21/00008





APPELANT

Monsieur [U] [O]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

représenté par Me Christophe DESCAUDIN, avocat au barreau de PA

RIS, toque : D1455

assisté de Me Etienne CACAN, avocat au barreau de l'ESSONNE





INTIMÉS

COMMUNE [Localité 35]

[Adresse 16]

[Adresse 16]

représentée par Me Yvon GOUTAL...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7

ARRÊT DU 06 AVRIL 2023

(n° , 13 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/22189 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CE3WY

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Novembre 2021 par le Tribunal Judiciaire de MELUN - RG n° 21/00008

APPELANT

Monsieur [U] [O]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

représenté par Me Christophe DESCAUDIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D1455

assisté de Me Etienne CACAN, avocat au barreau de l'ESSONNE

INTIMÉS

COMMUNE [Localité 35]

[Adresse 16]

[Adresse 16]

représentée par Me Yvon GOUTAL, avocat au barreau de PARIS, toque : R116

DIRECTION GÉNÉRALE DES FINANCES PUBLIQUES TRÉSORERIE GÉNÉRALE DE [Localité 35] - COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT

[Adresse 15]

[Adresse 15]

[Adresse 15]

représentée par Madame [D] [I], en vertu d'un pouvoir général

Monsieur [M] [V] [B]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

non comparant, non représenté

Madame [N] [J] [R]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

non comparante, non représentée

Madame [H] [W] [R]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

non comparante, non représentée

Madame [Z] [S] [A] [L]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

non comparante, non représentée

Monsieur [P] [L]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

non comparant, non représenté

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Février 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Hervé LOCU, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Hervé LOCU, Président

Madame Valérie GEORGET, Conseillère

Madame Corinne JACQUEMIN, Conseillère

Greffier : Madame Dorothée RABITA, lors des débats

ARRÊT :

- réputé contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Hervé LOCU, Président et par Dorothée RABITA, greffier présent lors de la mise à disposition.

*

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

La ville de [Localité 11], qui compte environ 56.000 habitants et 1.000 entreprises, constitue un pôle e'conomique important de l'agglomération parisienne, dont 1e de'veloppement e'conomique s'est pour partie structuré autour de la RD. 34.

Classe'e dans le re'seau structurant du Sche'ma De'partemental d'Orientations Routières, la R.D. 34 offre à toute l'agglomération [Localité 11], un accès à la Francilienne nord depuis l'e'changeur « [Localité 27] ». Voie incontournable permettant les liaisons intercommunales entre [Localité 11] et [Localité 13], elle traverse la commune de [Localité 11] du nord au sud en desservant les principaux pôles d'activite's de la Commune, tels que la Z.I. « [Localité 23] », la Z.A.C de « [Localité 24] », et la Z.A.C de « [Localité 18] ».

De nombreux accidents ont e'te' recense's à l'intersection de la route de'partementale 34, de l'[Adresse 4] et du [Adresse 12]. Il est donc apparu essentiel de se'curiser ce point de communication structurant entre les quartiers nord de la Ville, la Francilienne et le centre-ville, par la construction d'un carrefour giratoire.

Pour mener à bien ce projet et proce'der à l'acquisition des proprie'te's foncières ne'cessaires, le département de [Localité 35] a mis en oeuvre une procédure d'expropriation.

Le Conseil ge'ne'ral a par délibération du 20 octobre 2006, demandé' au Pre'fet du de'partement de [Localité 35], l'ouverture d'une enquête d'utilite' publique en pre'vision de la réalisation d'un carrefour giratoire sur le territoire de la commune de [Localité 11].

Le Pre'fet a donc, par arrête' du 23 fe'vrier 2018, prescrit l'ouverture d'une enquête pre'alable à la déclaration d'utilite' publique du projet de construction d'un carrefour giratoire.

Par arrête' du 20 novembre 2018 portant déclaration d'utilite' publique, le Pre'fet du de'partement de [Localité 35] a de'clare' « d'utilite' publique, au profit du De'partement de [Localité 35], les travaux et les acquisitions foncières ne'cessaires à la réalisation du projet d'aménagement en giratoire du carrefour entre la RD 34, l'[Adresse 4] et le [Adresse 12] sur le territoire dc la commune de [Localité 11] ».

Par arrête' pre'fectoral du 6 janvier 2020, ont été déclarées cessibles au profit du De'partement de [Localité 35] les parcelles situées sur le territoire de la commune de [Localité 11] et les droits re'els immobiliers afférents en vue de la réalisation d'un carrefour giratoire.

Par ordonnance du 26 fe'vrier 2020, la juridiction de l'expropriation du de'partement de [Localité 35] a ordonne' l'expropriation, au be'ne'fice de l'autorite' expropriante des « immeubles, portions d'immeubles et droits re'els immobiliers (...) dont l'acquisition est ne'cessaire pour parvenir à l'exe'cution à l'acte déclaratif ».

L'emprise exproprie'e, d'une contenance totale de 993 m², porte sur une fraction seulement de la parcelle anciennement cadastre'e [Cadastre 6], d'une surface totale de 1.551 m².

Est notamment concernée par l'opération Monsieur [O] en tant que propriétaire de la parcelle cadastrée [Cadastre 8], d'une surface de 993 m² sise sur le territoire de la commune de [Localité 11].

A défaut d'accord amiable sur la juste indemnité de dépossession à revenir à M.[O], le département de [Localité 35] a saisi le juge de l'expropriation du tribunal judiciaire de Melun par mémoire valant offre, visée par le greffe le 17 février 2021.

Par un jugement du 17 novembre 2021, après transport sur les lieux le 2 juin 2021, le juge de l'expropriation de Melun a par jugement réputé contradictoire, les expropriés étant ni comparants ni représentés :

Entériné les offres de l'expropriant en application de l'article R311-5 du code de l'expropriation comme suit :

Fixé à la somme de 2.670 euros l'indemnité d'expropriation toutes causes confondues à payer par l'autorité expropriante aux indivisaires [M] [B], [N] [R], [H] [R], [Z] [L], [P] [L] et [U] [O] concernant la parcelle cadastrée section [Cadastre 7] d'une surface de 267 m située sur le territoire de la commune de [Localité 11] ;

Fixé à la somme de 1.070 euros l'indemnité d'expropriation toutes causes confondues à payer par l'autorité expropriante aux expropriés [Z] [L] et [P] [L] concernant la parcelle cadastrée section [Cadastre 5] d'une surface de 107m située sur le territoire de la commune de [Localité 11] ;

Fixé à la somme de 9.782,80 euros l'indemnité d'expropriation toutes causes confondues  à payer par l'autorité expropriante à l'exproprié [U] [O] concernant la parcelle cadastrée section [Cadastre 8] d'une surface de 993 m située sur le territoire de la commune de [Localité 11] ;

Dit que les dépens seront laissés à la charge de l'autorité expropriante en application des dispositions de l'article L.312-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.

M. [O] a interjeté appel du jugement le 17 décembre 2021 sur le montant de l'indemnité de dépossession.

Pour l'exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux écritures :

1/ adressées au greffe par M. [O], le 22 mars 2022, notifiées le 23 mars 2022 (AR intimés, Département de [Localité 35] le 24 mars 2022, consorts [L] le 24 mars 2022, M. [B] et Mesdames [R] pas reçus et AR CG le 24 mars 2022), aux termes desquelles il est demandé à la cour de :

Juger M. [O] recevable et bien fonde' en son appel et en ses demandes ;

Réformer le Jugement rendu par le Juge de l'expropriation du Tribunal Judiciaire de Melun en date du 17 novembre 2021 en ce qu'il fixe à la somme de 9.782,80 euros l'indemnité d'expropriation toutes causes confondues à payer par l'autorité expropriante à l'exproprié, M. [O] concernant la parcelle cadastrée section [Cadastre 8] d'une surface de 993 m2 située sur le territoire de la commune de [Localité 11].

Statuant à nouveau :

Fixer à la somme de 240.000,00 euros l'indemnité d'expropriation toutes causes confondues à payer par l'autorité expropriante à l'exproprie M. [O] concernant la parcelle cadastrée section [Cadastre 8] d'une surface de 993 m² située sur le territoire de la commune de [Localité 11].

A TITRE SUBSIDIAIRE

Fixer l'indemnite' d'expropriation toutes causes confondues à payer par l'autorité expropriante à l'exproprié M. [O] concernant la parcelle cadastre'e section [Cadastre 8] d'une surface de 993 m² située sur le territoire de la commune de [Localité 11], à la somme que la cour d'appel fixera.

En tout état de cause,

Condamner le département de [Localité 35] à verser à M. [O] la somme de 3.600,00 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

2/ adressées au greffe par le Département de [Localité 35], intimé le 13 juin 2022, notifiées le 14 juin 2022 (AR intimé le 16 juin 2022 et AR CG le 17 juin 2022), aux termes desquelles il est demandé à la cour de :

A titre principal,

Constater la caducite' de la de'claration d'appel de M. [O]

A titre subsidiaire,

Dire et juger M. [O] mal fonde' en son appel ;

Le débouter de l'ensemble de ses demandes ;

En conséquence,

Fixer l'indemnite' de dépossession à la somme totale de 9382,80 euros se de'composant comme suit :

Indemnite' principale : 7.944 euros ;

Indemnite' de remploi : 1.441,60 euros ;

Indemnite' pour prise de possession anticipe'e : 397,20 euros.

En tout état,

Condamner M. [O] à la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de proce'dure civile.

3/ adressées au greffe par le commissaire du gouvernement, intimé, le 23 juin 2022, notifiées le 24 juin 2022 (AR appelant le 27 juin 2022 et AR intimés le Département de [Localité 35] le 27 juin 2022, les consorts [L] le 26 juin 2022, M. [B] et Mesdames [R] AR non avisés), aux termes desquelles il demande à la cour de :

A ce que la Cour de'clare recevable l'appel de M. [O].

A ce que la Cour de'clare non de'chu de son appel M. [O].

A ce que la Cour confirme le jugement de première instance en ce qu'il a fixe' la valeur de la parcelle [Cadastre 8] à 8 euros/m², indemnite's accessoires en sus.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES :

M. [O] fait valoir que :

Concernant la description du bien, le terrain de M. [O], a une surface de 1500 mètres carrés.

Concernant la procédure d'expropriation, elle est irrégulière, puisque Monsieur [O] n'a pas été valablement convoqué au Tribunal, et n'a donc pas pu faire valoir ses arguments.

Concernant l'indemnité de dépossession, le jugement doit être infirmé en ce qu'il fixe' à la somme de 9.782,80 euros l'indemnité d'expropriation à revenir à l'exproprié. Le montant retenu par le juge de l'expropriation est très en dessous de la valeur re'elle sur le marché de ce type de bien.

Le département de [Localité 35] rétorque que :

Concernant la caducité de la déclaration d'appel, en droit, l'avocat de l'appelant est tenu de signifier la déclaration d'appel à l'intimé, et ce, dans un délai d'un mois suivant l'avis du greffe l'informant de ce que la partie adverse n'a pas constitué avocat dans le délai prévu à l'article 911 du code de procédure civile. Au cas particulier, force est de constater que la déclaration d'appel en date du 17 décembre 2021 n'a jamais été signifiée par M. [O] au Département de [Localité 35], alors même que ce dernier a constitué avocat le 6 mai 2022. La caducité de la déclaration d'appel s'en infère. Ce n'est donc qu'à titre subsidiaire que le Département de [Localité 35] entend démontrer que les conclusions adverses sont, en tout e'tat, mal fondées.

Concernant la date de référence, en droit aux termes de l'article L. 322-2 du code de l'expropriation, seul peut, en principe, être pris en considération l'usage effectif des immeubles et droits réels immobiliers un an avant l'ouverture de l'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique. L'article L. 213-6 du code de l'urbanisme déroge toutefois à ce principe lorsque le bien qui fait l'objet d'une procédure d'expropriation est également soumis au droit de préemption. Il est acquis que le terrain considéré n'est nullement situé dans une zone ou s'exerce le droit de préemption urbain. De sorte que ce sont les dispositions du code de l'expropriation qui s'appliquent. L'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique ayant e'té ouverte par arrêté préfectoral du 23 février 2018, c'est donc la date du 23 février 2017 qu'il convient de retenir.

Concernant la description du bien et la situation des terrains, le bien à évaluer est la parcelle cadastrée section [Cadastre 8], situe'e sur le territoire de la commune de [Localité 11]. A la date de référence, ce terrain était implante' en zone Na du P.L.U. qui est une zone de protection paysagère à vocation essentiellement forestière et agricole.

Concernant la valeur du terrain, le département de [Localité 35] s'est rapproché des services fiscaux afin qu'ils procèdent à l'estimation des biens immobiliers. Les services du Domaine ont considére' le 21 mars 2019 que, eu égard au marché immobilier local, le prix du m² en valeur libre de la parcelle [Cadastre 8], pouvait être évalue' à la somme de 8 euros. M. le Commissaire du gouvernement a, aux termes de ses conclusions datées du 20 mai 2021, confirmé, devant le juge du fond, cette évaluation, après avoir identifié 11 termes de comparaison pertinents, afférents à des terrains de nature identique, situés à proximité de la parcelle expropriée. L'indemnité principale doit être e'valuée à 7.944 euros. L'appelant sollicite que l'indemnité globale soit fixée à la somme de 240.000 euros, sans produire le moindre élément de nature à établir la réalité du préjudice allégué. L'indemnité de de'possession ne peut être calcule'e sur le fondement de pures spe'culations, de donne'es the'oriques on de transactions hypothe'tiques. Il est de jurisprudence constante qu'une estimation fonde'e sur la me'thode d'e'valuation par comparaison, doit ne'cessairement reposer sur la production de re'fe'rences affe'rentes à des mutations effectives et portant sur des biens comparables. A cet e'gard, ne constituent pas des termes de comparaison pertinents « des chiffres the'oriques issus d'une revue professionnelle » ou encore une « simple promesse » ou « une attestation de valeur immobilière e'tablie en termes très ge'ne'raux » (CA Bastia, 18 septembre 2007, N°06/00208). En application de ces principes, l'évaluation adverse doit être rejetée. L'appelant sollicite le versement d'une indemnite' d'un montant près de 25 fois supe'rieur à celui fixe' par le premier juge, sans produire le moindre terme de comparaison, ou le moindre e'le'ment de nature à justifier son e'valuation. L'exproprié demande à la juridiction de fixer le montant de l'indemnité de de'possession sur la base de pures spéculations.

Concernant l'indemnité de remploi, elle doit être fixée à la somme de 1.441,60 euros, le jugement doit être confirmé sur ce point.

Le commissaire du gouvernement conclut que :

L'appel a été interjeté dans les conditions de forme et de délai conformes aux dispositions des articles R311-24 du code de l'expropriation; le mémoire d'appelant a été déposé dans le délai de trois mois de l'article R 311-26 du code de l'expropriation; aucune déchéance n'est donc encourue.

La date de référence en application de l'article L322-2 du code de l'expropriation doit être fixée un an avant l'ouverture de l'enquête publique, soit le 16 avril 2017;

à cette date, le bien exproprié est en zone N du PLU de la commune de [Localité 11] qui est à vocation forestière et agricole, correspondant à une zone naturelle protégée en raison de son intérêt agricole et elle n'est pas constructible;cependant, la parcelle [Cadastre 8] présente les caractéristiques d'un terrain en situation privilégié, se situant à proximité immédiate de la partie agglomérée de la commune qu'elle jouxte , elle est limitrophe de la zone Ucb à vocation pavillonaire et elle dispose d'une façade sur l'[Adresse 4], voie ouverte à la circulation ;

Concernant la valeur vénale, elle doit être déterminée au regard des mêmes avantages et contraintes d'urbanisme, par comparaison avec des biens similaires et par re'fe'rence à des mutations ressortant de la même zone ge'ographique. L'article L. 322-2 du code de l'expropriation pre'cise que les biens doivent être estime's à la date de la de'cision de première instance. Il est proposé une valorisation de la parcelle à partir des mutations de terrains non constructibles sur la commune de [Localité 11] et voisines. Il est également rappelé la jurisprudence [Localité 35] suite à l'expropriation de parcelles non constructibles dans des zones à pression foncière. Il ressort des termes de comparaison une moyenne des mutations recense'es de 8 euros/m², soit une indemnite' principale de 993 m² x 8 euros/m² = 7 944 euros. Le jugement doit être confirmé sur ce point.

Concernant l'indemnité de remploi, elle doit être fixée à la somme de, une indemnite' de remploi de 1.441,60 euros, le jugement doit être confirmé sur ce point.

SUR CE, LA COUR

- Sur la recevabilité des conclusions

Aux termes de l'article R311-26 du code de l'expropriation modifié par décret N°2017-891 du 6 mai 2017-article 41 en vigueur au 1 septembre 2017, l'appel étant du 17 décembre 2021, à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel.

À peine d'irrecevabilité, relevée d'office, l'intimé dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant. Le cas échéant, il forme appel incident dans le même délai et sous la même sanction.

L'intimé à un appel incident ou un appel provoqué dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la notification qui en est faite pour conclure.

Le commissaire du gouvernement dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et l'ensemble des pièces sur lesquelles il fonde son évaluation dans le même délai et sous la même sanction que celle prévue au deuxième alinéa.

Les conclusions et documents sont produits en autant d'exemplaires qu'il y a de parties, plus un.

Le greffe notifie à chaque intéressé et au commissaire du gouvernement, dès leur réception, une copie des pièces qui lui sont transmises.

En l'espèce, les conclusions de M. [O] du 22 mars 2023, du Département de la [Localité 35] du 13 juin 2023 et du commissaire du gouvernement du 23 juin 2023 adressées ou déposées dans les délais légaux sont recevables.

- sur la caducité

Le Département de [Localité 35] demande à titre principal de constater la caducité de la déclaration d'appel de M.[O].

Il indique que la déclaration d'appel du 17 décembre 2021 ne lui a jamais été signifiée, alors même qu'il a constitué avocat le 6 mai 2022.

Il demande donc en application de l'article 902 du code de procédure civile de voir prononcer la caducité de l'appel de M. [O].

M. [O] n'a pas conclu en réponse sur ce point.

Le commissaire du gouvernement indique que la mémoire d'appelant de M. [O] a été déposée dans les 3 mois prévus par l'article R 311-26 du code de l'expropriation par rapport à la date de l'appel, et qu'aucune déchéance d'appel n'est donc encourue.

Aux termes de l'article R 311-29 du code de l'expropriation sous réserve des dispositions de la présente section et des articles R 311-29, R 311-22 et R 312-2 applicables à la procédure d'appel, la procédure devant la cour d'appel statuant en matière d'expropriation est régie par les dispositions du titre VI du livre 2 du code de procédure civile.

En conséquence, l'article 909 du code de procédure civile n'est pas applicable en matière d'expropriation qui n'a pas de mise en état, la procédure étant régie en cette matière par l'article R 311-26 du code de l'expropriation.

En l'espèce, M. [O] a interjeté appel du jugement le 17 décembre 2021 et a adressé au greffe des conclusions le 22 mars 2022, soit dans le délai légal de 3 mois.

Il convient donc de débouter le département de [Localité 35] de sa demande principale de caducité de l'appel de M. [O].

- Sur le fond

Aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ratifiée qui s'impose au juge français, toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ; ces dispositions ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes.

Aux termes de l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, la propriété est un droit inviolable et sacré, dont nul ne peut être privé si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la réserve d'une juste et préalable indemnité.

L'article 545 du code civil dispose que nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité.

Aux termes de l'article L 321-1 du code de l'expropriation, les indemnités allouées couvrent l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation.

Aux termes de l'article L 321-3 du code de l'expropriation le jugement distingue, dans la somme allouée à chaque intéressé, l'indemnité principale et, le cas échéant, les indemnités accessoires en précisant les bases sur lesquelles ces diverses indemnités sont allouées.

Aux termes de l'article L 322-1 du code de l'expropriation le juge fixe le montant des indemnités d'après la consistance des biens à la date de l'ordonnance portant transfert de propriété ou lorsque l'expropriant fait fixer l'indemnité avant le prononcé de l'ordonnance d'expropriation, à la date du jugement.

Conformément aux dispositions de l'article L 322-2, du code de l'expropriation, les biens sont estimés à la date de la décision de première instance, seul étant pris en considération - sous réserve de l'application des articles L 322-3 à L 322-6 dudit code - leur usage effectif à la date définie par ce texte.

L'appel de M. [O] porte sur le montant de l'indemnité d'expropriation.

Le premier juge n'a pas fixé de date de référence.

M.[O] n'a pas conclu sur ce point ; le département de [Localité 35] retient en application de l'article L213-6 du code de l'urbanisme, comme le commissaire de gouvernement la date du 16 avril 2017.

Dans le cas d'une expropriation pour cause d'utilité publique, l'article L 322-2 du code de l'expropriation fixe la date de référence un an avant l'ouverture de l'enquête préalable à la décision d'utilité publique ; au cas particulier, conformément à ces dispositions, l'enquête publique préalable à la déclaration d'utilité publique s'étant déroulée du 16 avril 2017 au 5 mai 2018, il convient de retenir la date du 16 avril 2017

Cette date de référence sera ajoutée au jugement.

À cette date, le bien exproprié se trouvait en zone N du PLU de la commune de [Localité 11] ; avant le 19 décembre 2017, les secteurs Na et Nb appartiennent à une zone de protection paysagère soit pour la qualité des sites, soit pour des objectifs d'aménagement, d'espaces paysagers de loisirs ; le secteur Na est à vocation dominante forestière et agricole ([Localité 28], [Localité 9], pleine de [Localité 11]) ; à la date de référence du 16 avril 2017, la parcelle [Cadastre 8] était classée en zone N du PLU la commune de [Localité 11] correspondant à une zone naturelle protégée en raison de son intérêt agricole et n'étant pas constructible.

L'emprise expropriée, d'une contenance totale de 993 m², porte sur une fraction seulement de la parcelle anciennement cadastrée [Cadastre 8], d'une surface de 993 m² sur le territoire de la commune de [Localité 11] ; la parcelle de configuration atypique, est desservie par l'[Adresse 4] et forme une unité foncière avec la parcelle [Cadastre 7] qui appartient à des propriétaires différents, en indivision dont M. [O] fait partie.

La vision indicative du bien à partir de Google Street View figurant dans les conclusions du commissaire du gouvernement, placée à une date proche de la date de référence permet de constater un terrain nu et clôturé de panneaux de ciment et la vue aérienne de la parcelle ne permet pas de constater la présence de bâti, identifié comme tel au cadastre.

Pour une plus ample description, il convient de se référer au procès verbal de transport.

S'agissant de la date à laquelle le bien exproprié doit être estimé, il s'agit de celle du jugement de première instance conformément à l'article L322-2 du code de l'expropriation, soit le 17 novembre 2021.

- Sur l'indemnité principale

1° Sur les superficies

La superficie de 993 m² pour la parcelle [Cadastre 7] n'est pas contestée par les parties.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

2° Sur la méthode

Le juge de l'expropriation dispose du pouvoir souverain d'adapter la méthode qui lui paraît la mieux appropriée à la situation des biens expropriés.

M.[O] indique que la procédure d'expropriation entamée par le département de [Localité 35] est irrégulière, qu'il n'a pas été valablement convoqué au tribunal et qu'il n'a donc pas pu faire valoir ses arguments.

Cependant, il ressort du procès-verbal de transport que M. [O] n'était pas présent lors du procès-verbal de transport et qu'il était également ni comparant ni représenté lors de l'audience.

Le commissaire du gouvernement précise que l'affaire a été renvoyée pour permettre sa convocation à une nouvelle adresse et que ce dernier a été valablement convoqué, que les débats ont été réouverts et que celui-ci a donc été valablement convoqué selon les termes de la procédure.

En conséquence, M. [O] étant ni comparant ni représenté devant le premier juge, celui-ci a appliqué l'article R311-22 du code de l'expropriation qui dispose que le juge statue dans la limite des prétentions des parties, telles qu'elles résultent de leur mémoire et des conclusions du commissaire du gouvernement si celui-ci propose une évaluation inférieure à celle de l'expropriant.

Si le défendeur n'a pas notifié son mémoire en réponse au demandeur dans le délai de six semaines prévu à l'article R 311-11, il est réputé s'en tenir à son offre, s'il s'agit de l'expropriant, à sa réponse aux offres, s'il s'agit de l'exproprié.

Si l'exproprié s'est abstenu de répondre aux offres de l'administration et de produire un mémoire en réponse, le juge fixe les indemnités d'après les éléments dont il dispose.

En conséquence, le premier juge en l'absence de production de mémoire en réponse par les expropriés aux offres de l'expropriant ou arguments en défense devant le tribunal, a entériné les offres faites par l'expropriant.

La procédure est donc régulière en application de cet article.

3° Sur les références des parties

Il convient en conséquence d'examiner les références des parties :

a) Les références de M. [O]

Il ne produit aucun terme de référence et se contente d'indiquer que le montant retenu par le premier juge est très en-dessous de la valeur réelle sur le marché de ce type de bien, sans verser aucune pièce à l'appui de son affirmation.

b) Les références du département de [Localité 35]

Il indique que le service des domaines a considéré le 21 mars 2019 qu'eu égard au marché immobilier local, le prix au m² en valeur libre de la parcelle expropriée pouvait être évalué à la somme de 8 euros/m² (pièce numéro 6).

Cependant cette estimation ne correspondant pas à une mutation effective sera écartée.

c) Les références du commissaire du gouvernement

 

Il indique que plusieurs arrêts rendus par la cour d'appel de Paris en 2015 dans le dossier [37] sur la commune de [Localité 39] ont fixé des tarifs de 7 euros le m² pour des biens occupés , 8 m² pour des terrains libres et 6 euros le m² pour des parcelles en nature de bois pour indemniser les propriétaires expropriés; que concernant le projet du doublement de la RD 231 entre la RD 5 à la RD 345 sur les communes de [Localité 17], [Localité 10],[Localité 29] et [Localité 36], par un arrêt du 12 mai 2016, la cour d'appel de Paris a porté à 7,5 euros le m² contre 6 euros/m² pour le premier juge l'indemnisation unitaire pour une emprise en bande linéaire de 9493 m² prélevée sur une grande parcelle de 207830 m² appartenant à des agriculteurs sur la commune de [Localité 17], située en zone Nca du POS à la date de référence retenue.

Il propose une étude de marché de terrains non constructibles avec les références de publication :

Date de mutation

Cadastre

Adresse

Surface/m²

Prix

total

Prix / m²

13 Déc 2016

BS 555

[Adresse 30]

à [Localité 11]

1964

23700

12,07

20 Juillet 2017

BX 335

[Adresse 33]

à [Localité 11]

1334

10000

7,50

21 Juin 2016

[Cadastre 40]

[Adresse 31]

à [Localité 14]

1320

9000

6,82

26 Mars 2015

B3708

[Adresse 19]

à [Localité 14]

9333

15000

16,07

16 Juin 2017

ZD6

[Adresse 26]

à [Localité 14]

1406

12000

8,53

6 Mars 2015

A1485

[Adresse 32]

à [Localité 38]

26

286

11

20 Juillet 2017

BW 268

[Adresse 34]

à [Localité 11]

6456

1000

1,55

22 Juin 2016

CA 212

[Adresse 25]

à [Localité 11]

1038

2000

1,93

09 Juin 2016

AH109

Proche [Adresse 21] à [Localité 11]

19283

43400

2,25

10 Avril 2019

ZD 95

[Adresse 20] à [Localité 14]

289

5000

2,89

15 Février 2019

YA 129

[Adresse 22] à [Localité 14]

875

2530

2,89

soit un moyenne de 7,99 euros/m².

En raison de cette étude de marché de terrains non constructibles, il n'y a pas lieu de retenir les références jurisprudentielles proposées par le commissaire du gouvernement.

S'agissant cette étude de marché, même si certaines références sont anciennes, elles ne sont pas critiquées par l'appelant et il s'agit de terrains non constructible comparables au bien à évaluer.

Ces références seront donc retenues.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a exactement fixé l'indemnité d'expropriation à la somme de :

993 m² X 8 euros = 7944 euros.

- Sur l'indemnité de remploi

Il convient de confirmer le jugement qui a exactement fixé selon le taux en usage l'indemnité de remploi à la somme de 427,20 euros.

- sur l'indemnité pour prise de possession anticipée

Le département de [Localité 35] demande la confirmation pour l'indemnité pour prise de possession anticipée fixée par le premier juge à la somme de 397,20 euros ; le commissaire du gouvernement n'a pas conclu sur ce point

En l'absence de contestation des parties, le jugement sera confirmé en ce sens.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a fixé l'indemnité d'expropriation à la somme de 9782,80 euros se décomposant comme suit :

'indemnité principale : 7944 euros

'indemnité de remploi : 1441,60 euros

'indemnité pour prise de possession anticipée : 397,20 euros.

- Sur l'article 700 du code de procédure civile

L'équité commande de débouter M. [O] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et de condamner sur ce fondement à payer la somme de 2000 euros au département de [Localité 35].

- Sur les dépens

Il convient de confirmer le jugement pour les dépens de première instance, qui sont à la charge de l'expropriant conformément à l'article L 312-1 du code de l'expropriation.

M. [O] perdant le procès sera condamné aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,

Déclare recevables les conclusions des parties ;

Déboute le Département de [Localité 35] de sa demande principale de voir prononcer la caducité de l'appel de M. [O] ;

Statuant dans les limites de l'appel,

Confirme le jugement entrepris ;

Y ajoutant,

Fixe la date de référence au 16 avril 2007 ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Condamne M. [O] à verser la somme de 2000 euros au Département de [Localité 35] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [O] aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 21/22189
Date de la décision : 06/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-06;21.22189 ?
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