RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 10
ARRÊT DU 06 AVRIL 2023
(n° , 11 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/03117 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBPEM
Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Décembre 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS 17 RG n° 18/04192
APPELANTE
Madame [I], [Y], [X], [V] [J] épouse [S]
née le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 9] (56)
[Adresse 2]
[Localité 10]
Représentée par Me Benoît HENRY de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148
Assisté à l'audience de Me Alice DUPONT-BARRELLIER de l'AARPI DUPONT-BARRELLIER & JAUBERT, avocat au barreau de CAEN, toque : 123
INTIMÉES
S.A.S BONPOINT RIVE DROITE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 4]
[Localité 13]
Représentée et assisté à l'audience de Me Serge BRIAND de la SELEURL BRIAND AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : D0208
SARL BONTOURNON,
[Adresse 5]
[Localité 12]
Défaillante, signification de la déclaration d'appel le 3 juin 2020 par procès-verbal de recherches article 659 du code de procédure civile
CENTRE HOSPITALIER [17], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 10]
Représenté par Me Guillaume CHAMPENOIS de la SELARL HOUDART ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : A0294
CPAM DU MORBIHAN, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
Service Service Recours Contre Tiers
[Adresse 16]
[Localité 9]
Représentée et assistée par Me Maher NEMER de la SELARL BOSSU & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R295
CAISSE DES DÉPÔTS ET CONSIGNATIONS, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 8]
[Localité 14]
Défaillante, régulièrement avisée le 19 mai 2020 par procès-verbal de remise à l'étude
MACIF, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 3]
[Localité 15]
Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034
Assisté à l'audience de Me Myriam HOUFANI de la SELARL CHAUVIN DE LA ROCHE-HOUFANI, avocat au barreau de PARIS, toque : L0089
SAS MUTUELLE ALMERYS, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 6]
[Localité 11]
Défaillante, régulièrement avisée le 20 Mai 2020 par procès-verbal de remise à personne habilitée
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été plaidée le 09 Février 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Florence PAPIN, Présidente
Mme Valérie MORLET, Conseillère
M. Laurent NAJEM, Conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Florence PAPIN, Présidente dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Ekaterina RAZMAKHNINA
ARRÊT :
- défaut
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Florence PAPIN, Présidente et par Ekaterina RAZMAKHNINA, greffier, présent lors de la mise à disposition.
***
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
La société Bonpoint rive droite exploitait à [Adresse 19], un magasin et bénéficiait d'un bail commercial établi le 30 juin 2005 consenti par Monsieur [R].
Le 24 janvier 2013, Madame [I] [J] épouse [S] a été victime d'une chute en descendant un escalier situé dans ce magasin permettant d'accéder à un restaurant dénommé Nanashi exploité par la société Bontournon qui bénéficiait d'un contrat de sous-location en date du 14 février 2012.
Madame [S] a été transportée et prise en charge au service des urgences de l`hôpital [18].
Cet accident, survenu alors qu'elle était en formation, a été pris en charge au titre des accidents du travail.
Madame [S] a pris attache avec la société Bontournon aux fins de règlement amiable du litige, en vain.
Madame [S] a fait assigner :
- la société Nanashi, la caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan et la société Almerys par exploits d'huissier en date des 14, 15 et 16 janvier 2014,
- la société Bontournon par exploit d'huissier en date du 25 juillet 2014,
- l'établissement public Centre hospitalier [17] et la Caisse des dépôts et consignation par exploits d'huissier en date du 21 avril 2015,
- la société Bonpoint rive droite par exploit d'huissier en date du 16 juin 2016.
- la Selafa Mja en qualité de mandataire judiciaire de la société Le 287 exerçant sous le nom commercial Nanashi par exploit d'huissier du 8 décembre 2016,
- la SCP Le Guerneve-Hunsinger en qualité d'administrateur judiciaire de la société Le 287 par exploit d'huissier du 6 janvier 2017.
Ces assignations ont été jointes au cours de la mise en état. Par ordonnance en date du 29 mai 2018, le juge de la mise en état a constaté le désistement d'instance de Madame [S] à l'égard de la Selafa Mj, de la société Le 287 exerçant sous le nom commercial Nanashi et de la SCP Le Guerneve-Hunsinger.
La société d'assurance mutuelle Macif est intervenue volontairement à l'instance en qualité d'assureur de la société Bontournon.
Le 17 décembre 2019, le tribunal judiciaire de Paris a :
- Déclaré irrecevable comme dépourvue d'intérêt la demande en déclaration de jugement commun formée par Madame [J] épouse [S],
- Débouté Madame [J] épouse [S] de l'ensemble de ses demandes,
- Débouté la caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan de sa demande de condamnation solidaire de la société Bontournon et de la société Bonpoint rive droite à lui verser à titre de provision la somme de 14 407,73 euros,
- Débouté l'établissement public centre hospitalier [17] de sa demande de condamnation in solidum de la société Bontournon et de la société Bonpoint rive droite à lui verser des dommages et intérêts,
- Condamné Madame [J] épouse [S] aux dépens avec faculté de recouvrement direct au profit de la SCP Chauvin de La Roche-Houfani, de maître Briand, de la SELARL Bossu & associés, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
- Condamné Madame [J] épouse [S] à verser à la société Bontournon la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamné Madame [J] épouse [S] à verser à la société Macif la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamné Madame [J] épouse [S] à verser à la société Bonpoint rive droite la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Débouté la caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
- Débouté l'établissement public centre hospitalier [17] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
- Dit ne pas faire droit à l'exécution provisoire.
Madame [S] a interjeté appel du jugement le 10 février 2020.
Par ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 29 octobre 2020, Madame [S] demande à la cour, sur le fondement de l'article 1242 alinéa 1er du Code civil (ancien article 1384 alinéa 1er) de :
- Déclarer madame [S] recevable et bien fondée en son appel,
- Infirmer le jugement
Statuant à nouveau :
- Constater que les marches de l'escalier dans lequel madame [S] a chuté étaient glissantes, mal éclairées et étroites,
- Dire et juger que l'escalier présentait un caractère anormal,
En conséquence :
- Dire et juger la société Bontournon, subsidiairement la société Bonpoint rive droite, ou à titre infiniment subsidiaire ensemble les sociétés Bontournon et Bonpoint gardiens de l'escalier,
- Condamner in solidum la société Bontournon et son assureur, la Macif ou subsidiairement la société Bonpoint rive droite ou à titre infiniment subsidiaire les sociétés Bontournon, Macif et Bonpoint rive droite à indemniser intégralement madame [S] de son préjudice ;
- Avant dire droit sur l'indemnisation du préjudice de madame [S] : Désigner tel expert chirurgien orthopédiste,
- Condamner in solidum la société Bontournon et son assureur la Macif, subsidiairement la société Bonpoint rive droite ou, à titre infiniment subsidiaire in solidum les sociétés Bontournon, Macif, et Bonpoint rive droite à verser à madame [S] :
- Une indemnité provisionnelle de 100 000 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice,
- Une provision ad litem de 3 000 euros,
- une indemnité de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens et dire qu'ils seront recouvrés par maître Henry, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
- Surseoir à statuer sur l'indemnisation définitive de madame [S].
Par ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 16 janvier 2023, la Macif, assureur de la société Bontournon, demande à la cour de :
- Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
- Condamner Madame [J] épouse [S] à verser à la Macif une somme complémentaire au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure devant la cour de 5 000 euros outre les entiers dépens devant la cour distraits au profit de maître Baechlin,
Subsidiairement,
- Donner acte à la Macif de ce qu'elle ne s'oppose pas à la désignation d'un expert médical aux fins d'examen de Madame [J] épouse [S] avec une mission Dintilhac,
- Limiter la provision à valoir sur le préjudice corporel de Madame [S] à la somme de 9 000 euros,
Vu les dispositions de l'article 909 et 954 du code de procédure civile,
- Débouter la CPAM du Morbihan de ses demandes provisionnelles en l'absence de saisine de la cour d'une critique du jugement,
A titre infiniment subsidiaire,
- Surseoir à statuer sur la demande de la CPAM du Morbihan au titre de ses réclamations provisionnelles dans l'attente du rapport d'expertise,
- Débouter en tout état de cause le Centre hospitalier [17] de sa réclamation au titre des pertes financières liées à la période d'inactivité de Madame [S], ce dernier ne justifiant pas d'un quelconque préjudice et d'une perte subie,
- Limiter les réclamations au titre de la provision ad litem, de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens, au profit de Madame [S] et de la CPAM du Morbihan,
- Débouter le Centre hospitalier [17] de sa réclamation au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens,
- Déclarer irrecevable la demande de garantie de la société Bonpoint rive droite à l'encontre de la Macif en application de l'article 564 du code de procédure civile et subsidiairement en application des articles 909 et 910-4 du code de procédure civile,
- Condamner la société Bonpoint rive droite à garantir la Macif des éventuelles condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre.
Par ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 18 janvier 2023, la société Bonpoint rive droite demande à la cour de :
A titre principal :
- Confirmer le jugement rendu le 17 décembre 2019 en toutes ses dispositions,
En conséquence,
- Débouter Madame [S] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
- Déclarer irrecevables les demandes de la CPAM du Morbihan et l'en débouter,
- Constater que le Centre hospitalier [17] n'a déposé aucune conclusion en cause d'appel et juger qu'il sollicite dès lors la confirmation du jugement conformément à l'article 954 du code de procédure civile,
- Débouter le Centre hospitalier [17] de toutes demandes qui pourraient être formulées à son encontre,
A titre subsidiaire, et en cas de réformation du jugement rendu,
- Juger que la société Bonpoint rive droite, n'a pas la qualité de gardien de la chose litigieuse du fait du transfert de garde intervenu en raison du contrat de sous location signé entre la société Bonpoint rive droite et la société Nanashi Tournon ainsi que de l'usage exclusif de l'escalier objet du litige, par le restaurant Nanashi,
En conséquence,
- Prononcer la mise hors de cause pure et simple de la société Bonpoint rive droite, n'ayant pas la qualité de gardien de l'escalier litigieux duquel Madame [S] a chuté, ne pouvant ainsi voir, à quelque titre que ce soit, sa responsabilité engagée,
-Débouter Madame [S] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions formulées à son encontre,
A titre infiniment subsidiaire, en cas de réformation du jugement rendu, statuant de nouveau :
Sur la demande d'expertise judiciaire :
- Prendre acte des protestations et réserves de la société Bonpoint rive droite sur la demande de désignation d'un expert orthopédiste qui aura pour mission de déterminer les seuls préjudices directement imputables à l'accident du 24 janvier 2013,
Sur la demande de provision :
-Rejeter la demande de provision à hauteur de 100 000 euros formulée par Madame [S], à titre d'indemnisation, compte tenu des contestations sérieuses existantes tant sur la réalité des préjudices invoqués, que sur leur lien avec les faits ainsi que sur leur quantum, insuffisamment justifié,
-Ramener à de plus justes proportions la demande de Madame [S] étant précisé que le montant la demande de provision versée ne saurait excéder la somme de 15 000 euros, à valoir sur l'indemnisation définitive des préjudices en lien avec l'accident du 24 janvier 2013,
En conséquence,
-Limiter la provision à la somme de 15 000 euros au regard des pièces versées au débat et des contestations existantes,
-Surseoir à statuer sur l'indemnisation définitive de Madame [S] dans l'attente du rapport d'expertise judiciaire sollicité,
-Condamner la société Bontournon, exploitante du restaurant Nanashi, en sa qualité de gardienne de la chose litigieuse à l'origine du dommage et partant son assureur la Macif, à relever et garantir la société Bonpoint rive droite de toute éventuelle condamnation qui serait prononcer à son encontre,
-Déclarer irrecevable la Macif en son appel en garantie à l'égard de la société Bonpoint rive droite
-Débouter la Macif de toutes ses demandes formulées à l'égard de l'exposante,
En tout état de cause,
-Rejeter les demandes formulées par Madame [S] à l'encontre de l'exposante tant au titre de la provision de 3 000 euros ad litem que de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de 6 000 euros injustifiée,
-Déclarer irrecevables les demandes de la CPAM du Morbihan et du Centre hospitalier [17] et les en débouter,
-Débouter la CPAM du Morbihan et le Centre hospitalier [17] de toutes demandes qui seraient formulées à l'encontre de l'exposante en l'état injustifiées et dont le lien avec les faits litigieux n'est pas établi,
-Condamner la partie succombante à verser à la société Bonpoint rive droite la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de maître Briand, avocat au barreau de Paris.
Par ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 6 août 2020, la CPAM du Morbihan demande à la cour de :
- Dire et juger que la CPAM du Morbihan qu'elle s'en rapporte à justice sur les mérites de l'appel interjeté,
Pour le cas où l'appel serait accueilli,
- Condamner solidairement la Société Bontournon et la SAS Bonpoint rive droite et la Macif à lui verser, à due concurrence de l'indemnité réparant l'intégrité physique de la victime, la somme de 14 407,73 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la demande, toutes réserves étant faites pour les prestations non connues à ce jour et pour celles qui pourraient être versées ultérieurement.
- Condamner tous succombants solidairement à prendre en charge les dépens d'appel dont recouvrement au profit de la SELARL Bossu et associés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
- Condamner tous succombants solidairement à verser à la CPAM du Morbihan la somme de 3 000 euros, par application de l'article 700 du code de procédure civile.
L'établissement Public centre hospitalier [17] a constitué avocat mais n'a pas fait déposer de conclusions en son nom.
La société Bontournon, assignée selon PV de recherche de l'article 659 du code de procédure civile n'a pas constitué avocat.
Selon l'huissier de justice, la société serait radiée depuis le 1er octobre 2019.
Les sociétés Mutuelle Alméryss, assignée à personne et la Caisse des dépôts et consignations, assignée à l'étude de l'huissier de justice, n'ont pas constitué avocat.
Le présent arrêt est rendu par défaut.
La clôture a été prononcée le 1er février 2023.
MOTIFS
Sur l'action en responsabilité :
Madame [S] fait valoir :
- qu'il résulte des attestations de 4 personnes l'accompagnant et des avis publiés sur internet que l'escalier étroit (1 mètre) et sinueux dans lequel elle est tombée n'était pas équipé de rambarde à droite, était d'un accès peu pratique, peint et de ce fait glissant, dépourvu de plaques antidérapantes, de délimitation et d'éclairage spécifique,
- que sa conformité aux préconisations réglementaires, qui résulte d'un seul rapport amiable, est insuffisante pour exclure sa dangerosité d'autant qu'il s'agit d'un établissement accueillant du public,
- que de ce fait, il présentait un caractère anormal.
La société Bonpoint rive droite réplique que :
- Madame [S] ne démontre pas le rôle actif joué par l'escalier dans sa chute (absence de constat d'huissier ou de rapport d'expertise),
- l'expertise technique de COEXAR établie à la demande de la MACIF, met en évidence son absence de défectuosité et de dangerosité,
- il était bien éclairé en haut par une applique et en bas par la lumière du restaurant,
- elle a manqué d'attention, raté une marche et chuté.
La MACIF soutient que l'anormalité de la chose n'est pas établie, qu'une peinture brillante n'équivaut pas à glissante, qu'elle rend l'escalier lumineux et que sa chute n'est due qu'à un défaut d'attention.
Sur ce,
A titre liminaire, il convient de préciser que le rapport cité par les intimés émane d'une société de conseil expertise en architecture COEXAR. Cette expertise, non réalisée contradictoirement, a été demandée par la société Macif, assureur de la société Bontournon. Elle a été soumise à la discussion contradictoire des parties dans le cadre de la procédure judiciaire. Aucun autre avis technique n'est produit par Madame [S] qui n'a sollicité aucune expertise judiciaire.
En application de l'article 1384, alinéa 1er, du code civil, dans sa version applicable à l'espèce antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, devenu l'article 1242, alinéa 1er, du même code, on est responsable du dommage causé par les choses que l'on a sous sa garde mais une chose inerte peut être l'instrument du dommage seulement si la preuve qu'elle occupait une position anormale ou qu'elle était en mauvais état est rapportée.
Madame [S] ne se réfère dans ses écritures à aucun texte précis au sujet de la législation en vigueur dans des établissements accueillant du public concernant les escaliers, législation qui selon elle n'aurait pas été respectée.
Elle vise dans ses conclusions et verse en pièce 10.12 un document intitulé ' normes législation et juridiction' issu d'un site escaliers-echelle-européenne.com qui mentionne comme source http//vosdroits.service -public.fr-http:// www.legifrance.fr.
Elle reprend également dans ses conclusions certaines normes citées par cet article pour soutenir l'absence alléguée de conformité à la réglementation de l'escalier.
Ce document intitulé ' normes législation et juridiction' mentionne en page 3 l'article 7 de l'arrêté du 1er août 2006 fixant les dispositions prises pour l'application des articles R. 111-19 à R. 111-19-3 et R. 111-19-6 du code de la construction et de l'habitation relatives à l'accessibilité aux personnes handicapées des établissements recevant du public et des installations ouvertes au public lors de leur construction ou de leur création, texte qui prévoit des caractéristiques pour les escaliers des établissements destinés à accueillir du public.
L'article 1 de cet arrêté dispose que « les dispositions architecturales et les aménagements propres à assurer l'accessibilité des établissements et installations construits ou créés par changement de destination, avec ou sans travaux, doivent satisfaire aux obligations définies aux articles 2 à 19 ».
Sont donc concernés par cet arrêté des établissements et installations construits ou créés par changement de destination et non des installations antérieures à cet arrêté.
Il n'est pas démontré que ces dispositions soient applicables en l'espèce, l'escalier mentionné dans le contrat de sous-location au bénéfice de la société Bontournon préexistant à l'ouverture du restaurant et la boutique de la SAS Bonpoint rive droite au sein duquel il est situé ayant été depuis son ouverture antérieure à l'arrêté (bail du 30 juin 2005) destinée à accueillir du public et dès lors n'ayant pas changé de destination.
Ce document mentionne également l'arrêté du 25 juin 1980 portant approbation des dispositions générales du règlement de sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public (ERP) sans se référer à aucun article précis de ce texte. L'appelante ne justifie pas des dispositions qui seraient applicables au cas présent.
Il se réfère enfin à la norme P01-012 qui concerne le garde-corps qui n'est pas ici en cause.
La preuve d'une non-conformité à la réglementation de l'escalier n'est dès lors par rapportée par Madame [S].
Au soutien de son allégation du caractère anormal de l'escalier dans lequel elle est tombée, Madame [S] verse plusieurs attestations.
Madame [C], dans une attestation en date du 31 janvier 2013, fait état d'un escalier 'd'une quinzaine de marches, peintes et étroites' et que 'l'escalier n'est pas équipé d'une rambarde à droite'. Sur les circonstances de la chute, elle précise que Madame [S] ' en descendant cet escalier a glissé, a raté une marche puis les suivantes et est tombée tout en bas'.
L'absence de rambarde à droite au regard de l'étroitesse de l'escalier (1,07 m selon le rapport technique COEXAR), n'est pas suffisante pour qu'il en résulte une anormalité.
Il n'est rapporté la preuve par Madame [S] d'aucune norme technique réglementaire ou législative applicable en l'espèce qui imposerait d'installer deux rambardes dans cette configuration, le rapport technique COEXAR concluant pour sa part que la largeur de l'escalier n'excédant pas la valeur de deux unités de passage (1m40)' il n'existe aucune obligation d'installer une main-courante de chaque côté de la volée'.
Madame [D], par attestation du même jour, mentionne l'absence de démarcation des contremarches et indique que la peinture grise au sol le rend 'particulièrement glissant'. Elle précise concernant les circonstances de la chute de Madame [S] 'à la 5ième marche, elle a glissé et n'a pas réussi à se rattraper'.
Cependant la démarcation mentionnée dans cette attestation résulte nécessairement et suffisamment du contraste entre l'ombre et la lumière et il n'est rapporté la preuve par l'appelante d'aucune exigence technique particulière concernant la démarcation des contremarches.
La peinture gris clair selon les photos annexées au rapport COEXAR ou en pièce 10.9 de l'appelante de l'escalier en améliore la luminosité sans que pour autant il résulte du seul fait que les marches soient peintes qu'il soit glissant.
Madame [G] dans son attestation en date du 3 février 2013 décrit 'de petites marches peintes et glissantes sans plaques antiglissement sans éclairage spécifique'. Elle précise que l'escalier comportait une vingtaine de marches et que Madame [S] est tombée à la 5 ème marche.
Il n'est rapporté la preuve par Madame [S] d'aucune réglementation en vigueur à la date des faits qui imposerait l'installation d'un système anti-dérapant sur les marches de cet escalier.
Concernant son éclairage, le rapport COEXAR, non contredit par un constat technique versé par l'appelante, précise que les marches du haut sont éclairées par une applique ' placée au-dessus de la 5ième marche' et celles du bas par la lumière du restaurant. La chute étant intervenue dès la 5ième marche selon le témoin, Madame [S] bénéficiait donc de l'éclairage direct de l'applique.
L'attestation de Madame [N] ne répond pas aux exigences de l'article 202 du code de procédure civile en ce qu'elle ne mentionne pas les liens de parenté ou d'alliance, de collaboration ou de communauté d'intérêts avec Madame [S], ni qu'elle est établie en vue de sa production en justice et que son auteur a connaissance qu'une fausse attestation de sa part l'expose à des sanctions pénales.
De plus elle est imprécise mentionnant un 'accès peu pratique car présentant une pente accusée'.
Concernant le caractère pentu de l'escalier, il résulte des constatations techniques de COEXAR contredites par aucune autre expertise technique que la pente n'excédait pas 34%, qu'une pente normalement admise pour un escalier intérieur doit être comprise entre 20 et 40 % ce dont il se déduit qu'il n'était pas excessivement pentu.
Madame [S] produit également des extraits de blogs au soutien de son argumentation. Ceux-ci n'ont pas la valeur d'une attestation, son auteur n'ayant pas connaissance de sa destination à savoir sa production en justice ; l'identité précise de leurs auteurs n'est pas connue et dès lors ces blogs pourraient émaner d'un proche ou de la victime elle-même. Ils seront écartés par la cour.
Madame [S] produit un article du Figaro.fr du 2 septembre 2009 donc antérieur de plusieurs années à sa chute qui mentionne ' un escalier qui dégringole' ce qui est insuffisant pour caractériser son anormalité alors qu'il a été vu plus haut qu'il n'était pas excessivement pentu.
Il résulte également du rapport technique de COEXAR que les marches ne présentaient aucune irrégularité de surface, ni déformation, ni trace d'usure.
Dès lors il n'est pas démontré par Madame [S], qui ne formule aucune demande d'expertise judiciaire et qui a la charge de la preuve, l'anormalité ou le mauvais état de l'escalier et dès lors qu'il ait été l'instrument de son dommage au sens de l'article 1384 alinéa 1er du code civil précité.
La décision déférée est confirmée en ce qu'elle a débouté Madame [S] ainsi que la CPAM du Morbihan de l'ensemble de leurs demandes.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
La décision déférée est confirmée en ce qui concerne les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.
Madame [I] [J] épouse [S] est condamnée aux dépens d'appel qui seront recouvrés par les conseils des parties adverses conformément aux dispositions de l 'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer à la société Bonpoint rive droite et à la société MACIF la somme de 2 000 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La CPAM du Morbihan est déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Confirme la décision entreprise,
Y ajoutant,
Condamne Madame [I] [J] épouse [S] à verser à la société Bonpoint rive droite et à la société MACIF une indemnité de 2 000 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Madame [I] [J] épouse [S] aux dépens de l'appel qui seront recouvrés par les conseils des parties adverses conformément aux dispositions de l 'article 699 du code de procédure civile,
Déboute la CPAM du Morbihan de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties de toutes demandes plus amples ou contraires.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,