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05/04/2023 | FRANCE | N°20/03055

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 05 avril 2023, 20/03055


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 05 AVRIL 2023



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/03055 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB2TM



Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Février 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 18/02405



APPELANT



Monsieur [S] [K]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Repré

senté par Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT de la SELARL LM AVOCATS, avocat au barreau de VERSAILLES, toque : 629



INTIMEE



S.A.S. PRESTAREST représentée par son Président en exerci...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 05 AVRIL 2023

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/03055 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB2TM

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Février 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 18/02405

APPELANT

Monsieur [S] [K]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT de la SELARL LM AVOCATS, avocat au barreau de VERSAILLES, toque : 629

INTIMEE

S.A.S. PRESTAREST représentée par son Président en exercice domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Pascale BETTINGER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0140

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Florence MARQUES, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président de chambre

Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère

Madame Florence MARQUES, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Justine FOURNIER, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant contrat de travail à durée indéterminée, M. [S] [K] a été engagé par la société Strategy to join à compter du 28 novembre 2011, en qualité de consultant formateur, niveau E2, coefficient 270.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective des organismes de formation (IDCC 1516). La société emploie plus de 11 salariés.

M. [S] [K] a été promu au statut de cadre le 1er janvier 2015.

Le 26 avril 2016, M. [S] [K] s'est vu accorder par son nouvel employeur un prêt d'un montant de 21.620,54 euros.

Le 13 novembre 2017, M. [S] [K] a été placé en arrêt de travail, renouvelé jusqu'au 18 février 2018.

Le salarié a été déclaré apte à la reprise de ses fonctions par le médecin du travail, le 23 février 2018.

Le 16 mai 2018, M. [S] [K] a été victime d'un grave accident de la circulation, reconnu comme accident de trajet par la CPAM.

Il a été placé en arrêt de travail jusqu'au 3 février 2019.

Le 4 février 2019, lors de la visite de reprise, le médecin du travail a conclu à une inaptitude définitive de M. [S] [K] en ces termes : 'Inaptitude définitive au poste, pas de conduite de véhicule ; pas de manutention de charges ; pas de posture debout ou assise prolongée ; pas de contraintes posturales ; l'état de santé ne permet pas de faire des recommandations en vue d'un reclassement'.

Le 19 février 2019, son employeur lui a notifié l'impossibilité de procéder à son reclassement.

M. [S] [K] a fait l'objet, après convocation du 22 février 2019 et entretien préalable fixé au 4 mars 2019, d'un licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 7 mars 2019

Entre temps, le 30 juillet 2018, M. [S] [K] avait saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny aux fins de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur et le voir condamner à lui verser diverses sommes . En cours de procédure, le salarié a sollicité la condamnation de la société à lui payer diverses sommes au titre du licenciement.

A titre reconventionnel, son employeur a sollicité la condamnation de M. [S] [K] à lui verser 1.000 euros pour le remplacement de l'ordinateur non restitué, 6.860 euros au titre du solde de prêt devenu exigible et la somme de 7000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Strategy to join sollicité la compensation avec d'éventuelles condamnations à intervenir.

Par jugement en date du 6 février 2020, le conseil de prud'hommes de Bobigny, statuant en formation de jugement a :

-débouté M. [S] [K] de l'ensemble de ses demandes,

-condamné M. [S] [K] à verser à la société Strategy to join les sommes suivantes:

* 50 euros à titre de dédommagement pour ne pas avoir restitué l'ordinateur portable,

* 6.860 euros au titre du solde de prêt,

- débouté la société Strategy to join de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [S] [K] aux dépens.

Par déclaration au greffe en date du 9 avril 2020, M. [S] [K] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

La société Prestarest est venue aux droits de la société Strategy to join à compter du 5 novembre 2019.

Par conclusions d'incident adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 7 octobre 2020, réitérées le 20 février 2021, la SAS Prestarest a saisi le conseiller de la mise en état, à qui il a demandé de se déclarer compétent pour connaître des fins de non recevoir suivantes :

A titre principal :

Juger M. [K] irrecevable en ses demandes comme nouvelles pour être formées pour la 1ère fois en cause d'appel, en vertu de l'article 564 du CPC, présentées à titre subsidiaire tendant à :

- faire juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse

-faire condamner a société PRESTAREST à lui payer la somme de 33 080 à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif

A titre subsidiaire :

Juger M. [K] irrecevable en ses demandes formées à titre subsidiaire tendant à:

-faire juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, comme étant prescrite en vertu de l'article L1 471-1 du code du travail

-faire condamner la société PRESTAREST à lui payer la somme de 33 080 à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif par voie de conséquence.

Dans tous les cas:

- Condamner M. [K] à payer à la société PRESTAREST la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du CPC.

- Le condamner aux dépens du présent incident dont le recouvrement pourra être poursuivi par Me Pascale Bettinger, avocat postulant au barreau de Paris, pour ceux la concernant conformément à l'article 699 du CPC.

Par conclusions d'incident en réponse adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 16 décembre 2020, M. [S] [K] a demandé au conseiller de la mise en état de :

- Dire et juger Madame ou Monsieur le Conseiller de la Mise en Etat incompétent pour connaître de cet incident au profit de la Cour,

A titre subsidiaire,

- Dire et juger la société PRESTAREST mal fondée en ses demandes

- Condamner la société PRESTAREST à payer à Monsieur [K] la somme de 2000€ au titre de l'article 700 du CPC

Par ordonnance en date du 15 avril 2021, le conseiller de la mise en état s'est déclaré compétent pour statuer sur les fins de non recevoir et a déclaré irrecevable la demande de condamnation de la société Prestarest à verser à M. [K] la somme de 33080 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Cette décision n'a pas fait l'objet de déféré, elle est définitive.

Par ses uniques conclusions au fond adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 7 juillet 2020, M. [S] [K] demande à la Cour de :

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bobigny en date du 6 février 2020,

En conséquence,

A titre principal,

- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail,

En conséquence,

- condamner l'employeur au paiement des sommes suivantes :

* dommages et intérêts pour licenciement abusif : 33 080 euros,

* dommages et intérêts pour harcèlement : 50 000 euros,

* rappel de salaire sur prime : 10 500,00 6 ,

* indemnité compensatrice de préavis : 11.425,59 euros,

* indemnité compensatrice de congés payés sur préavis : 1.142,55 euros,

* remise de documents de fin de contrat (solde de tout compte, attestation pôle emploi, certificat de travail, dernier bulletin de paie) à compter du mois suivant la notification du jugement à venir,

* astreinte par jour de retard et par document à compter du mois suivant la notification de l'arrêt à venir : 15 euros,

A titre subsidiaire, sur le caractère abusif du licenciement pour inaptitude de M. [S] [K],

- dommages et intérêts pour licenciement abusif : 33.080 euros,

- rappel d'indemnité spéciale de licenciement : 8.403,58 euros,

- indemnité compensatrice de préavis : 11.425,59 euros,

- indemnité compensatrice de congés payés sur préavis : 1.142,55 euros,

- dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat : 500 euros,

- dommages intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de loyauté : 50.000 euros,

- remise des documents de fin de contrat (solde de tout compte, attestation pôle emploi, certificat de travail, dernier bulletin de paie) à compter du mois suivant la notification du jugement à venir,

- astreinte par jour de retard et par document à compter du mois suivant la notification de l'arrêt à venir : 15 euros,

En tout état de cause,

- débouter l'employeur de l'intégralité de ses demandes,

- article 700 du code de procédure civile : 3.500 euros,

- exécution provisoire (article 515 du code de procédure civile),

- rappeler que l'exécution provisoire est de droit à hauteur de 9 mois de salaire sur la moyenne de trois derniers mois de salaire brut, s'élevant à 3.817,53 euros,

- entiers dépens.

Par ses uniques conclusions au fond adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 7 octobre 2020, la société Prestarest venant aux droits de la société Strategy to join, demande à la Cour de :

Sur les demandes principales adverses :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [S] [K] :

* de sa demande principale tendant à faire résilier son contrat de travail aux torts de son employeur la société Strategy to join aux droits de laquelle vient la société Prestarest,

* de ses demandes en découlant, tendant à la faire condamner la société Strategy to join aux droits de laquelle vient la société Prestarest au paiement des sommes suivantes :

$gt; des dommages et intérêts pour équivalents à ceux d'un licenciement abusif pour un montant de 33.080 euros,

$gt; une indemnité de préavis pour 11.425,59euros et de 1.142,55 euros à titre de congés payés sur préavis,

$gt; le reliquat d'indemnité de licenciement pour 732,36 euros,

* de sa demande tendant à faire condamner la société Strategy to join aux droits de laquelle vient la société Prestarest au paiement dommages et intérêts pour un montant de 50.000 euros sur le fondement :

$gt; à titre principal du harcèlement moral,

$gt; à titre subsidiaire sur le fondement de l'exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur,

* de sa demande tendant au paiement de rappel de salaires pour primes impayées à hauteur de 10.500 euros,

- dire n'y avoir lieu à statuer sur la demande tendant au paiement de la somme de 500 euros au titre de dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat non plus que sur celle de condamnation sous astreinte de 15 euros par jour de retard pour la remise des documents de rupture- la Cour n'en étant pas valablement saisie,

En tous cas,

- confirmer le jugement entrepris ayant débouté M. [S] [K] de ces demandes,

A défaut, et en tout état de cause,

- disant M. [S] [K] mal fondé en ses demandes, l'en débouter et confirmer en conséquence le jugement entrepris l'ayant dit mal fondé de ces chefs,

- confirmer le jugement entrepris qui a débouté M. [S] [K] de sa demande tendant à faire condamner son employeur la société Stratgey to join aux droits de laquelle vient la société Prestarest au paiement de la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter M. [S] [K] de sa demande en cause d'appel tendant à faire condamner la société Prestarest à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Sur les demandes subsidiaires adverses formées dans l'hypothèse où la résiliation judiciaire du contrat de travail ne serait pas prononcée :

- retenir que la rupture du contrat de travail est intervenue par lettre de licenciement en date du 7 mars 2019 adressée le 8 mars 2019,

Dans l'hypothèse où le Conseiller de la mise en Etat se dirait incompétent pour connaîtrede l'incident déposé par la société Prestarest selon conclusions de procédure, faisant droit aux fins de non recevoir soulevées par la société Prestarest,

- juger M. [S] [K] irrecevable en sa demande formée à titre subsidiaire tendant à faire juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, comme nouvelle pour être formée pour la 1ère fois en cause d'appel en vertu de l'article 564 du code de procédure civile,

- juger M. [S] [K] irrecevable en sa demande formée à titre subsidiaire tendant à faire juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse comme étant prescrite en vertu de l'article L1 471-1 du code du travail,

A titre surabondant ou subsidiaire et en tout état de cause :

- débouter M. [S] [K] de sa demande formée à titre subsidiaire tendant à faire juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et voir condamner la société Prestarest à lui payer la somme de 33.080 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif- celle-ci étant mal fondée,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a encore débouté encore M. [S] [K] de ses demandes subsidiaires tendant à faire condamner son employeur la société Strategy to join aux droits de laquelle vient la société Prestarest au paiement des sommes suivantes :

* 8.403,58 euros au titre du reliquat d'indemnité de licenciement spéciale de licenciement,

* 11.425,59 euros au titre du préavis,

* 1.142,25 (sic) au titre des congés payés sur préavis,

* 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

En toutes hypothèses,

- débouter M.[K] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

Sur les demandes de l'employeur,

- Vu la condamnation prononcée en 1ère instance à l'encontre de M. [S] [K] à payer à son employeur :

* la somme de 50 euros au titre de l'ordinateur portable DELL modèle Vostro3700,

* la somme de 6 860 euros au titre du solde du prêt restant dû,

Vu l'absence de contestation formée par M. [S] [K] de ces chefs faute par lui d'avoir invoqué des moyens de fait et de droit à cet effet,

En conséquence,

-confirmer le jugement entrepris en l'absence de saisine de la Cour d'une semblable prétention,

A défaut et en tout état de cause,

-débouter M. [S] [K] de toute contestation de ces chefs de condamnation compte tenu de son acquiescement aux demandes de son employeur lui interdisant de se contredire en cause d'appel,

En conséquence pour ce motif supplémentaire,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. [S] [K] :

* au paiement d'une somme de 50 euros en remplacement de l'ordinateur confié et non restitué,

* au paiement de la somme de 6.860 euros au titre du solde du prêt devenu exigible depuis le 7 mars 2019,

- ordonner la compensation avec d'éventuelles condamnations à intervenir,

Y ajoutant,

- substituer le nom de la société Prestarest comme bénéficiaire desdites condamnations, la concluante venant aux droit de la société Strategy to join,

Enfin dans tous les cas,

- condamner M. [S] [K] à payer à la société Prestarest la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner aux entiers dépens de 1ère instance et d'appel dont le recouvrement pourra être poursuivi par Me Pascale Bettinger, Avocat postulant au barreau de Paris, pour ceux la concernant conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 6 décembre 2022.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties pour un exposé complet du litige.

MOTIFS DE LA DECISION

1-Sur la demande de rappel de prime

Le salarié indique qu'en application de son contrat de travail, il a droit à une prime de 5% sur le renouvellement, de son fait, des contrats de la société Strategy-to-join, que ce renouvellement s'est monté à la somme de 210 000 euros et qu'il aurait en conséquence dû toucher la somme de 10500 euros dont il réclame le paiement.

La société souligne que le salarié ne justife pas de sa demande et que les primes auxquelles il avait droit lui ont été payées.

La cour constate que le salarié procède par simple affirmation lorsqu'il soutient que grâce à son action, des contrats ont été renouvelés pour un montant de 210 000 euros, qu'il ne désigne pas les contrats en question et ne précise même pas la ou les périodes concernées.

La cour constate également que le salarié, par mail du 26 juillet 2017, a adressé à son employeur une demande de "prime de développement commercial" relativement à 4 clients, pour un montant global de 1669,20 euros et qu'il a été payé de cette somme en juillet 2017.

Dès lors, le salarié ne justifie pas de sa demande de ce chef.

Il en est débouté. Le jugement est confirmé de ce chef.

2-Sur la demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L.1154-1 du même code prévoit, dans sa version applicable à la cause, qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de supposer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il convient donc d'examiner la matérialité des faits invoqués, de déterminer si pris isolément ou dans leur ensemble ils font présumer un harcèlement moral et si l'employeur justifie les agissements invoqués par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, le salarié soutient avoir été victime de harcèlement moral de son employeur caractérisés par :

1-l'abus de sa position de faiblesse financière afin de lui extorquer son invention en la mettant au nom de la société puis tenter de lui extorquer un accord sur un contrat de cession lésionnaire de ses droits,

2- la diminution drastique de ses fonctions à son retour d'arrêt maladie de maladie pour Burn Out de novembre 2017 à février 2018, se concrétisant par la décharge de la quasi-totalité de ses missions et en particulier des tâches qu'il affectionnait particulièrement (actions de formations),

3-la diminution de sa rémunération ne bénéficiant plus des primes de formation,

4-le prélèvement de mensualités en remboursement du prêt excessives,

5-la suppression de primes jusque là versées en cas de renouvellement de contrats signés par lui.

En ce qui concerne le grief n°1, le salarié explique qu'il est l'inventeur d'un produit alimentaire à texture modifiée destiné, notamment, aux personnes ayant des difficultés pour manger ( pathologie buccale ou de type dégénérative/ Alzheimer/ parkinson), que son employeur a manigancé pour lui extorquer cette invention en la mettant à son nom, puis pour tenter de lui extorquer un accord sur un contrat de cession totalement lésionnaire de ses droits. Par ailleurs il indique que son employeur a attendu le dernier moment pour lui restituer son brevet et l'empêcher ainsi de le breveter à l'international.

Le salarié souligne que son employeur lui a accordé un prêt sans intérêts alors que cela n'avait jamais été fait au profit d'aucun salarié.

Il est remarqué que la société Imestia, avec qui le salarié a engagé une collaboration relativement au brevetage de son invention, n'est pas l'employeur de M. [K]. En effet, si le salarié affirme que la société Strategy to join a fait l'objet d'une vente , le 8 janvier 2015 au profit du groupe Imestia, l'extrait KBIS qu'il verse aux débats, daté du 22 juillet 2018, infirme cette affirmation. Par ailleurs, le fait que Mme [B] [X] ait été la présidente de la SAS Strategy to join et la présidente du conseil d'administration, directrice déléguée et administratrice, du groupe Imestia est indifférent, comme l'est le fait qu'il avait été initialement envisagé entre le salarié et son employeur de déposer conjointement ledit brevet.

Le grief n° 1 ne peut être retenu.

Concernant le grief n° 2, le salarié démontre qu'il effectuait des formations avant son arrêt maladie de novembre 2017 mais pas que celles-ci lui ont été enlevées à son retour. A cet égard, la cour ne comprend pas que les bulletins de paie postérieurs à mars 2018 n'aient pas été produits aux débats par le salarié, ce qui aurait permis de constater si les primes de "face à face pédagoqique" étaient encore versées ou pas.

Le grief n° 2 n'est pas établi, comme le grief n° 3 qui découle du précédent.

Le grief n° 4 n'est pas constitué, le montant des retenues effectuées sur les bulletins de paie du salarié étant conforme à l'échéancier convenu entre les parties en application du contrat de prêt et de ses avenants.

Il n'est aucunement justifié de la réalité du grief n° 5.

Ainsi le salarié ne rapporte pas la preuve de la réalité des griefs qu'il reproche à son employeur.

Il résulte de ce qui précède que le harcèlement moral invoqué par M. [S] [K] n'est pas caractérisé.

Dès lors sa demande de dommages-intérêts de ce chef est rejetée et le jugement confirmé sur ce point.

4-Sur la demande de dommages et intérêts pour déloyauté de l'employeur

Le salarié expose que si le harcèlement moral n'était pas retenu, il convendrait de constater la déloyauté manifeste de son employeur du fait "de ces agissements aussi condamnables que destructeurs et des souffrances endurées"

La cour suppose qu'il s'agit là des faits dénoncés au titre du harcèlement moral dont il a été dit plus haut qu'il n'est pas avéré.

Dès lors le salarié ne peut qu'être débouté de ce chef.

Le jugement est confirmé.

5-Sur la rupture du contrat de travail

5.1-Sur la demande de résiliation judiciaire

Tout salarié peut demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail en cas d'inexécution par l'employeur de ses obligations contractuelles conformément aux dispositions de l'article 1184 du code civil. Lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur tout en continuant à travailler à son service et que ce dernier le licencie ultérieurement comme c'est le cas en l'espèce, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée et, si tel est le cas, fixer la date de la rupture à la date d'envoi de la lettre de licenciement. Il appartient au salarié de rapporter la preuve des faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur à l'appui de sa demande de résiliation judiciaire. Les manquements de l'employeur à ses obligations doivent être d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail. Dans ce cas, la résiliation du contrat est prononcée aux torts de l'employeur et produit les effets d'un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse. Pour apprécier la gravité des manquements reprochés à l'employeur, le juge prend en compte l'ensemble des événements survenus jusqu'à l'audience ou jusqu'à la rupture du contrat de travail si celle-ci est antérieure.

Le salarié fonde sa demande de ce chef sur les mêmes arguments que ceux développés au titre du harcèlement moral.

Il a été dit plus haut que M. [S] [K] n'a pas été victime de harcèlement moral de la part de son employeur.

Dès lors, il ne peut qu'être débouté de sa demande de résiliation de son contrat de travail produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de ses demandes financières subséquentes.

Le jugement est confirmé de ces chefs.

5-2 Sur le licenciement pour inaptitude

Le salarié estime que son licenciement est abusif et sans cause réelle et sérieuse et demande une somme à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La cour constate que le conseiller de la mise en état a rendu une ordonnance définitive en date du 15 avril 2021 laquelle a déclaré irrecevable la demande de condamnation de la société Prestarest à verser à M. [K] la somme de 33080 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Dès lors cette question a été définitivement tranchée. La cour n'en est pas saisie.

5-3 Sur la demande d'indemnité spéciale de licenciement, d'indemnité de préavis et des congés afférents

Le salarié estime que son inaptitude est d'origine professionnelle et reprend l'argumentation développée au soutient du harcèlement moral et des manquements de l'employeur à son obligation de sécurité, soulignant que son état de santé psychologique a été dégradé. Il estime que son accident de la circulation survenu pendant un trajet le conduisant chez un client, quand bien même ce trajet comportait une étape pour se restaurer, est un accident du travail.

La société indique que la CPAM a qualifié d'accident de trajet l'accident dont a été victime le salarié, par décison du 23 mai 2018, qu'il n'a jamais contesté cette qualification qui apparaissait d'ailleurs sur ses bulletins de paie mentionnant des indemnités journalières pour accident de trajet. La société souligne que l'accident est intervenu pendant la pause déjeuner du salarié lequel n'avait aucune mission à l'extérieur le 16 mai 2018.

Le salarié a été victime d'un accident de trajet, puiqu'intervenu pendant la pause déjeuner, au sens de l'article L 411-2 du code de la sécurité sociale et non d'un accident du travail, dès lors l'article L 1226-14 n'est pas applicable et le salarié ne peut bénéficier du doublement de l'indemnité de licenciement. Il est également débouté de sa demande au titre de l'indemnité de préavis et des congés payés afférents

Il est débouté de ce chef. Le jugement est confirmé.

6-Sur les condamnations prononcées au profit de la société Prestarest

La société indique que si le salarié a bien interjeté appel dans sa déclaration d'appel des deux condamnations prononcées à son encontre, il n'en dit rien dans le corps de ses conclusions et se contente, dans le dispositif, de formuler un débouté général. Elle estime que la cour n'est pas saisie de ces demandes.

La cour rappelle qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Faute pour le salarié de développer un quelconque moyen à l'appui de sa demande d'infirmation, il y a lieu de rejeter la demande d'infirmation du jugement de ces chefs.

Le jugement est confirmé de ce chef.

7 -Sur les demandes accessoires

Le jugement est confirmé sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.

Partie perdante, M. [S] [K] est condamné aux dépens d'appel. Il est débouté de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

L'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel au profit de la société ainsi qu'il sera dit au dispositif.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Statuant dans les limites de sa saisine,

Confirme le jugement déféré,

Y ajoutant,

Déboute M. [S] [K] de sa demande d'infirmation des condamnations en paiement prononcées par le jugement en date du 6 février 2020 à son encontre,

Déboute M. [S] [K] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel,

Condamne M. [S] [K] à payer à la SAS Prestarest la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel,

Condamne M. [S] [K] aux dépens d'appel.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 20/03055
Date de la décision : 05/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-05;20.03055 ?
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