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05/04/2023 | FRANCE | N°20/04016

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 05 avril 2023, 20/04016


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 05 AVRIL 2023



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/04016 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB7PV



Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Janvier 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° F18/03674



APPELANT



Monsieur [O] [X]

[Adresse 1]

[Localité 4]

R

eprésenté par Me José LEAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D0632



INTIMEE



S.A.R.L. JEAN JAURES

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Séverine HADDAD, avocat au barre...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 05 AVRIL 2023

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/04016 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB7PV

Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Janvier 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° F18/03674

APPELANT

Monsieur [O] [X]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me José LEAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D0632

INTIMEE

S.A.R.L. JEAN JAURES

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Séverine HADDAD, avocat au barreau de PARIS, toque : B0826

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame MARQUES Florence, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président de chambre

Madame Anne-Gaël BLANC, conseillère

Madame Florence MARQUES, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Justine FOURNIER

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, président de chambre et par Justine FOURNIER, greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société Jean Jaurès a pour activité l'enlèvement et le dépôt en préfourrière des véhicules irrégulièrement stationnés.

Suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps plein en date du 16 mars 2015, M. [O] [X] a été engagé par la société Jean Jaurès, en qualité de chauffeur poids lourds, moyennant un salaire mensuel de 1457,53 euros.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale du commerce et de la réparation de l'automobile, du cycle et du motocycle et des activités connexes, ainsi que du contrôle technique automobile (IDCC 1090).

La société employait plus de 11 salariés.

Au dernier état de la relation de travail, la rémunération mensuelle brute de M. [X] s'établissait à la somme de 2.892,15 euros.

M. [O] [X] a fait l'objet, après convocation en date du 6 octobre 2015 et entretien préalable fixé au 15 octobre 2015, d'un licenciement pour faute grave par courrier en date du 3 novembre 2015.

M. [O] [X] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny, le 19 décembre 2018, aux fins de voir juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, et condamner la société Jean Jaurès à lui payer diverses sommes.

A titre reconventionnel, la société Jean Jaurès a sollicité la condamnation de M. [X] à lui verser la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 29 janvier 2020, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes de Bobigny, a, dans son dispositif, requalifié le licenciement pour faute de M. [X] en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, après avoir, dans ses motifs requalifié le dit licenciement en licenciement pour cause réelle et sérieuse et a condamné la société Jean Jaurès à verser à M. [X] les sommes suivantes :

* 2.892,15 euros au titre d'indemnité de préavis,

* 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté M. [X] du surplus de ses demandes,

- débouté la société Jean Jaurès de sa demande reconventionnelle,

- condamné la société Jean Jaurès aux entiers dépens.

Par déclaration au greffe en date du 3 juillet 2020, M. [O] [X] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Par ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 5 décembre 2022, M. [O] [X] demande à la Cour de :

- infirmer le jugement entrepris par le Conseil de prud'hommes de Bobigny en ce qu'il a débouté M. [X] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et statuant à nouveau,

A titre principal,

- dire le licenciement de M. [X] nul,

- ordonner la réintégration de M. [X],

- condamner la Société Jean Jaurès à verser à M. [X] à titre d'indemnité forfaitaire égale au montant de la rémunération qu'il aurait perçue entre le licenciement et la date de réintégration soit la somme de 276.778,75 euros,

A titre subsidiaire,

- requalifier le licenciement pour faute grave de M. [X] en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société Jean Jaurès à verser à M. [X] la somme de 17.352,90 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Dans tous les cas,

- condamner la société Jean Jaurès à verser à M. [X] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Jean Jaurès aux entiers dépens.

Par ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 6 décembre 2022, la société Jean Jaurès, demande à la Cour de :

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a jugé le licenciement de M. [X] régulier et fondé sur une cause réelle et sérieuse,

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté M. [X] en sa demande de dommages-intérêts pour licenciement abusif,

Statuant de nouveau,

En conséquence,

- juger le licenciement de M. [X] fondé sur une faute grave,

- infirmer et réformer le jugement en ce qu'il jugé l'absence de faute grave et condamné la société Garage Jean Jaurès à régler à M. [X] la somme de 2.892,15 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter M. [X] en toutes ses demandes, fins et conclusions,

Reconventionnellement,

- condamner M. [X] à verser à la société Jean Jaurès la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [X] aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 6 décembre 2022.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties pour un exposé complet du litige.

MOTIFS DE LA DECISION

1-Sur la recevabilité de la demande de nullité du licenciement et des demandes subséquentes

La société fait valoir que ces demandes, nouvelles en cause d'appel, sont irrecevables.

L'article 564 du code de procédure civile dispose qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions, si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de lé révélation d'un fait.

L'article 565 poursuit que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises aux premiers juges même si leur fondement juridique est différent.

Enfin l'article 566 précise que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises aux premiers juges que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

La cour retient que les demandes formées par le salarié, au titre d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, puis d'un licenciement nul , tendaient à l'indemnisation des conséquences de son licenciement qu'il estimait injustifié. Ces demandes tendaient aux mêmes fins, la demande en nullité de licenciement est recevable.

2-Sur la rupture du contrat de travail

2-1 Sur le licenciement nul

Il est de jurisprudence que, compte tenu de l'obligation de sécurité pesant sur l'employeur, le licenciement d'un salarié ayant légitimement usé de son droit de retrait est nul.

En l'espèce, aux termes de la lettre de rupture du 3 novembre 2015, il est reproché à M. [O] [X] d'avoir, le 1er octobre 2015 :

-refusé de prendre le camion qui lui avait été attribué par son responsable,

-menacé de "le mettre dans le mur", sous le prétexte que le camion ne lui convenait pas et qu'il en voulait un autre.

La lettre de licenciement précise que ce comportement fautif a désorganisé son service.

Le salarié nie fermement les faits. Il explique que le 1er octobre 2015, il est allé déposer une voiture à la préfourrière de [Adresse 5] à [Localité 6] et que lors de la man'uvre de déchargement du véhicule, le bras de la grue est resté bloqué au sol si bien qu'il a appelé M. [C] [V] (et non Monsieur [R] comme l'indique l'employeur) afin que celui-ci lui envoie une dépanneuse, ce qui lui a été refusé. Le salarié indique que lorsqu'il est arrivé au garage, M. [C] [V] lui a demandé de repartir avec un autre camion-grue et qu'il a refusé, tous les véhicules étant en très mauvais état et qu'il " "risquait de mettre sa vie en danger ainsi que celle des tiers". Il lui a alors été demandé de retourner chez lui.

Il explique qu'il n'a fait qu'exercer son droit de retrait compte tenu du danger imminent encouru s'il conduisait le camion qui lui était destiné.

La cour rappelle qu'aux termes de l'article L.4131-1 du code du travail " Le travailleur alerte immédiatement l'employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu'il constate dans les systèmes de protection.

Il peut se retirer d'une telle situation.

L'employeur ne peut demander au travailleur qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent résultant notamment d'une défectuosité du système de protection."

La cour constate que le salarié n'a pas mis en place son droit de retrait, le 1er octobre 2015, mais qu'il justifie, a postériori, son refus de prendre le camion-grue de substitution par le droit de retrait.

Le salarié est débouté de sa demande tendant à voir déclaré nul son licenciement et de manière subséquente, de sa demande de réintégration et du rappel des salaires ayant courus entre son licenciement et sa réintégration.

2-2 Sur le licenciement pour faute grave

L'article L.1231-1 du code du travail dispose que le contrat à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié. Aux termes de l'article L.1232-1 du même code, le licenciement par l'employeur pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Il résulte par ailleurs des dispositions combinées des articles L 1232-1, L 1232-6, L 1234-1 et L 1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise.

Il est remarqué que le salarié ne nie pas avoir refusé de prendre le véhicule que son employeur lui destinait. Il invoque cependant une raison, selon lui légitime, à savoir le très mauvais état du véhicule. Il appartient à l'employeur de démontrer qu'en réalité le camion-grue était en bon état et pouvait être conduit sans danger par M. [O] [X], ce qu'il ne fait d'aucune manière.

Il ne démontre pas plus que le salarié a menacé de "mettre le camion dans le mur".

Le licenciement de M. [X] est sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement est infirmé de ce chef.

3- Sur les conséquences financières du licenciement sans cause réelle et sérieuse

Le salaire mensuel de référence à retenir est de 2892,15 euros.

3-1-Sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents

La salariée peut prétendre à un mois de préavis. Il lui est dû de ce chef la somme de 2892,15 euros, outre la somme de 289,21 euros pour les congés payés afférents.

Le jugement est confirmé de ce chef.

3-2-Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

En application de l'article L 1235-5 du code du travail dans sa version applicable au litige, le salarié peut prétendre, en cas de licenciement abusif, à une indemnité correspondant au préjudice subi.

En considération notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [O] [X] de son âge au jour de son licenciement ( 29 ans), de son ancienneté à cette même date ( 8 mois), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels que ces éléments résultent des pièces et des explications fournies à la cour, il y a lieu de lui allouer la somme de 5784,30 euros ( 2 mois de salaire) à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement est infirmé de ce chef.

4-Sur les demandes accessoires

Le jugement est confirmé sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.

Partie perdante, la SARL Jean Jaurès est condamnée aux dépens d'appel.

L'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel au profit de M. [O] [X] ainsi qu'il sera dit au dispositif.

La SARL Jean Jaurès est déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Dit recevables la demande tendant à voir juger nul le licenciement de M. [O] [X], la demande de réintégration et celle de rappel des salaires ayant courus entre son licenciement et sa réintégration,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SARL Jean Jaurès à payer à M. [O] [X] la somme de 2892,15 euros au titre de l'indemnité compendatrice de préavis et celle de 289,21 euros pour les congés payés afférents, sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile,

Infirme le jugement déféré pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute M. [O] [X] de sa demande tendant à voir juger nul son licenciement, de sa demande de réintégration et celle de rappel des salaires ayant couru entre son licenciement et sa réintégration

Requalifie le licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la SARL Jean Jaurès à payer à M. [O] [X] la somme de

5784,30 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la SARL Jean Jaurès à payer à M. [O] [X] la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel,

Déboute la SARL Jean Jaurès de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel,

Condamne la SARL Jean Jaurès aux dépens d'appel.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 20/04016
Date de la décision : 05/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-05;20.04016 ?
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