Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 7
ARRET DU 06 AVRIL2023
(n° , 2 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/08556 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAN5B
Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Juillet 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 15/05103
APPELANTE
Société SOCIETE AIR FRANCE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Noémie CAUCHARD, avocat au barreau de PARIS
INTIME
Monsieur [F] [I]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté par Me Nadia TIAR, avocat au barreau de PARIS, toque : G0513
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre
Madame Guillemette MEUNIER, présidente de chambre
Monsieur Laurent ROULAUD, conseiller
Greffier, lors des débats : Madame Marie-Charlotte BEHR
ARRET :
- CONTRADICTOIRE,
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre et par Madame Marie-Charlotte BEHR, Greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROC''DURE ET PR''TENTIONS DES PARTIES
M. [I] a été engagé par la société Air France à compter du 19 septembre 1998 en qualité de personnel navigant commercial par contrat à durée indéterminée.
Les relations contractuelles étaient soumises à la convention d'entreprise du personnel navigant commercial.
Par courrier en date du 13 juin 2014, M. [I] a sollicité un congé de solidarité familiale afin d'assister son grand-père en fin de vie, auquel était joint un certificat médical attestant que le pronostic vital de ce dernier était engagé.
Par courrier en date du 20 juin 2014, la société Air France a notifié au salarié une autorisation d'absence dans le cadre de ce congé du 13 juin au 31 août 2014.
Par courrier en date du 23 juillet 2014, M. [I] a sollicité une prolongation de 3 mois de son congé de solidarité familiale.
Par courrier en date du 4 août 2014, la société Air France lui a demandé un certificat médical attestant que le pronostic vital de son ascendant était toujours engagé.
M. [I] a alors adressé à son employeur un certificat médical au nom du docteur [J] en date du 8 août 2014.
Par courrier en date du 18 août 2014, la société Air France a sollicité auprès de M. [I] l'original de ce certificat et a également écrit au docteur [J] afin de s'assurer de l'authenticité du document. Par courrier en date du 3 septembre 2014, le docteur [J] a indiqué à la société Air France 'ne pas être l'auteur du certificat du 8 août 2014 et du certificat non daté mentionnant un nommé [W] [B] ('.)'.
Après vérifications, il est apparu que les funérailles de M. [B] avaient eu lieu le 20 juin 2014 et qu'il était décédé le 14 juin 2014.
Le 9 septembre 2014, la société a convoqué M. [I] à un entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire de second degré (pouvant aller jusqu'au licenciement).
Concomitamment, les délégués du personnel ont été informés le 19 septembre 2014.
L'entretien préalable s'est déroulé le 3 octobre 2014. Au cours de cet entretien, M. [I] a reconnu avoir établi un faux certificat médical.
Conformément à son règlement intérieur, la société Air France a réuni un conseil de discipline qui s'est tenu le 14 novembre 2014.
Le 26 novembre 2014, la société Air France a notifié à M. [I] son licenciement pour faute grave.
A la suite de son recours gracieux, la société Air France a, le 26 décembre 2014, confirmé le licenciement pour faute grave au motif de la production d'un faux certificat médical en août 2014 pour obtenir un congé de solidarité familiale.
Contestant son licenciement, M. [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny, le 26 novembre 2015.
Par jugement en date du 4 juillet 2019, le conseil de prud'hommes a :
- requalifié le licenciement pour faute grave, notifiée par la société Air France le 26 décembre 2014 en licenciement pour cause réelle et sérieuse, |
- condamné la société à verser à M. [I] les sommes suivantes :
4485,86 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis
448 euros au titre des congés payés afférents à l'indemnité de préavis
29 923,93 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement
- débouté le salarié de sa demande au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- condamné la société à lui payer la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rappelé que les créances de nature salariale porteront intérêts de droit à compter de la date de réception par la société de la convocation devant le bureau de conciliation, soit au 01 décembre 2015,
- condamné la société aux dépens.
La société Air France a interjeté appel de cette décision.
Par conclusions du 6 juillet 2020, la société Air France demande à la cour, par infirmation du jugement, de :
A titre principal,
- juger que le licenciement de M. [I] pour faute grave est justifié et en conséquence le débouter de l'ensemble de ses demandes ;
En tout état de cause :
- condamner M. [I] à lui payer la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouter M. [I] des demandes formées au titre de son appel incident ;
- laisser à sa charge les éventuels dépens.
Par conclusions du 28 décembre 2022, M. [I] demande à la cour de :
- débouter la société Air France de son appel et, statuant à nouveau sur son appel incident de :
- le déclarer recevable et bien fondé en ses demandes, confirmer la décision dans son principe mais, statuant sur son appel incident, infirmant le jugement, de juger que son licenciement ne reposait pas sur une faute grave,
En conséquence,
A titre principal :
- juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- condamner la société Air France au paiement des sommes suivantes :
indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 22.000 euros,
indemnité de licenciement : 29 923,93 euros,
indemnité de préavis : 4.485,86 euros,
congés payés : 448 euros,
A titre subsidiaire :
- juger que le licenciement ne repose pas sur une faute grave,
- condamner la société Air France au paiement des indemnités de rupture suivantes :
indemnité de licenciement : 29 923,93 euros,
indemnité de préavis : 4.485,86 euros,
congés payés : 448 euros,
En toute hypothèse :
- condamner la société Air France au paiement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner l'employeur au paiement des intérêts au taux légal,
- condamner, enfin, l'employeur aux entiers dépens d'instance.
Pour un exposé des moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions transmises par la voie électronique.
L'instruction a été déclarée close le 4 janvier 2023.
MOTIFS
Sur la rupture du contrat
La société Air France expose que M. [I] a produit un faux certificat médical, afin de solliciter un congé de solidarité familiale pour une durée de trois mois, ce qu'il a reconnu lors de son entretien préalable en date du 3 octobre 2014 ; que le salarié a reçu un rappel à la loi par l'officier de police judiciaire pour ces faits ; que le professionnalisme dont le salarié se revendique ne remet pas en cause son comportement et enfin que de son propre aveu il avait déjà falsifié un certificat médical en 2011.
Le salarié, qui reconnaît les faits reprochés et commis en 2014, rétorque que les relations contractuelles se sont déroulées durant plus de 16 années à la satisfaction des clients et de son employeur et que la mesure de licenciement est disproportionnée. Il expose qu'informé le 12 juin 2014 de l'état de santé critique de son grand-père, dont il était la personne de confiance, il a, le 13 juin 2014, sollicité auprès de son employeur un congé de solidarité familiale, jusqu'au 31 août 2014 pour l'accompagner dans sa fin de vie ; qu'à la suite du décès de celui-ci intervenu le 14 juin 2014, il a dû gérer non seulement les formalités administratives mais aussi l'état de santé dégradé de sa mère ; que le 1er septembre 2014, il a repris son poste, conscient de son moment d'égarement comme il l'a indiqué à son employeur dans une lettre du 9 décembre 2014 et précisant que durant ce congé son contrat de travail était suspendu et n'avait donc entraîné aucun coût financier pour l'entreprise ou la sécurité sociale.
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. L'employeur doit rapporter la preuve de l'existence d'une telle faute, et le doute profite au salarié.
M. [I] a été licencié pour faute grave pour avoir établi un faux certificat médical en août 2014 pour obtenir un congé de solidarité familiale.
La matérialité des faits est reconnue par le salarié et la lettre de licenciement fixant les termes du litige, l'employeur ne peut utilement invoquer dans ses conclusions un autre fait datant de 2011 pour fonder sa décision.
Les faits commis par le salarié en août 2014, qui reçoivent la qualification pénale de faux et usage de faux, caractérisent un comportement fautif et une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Toutefois, ils ne rendaient pas impossible le maintien du salarié au sein de l'entreprise, étant relevé le contexte particulier dans lequel les faits ont été commis, l'ancienneté de 16 années de M. [I] et la justification que jusqu'alors il avait donné entière satisfaction à la société Air France, comme en attestent les courriers de clients et de son employeur versés aux débats.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse.
Le jugement sera également confirmé sur les sommes allouées au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents et de l'indemnité conventionnelle de licenciement, non discutées quant à leur montant par l'appelante et qui ont été calculées sur la base du salaire moyen et en application de l'article 3.4.4 de la convention d'entreprise du personnel navigant commercial et de l'article L. 1234-5 du code du travail.
Il sera toutefois précisé que les sommes allouées au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents sont exprimées en brut.
Sur les demandes accessoires
La société Air France qui succombe supportera les dépens et devra participer aux frais irrépétibles engagés par le salarié à hauteur de 1 000 euros.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions, sauf à préciser que les sommes allouées au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents sont exprimés en brut,
CONDAMNE la société Air France à verser à M. [I] la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société Air France aux dépens.
La greffière, La présidente.