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06/04/2023 | FRANCE | N°21/00219

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 06 avril 2023, 21/00219


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 06 AVRIL 2023



(n°2023/ , 14 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/00219 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CC47A



Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Novembre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 18/08061





APPELANT



Monsieur [M] [V]

[Adresse 2]

[Localité 4]



Assisté

de Me Frank AIDAN, avocat au barreau de PARIS, toque : E1084



INTIMEE



S.A.S. MUSEA

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée par Me Catherine FAVAT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1806



...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 06 AVRIL 2023

(n°2023/ , 14 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/00219 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CC47A

Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Novembre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 18/08061

APPELANT

Monsieur [M] [V]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Assisté de Me Frank AIDAN, avocat au barreau de PARIS, toque : E1084

INTIMEE

S.A.S. MUSEA

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Catherine FAVAT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1806

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 janvier 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre, Présidente de formation,

Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

Greffier : Madame Cécile IMBAR, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Marie-Christine HERVIER, présidente et par Madame Philippine QUIL, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

M. [M] [V] a été engagé par la société Muséa par contrat de travail à durée indéterminée du 23 janvier 2017 en qualité de directeur des agences Muséa Paris & Hoteling, statut cadre, moyennant une rémunération mensuelle brute de 5 500 euros pour une durée de travail hebdomadaire de 38,25 heures, outre un intéressement annuel brut de 2% sur le résultat net des agences qu'il dirige, plafonné à 15 000 euros brut. Par courrier du 12 mai 2017, la période d'essai de M. [V] a été renouvelée pour une durée de deux mois jusqu'au 21 juillet 2017.

Par courrier recommandé du 13 octobre 2017, M. [V] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 24 octobre 2017 puis s'est vu notifier son licenciement pour cause réelle et sérieuse par courrier adressé sous la même forme le 27 octobre 2017.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des espaces de loisirs, d'attractions et culturels du 5 janvier 1994. La société Muséa employait au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.

Contestant le bien-fondé de son licenciement et estimant ne pas être rempli de ses droits, M. [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 25 juin 2018 afin d'obtenir la condamnation de la société Muséa à lui verser des dommages et intérêts pour rupture abusive et inexécution de bonne foi du contrat de travail, un rappel de salaire sur heures supplémentaires, une indemnité pour travail dissimulé et le paiement d'une prime d'intéressement. Par jugement du 10 novembre 2020 auquel la cour renvoie pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes de Paris, section encadrement, a :

- débouté M. [V] de l'ensemble de ses demandes ;

- débouté la société Muséa de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [V] aux entiers dépens.

M. [V] a régulièrement relevé appel de ce jugement le 16 décembre 2020.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 28 août 2021 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, M. [V] demande à la cour de:

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

Et statuant à nouveau,

- condamner la société Muséa à lui payer les sommes de :

* 33 000 euros de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail;

* 7 874,17 euros sauf à parfaire au titre de la prime d'intéressement 2017 ;

* 15 133,30 euros à titre de rappel de salaires sur heures supplémentaires de janvier à octobre 2017 outre 1 513,33 euros à titre d'indemnité de congés payés afférente;

* 33 000,48 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;

* 11 000 euros de dommages et intérêts pour inexécution de bonne foi du contrat de travail ;

- condamner la société Muséa à lui remettre une attestation Pôle Emploi conforme sous astreinte de 50 euros par jour de retard ses bulletins de paie de janvier 2017 à janvier 2018 conformes sous astreinte journalière de 50 euros ;

- débouter la société Muséa de toutes ses demandes ;

- condamner la société Muséa à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Muséa en tous les dépens de première instance et d'appel dont le montant pourra être recouvré directement par Maître Frank Aïdan, avocat au Barreau de Paris conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 1er juin 2021 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société Muséa prie à la cour de:

- débouter M. [V] de l'ensemble de ses demandes ;

- confirmer le jugement ;

- statuant à nouveau, condamner M. [V] au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 9 novembre 2022.

MOTIVATION :

Sur le bien-fondé du licenciement :

La lettre de licenciement fixant les limites du litige, est motivée dans les termes suivants:

" ['] nous sommes amenés par la présente à vous notifier le licenciement pour cause réelle et sérieuse auquel nous avons décidé de procéser pour les motifs suivants :

Concernant la relation avec nos clients

Tout d'abord, le 15 septembre 2017, le client de Musée [7] nous a fait part d'un entretien qu'il a eu avec un représentant du personnel de l'entreprise. Ce dernier a relaté les faits suivants :

-Manque d'écoute de l'équipe présente sur site,

-Souffrance au travail due à de nombreux postes non pourvus notamment les week-ends,

-Absence de contrats de travail et/ou avenants pour certains collaborateurs,

-Manque de matériels (oreillettes pour audio phone, talkies walkies défectueux),

Il nous a également fait part de difficultés de communication entre le client et vous-même.

Ces différents points qui n'ont pas été résolus, alors même que vous en avez été alerté ont notamment eu pour conséquence un mouvement de grève le 16 octobre 2017, empêchant l'ouverture du site pendant 20 minutes. Le représentant du personnel avait d'ailleurs essayé de vous contacter avant ce débrayage, sans succès, alors qu'il avait précisé que la situation était urgente. Lors de l'entretien, vous avez expliqué que vous êtes intervenu immédiatement après avoir eu l'information, et que vous n'avez pas pu répondre à tous les mails en raison de nombreuses sollicitations.

Ensuite, notre interlocutrice du Musée [5] nous a informé que vos rapports étaient tendus, dans la mesure où plutôt que d'échanger avec elle, vous essayiez systématiquement de contacter directement le Directeur Général de ce site. Le 5 octobre 2017, elle nous indique également que vous ne répondiez, ni aux mails ni aux différentes sollicitations.

Le 12 septembre 2017, lors d'une réunion avec le client du Grand Palais, votre équipe a pu relever une tension très importante entre vous et ce dernier.

Puis, le client de la Monnaie de Paris nous a informé le 29 septembre 2017 que trois médiateurs recrutés par l'entreprise se sont rendus sur site sans notification d'affectation ni planning. Nous vous rappelons que conformément aux dispositions contractuelles et conventionnelles, les plannings doivent être remis aux salariés au minimum 7 jours calendaires avant la prise de service et que toute nouvelle affectation doit faire l'objet d'une notification. La situation était d'autant plus délicate que ce site réouvrait le lendemain après une période de fermeture. Nous avons également constaté que le 7 octobre 2017, la prestation à la Monnaie de Paris n'a pu être assurée faute de salariés recrutés. Vous n'avez pas alerté le client de cette situation. Cela a eu pour conséquence son insatisfaction et l'a contraint à improviser lui-même une visite pour 40 personnes.

Egalement, les 7 et 8 octobre 2017, la prestation n'a pas été assurée sur le site client Defacto. Notre client en a été informé uniquement pour la journée du 7 octobre. Suite à ce dysfonctionnement, le site n'a pu être ouvert au public.

Le client du musée [8] nous a également informé qu'il était dans l'attente de réponses de votre part, et qu'aucune visite sur site n'avait été réalisée depuis le 7 juillet 2017.

Enfin, le 25 septembre 2017, lors de la visite d'[L] [H] à l'Institut [6], nous avons constaté que les uniformes des collaborateurs ne correspondaient pas à ce qui a été commandé par le client, créant ainsi une nouvelle insatisfaction.

Concernant les collaborateurs sur site

D'une part, nous avons constaté que vous aviez très peu de contact avec les collaborateurs sur site, et les chefs d'équipe, pourtant vos interlocuteurs au quotidien. En effet, ces derniers nous ont alerté sur votre comportement distant et hautain. Il se sont également plaints, par l'intermédiaire des représentants du personnel notamment de recevoir des mails de votre part à des heures très tardives (23 heures). Ils ont également dénoncé votre manque de dialogue et de considération au quotidien, pourtant instauré avant votre arrivée, notamment via les réunions trimestrielles avec l'ensemble des chefs d'équipe, réunion que vous n'avez organisée qu'une fois depuis votre arrivée, à la demande expresse de votre supérieure hiérarchique.

D'autre part, nous avons eu à regretter que vous modifiez du jour au lendemain, le mode de fonctionnement des jours de repos de nos salariés volants, population sensible de notre entreprise, en les informant par mail uniquement. Cela a été très mal vécu, entraînant des plaintes de ces derniers concernant la brutalité de ce changement.

Egalement, il apparaît que le 25 août 2017 vous vous êtes rendu sur le site Hipark Pantin en pleine nuit. Vous avez eu une attitude déplacée à l'encontre d'un salarié de notre entreprise, réceptionniste de nuit dans la résidence. Accompagné de deux jeunes femmes, vous avez exigé de ce dernier qu'il vous donner une chambre et qu'il vous fasse un " prix ", lui rappelant que vous étiez son Directeur. Il a pu remarquer que vous aviez des propos familiers et confus, et que vous étiez dans un état second. Cela a eu pour conséquence d'un part, une insatisfaction client, d'autre part la dégradation de l'image de l'entreprise et du pouvoir managérial, tant auprès de notre collaborateur que de notre client.

Concernant votre équipe au siège

Nous avons également à vous reprocher de manière plus globale votre comportement au sein de l'équipe.

En effet, l'équipe du siège ne se sent ni considérée ni soutenue par vous. L'ensemble de vos collaboratrices se plaignent de paroles maladroites et vexatoires.

Elles ont également pu constater que vous ne veniez pas les aider, alors même que l'activité est très soutenue.

Concernant vos relations avec votre supérieure hiérarchique

Nous avons constaté que votre supérieure hiérarchique était toujours en attente de votre analyse de marges du mois d'août, malgré ses différentes relances. Vous n'êtes pas sans savoir que l'analyse de marges constitue un point essentiel de l'activité de l'entreprise et l'une de vos missions.

Egalement, votre supérieure hiérarchique vous a demandé à plusieurs reprises d'aller sur site à la rencontre des collaborateurs, ces derniers se plaignant de ne jamais avoir de contact avec vous, ce que vous avez rarement fait, estimant que cela vous donnait le sentiment d'être " rabaissé ". Nous vous rappelons que les collaborateurs sur site sont le c'ur de notre métier et représentent l'image de l'entreprise.

Les griefs précités perturbent de manière conséquente le bon fonctionnement de l'agence et de l'entreprise. Nous ne pouvons rester sans réagir devant cette accumulation d'erreurs et ce comportement non obtempérant.

Si celui-ci apparaît comme étant inacceptable, qu'il est en outre susceptible d'engager la responsabilité et l'image de l'entreprise, il contrevient également aux dispositions de l'article VIII de votre contrat de travail et i du règlement intérieur applicable à notre société au termes desquels vous vous êtes engagés à respecter scrupuleusement les règles de politesse et de bienséance avec vos collègues, collaborateurs, nos clients et à adopter une attitude de nature à ne pas nuire à l'image de notre société ; et par voie de conséquence à la pérennité de nos contrats commerciaux avec nos clients. Egalement, au terme de cet article, vous devez respecter scrupuleusement les instructions qui vous sont délivrées pas vos supérieurs hiérarchiques.

Ces faits mettent en cause la bonne marche de l'entrepris. Lors de notre entretien vous n'avez pas fourni d'explication nous amenant à reconsidérer la décision que nous projetions de prendre.

En l'absence d'éléments de votre part, susceptibles de modifier notre appréciation des faits, nous vous notifions, par la présente, votre licenciement pour cause réelle et sérieuse. ['] "

L'article L. 1235-1 du code du travail dispose qu'en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles et que si un doute subsiste, il profite au salarié.

Ainsi l'administration de la preuve du caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis, objectifs imputables au salarié et matériellement vérifiables.

Sur les griefs relatifs au comportement de M. [V] avec les clients :

S'agissant du Musée [7] : la société Muséa s'appuie sur un courriel émanant de M. [D] [W], en charge du suivi de la prestation confiée à la société Muséa au sein de ce musée, en date du 15 septembre 2017, dont il ressort que celui-ci ne fait pas part à son interlocuteur de ses propres constatations quant aux différents points énumérés mais relate les propos que lui aurait tenus M. [G], (travaillant sur ce site et représentant du personnel selon les écritures de l'employeur), après avoir sollicité en vain M. [V] et qu'il fait suite à une conversation téléphonique survenue entre M. [W] et la supérieure hiérarchique de M. [V], destinataire du message. La cour relève qu'aucun élément objectif ne vient corroborer cet écrit dont la valeur probante n'est donc pas suffisante pour établir la matérialité des faits. La cour relève en outre qu'aucun élément versé aux débats ne vient étayer les difficultés de communication entre M. [V] et le client et aucun élément n'est non plus produit pour imputer au comportement du salarié ces difficultés alors que celui-ci verse aux débats l'attestation d'une ancienne chef de site (Mme [B]) qui fait état de la présence régulière de M. [V] au sein du site et de sa participation à certains évènements (concert, journée " vis ma vie ") et de ses contacts réguliers sur le terrain avec les agents, les chefs d'équipe, elle-même), attestation corroborée par celle de Mme [R], ancienne responsable opérationnelle de la société Musea quant à la présence régulière de M. [V] à certains évènements organisés au musée. De plus, aucun élément n'est produit pour justifier l'existence de l'alerte dont il est fait état dans la lettre de licenciement ni même en préciser l'étendue et les modalités. Enfin, la cour relève qu'aucun élément communiqué aux débats établit qu'un mouvement de grève a eu lieu le 16 octobre 2017 alors que M. [V] de son côté fait valoir qu'il n'y a eu qu' un débrayage de 15 minutes le 11 octobre 2017. L'employeur n'établit pas non plus que le mouvement de grève aurait été la conséquence de l'inaction fautive de M. [V], alors que celui-ci démontre en produisant des extraits de publication sur des sites internet que les salariés de la société Musea, sur un autre site, se sont mis en grève en 2015 et 2018 pour dénoncer leurs conditions de travail et que le propre rapport de Mme [P], chargée des affaires sociales au sein du groupe Armonia dont fait partie la société Muséa, le 11 octobre 2017, fait état de ce que le mouvement serait né en raison principalement du déplacement d'un poste volant décidé par la responsable de site le matin même, à l'initiative d'une personne prénommée [C] qui se serait fait au surplus raccrocher au nez par un certain " [I] " sans qu'une faute ou une carence de M. [V] ne soit particulièrement mise en avant.

La cour ne retient donc pas que le grief est établi.

S'agissant du musée [5], la cour relève avec M. [V] que l'employeur ne verse aucun élément de nature à caractériser la relation tendue qu'aurait entretenue M. [V] avec l'interlocutrice de la société, ni qu'il essayait systématiquement de l'évincer en contactant directement le directeur général du site ou qu'il ne répondait ni aux mails ni aux sollicitations. En effet, l'attestation de Mme [K], supérieure hiérarchique directe de M. [V], faisant état, sans plus de précision, de ce que des interlocuteurs qu'elle ne désigne pas, commençaient à l'interpeller sur les silences de M. [V] ne suffit pas, en l'absence d'éléments objectifs venant la corroborer, à établir des faits précis, alors que de son côté, M. [V] conteste les faits et précise qu'il n'échangeait directement avec le directeur qu'au sujet du projet " accueil visiteur " l'interlocutrice habituelle étant cependant tenue informée.

La cour ne retient pas que les faits sont établis.

S'agissant du Grand Palais, aucun élément n'est produit pour justifier que les tensions perceptibles lors de la réunion du 12 septembre 2017 étaient le fait de M. [V] alors que celui-ci fait état de ce qu'elles résultaient de la volonté de la société Musea de présenter des solutions économiques pour rattraper des gestes commerciaux inconsidérés accordés en amont par Muséa pour remporter les marchés en s'appuyant sur un mail de Mme [R] en date du 13 juillet 2017, dans lequel elle fait, avant son départ de la société, un bilan des actions en cours et fait état de " mauvaises négos "

La cour ne retient pas que les faits sont établis.

S'agissant de la Monnaie de Paris, l'employeur verse aux débats trois mails émanant de Mme [Y] [U] :

- le premier, adressé le 29 septembre 2017, par lequel elle se plaint de ce que trois médiateurs recrutés ne disposaient pas de plannings alors que l'ouverture du site était prévue pour le lendemain. Il ressort du mail de Mme [A] en réponse le même jour, 1h 20 plus tard, que M. [V] était en déplacement, que l'un des médiateurs avait eu son planning et que les deux autres étaient sur le point de recevoir le leur. M. [V] fait valoir que les médiateurs avaient été affectés sur site dans l'urgence. Aucune faute n'est retenue à l'encontre du salarié ;

- le second, en date du 10 octobre 2017 fait état de ce que des médiateurs attendus un soir n'étaient jamais venus. M. [V] fait valoir que la responsable opérationnelle de ce musée était partie sans être remplacée en produisant les attestations en ce sens de plusieurs salariés faisant état de ce départ non remplacé avant mi-octobre (Mme [S], Mme [O] et Mme [T]) et invoque la surcharge de travail à laquelle il était exposé et communiquant différents mails reçus et adressés entre le 3 octobre et le 11 octobre pour démontrer les différentes urgences auxquelles il était confronté. La cour retient cependant que les faits sont matériellement établis ;

- le troisième, envoyé le 12 octobre 2017, intitulé " plusieurs points à clarifier " déplore que ses mails de la semaine passée étaient restés sans réponse, amenant la cour à observer, d'une part, que tous les mails n'étaient pas restés sans réponse comme en témoignent les échanges cités plus haut en date du 6 octobre 2017 et d'autre part que dans ce même mail, Mme [Z] fait elle-même état de ce qu'elle a laissé sans réponse un mail de M. [V] du 30 septembre 2017. La cour ne retient donc pas que les faits sont établis.

S'agissant du client Defacto, M. [V] qui ne conteste pas la réalité de l'absence de prestation chez le client fait valoir qu'il a mis en place les éléments de nature à prévenir ce type de dysfonctionnement. Les faits sont donc retenus.

S'agissant du musée [8], il n'est produit aucun élément précis par l'employeur sur l'absence de réponse de M. [V] et le fait qu'il n'avait réalisé aucune visite sur site depuis le7 juillet 2017 alors que celui-ci prétend qu'il s'est rendu sur place le 31 août 2017. Dans le doute, celui-ci devant bénéficier au salarié, la cour ne retient pas que les faits sont établis.

S'agissant de l'Institut [6], M. [V] ne conteste pas l'existence d'un problème avec les uniformes mais l'explique dans son courrier de contestation du licenciement par le fait que le client a interverti les postes des agents entre l'intérieur et l'extérieur, alors que des vêtements plus chauds avaient été prévus pour l'extérieur et des robes pour les femmes ce qui a entrainé une disparité dans les uniformes. Les faits ainsi justifiés ne sont pas retenus comme fautifs.

Sur les griefs relatifs aux collaborateurs sur site :

La cour relève en premier lieu le caractère subjectif des qualificatifs attribués au salarié " distant, hautain ", en contradiction avec les attestations de plusieurs collaboratrices sur site qui font état de relations cordiales et professionnelles avec lui. Par ailleurs, la cour relève que l'envoi de mails tardifs ne présente pas de caractère fautif dès lors que ceux-ci sont dépourvus de connotation harcelante et n'exigent pas de réponse immédiate. Sur l'incident à l'hôtel dont fait état la lettre de licenciement, aucun élément n'est communiqué. La cour ne retient donc pas que les faits sont établis.

Sur les griefs relatifs à l'équipe du siège :

L'employeur se réfère dans ses écritures à quatre attestations dont la cour observe que :

- celle de Mme [J], responsable de gestion RH ne relate pas de faits précis dont elle a été témoin mais se contente de rapporter, dans des termes vagues, des propos qu'elle a entendus de l'ancienne équipe de M. [V] ou de rapporter ses impressions en des termes généraux et subjectifs sur les quelques échanges qu'elle a pu avoir avec lui.

- celle de Mme [A], directrice commerciale, fait état de ce que M. [V] cherchait à lui imposer ses vues, ce que la cour ne considère pas comme fautif, et rapporte de façon non circonstanciée les propos qui lui auraient été tenus par les équipes de M. [V] et dont elle n'a pas été témoin,

- celle de Mme [P], responsable des ressources humaines, fait état du ton 'autoritaire' des propos " de manière à déstabiliser ou mettre mal à l'aise ses interlocuteurs " sans cependant rapporter de faits précis pas plus qu'elle ne caractérise le soulagement des équipes qu'elle indique avoir constaté lors d'un dîner, alors que de son côté, M. [V] verse aux débats des messages de soutien de certains membres de son équipe,

- celle de Mme [K], enfin, qui fait part du mécontentement des équipes, de l'absence de M. [V], et de difficultés managériales mais dont la cour relève qu'elle est dépourvue de caractère probant dès lors qu'elle émane de la supérieure hiérarchique du salarié alors que les relations de M. [V] avec elle constituent un des motifs du licenciement et qu'elle n'est pas corroborée par des éléments objectifs.

La cour considère en conséquence ces éléments insuffisants pour établir la matérialité des faits par des éléments précis et objectivement vérifiables.

Sur les relations sa supérieure hiérarchique :

- sur l'absence de diligence quant aux analyses de marges du mois d'août, malgré les relances, l'employeur ne produit aucun élément à ce titre et ne fait référence à aucune pièce dans ses écritures,

- sur la présence trop rare parce qu'il se sentait " rabaissé " sur site malgré les demandes de sa supérieure hiérarchique, la cour observe comme il a été dit précédemment que M. [V] s'est rendu sur les sites, qu'il n'est pas communiqué de demandes précises en ce sens de sorte que le comportement non obtempérant stigmatisé dans la lettre de licenciement par une appréciation subjective n'est pas davantage établi.

Sur le non respect des règles de politesse et bienséance, la nuisance à l'image de l'entreprise, le non respect scrupuleux des instructions :

La cour considère que les éléments ci-dessus analysés ne suffisent pas à révéler les manquements rappelés en conclusion du courrier de licenciement par l'employeur à l'exception des deux dysfoncionnements liés à l'absence d'agents à deux reprises nuisant nécessairement à l'image de l'entreprise.

En définitive, la cour considère que les faits qu'elle a retenus comme établis et qui finalement concernent l'absence d'agents à deux reprises dans un contexte de surcharge de travail en raison des vacances de postes, ne suffisent pas à caractériser une cause réelle et sérieuse de licenciement de sorte que le licenciement de M. [V] est sans cause réelle et sérieuse.

Sur les demandes financières :

Sur les demandes financières liées à l'exécution du contrat de travail :

Sur le rappel d'heures supplémentaires :

Il résulte des articles L. 3171-2, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail dans leur version applicable à l'espèce qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

M. [V] soutient qu'il dépassait constamment la durée contractuelle de travail prévue de 9h à 18 heures du lundi au dimanche et produit pour en justifier :

- un tableau récapitulatif de ses heures de travail, expliquant les horaires allégués et décomptant les heures hebdomadairement,

- des mails adressés ou reçus en dehors des heures de travail, démontrant une réelle activité professionnelle,

- les attestations de plusieurs collaborateurs et d'un client confirmant sa disponibilité,

- des photographies.

Ces éléments, à l'exception des photographies dépourvues de toute valeur probante, sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre en produisant ses propres éléments et la société Muséa s'oppose à la demande en faisant valoir que la demande est peu crédible dès lors que :

- certains mails tardifs ne sont pas envoyés par M. [V] mais seulement reçus par lui et ne démontrent donc pas la réalisation d'un travail,

- aucune des attestations produites par M. [V] n'est conforme aux dispositions des articles 202 et suivants du code de procédure civile, et elles ne sont pas suffisamment précises pour prouver la réalisation d'heures supplémentaires,

- le fait de téléphoner ou d'échanger des messages au-delà de 18 heures ou le matin avant 9 heures sans précision sur le détail des horaires ne suffit pas à démontrer l'existnce des heures supplémentaires,

- les propres collaborateurs de M. [V] ont attesté pour dire qu'il était peu présent et se déchargeaient souvent sur eux et qu'ils ne savaient pas toujours où il se trouvait (attestation Mme [J]) .

La cour rappelle toutefois qu'il appartient à l'employeur de prouver la réalité des heures de travail au vu des éléments précis établis par le salarié et qu'il ne peut donc valablement lui reprocher de ne pas rapporter cette preuve. En revanche, certains mails adressés en dehors des horaires de travail ne suffisent effectivement pas à établir la réalisation d'un travail en raison de leur caractère anodin et la notion d'urgence alléguée par M. [V], par exemple suite à la démission d'un agent, n'est pas établie). Enfin, sur les attestations produites par M. [V], si elles ne sont pas conformes à l'article 202 du code de procédure civile, elles sont cependant suffisamment précises sur sa participation à certains évènements pour que leur valeur probatoire soit retenue par la cour.

Dès lors, au vu des éléments produits par les deux parties, la cour retient que M. [V] a bien effectué des heures supplémentaires au-delà des 3,25 heures par semaine prévues au contrat mais dans une mesure moindre que celle qu'il revendique et condamne en conséquence la société Muséa à lui verser à titre de rappel de salaire sur la période concernée de janvier à octobre 2017 une somme de 5 067,43 euros outre 506,74 euros au titre des congés payés afférents.

Sur le travail dissimulé :

M. [V] sollicite la condamnation de l'employeur à lui verser une somme de 33 000,48 euros en application de l'article L. 8223-1 du code du travail en faisant valoir que l'absence de mention volontaire des heures de travail supplémentaires caractérise le délit de travail dissimulé, que les heures de travail qu'il accomplissait pour la société Hoteling ne sont pas répertoriées, qu'il importe peu qu'il n'ait jamais émis de réclamation sur les heures ainsi effectuées et que l'ampleur des heures réalisées établit la connaissance de l'employeur de leur réalité.

La société Muséa fait valoir que le caractère intentionnel de la dissimulation ne peut se déduire de la simple absence de mention sur les bulletins de paiement et qu'aucun élément versé au débat établit qu'elle avait connaissance des heures supplémentaires effectuées par M. [V].

La cour n'a pas considéré que M. [V] avait effectué la totalité des heures supplémentaires dont il réclame le paiement, et observe que le salarié était libre dans l'organisation de ses horaires au point que parfois personne ne savait où il se trouvait, que M. [V] n'a jamais formulé la moindre observation sur la réalité de son temps de travail et qu'il ne verse aucun élément au dossier sur le travail qu'il aurait accompli pour le compte de la société Hoteling qui n'est pas partie à la présente proédure. Dès lors, la cour considère que l'intention de dissimulation n'est pas établie et déboute M. [V] de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé. Le jugement est confirmé de ce chef.

Sur la prime d'intéressement :

M. [V] réclame une somme de 7 874,17 euros au titre de la prime d'intéressement prévue au contrat en faisant valoir qu'il n'a pas été rempli de ses droits par le versement de la somme de 1 481,65 euros intervenu postérieurement à la rupture.

La société Muséa s'oppose à la demande en soutenant que les bilans qu'elle produits justifient les chiffres retenus pour calculer au prorata de sa présence dans l'entreprise la prime d'intéressement de M. [V] de sorte qu'il a été rempli de ses droits.

La cour observe que le contrat de travail prévoyait en son article IV que M. [V] bénéficiait de : " un intéressement annuel brut de 2% sur le résultat net Muséa Paris et Hoteling Paris plafonné à 15 000 euros brut (avant impôt et participation mais après répartition des frais de siège et déduction des dividendes inter sociétés). Cet intéressement vous sera versé au cours du 1er semestre suivant l'exercice concerné sous réserve que vous fassiez toujours partie de nos effectifs à la date de versement. ".

Il ressort du courrier du 9 mars 2018, adressé par la société Muséa à M. [V] que l'assiette de calcul retenue par l'employeur était la suivante :

- 135 644 euros pour la société Muséa, résultat déficitaire,

- 213 102 euros pour la société Hoteling.

Les bilans communiqués établissent que les chiffres exacts établissant le résultat net de chacune des deux sociétés sont de :

- 246 703 euros pour la société Muséa,

- 231 989 pour la société Hoteling

La société Muséa ne conteste dans ses écritures ni ces chiffres ni l'assiette de calcul retenue par le salarié et la cour observe que les chiffres indiqués dans son courrier du 9 mars 2018 ne sont pas reproduits dans les bilans communiqués ni explicités.

Dès lors, la cour fait droit à la demande présentée par M. [V] et condamne la société Muséa à lui verser la somme de 7 874,17 euros au titre de la prime d'intéressement. Le jugement est infirmé en ce qu'il l'a débouté de ce chef de demande.

Sur les dommages-intérêts pour inexécution de bonne foi du contrat de travail :

M. [V] réclame la condamnation de la société Muséa à lui verser la somme de 11 000 euros en réparation du préjudice qu'il a subi en raison de l'exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur en invoquant :

- le non renouvellement de deux postes de responsables opérationnels à l'automne 2017, alors que ces postes étaient essentiels pour l'épauler dans ses fonctions, reprochant à l'employeur d'avoir délibérément retardé le recrutement des remplaçants en rejetant une candidature de qualité pour privilégier une candidature interne mais en retarder l'arrivée à une date postérieure à son départ alors qu'il avait réclamé le remplacement la fin du mois d'août, l'autre poste ayant probablement été pourvu en 2018,

- son utilisation comme bouc émissaire à la suite du débrayage du 11 octobre 2017 pour pallier les propres carences de la société au titre du manque d'effectif et de la surcharge de travail,

- son épuisement, ses temps de pauses et son droit à déconnexion n'étant pas respectés,

- le recours direct au licenciement sans avertissement ou mise en garde préalables.

La société Muséa s'oppose à la demande en faisant valoir que M. [V] développe devant la cour des moyens différents de ceux qu'il invoquait en première instance mais la cour relève que ce choix relève de sa défense et ne peut valablement lui être reproché et en soutenant que rien ne permet d'établir sa mauvaise foi et que le préjudice allégué n'est pas établi.

La cour relève qu'aucun élément des débats n'établit la mauvaise foi de l'employeur dans l'absence de recrutement des responsables opérationnels, ou sa mise en cause par un délégué du personnel parmi les motifs de revendication du débrayage du 11 octobre 2017. S'il n'est justifié d'aucune sanction disciplinaire avant le licenciement, l'employeur demeure libre dans le cadre de son pouvoir disciplinaire du choix de la sanction qu'il estime appropriée au comportement de ses salariés et M. [V] n'invoque aucune disposition conventionnelle qui obligerait l'employeur à une graduation des sanctions avant le licenciement. En revanche, les horaires des mails adressés ou reçus établissent que le droit à déconnexion n'était pas respecté, l'employeur n'établit pas que les pauses étaient respectées et la cour a retenu la surcharge de travail de M. [V]. Il est ainsi justifié d'un préjudice dont le salarié sera suffisamment indemnisé par l'allocation d'une somme de 1 000 euros. La société Muséa est condamnée à lui verser cette somme et le jugement est infirmé en ce qu'il a débouté M. [V] de ce chef de demande.

Sur les demandes financières liées à la rupture du contrat de travail :

Sur les dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail :

Employé depuis moins d'un an - étant observé que contrairement à ce que soutient M. [V], l'ancienneté s'apprécie au jour de la notification du licenciement pour le calcul de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ou les dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail - dans une entreprise comprenant au moins onze salariés, M. [V] est fondé à percevoir une indemnité en raison de la rupture du contrat de travail qui ne peut être supérieure à un mois de salaire brut en application de l'article L. 1235-3 dans sa version en vigueur au moment du licenciement.

M. [V] sollicite la condamnation de l'employeur à lui verser une somme de 33 000 euros de dommages-intérêts en demandant à la cour d'écarter l'application de l'article L. 1235-3 du code du travail relatif au plafonnement des indemnités prud'homales aux motifs du non-respect de l'article 10 de la convention 158 de l'OIT, et de l'article 24 de la Charte sociale européenne et de l'absence d'indemnisation adéquate et de réparation appropriée.

Sur la demande tendant à faire écarter l'application de l'article L. 1235-3 du code du travail :

Aux termes de l'article L. 1235-3 du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés par le même article. Selon l'article L. 1235-3-1 du même code, l'article 1235-3 n'est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d'une des nullités prévues à son deuxième alinéa. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Enfin, selon l'article L. 1235-4 du code du travail, dans le cas prévu à l'article L. 1235-3, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

Aux termes de l'article 24 de la Charte sociale européenne, en vue d'assurer l'exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement, les parties s'engagent à reconnaître:

a) le droit des travailleurs à ne pas être licenciés sans motif valable lié à leur aptitude ou conduite, ou fondé sur les nécessités de fonctionnement de l'entreprise, de l'établissement ou du service ;

b) le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée.

A cette fin les Parties s'engagent à assurer qu'un travailleur qui estime avoir fait l'objet d'une mesure de licenciement sans motif valable ait un droit de recours contre cette mesure devant un organe impartial.

L'annexe de la Charte sociale européenne précise qu'il est entendu que l'indemnité ou toute autre réparation appropriée en cas de licenciement sans motif valable doit être déterminée par la législation ou la réglementation nationales, par des conventions collectives ou de toute autre manière appropriée aux conditions nationales.

La Charte réclame des Etats qu'ils traduisent dans leurs textes nationaux les objectifs qu'elle leur fixe. En outre, le contrôle du respect de cette charte est confié au seul Comité européen des droits sociaux dont la saisine n'a pas de caractère juridictionnel et dont les décisions n'ont pas de caractère contraignant en droit français. Sous réserve des cas où est en cause un traité international pour lequel la Cour de justice de l'Union européenne dispose d'une compétence exclusive pour déterminer s'il est d'effet direct, les stipulations d'un traité international, régulièrement introduit dans l'ordre juridique interne conformément à l'article 55 de la Constitution, sont d'effet direct dès lors qu'elles créent des droits dont les particuliers peuvent se prévaloir et que, eu égard à l'intention exprimée des parties et à l'économie générale du traité invoqué, ainsi qu'à son contenu et à ses termes, elles n'ont pas pour objet exclusif de régir les relations entre Etats et ne requièrent l'intervention d'aucun acte complémentaire pour produire des effets à l'égard des particuliers.

Il résulte dès lors de ce qui précède que l'article 24 de la Charte sociale européenne n'a pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers.

Aux termes de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail (OIT), si les organismes mentionnés à l'article 8 de la présente convention arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié, et si, compte tenu de la législation et de la pratique nationales, ils n'ont pas le pouvoir ou n'estiment pas possible dans les circonstances d'annuler le licenciement et/ou d'ordonner ou de proposer la réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d'une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée. Ces stipulations sont d'effet direct en droit interne dès lors qu'elles créent des droits entre particuliers, qu'elles n'ont pas pour objet exclusif de régir les relations entre Etats et ne requièrent l'intervention d'aucun acte complémentaire.

Le terme 'adéquat' signifie que l'indemnité pour licenciement injustifié doit, d'une part être suffisamment dissuasive pour éviter le licenciement injustifié, et d'autre part raisonnablement permettre l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi.

Il résulte des dispositions du code du travail précitées, que le salarié dont le licenciement est injustifié bénéficie d'une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l'ancienneté du salarié et que le barème n'est pas applicable lorsque le licenciement du salarié est nul ce qui permet raisonnablement l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi. Ainsi, le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l'employeur est également assuré et les trois articles du code du travail précités sont de nature à permettre le versement d'une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'OIT.

Il n'y a donc pas lieu d'écarter les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail qui sont compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la Convention de l'OIT et il appartient à la cour d'apprécier la situation concrète du salarié pour déterminer le montant de l'indemnité due entre les montants minimaux et maximaux déterminés par cet article.

Sur le montant des dommages-intérêts :

En application de l'article L. 1235-3 du code du travail, et sur la base d'un salaire brut de 5 500,08 euros, la cour condamne la société Muséa à verser à M. [V] une somme de 5 500 euros de dommages-intérêts en raison de la rupture abusive du contrat de travail suffisant à réparer son entier préjudice. Le jugement est infirmé en ce qu'il l'a débouté de ce chef de demande.

Sur les autres demandes :

La société Muséa doit remettre à M. [V] un bulletin de paie récapitulatif portant sur l'ensemble de la période de travail et une attestation pour Pôle emploi conformes à la présente décision sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette condamnation d'une astreinte, la demande en ce sens est rejetée.

La société Muséa, partie perdante, est condamnée aux dépens et doit indemniser M. [V] des frais exposés par lui et non compris dans les dépens à hauteur de la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, sa propre demande sur ce même fondement étant rejetée. Me Franck Adam, avocat au Barreau de Paris est autorisé à recouvrer contre la partie condamnée ceux des dépens d'appel dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe,

INFIRME le jugement dans toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté M. [M] [V] de sa demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

DIT le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la société Muséa à verser à M. [M] [V] les sommes suivantes :

- 5 500 euros de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail,

- 7 874,17 euros à titre de rappel de prime d'intéressement,

- 5 067,43 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires pour la période courant de janvier à octobre 2017 outre 506,74 euros au titre des congés payés afférents

- 1 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi en raison de l'inexécution de bonne foi du contrat de travail,

CONDAMNE la société Muséa à remettre à M. [M] [V] un bulletin de paie récapitulatif portant sur l'ensemble de la période de travail et une attestation pour Pôle emploi conformes à la présente décision,

DÉBOUTE M. [M] [V] du surplus de ses demandes,

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de la socité Muséa,

CONDAMNE la société Muséa aux dépens et autorise Me [N] [F] à recouvrer contre la partie condamnée ceux des dépens d'appel dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision,

CONDAMNE la société Muséa à verser à M. [M] [V] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 21/00219
Date de la décision : 06/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-06;21.00219 ?
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