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05/04/2023 | FRANCE | N°21/03100

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 05 avril 2023, 21/03100


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRET DU 05 AVRIL 2023



(n° 2023/ , 19 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/03100 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDOGX



Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Février 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 15/07575





APPELANTE



Madame [L] [K] divorcée [Z]

[Adresse 1]

[L

ocalité 2]



Représentée par Me Valérie LEMERLE, avocat au barreau de PARIS, toque : P 011



INTIMÉE



S.A.S. ACHATS ECHANGES COMPENSATION (AEC) aux droits de la société BESTMAR...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRET DU 05 AVRIL 2023

(n° 2023/ , 19 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/03100 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDOGX

Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Février 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 15/07575

APPELANTE

Madame [L] [K] divorcée [Z]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Valérie LEMERLE, avocat au barreau de PARIS, toque : P 011

INTIMÉE

S.A.S. ACHATS ECHANGES COMPENSATION (AEC) aux droits de la société BESTMARQUES

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Charles TORDJMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : B0783

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 février 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre

Madame Nadège BOSSARD, Conseillère

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES

Mme [L] [K] divorcée [Z] a créé en 2005 la société Alternative diffusion (SARL) qui, sous l'enseigne Fashion Privilège, avait pour activité la vente à distance d'articles sur catalogue spécialisé par le biais de ventes privées sur internet.

La société Alternative diffusion avait depuis 2011 une filiale, la société AD2 (SARL), créée pour procéder à l'acquisition des actifs « Surinvitation.com » cédés dans le cadre d'une procédure collective.

La société Achat Echange Compensation (AEC), est une agence de publicité dont la filiale la société Bestmarques (SAS) a pour objet la vente à distance sur catalogue général, notamment par le biais de ventes privées.

Par protocole d'accord du 3 septembre 2014, Mme [K] et son associé, M. [Z], ont convenu avec la société Bestmarques et la société AEC :

- de fixer le prix de cession des parts sociales de Mme [K] et de son associé dans le capital de la société Alternative diffusion, à la somme de 200 000 € ;

- de la signature des actes de cession au plus tard le 22 septembre 2014 ;

- de la signature concomitante d'une convention de garantie d'actif et de passif, couvrant les risques fiscaux et sociaux des sociétés Alternative diffusion et AD2, la sincérité des comptes arrêtés au 31 décembre 2013, comportant déclaration d'absence de fait impactant les activités et le patrimoine des sociétés en 2014 et garantissant que la trésorerie nette des sociétés n'est pas déficitaire de plus de 190.000 € à la date du 22 septembre 2014, comportant une interdiction de réinstallation et de concurrence  ;

- de la transmission universelle des sociétés cédées, la société Alternative diffusion et la société AD2 au sein de la société Bestmarques.

En exécution du protocole précité les parts de la société Alternative diffusion et de la société AD2 ont été cédées à la société Bestmarques.

Les parties ont également conclu le 26 septembre 2014 un accord complémentaire au protocole d'accord du 3 septembre 2014, aux termes duquel ont été précisés :

- Le statut de présidente de la société Bestmarques de Mme [K] ;

- L'interdiction faite à Mme [K] d'émettre des chèques de plus de 10 000 €.

Les cessionnaires de la société Alternative diffusion et de la société AD2 ont enfin conclu, au bénéfice de la société Bestmarques, une convention de garantie d'actif et de passif.

La société AEC et Mme [K] ont régularisé la signature de son contrat de travail en qualité de directrice marketing, commerciale et technique de l'activité e-commerce de la société AEC, catégorie cadre, classification 3.4. selon les dispositions de la convention collective de la publicité, moyennant une rémunération annuelle brute de 85.000 € payable sur 12 mois, une clause d'exclusivité de service à l'exception de 5% de son temps qu'elle pourrait réserver au développement de la société MONEXPRESSO (article 3) ainsi qu'une indemnité de rupture (article 9).

Suite à l'acquisition, les sociétés Alternative diffusion et AD2 ont fait l'objet, le 31 décembre 2014, d'une transmission universelle de patrimoine au profit de la société Bestmarques.

Par lettre notifiée le 27 avril 2015, Mme [K] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 20 mai 2015.

Mme [K] a ensuite été licenciée pour faute grave par lettre notifiée le 13 juin 2015 ; la lettre de licenciement indique :

« Par lettre recommandée du 24 avril 2015, remise en mains propres le 27 avril, nous vous avons convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour faute grave, avec une mise à pied conservatoire.

Cet entretien, auquel vous vous êtes faite assister par Monsieur [H] [J] s'est déroulé le 20 mai 2015 et je vous rappelle les faits qui vous sont reprochés :

Par actes des 3 et 26 septembre 2014 et sur présentation des comptes de vos sociétés arrêtés au 31 décembre 2013, sur-lesquels vous avez indiqué qu'il n'y avait pas eu d'éléments significatifs entre le 31 décembre 2013 et le 26 septembre 2014 susceptibles d'affecter négativement ces comptes, vous nous avez cédé la totalité des parts que vous déteniez dans le capital de la Société ALTERNATIVE DIFFUSION, moyennant un prix de 200.000 €, le remboursement de la dette des fournisseurs de cette société à hauteur de 190.000 €, un mandat social et un contrat de travail.

Le protocole organisant cette cession de parts définissait :

- votre nomination comme Présidente de la Société BESTMARQUES, filiale de la société AEC,

- votre rôle et vos obligations en tant que salarié chez ABC, responsable des activités e-commerce BESTMARQUES, SURINVITATION et FASHION PRIVILEGE

- la conclusion d'un contrat de travail avec la Société ABC, en qualité de Directrice Marketing, Directrice Commerciale et Directrice Technique e-commerce,

Ces actes formaient un ensemble contractuel,

Le contrat de travail prévoyait que Vous vous engagiez à développer les activités e-commerce et que vous réserviez l'exclusivité de vos services à la société AEC (à l'exception de 5% pour votre activité Monexpresso),

L'accord signé le 26 septembre 2014 précisait aussi que la mise en 'uvre pour des événements significatifs de la garantie d'actif et de passif ou le défaut de signalement par vos soins d'événements significatifs susceptibles d'entraîner la mise en 'uvre de la garantie d'actif et de passif, serait non seulement une cause légitime de la fin de votre mandat social, mais également de votre contrat de travail.

Or, nous avons constaté :

1°/ Tromperie et fourniture de fausses informations

a) lors de la signature des actes de cession et de votre contrat de travail

Votre contrat de travail n'aurait pas été conclu, ni l'achat de vos sociétés, ni aucune des autres conventions signées si vous nous aviez présenté une situation exacte de la société cédée, ce qui n'a pas été le cas:

- les chiffres présentés pour 2013 mentionnent des résultats pratiquement à l'équilibre alors qu'il manque des provisions sur stock non comptabilisées, des factures enregistrées seulement en 2014 alors qu'elles concernent l'activité 2013, des remboursements clients non effectués restant sans réponse de votre part malgré leurs réclamations, tout cela pour un montant supérieur à 190 000 €, portant la perte de l'exercice 2013 à près de 200 000 € (au lieu de 3 520 €).

- vous avez indiqué dans tous les actes de cession qu'il n'y avait pas eu d'éléments significatifs entre le 31 décembre 2013 et le 26 septembre 2014 susceptibles d'affecter négativement des comptes. Or le chiffre d'affaires réalisé au cours des mois d'avril 2014 à septembre 2014 (avant la signature des actes), avait chuté de près de 50 % par rapport

aux mêmes mois de l'année 2013 et vos résultats 2014 se présentaient déjà en très fortes pertes au 26 septembre 2014.

- de même, le nombre d'adresses mails valides est inexact alors que ce nombre est déterminant dans une société de ventes sur internet dont le prix et la pérennité sont conditionnés par cette information essentielle ; vous nous avez déclaré un total de 1.020.000 mails valides sur Fashion Privilèges et Surlnvitation alors que notre prestataire Activsoft a fait état récemment d'un nombre de mails valides à cette date de 520.000 (Activsoft travaille avec vous depuis près de 10 ans).

b) depuis la signature de votre contrat de travail

- en dépit de demandes réitérées, vous ne nous avez transmis les pièces comptables et les bilans 2014 qu'à la mi-avril 2015 alors que notre cabinet comptable vous les avait réclamés à de nombreuses reprises. Vous avez indiqué avoir été retardée au prétexte de difficultés avec votre comptable tout en sachant qu'une partie de la garantie de passif devait être mise en 'uvre au plus tard le 31 décembre 2014.

Lors de la remise de ces bilans, nous avons découvert plus de 160 000 € de pertes sur l'exercice 2014 avec une très forte baisse de C.A. sur 2014 et de très nombreuses anomalies qui augmentent encore le montant de ces pertes.

- Nous avons constaté plus de 45.000 € de factures concernant l'exercice 2014, non comptabilisées dans les comptes que vous avez présentés,

Vous n'avez pas provisionné la valeur de vos stocks alors que vous connaissiez parfaitement le besoin de provision à hauteur minimum de 50 000 €.

2°/ Incurie, délibérée ou non, dans la gestion de votre activité

- Émission de plusieurs chèques supérieurs à 10.000 €, sans contre signature alors qu'il était prévu un contrôle de ma part, en violation de l'article 4 al. 4 de la convention signée entre vous, la Société BESMARQUES, la société AEC le 26 septembre 2014.

Il est apparu que vous aviez émis seule, 14 chèques de plus de 10.000 € chacun, représentant un montant total de 193.351,44 € entre le 1er octobre 2014 et le 26 mars 2015, pour des factures concernant les activités AD et AD2.

Plusieurs de ces chèques, concernent des paiements faits à la société LOG 13 et nous avons constaté l'existence d'un écart très important et inexplicable entre le total des frais de transport que vous avez payés à LOGl3, qui s'établit à 141.603,57 €, et ces mêmes frais de transport refacturés, en principe au même prix, aux clients, représentant une somme de 89.045 €. Comment expliquez-vous laisser passer une telle perte pour la société alors que toute analyse et contrôle des factures avant leur paiement justifié par une double signature des chèques, nous aurait permis soit de renégocier les tarifs avec LOG13 soit d'ajuster les tarifs de transport réclamés aux Internautes.

- défaut de suivi du SAV : la base client des sites Internet ne peut exister que si les commandes sont livrées en temps et si nous répondons aux questions des clients. Or, la date de votre mise à pied, il y avait plus de 2000 questions clients non traitées en SAV chez AD et chez AD2, causant un préjudice très grave à la société ; ce non traitement du SAV expliquant la baisse de 50% du CA chaque mois. Nous avons d'autre part constaté récemment un nombre incroyable de commandes en attente de livraison que vous n'avez ni signalées, ni traitées, laissant ainsi l'activité continuer à se dégrader.

A titre de comparaison, un site comme Bestmarques qui fait le même Chiffre d'Affaire que AD et AD2 a en moyenne moins de 10 questions non traitées à la fin de chaque journée, bien loin des 2000 questions chez AD et AD2. Le SAV du site Bestmarques a heureusement été conservé par les collaborateurs de ce site.

- Absence totale de réactions dans la mise en vente des produits sur le site lorsque des erreurs grossières se présentent ;

- absence de tout rapport d'activité : l'article 1-4 de l'accord signé le 26 septembre 2014 prévoit que constitue un motif légitime de fin du mandat social mais également de rupture de votre contrat de travail et l'article 1.3 du même protocole, indique que vous êtes tenue de présenter tous les 3 mois un rapport sur l'avancement de votre mission. Aucun rapport n'a jamais été présenté.

Vous prétendez avoir « perdu ! » les souches de nombreux carnets de chèques 2014 et n'avez fourni aucune explication à notre comptable, [E] [F], qui vous interrogeait le 7 avril 2015.

Concernant les fournisseurs de service : notre plus gros fournisseur est la Société LOG 13 qui représente 80% des fournisseurs de services en assurant le routage et la livraison de tous les colis.

Outre les paiements sans double signature obligatoire, nous avons constaté une autre anomalie grave avec LOG 13, à savoir un double paiement par virement, en juin 2014, d'une facture de 15.771,63 €, alors qu'une facture de même montant avait été réglée en juillet 2014. Il est impossible d'avoir deux factures identiques compte tenu du caractère aléatoire du nombre et du coût des livraisons. Madame [F], notre comptable, vous a interrogée, à ce sujet, le 14 avril 2015 et n'a reçu aucune réponse de votre part.

Il s'avère d'ailleurs que vous travaillez également avec ce fournisseur pour votre site MonExpresso.

Vous ne suivez ni les factures clients, ni les factures fournisseurs : en dehors des internautes, vous avez essentiellement deux clients : la société e-boutic et la société Natexo.

Concernant e-boutic, vous nous indiquez qu'ils nous doivent plus de 25 000 € en avril 2015 dont une grosse partie date d'avant le 31 décembre 2014. Cette société ne nous paie pas alors que vous continuez à leur livrer des marchandises. Ils attendraient pour nous payer de simples petits avoirs que vous ne leurs faites pas ....

Concernant Natexo, nous n'encaissons rien pour la seule raison que vous ne faites pas les factures que cette société vous demande de faire mensuellement depuis le mois de décembre 2014 (soit 5 mois de retard pour un montant total de + de 18 000 €), alors que vous disposez de toutes les informations pour les faire.

3°/ Violation de vos obligations de non concurrence et d'exclusivité de service

L'article 3 de votre contrat de travail prévoyait que vous vous interdisiez de vous livrer, directement ou indirectement, à un quelconque acte de concurrence déloyale envers la société « à l'exception de 5 % de son temps qu'elle pourra réserver à une société dont elle a des parts et qui se nomme Monexpresso». . .

En outre, le protocole d'accord signé le 3 septembre 2014, rappelait que vous vous interdisiez d'utiliser, dans le cadre de cette activité, les bases de courriels appartenant au groupe BESTMARQUES AEC.

Or, nous avons constaté que l'activité que vous consacrez à votre site Monexpresso représente plus de 20 % de votre activité totale, les 80% restant n'étant que très peu utilisé pour les activités Bestmarques.

De surcroît, nous avons été sidérés de constater que vous aviez utilisé les bases mails du groupe ABC pour assurer une diffusion commerciale de votre site Monexpresso au cours de la semaine du 11 au 17 avril 2015.

Cette situation anormale réalise une violation supplémentaire de votre contrat de travail.

En conclusion, l'accumulation de faits d'une telle gravité, susceptibles d'entraîner un dépôt de bilan, nous oblige à vous notifier, à toute fin et sans préjudice de la nullité de votre contrat de travail, la rupture Immédiate de ce contrat pour faute grave ; l'exécution d'un quelconque préavis étant, compte tenu des circonstances, impossible.

Les explications que vous nous avez présentées au cours de l'entretien préalable n'ont fait que confirmer la gravité des faits qui vous sont reprochés.

(...) ».

A la date de présentation de la lettre recommandée notifiant le licenciement, Mme [K] avait une ancienneté de 8 mois ; sa rémunération mensuelle brute moyenne sur les 3 derniers mois (option la plus favorable) s'élevait à la somme de 7 083,33 € et la société AEC occupait à titre habituel au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.

La société AEC a saisi le 19 juin 2015 le conseil de prud'hommes de Paris pour former les demandes suivantes :

« A titre principal

- Juger qu'[L] [Z] s'est rendue coupable d'un dol

- Prononcer en conséquence la nullité du contrat de travail signé le 26 septembre 2014

- Condamner [L] [Z] à rembourser à la société AEC les sommes de :

- Remboursement des salaires perçus 54 160,59 €

- Remboursement des charges patronales afférentes 17 640,86 €

- Exécution provisoire

A titre subsidiaire

- Juger que le licenciement d'[L] [Z] repose sur une faute grave

- Débouter Madame [L] [Z] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions

- En tout état de cause:

- Article 700 du Code de Procédure Civile 5 000,00 €

- Dépens »

Mme [K] a saisi le 30 juin 2015 le conseil de prud'hommes de Paris pour former les demandes suivantes :

« Demandes reconventionnelles

- Rappeler que la société AEC a été définitivement jugée irrecevable à prétendre à la nullité des actes de cession de part par le Tribunal de commerce de Paris

- En conséquence, rejeter la demande de nullité du contrat de travail

- Dire que le licenciement est privé de cause réelle et sérieuse

- Condamner la société AEC à verser à Madame [Z] les sommes de :

- Indemnité compensatrice de préavis 21 249,99 €

- Indemnité compensatrice de congés payés sur préavis 2 125,00 €

- Rappel de salaires sur mise à pied 11 659,93 €

- Congés payés afférents 1 165,99 €

- Indemnité de garantie d'emploi 194 555,46 €

- Dommages et intérêts pour licenciement abusif 42 499,98 €

- Dommages et intérêts pour conditions vexatoires et brutales de la rupture 21 249,99 €

- Frais de justice irrépétibles 3 000,00 €

- Exécution provisoire

: Ordonner la remise des documents de fin de contrat conformes sous astreinte de 100 € par jour à compter de la notification du jugement ; se réserver le droit de liquider l'astreinte

- Dépens »

Par jugement du 23 février 2021, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes a rendu la décision suivante :

« (...)

Juge qu'il n'y a pas dol.

Confirme la faute grave.

Condamne la SAS ACHATS ECHANGES COMPENSATION (AEC) à payer à Madame [L] [Z] les sommes suivantes :

21 249,99 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

2 125 euros au titre de congés payés afférents

Avec intérêt de droit à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation et jusqu'au jour du paiement

Ordonne à la SAS ACHATS ECHANGES COMPENSATION (AEC) la remise des documents sociaux conformes à la présente décision.

(...)

Déboute Madame [L] [Z] du surplus de ses demandes

Condamne la SAS ACHATS ECHANGES COMPENSATION (AEC) aux entiers dépens. »

Mme [K] a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le 26 mars 2021.

La constitution d'intimée de la société AEC a été transmise par voie électronique le 19 avril 2021.

D'autres contentieux sont intervenus.

Par jugement du 27 juin 2018 assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce de

Paris a :

- prononcé l'irrecevabilité de la société AEC en la présente action ;

- dit que les époux [Z] ne se sont pas rendus coupables de dol lors de la conclusion des conventions avec la société Bestmarques et a débouté en conséquence la société Bestmarques de sa demande d'annulation desdites conventions ;

- débouté la société Bestmarques de sa demande principale en remboursement de 390.000 euros et en paiement de 120.000 euros de dommages-intérêts y afférents et de sa demande subsidiaire de dommages-intérêts de 510.000 euros y afférents ;

- condamné Mme [Z] à payer la somme de 26.429,66 euros et M. [Z] celle de 13.214,83 euros à la société Bestmarques, portant intérêts à 1,5 fois le taux d'intérêt légal en vigueur à compter du jugement, au titre de la convention de garantie d'actif et de passif ;

- débouté la société Bestmarques de sa demande de nouvelle expertise ;

- débouté chacune des parties de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;

- condamné la société Bestmarques aux dépens.

Par arrêt du 14 janvier 2020 rendu sur appel du jugement du tribunal de commerce, la cour d'appel a rendu la décision suivante :

« Infirme le jugement en ce qu'il a prononcé l'irrecevabilité de la société AEC en son action, a condamné Mme [Z] à payer la somme de 26.429,66 euros et M. [Z] celle de 13.214,83 euros à la société Bestmarques, portant intérêts à 1,5 fois le taux d'intérêt légal en vigueur à compter du jugement, au titre de la convention de garantie d'actif et de passif, et a condamné la société Bestmarques aux dépens comprenant les frais d'expertise ;

Le confirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Déclare recevable l'action de la société AEC ;

Condamne Mme [L] [K] divorcée [Z] à payer à la société Achat échange compensation venant aux droits de la société Bestmarques la somme de 32.500 euros avec intérêts contractuels au taux de 1,5 fois l'intérêt légal calculé au jour le jour, à compter du premier jour suivant l'expiration d'une période de trois mois courant à compter du présent arrêt ;

Condamne M. [W] [Z] à payer à la société Achat échange compensation venant aux droits de la société Bestmarques la somme de 17.500 euros, avec intérêts contractuels au taux de 1,5 fois l'intérêt légal calculé au jour le jour, à compter du premier jour suivant l'expiration d'une période de trois mois courant à compter du présent arrêt ;

Fait masse des dépens de première instance comprenant les frais d'expertise, condamne la société AEC à en supporter la moitié et condamne solidairement Mme [L] [K] divorcée [Z] et M. [W] [Z] à en supporter l'autre moitié ;

Y ajoutant,

Ordonne la capitalisation des intérêts à compter du premier jour suivant l'expiration d'une période de trois mois courant à compter du présent arrêt ;

Dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne solidairement Mme [L] [K] divorcée [Z] et M. [W] [Z] aux dépens d'appel. »

L'ordonnance de clôture a été rendue à la date du 6 décembre 2022.

L'affaire a été appelée à l'audience du 6 février 2023.

Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 9 septembre 2021, Mme [K] demande à la cour de :

« Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société AEC de sa demande de nullité du contrat de travail ;

Subsidiairement débouter la société AEC de sa demande de rappel de salaires

Infiniment subsidiairement, condamner la société AEC à verser à Madame [Z] la somme de 71 801,45 € à titre de dommages-intérêts en réparation des prestations qu'elle aura fournies entre le 26 septembre 2014 et le 27 avril 2015

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société AEC à verser à Madame [Z] la somme de 21 249,99 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société AEC à verser à Madame [Z] la somme de 2 125 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ;

Infirmer le jugement entrepris pour le surplus, et, statuant à nouveau :

Dire que le licenciement de Madame [Z] est privé de cause réelle et sérieuse ;

Condamner la société AEC à verser à Madame [Z] les sommes de :

- 11 659,93 € à titre de rappel de salaires sur mise à pied ;

- 1 165,99 € à titre de congés payés sur rappel de salaires ;

Avec intérêts légaux à compter de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation

- 194 555,46 € à titre d'indemnité de garantie d'emploi ;

- 42 499,98 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif ;

- 21 249,99 € à titre de dommages-intérêts pour conditions vexatoires et brutales de la rupture

- 3 000 € au titre des frais de justice irrépétibles ;

Ordonner la remise des documents de fin de contrat conformes sous astreinte de 100 € par jour à compter de la notification du jugement ; se réserver le droit de liquider l'astreinte.

Condamner la société AEC aux dépens. »

Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 9 juin 2021, la société AEC demande à la cour de :

« A TITRE PRINCIPAL

Infirmer partiellement le jugement entrepris.

Juger [L] [Z] s'est rendue coupable d'un dol dans la formation et/ou dans l'exécution du contrat.

Prononcer la nullité du contrat de travail signé le 26 septembre 2014.

Condamner [L] [Z] à rembourser à la société AEC les sommes de :

- 54 160,59 € au titre des salaires perçus

- 17 640,86 € au titre des charges patronales afférentes

SUBSIDIAIREMENT,

Confirmer le jugement en ce qu'il a retenu l'existence d'une faute grave.

TRÈS SUBSIDIAIREMENT

Constater qu'[L] [Z] avait moins d'un an d'ancienneté et ne peut donc prétendre à une indemnité de rupture.

Ramener l'indemnité contractuelle de rupture au montant de l'indemnité légale de licenciement

EN TOUT ETAT DE CAUSE

Condamner [L] [Z] à payer la société AEC la somme de 8 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du CPC.

Condamner [L] [Z] en tous les dépens. »

Lors de l'audience présidée selon la méthode dite de la présidence interactive, le conseiller rapporteur a fait un rapport et les conseils des parties ont ensuite plaidé par observations et s'en sont rapportés pour le surplus à leurs écritures ; l'affaire a alors été mise en délibéré à la date du 5 avril 2023 par mise à disposition de la décision au greffe (Art. 450 CPC)

MOTIFS

Vu le jugement du conseil de prud'hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties auxquelles il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.

Sur la nullité du contrat de travail et les demandes remboursement des salaires et charges patronales

La société AEC soutient que le contrat de travail de Mme [K] est nul au motif que :

1er moyen

- la présentation de comptes inexacts intégrant notamment de factures fournisseurs se rapportant à des prestations antérieures à la cession (représentant pour la seule année 2014 à 273.132,76 €) est établie par l'arrêt de la cour d'appel du 14 janvier 2020

- cette manipulation a déterminé la signature du contrat de travail et le dol s'est ensuite poursuivi pendant l'exécution de ce contrat afin de retarder la découverte des faits

2e moyen

- les comptes de référence de l'année 2013 annexés à la convention de garantie de passif faisant apparaître un résultat équilibré pour les deux sociétés, avec une perte de 3 520 €

- la situation était en réalité loin de l'équilibre financier annoncé par Mme [K] dans les comptes de référence annexés à la garantie de passif, comme cela résulte des écrits mêmes de Mme [K] qui indique en octobre 2014 à son employeur « Le chiffre d'affaires d'Alternative Diffusion s'est établit à 2.450 K€ en 2011 ; 1.807 K€ en 2012 (baisse de 26 %) ; 1.363 K€ en 2013 (baisse de 25 %). Les pertes cumulées sur les trois années sont de 4.000 €, parallèlement, le chiffre d'affaires d'AD2 passait de 3.692 K€ en 2012 (18 mois) à 1.847 K€ en 2013. Les pertes cumulées sur ces deux années se sont élevées à 95.326 €.

La baisse d'activité s'accélère en 2014. Les données 2014 au 30/09/2014 font apparaître une baisse de 40 % par rapport à la même période en 2023. La situation financière s'est alors fortement dégradée, rendant impossible la poursuite de l'activité de manière autonome. Une perte significative est enregistrée tous les mois et la situation de trésorerie nette s'élève à ' 150.000 € en septembre 2014 »

3e moyen

- Mme [K] n'a pas porté à la connaissance des cédants le jugement du 31 mai 2011 et l'absence de régularisation de la cession de la marque SurInvitation constituait une dissimulation intentionnelle

- à la seule fin de favoriser la signature d'un contrat de travail comportant une clause « de parachute doré », Mme [K] a fourni de fausses informations constitutives d'un dol

- la dissimulation d'autres informations, de nature comptable, confirmée par l'expert judiciaire désigné par le tribunal, vient encore corroborer l'existence d'un dol (pièce n° 53)

- la nullité du contrat de travail n'a pas le même objet que celle de l'acte de cession des parts sociales et de la mise en jeu de la garantie d'actif et de passif dont le tribunal de commerce était saisi.

Mme [K] s'oppose à ce moyen de nullité au motif que :

- la société AEC invoque pour seules man'uvres et tromperies les faits d'ores et déjà soumis à la juridiction commerciale et rejetés par elle comme n'étant pas établis, ou non constitutifs d'une volonté des cédants de tromper l'acquéreur

- l'absence de nullité de la cession de parts sociales est définitivement jugée.

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que la société AEC ne démontre pas l'existence de man'uvres dolosives de la part de Mme [K] justifiant l'annulation du contrat de travail ; en effet il ressort de l'arrêt du 14 janvier 2020 sur lequel la société AEC s'appuie pour soutenir que Mme [K] a présenté des comptes inexacts que les factures non comptabilisées en 2013, sont en nombre réduit (10) et que leur montant total (16 006,11 euros HT, soit 0,7 % du montant total des factures fournisseurs de l'exercice) révèle l'absence de tout impact significatif sur le résultat de l'exercice et l'absence de toute intention dolosive de la part de Mme [K] ; en outre les seuls éléments invoqués par la société AEC à l'appui du 2e moyen ne sont pas de nature à démontrer que Mme [K] s'est livrée à des man'uvres telles que sans ces man'uvres la société AEC n'aurait pas contracté ; en effet la découverte en octobre 2014 de pertes bien supérieures aux pertes mentionnées dans les comptes de référence de l'année 2013 annexés à la convention de garantie de passif ne suffit pas à démontrer que ces pertes étaient déjà réalisées fin 2013, et que de surcroît, elles ont été dissimulées intentionnellement par Mme [K] ; enfin en ce qui concerne le 3e moyen, le caractère intentionnel de l'omission d'information relative au défaut de transfert de propriété résultant de l'absence de régularisation des actes de cession en exécution du plan de cession arrêté le 31 mai 2011 n'est pas démontré.

Compte tenu de ce qui précède, la cour déboute la société AEC de ses demandes de nullité du contrat de travail et des demandes de remboursement de salaires et des charges patronales qui en découlent.

Le jugement déféré est donc confirmé de ces chefs.

Sur le licenciement

Il ressort de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige que Mme [K] a été licenciée pour les faits suivants :

- tromperie et fourniture de fausses informations lors de la signature des actes de cession et du contrat de travail (provisions sur stocks non comptabilisées, factures non enregistrées, remboursements clients non effectués, défaut d'information sur les éléments significatifs survenus en 2014 impactant négativement les résultats, nombre de mails valides inférieur de 50 % aux annonces) ;

- tromperie et fourniture de fausses informations depuis la signature du contrat de travail (transmission tardives des pièces comptables et les bilans 2014 qu'à la mi-avril 2015 pour empêcher la mise en 'uvre de la garantie du passif) ;

- incurie dans la gestion de son activité (violation des règles d'engagement financier de la société AEC en émettant plusieurs chèques d'un montant supérieur à 10 000 € sans contre signature ; pas de suivi du SAV ; pas de rapport d'activité ; perte de souches de chèques) ;

- violation des obligations de non concurrence et d'exclusivité de service.

Mme [K] soutient que :

- la proposition de maintenir le contrat de travail moyennant une diminution de rémunération et la suppression de la clause de garantie d'emploi est exclusive de faute grave ;

- un employeur ne peut pas licencier un salarié pour des manquements à ses obligations de mandataire au service d'une autre société ;

- la rupture du contrat de travail ne peut être motivée que par des manquements au contrat de travail ;

- les reproches liés au retard dans la remise des éléments comptables des sociétés AD et AD2 ne relèvent pas des obligations nées du contrat de travail mais des obligations de cédant ;

- en ce qui concerne la violation des règles d'engagement financier de la société AEC en émettant plusieurs chèques d'un montant supérieur à 10 000 € sans contre signature, le contrat de travail ne fait pour sa part état d'aucune limitation d'engagement financier à l'égard de la société AEC ; les règles en cause concernent son mandat social au service de la société Bestmarques qui n'est pas la société employeur (pièces salarié n° 32 et 31)

- en réalité M. [I] informé de chaque règlement important effectué et en validait systématiquement l'ordre de paiement même si la petite taille de l'entreprise ne justifiait pas systématiquement de solliciter cet accord par écrit ;

- de surcroît les paiements litigieux ne concernent pas la société AEC et ils ont été faits dans le cadre de de son mandat social sur la société Bestmarques ;

- en ce qui concerne l'absence de suivi du SAV, les éléments de preuve produits par la société AEC sont insuffisants (pièces employeur n° 71 et 68) ; même la société Bestmarques fait l'objet d'avis défavorables ; en outre M. [I] a rompu le contrat de travail de la salariée qu'elle avait affecté au SAV (pièces salarié n° 112 et 97) ; ce grief est contredit par de nombreuses pièces (pièces salarié n° 53 à 71) qui démontrent que les commandes et réclamations des clients étaient bien traitées ;

- en ce qui concerne l'absence de rapports d'activité, l'obligation litigieuse ne trouve pas sa source dans le contrat de travail mais dans le mandat social (pièces salarié n° 32 et 31) et de surcroît des rapports étaient systématiquement réalisés sans être forcément formalisés par écrit ;

- en ce qui concerne la perte de souches de chèques, ce grief est étranger à son contrat de travail ; à le supposer établi, il la concerne en sa seule qualité de cédante ;

- en ce qui concerne la violation de l'obligation d'exclusivité, l'attestation de M. [M], que la société AEC produit est dépourvue de valeur probante et elle est contredite par relevé d'écran du logiciel « Néolane » qui démontre qu'elle travaillait régulièrement au service de la société AEC (pièces salarié n° 108 et 31) ;

- elle conteste avoir utilisé la base mail du groupe AEC pour assurer une diffusion du site Monexpresso et s'est conformé aux instructions de M. [I] (pièces salarié n° 118 et 120).

En défense, la société AEC soutient que :

Sur la violation des obligations de non concurrence et d'exclusivité de service

- Mme [K] a consacré, pendant ses 9 mois d'activité pour la société AEC, une part beaucoup plus importante de son activité à la gestion de son site monExpresso, au détriment de son travail pour le compte de la société AEC, dont elle se désintéressait presque totalement, comme en témoignent non seulement l'absence de tout rapport d'activité (obligation pourtant expressément rappelée dans le contrat de travail) et celle de suivi après-vente ;

- M. [M], qui occupait le même bureau que Mme [K] en atteste (pièce employeur n° 31) ;

Sur la violation de l'interdiction de procéder seule à des règlements supérieurs à 10 000 €

- l'accord du 26 septembre 2014 visait expressément « la définition des fonctions salariées de Madame [L] [Z] au sein de la société AEC » (pièce employeur n° 2) ;

- Mme [K] a pourtant fait de tels paiements pour la société Alternative diffusion et la société AD2 (pièces employeur n° 32 à 34) ;

Sur la volonté délibérée de retarder la remise des pièces justificatives et la découverte des anomalies (mi-avril 2015)

- une fois la cession de la société Alternative diffusion et de la société AD2 intervenue, Mme [K] a utilisé divers prétextes pour différer la remise des éléments comptables qui n'est intervenue que le 14 avril 2015 (pièces employeur n° 6, 7, 12, 22) ;

Sur l'absence de tout rapport d'activité

- aucun rapport n'a été remis en violation de l'obligation fixée par l'article 1-1 du protocole signé le 26 septembre 2014 (pièce employeur n° 2) ;

Sur le défaut de suivi du Service Après-Vente

- Mme [K] consacrait une part très importante de son temps à gérer son site MonExpresso.com, au détriment des sites qu'elle avait cédés à AEC et dont elle était supposée s'occuper en tant que présidente de Bestmarques et de directrice marketing, commerciale et technique d'AEC (pièces employeur n° 63, 42, 37 à 39, 49, 40 et 41).

Il ressort de l'article L. 1235-1 du Code du travail qu'en cas de litige, le juge à qui il appartient d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties ; si un doute subsiste il profite au salarié.

Quand le licenciement est prononcé pour faute grave, il incombe à l'employeur de prouver la réalité de la faute grave, c'est à dire de prouver non seulement la réalité de la violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail mais aussi que cette faute est telle qu'elle impose le départ immédiat du salarié, le contrat ne pouvant se poursuivre même pour la durée limitée du préavis.

Pour apprécier la gravité de la faute, les juges doivent tenir compte des circonstances qui l'ont entourée et qui peuvent atténuer la faute et la transformer en faute légère.

Si un doute subsiste sur la gravité de la faute reprochée, il doit profiter au salarié.

La cour constate que le contrat de travail de Mme [K] stipule à l'article 2 relatif aux fonctions et attributions : « La salariée occupe la fonction de Directrice Marketing, Directrice Commerciale et Directrice Technique de l'activité e-commerce de AEC, catégorie Cadre, Classification 3.4. Cette activité se développant sur les marques Bestmarques, Surinvitation et Fashion Privilège. »

La cour constate que cette fonction technique de directrice marketing, directrice commerciale et technique de l'activité e-commerce des sites Bestmarques, Surinvitation et Fashion Privilège était exercée en cumul avec le mandat social de présidente que Mme [K] exerçait sur la société Bestmarques (SAS).

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que les griefs relatifs aux tromperie et fourniture de fausses informations lors de la signature des actes de cession et du contrat de travail (provisions sur stocks non comptabilisées, factures non enregistrées, remboursements clients non effectués, défaut d'information sur les éléments significatifs survenus en 2014 impactant négativement les résultats, nombre de mails valides inférieur de 50 % aux annonces) ne peuvent pas fonder le licenciement pour faute grave de Mme [K] au motif que ces griefs, à les supposer établis, concernent Mme [K] en sa qualité de cédante mais aucunement son contrat de travail.

Il en est de même en ce qui concerne les griefs relatifs aux pertes de souches de chèques et aux tromperies et fournitures de fausses informations depuis la signature du contrat de travail (transmission tardives des pièces comptables et les bilans 2014 qu'à la mi-avril 2015 pour empêcher la mise en 'uvre de la garantie du passif) dès lors que ces griefs, à les supposer établis, concernent Mme [K] en sa qualité de cédante voire en sa qualité de présidente de la société Bestmarques mais aucunement son contrat de travail.

La cour constate que la violation des règles d'engagement financier de la société AEC par Mme [K] qui a émis 14 chèques d'un montant supérieur à 10 000 € sans contre signature est établie ; cependant cette violation est imputable à Mme [K] en sa qualité de présidente de la société Bestmarques puisque l'obligation est énoncée à l'article 4 du protocole signé le 26 septembre 2014 qui porte sur les paiements par chèque du groupe la société Bestmarques ; elle ne concerne pas Mme [K] en sa qualité de directrice marketing, directrice commerciale et technique de l'activité e-commerce des sites Bestmarques, Surinvitation et Fashion Privilège, pour laquelle elle est salariée de la société AEC. Ces faits ne peuvent donc pas fonder le licenciement pour faute grave de Mme [K].

Il en est de même du grief relatif à l'absence de rapport d'activité qui, à le supposer établi, est imputable à Mme [K] en sa qualité de présidente de la société Bestmarques puisque l'obligation est énoncée à l'article 1.3 du protocole signé le 26 septembre 2014 qui précise le rôle de Mme [K] en sa qualité de présidente de la société Bestmarques ; elle ne concerne pas Mme [K] en sa qualité de directrice marketing, directrice commerciale et technique de l'activité e-commerce des sites Bestmarques, Surinvitation et Fashion Privilège, pour laquelle elle est salariée de la société AEC. Ces faits ne peuvent donc pas fonder le licenciement pour faute grave de Mme [K].

Il résulte par ailleurs de l'examen des pièces versées aux débats et des moyens débattus que la société AEC apporte suffisamment d'éléments de preuve pour établir le grief relatif à l'absence de suivi du SAV ; cependant non seulement ce fait caractérise juste une mauvaise exécution du travail, et non un refus d'exécuter le travail, mais en outre il n'a fait l'objet d'aucun rappel à l'ordre ni mise en garde ; dans ces conditions la cour retient qu'il ne caractérise ni une faute grave ni même une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Il résulte enfin de l'examen des pièces versées aux débats et des moyens débattus que la société AEC n'apporte pas suffisamment d'éléments de preuve pour établir que Mme [K] a commis une violation de ses obligations de non concurrence et d'exclusivité de service ; en effet l'attestation de M. [M] est un élément de preuve dépourvu de valeur probante au motif qu'il s'agit d'un témoignage vague, imprécis et subjectif qu'aucun autre élément ne vient corroborer.

Il ressort de ce qui précède que l'employeur n'a pas établi, à l'occasion de la présente instance, ni la faute grave, ni même la cause réelle et sérieuse justifiant, au sens de l'article L. 1235-1 du Code du travail, le licenciement de Mme [K] ; en conséquence, le licenciement de Mme [K] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a jugé que le licenciement de Mme [K] est justifié, et statuant à nouveau de ce chef, la cour dit que le licenciement de Mme [K] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Mme [K] demande par infirmation du jugement la somme de 42 499,98 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; la société AEC s'oppose à cette demande.

Il est constant qu'à la date de présentation de la lettre recommandée notifiant le licenciement, Mme [K] n'avait pas au moins deux ans d'ancienneté ; il y a donc lieu à l'application de l'article L. 1235-5 du code du travail dans sa rédaction applicable à la date des faits dont il ressort que le juge octroie une indemnité au salarié égale au préjudice subi.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération de Mme [K], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour retient que l'indemnité à même de réparer intégralement le préjudice de Mme [K] doit être évaluée à la somme de 7 000  €.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a débouté Mme [K] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif et statuant à nouveau de ce chef, la cour condamne la société AEC à payer à Mme [K] la somme de 7 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif.

Le jugement déféré est en revanche confirmé en ce qu'il a débouté Mme [K] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire ; en effet c'est en vain que Mme [K] soutient que son licenciement est brutal et vexatoire du fait que l'éviction brutale qu'elle invoque est inhérent à toute rupture du contrat assortie d'une dispense d'exécution du préavis et ne caractérisent, en soi, aucune vexation étant ajouté que les autres moyens tirés de l'intention d'éluder ses droits à l'indemnité compensatrice de préavis et à la clause de garantie d'emploi sont étrangers à toute vexation.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis

Mme [K] demande par confirmation du jugement la somme de 21 249,99 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ; la société AEC s'oppose à cette demande sans faire valoir de moyens sur le quantum.

Mme [K] étant cadre, l'indemnité de préavis doit donc être fixée à la somme de 21 249,99 €.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a condamné la société AEC à payer à Mme [K] la somme de 21 249,99 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis.

Sur l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à la période de préavis

Mme [K] demande par confirmation du jugement la somme de 2 125 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à la période de préavis ; la société AEC s'oppose à cette demande sans faire valoir de moyens sur le quantum.

Par application de l'article L. 3141-22 du Code du travail, l'indemnité de congés payés est égale au dixième de la rémunération totale perçue par le salarié au cours de la période de référence ayant déterminé le droit et la durée des congés ; la présente juridiction a fixé à la somme de 21 249,99 €, l'indemnité compensatrice de préavis due à Mme [K] ; en conséquence, l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à la période de préavis due à Mme [K] est fixée à la somme de 2 125 €.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a condamné la société AEC à payer à Mme [K] la somme de 2 125 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à la période de préavis.

Sur la demande formée au titre de l'indemnité de l'article 9 du contrat de travail.

L'article 9 du contrat de travail de Mme [K] stipule « en cas de rupture du contrat par la société AEC (...) sauf faute grave ou lourde et procédure, de redressement ou de liquidation judiciaire ou plan de continuation de Bestmarques, il sera versé à la salariée une indemnité de rupture qui sera équivalente à la rémunération nette qu'elle aurait touchée jusqu'au 26 septembre 2017. »

Mme [K] demande la somme de 194 555,46 € correspondant à la rémunération brute qu'elle aurait touchée entre le 12 juin 2015 et le 26 septembre 2017 et soutient que :

- cette clause est une clause de garantie d'emploi comme cela ressort du mode de calcul, non forfaitaire mais basé sur des salaires jusqu'au 26 septembre 2017 ;

- ce n'est pas une indemnité contractuelle de licenciement ayant le caractère d'une clause pénale réductible par le juge ;

En défense, la société AEC demande la réduction de l'indemnité convenue et soutient que :

- l'indemnité de licenciement stipulée par un contrat individuel de travail, a le caractère d'une clause pénale et peut être réduite par le juge si elle présente un caractère manifestement excessif ;

- alors que sa responsabilité a été expressément reconnue par l'arrêt du 14 janvier 2020, statuant sur le volet commercial de la cession, Mme [K] ne craint pas de solliciter une indemnité contractuelle de près de 200 000 € outre un préavis de 21.249,99 € et les congés-payés afférents en s'appuyant sur le « parachute doré » stipulé à l'article 9 de son contrat de travail consacré à la rupture ;

- cette indemnité est disproportionnée ; elle n'avait que 8 mois d'ancienneté et a retrouvé un emploi ;

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que Mme [K] est mal fondée à soutenir que l'objet de l'article 9 de son contrat de travail est une clause de garantie d'emploi au motif qu'une clause de garantie d'emploi a pour objet d'assurer au salarié une stabilité d'emploi pendant une durée minimum fixée par la clause elle-même bien que le contrat soit à durée indéterminée alors que la clause litigieuse a pour objet de fixer le montant de l'indemnité de rupture à un niveau supérieur aux indemnités légales ou conventionnelles ; la cour retient que la clause de l'« article 9. Rupture du contrat de travail » porte donc sur une indemnité conventionnelle de licenciement peu important qu'elle prévoit le paiement d'une indemnité équivalent aux salaires dus jusqu'au 26 septembre 2017.

La cour retient aussi que la société AEC est bien fondée en son moyen selon lequel l'indemnité de licenciement stipulée par un contrat individuel de travail, a le caractère d'une clause pénale et peut être réduite par le juge si elle présente un caractère manifestement excessif ; tel est le cas en l'espèce compte tenu notamment des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération de Mme [K], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies.

La cour retient que l'indemnité de rupture de l'article 9 du contrat de travail doit être évaluée à la somme de 1 000 €.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a débouté Mme [K] de sa demande au titre de l'indemnité de l'article 9 du contrat de travail et statuant à nouveau de ce chef, la cour condamne la société AEC à payer à Mme [K] la somme de 1 000 € au titre de l'indemnité de l'article 9 du contrat de travail.

Sur le rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire

Mme [K] demande par infirmation du jugement la somme de 11 659,93 € à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire ; la société AEC s'oppose à cette demande sans faire valoir de moyens sur le quantum.

Mme [K] a fait l'objet d'une mise à pied conservatoire qui n'a pas été rémunérée.

Compte tenu de ce que le licenciement de Mme [K] a été déclaré abusif, que Mme [K] a donc été abusivement privé de sa rémunération pendant la période de mise à pied conservatoire, que pendant sa mise à pied conservatoire, Mme [K] aurait dû percevoir la rémunération de 11 659,93, la cour fixera en conséquence à la somme de 11 659,93 € le rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a débouté Mme [K] de sa demande formée à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire, et statuant à nouveau de ce chef, la cour condamne la société AEC à payer à Mme [K] la somme de 11 659,93 € à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire.

Sur l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à la période de mise à pied conservatoire.

Mme [K] demande par infirmation du jugement la somme de 1 165,99 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à la période de mise à pied conservatoire ; la société AEC s'oppose à cette demande sans faire valoir de moyens sur le quantum.

Par application de l'article L. 3141-22 du Code du travail, l'indemnité de congés payés est égale au dixième de la rémunération totale perçue par le salarié au cours de la période de référence ayant déterminé le droit et la durée des congés ; la présente juridiction a fixé à la somme de 11 659,93 €, l'indemnité due à Mme [K] au titre de la non rémunération de la période de mise à pied conservatoire ; en conséquence la cour fixera à la somme de 1 165,99 € l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à la période de mise à pied conservatoire due à Mme [K].

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a débouté Mme [K] de sa demande formée au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à la période de mise à pied conservatoire, et statuant à nouveau de ce chef, la cour condamne la société AEC à payer à Mme [K] la somme de 1 165,99 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à la période de mise à pied conservatoire.

Sur la délivrance de documents

Mme [K] demande la remise de documents de fin de contrat sous astreinte.

Il est constant que les documents demandés lui ont déjà été remis ; il est cependant établi qu'ils ne sont pas conformes ; il est donc fait droit à la demande de remise de documents formulée par Mme [K].

Rien ne permet de présumer que la société AEC va résister à la présente décision ordonnant la remise de documents ; il n'y a donc pas lieu d'ordonner une astreinte.

Sur les autres demandes

La cour condamne la société AEC aux dépens en application de l'article 696 du Code de procédure civile.

Le jugement déféré est confirmé en ce qui concerne l'application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il n'apparaît pas inéquitable, compte tenu des éléments soumis aux débats, de laisser à la charge de Mme [K] les frais irrépétibles de la procédure d'appel.

L'ensemble des autres demandes plus amples ou contraires formées en demande ou en défense est rejeté, leur rejet découlant des motifs amplement développés dans tout l'arrêt.

PAR CES MOTIFS

La cour,

INFIRME le jugement mais seulement en ce qu'il a jugé que le licenciement de Mme [K] est justifié et en ce qu'il a débouté Mme [K] de ses demandes relatives :

- aux dommages et intérêts pour licenciement abusif,

- à l'indemnité de l'article 9 du contrat de travail,

- au rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire,

- aux congés payés afférente à la période de mise à pied conservatoire,

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés :

DIT que le licenciement de Mme [K] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE la société Achat Echange Compensation à payer à Mme [K] les sommes de :

- 7 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

- 1 000 € au titre de l'indemnité de l'article 9 du contrat de travail ;

- 11 659,93 € à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire ;

- 1 165,99 € au titre des congés payés afférents ;

CONFIRME le jugement déféré pour le surplus ;

Y ajoutant,

ORDONNE à la société Achat Echange Compensation de remettre à Mme [K] le certificat de travail, les bulletins de paie et l'attestation destinée à Pôle Emploi, tous ces documents devant être établis conformément à ce qui a été jugé dans la présente décision, dans les deux mois de la notification de la présente décision,

DÉBOUTE Mme [K] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples et contraires,

CONDAMNE la société Achat Echange Compensation aux dépens de la procédure d'appel.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 21/03100
Date de la décision : 05/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-05;21.03100 ?
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