Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 5
ARRET DU 05 AVRIL 2023
(n° , 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/13771 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAI4K
Décision déférée à la Cour : jugement du 17 juin 2019 - tribunal de grande instance de PARIS - RG n° 18/14872
APPELANT
Monsieur [E] [U]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Ayant pour avocat plaidant Me Josiane BENOIT-LEVY, avocat au barreau de Paris
INTIMEE
SAS MISTER RENOVATION représentée par son Président domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Joseph PANGALLO de la SELARL MIELLET & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0281
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie-Ange SENTUCQ, présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Marie-Ange SENTUCQ, présidente de chambre
Elise THEVENIN-SCOTT, conseillère
Alexandra PELIER-TETREAU, vice-présidente placée faisant fonction de conseillère
Greffière, lors des débats : Mme Céline RICHARD
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Marie-Ange SENTUCQ, présidente de chambre et par Manon CARON, greffière, présente lors de la mise à disposition.
FAITS ET PROCEDURE
Monsieur [E] [U] et Madame [G] [N], épouse [U] ont en qualité de maîtres d'ouvrage confié à la SAS MISTER RENOVATION la rénovation de leur appartement à [Adresse 6], selon devis du 6 mars 2018, accepté le 27 mars 2018.
Arguant du non-paiement du solde de son marché, le conseil de la société MISTER RENOVATION a, par courrier recommandé du 29 octobre 2018, mis en demeure les époux [U] de payer la somme de 20.715,58 euros TTC à l'entreprise.
En l'absence de paiement et de solution amiable, la société MISTER RENOVATION a par acte du 12 décembre 2018, assigné en paiement les époux [U] devant le tribunal de grande instance de Paris.
Ces derniers n'ont pas constitué avocat devant le tribunal.
Le tribunal de grande instance de Paris, par jugement du 17 juin 2019, a :
- condamné Monsieur [U] à payer à la société MISTER RENOVATION la somme de 20.715,40 euros
au titre du solde de son marché, avec intérêts au taux légal à compter du 12 décembre 2018,
- fixé judiciairement la réception de l'ouvrage à la date du 10 septembre 2018, avec réserves telles que formulées au procès-verbal établi par Monsieur [U] le 11 septembre 2018,
- condamné Monsieur [U] à payer à la société MISTER RENOVATION la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Monsieur [U] aux dépens de l'instance,
- ordonné l'exécution provisoire,
- débouté la société MISTER RENOVATION du surplus de ses demandes.
Monsieur [U] a, par acte du 8 juillet 2019, interjeté appel de ce jugement, intimant la société MISTER RENOVATION devant la Cour.
Par conclusions récapitulatives n°2 signifiées le 18 mars 2020 Monsieur [U] demande à la cour de :
Vu le constat d'huissier du 11 septembre 2018,
Vu l'article 1792 et l'article 1231-1 du Code civil,
Déclarer Monsieur [U] recevable et bien fondé en ses demandes,
Débouter la société MISTER RENOVATION de toutes ses demandes à toutes fins qu'elles comportent,
Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- CONDAMNE Monsieur [E] [U] à payer à la SAS MISTER RENOVATION la somme de 20.715, 40 euros au titre du solde de son marché, avec intérêts au taux légal à compter du 12 décembre 2018 ;
- FIXE judiciairement la réception de l'ouvrage à la date du 10 septembre 2018, avec réserves telles que formulées au procès-verbal établi par Monsieur [U] le 11 septembre 2018 ;
- CONDAMNE Monsieur [E] [U] à payer à la SAS MISTER RENOVATION la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- CONDAMNE Monsieur [E] [U] aux dépens de l'instance ;
- ORDONNE l'exécution provisoire
Statuant à nouveau,
Condamner la société MISTER RÉNOVATION à payer à Monsieur [U] les sommes suivantes :
Au titre du préjudice matériel
-35 032.80€ travaux de reprise,
-344.28€ travaux de plomberie,
Au titre du préjudice immatériel,
-facture camping 347,48 euros,
-facture relogement pendant travaux de reprise : 18 919 euros,
Débouter la société MISTER RENOVATION de l'ensemble de ses demandes fins et prétentions,
Condamner la société MISTER RENOVATION à payer la somme de 8000 euros au
titre de l'article 700 du code de procédure civile,
La condamner en tous les dépens, dont distraction faite au profit de la SELARL LEXAVOUE [Localité 5]-[Localité 7], prise en la personne de Maître Matthieu BOCCON-GIBOD.
La SAS Mister Rénovation a signifié des conclusions le 23 décembre 2019 demandant à la cour de
A titre principal,
REFORMER le Jugement réputé contradictoire en date du 17 juin 2019 RG n°18/14872,
uniquement en ce qu'il a Jugé que la réception de l'ouvrage était intervenue de manière contradictoire le 10 septembre 2018.
ET STATUANT A NOUVEAU :
Vu l'article 1792-6 du Code civil,
PRONONCER la réception judiciaire des travaux au 11 septembre 2018, sans réserve,
Vu l'Article 1792-6 du Code Civil, l'article 1231 du Code civil et l'article 122 du Code
de procédure civile,
A titre principal,
JUGER Monsieur [U] irrecevable en ses demandes
Vu les articles 1353 du Code civil et 9 du Code de procédure civile,
Vu les articles 1231-2 et 1231-4 du Code civil,
A titre subsidiaire,
JUGER Monsieur [U] mal-fondé en ses demandes et l'en débouter.
Vu les articles 695 et 700 du Code de procédure civile,
CONDAMNER Monsieur [U] à payer à la société MISTER RENOVATION, la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, au titre de l'instance d'appel
A titre subsidiaire,
REFORMER le Jugement réputé contradictoire en date du 17 juin 2019 RG n°18/14872,
uniquement en ce qu'il a Jugé que la réception de l'ouvrage était intervenue de manière contradictoire le 10 septembre 2018.
ET STATUANT A NOUVEAU :
Vu l'article 1792-6 du Code civil,
JUGER que la réception des travaux est intervenue amiablement au 11 septembre 2018
Vu l'Article 1792-6 du Code Civil, l'article 1231 du Code civil et l'article 122 du Code de procédure civile,
A titre principal,
JUGER Monsieur [U] irrecevable en ses demandes reconventionnelles.
Vu les articles 1353 du Code civil et 9 du Code de procédure civile,
Vu les articles 1231-2 et 1231-4 du Code civil,
A titre subsidiaire,
JUGER Monsieur [U] mal-fondé en ses demandes et l'en débouter.
Vu les articles 695 et 700 du Code de procédure civile,
CONDAMNER Monsieur [U] à payer à la société MISTER RENOVATION, la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, au titre de l'instance d'appel.
La clôture était prononcée le 30 août 2022.
SUR QUOI,
La COUR
1- La réception
Le tribunal a fixé judiciairement la réception de l'ouvrage au 10 septembre 2018 avec réserves telles que formulées au procès-verbal établi par Monsieur [U] le 11 septembre 2018 et retenu le caractère contradictoire de la réception dès lors que l'entrepreneur a été convoqué à cette date aux opérations de réception et qu'à cette date l'ouvrage se trouvait en état d'être reçu.
Monsieur [U] demande à la cour de constater la volonté non équivoque du maître de l'ouvrage d'accepter la construction en l'état, tacitement, par la prise de possession des travaux dont le prix a été payé en quasi-totalité et en conclut que la réception amiable est intervenue avec réserves le 10 septembre 2018.
La société Mister Rénovation oppose qu'elle n'a pas valablement été convoquée en vue de la réception de l'ouvrage, le courriel adressé le mardi 4 septembre 2018 la convoquant à cet effet au lundi 10 septembre 2018 à 9 heures tandis qu'aucune réponse n'a été adressée à l'intimée qui a formulé une proposition de rendez-vous de réception le samedi 8 septembre 2018. Elle en infère que la cour dispose des éléments pour fixer la réception judiciaire des travaux au 11 septembre 2018 date à laquelle les maîtres de l'ouvrage ont manifesté sans équivoque leur intention de revoir l'ouvrage.
Réponse de la cour
Selon les dispositions de l'article 1792-6 du code civil : ' La réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement.
La garantie de parfait achèvement, à laquelle l'entrepreneur est tenu pendant un délai d'un an, à compter de la réception, s'étend à la réparation de tous les désordres signalés par le maître de l'ouvrage, soit au moyen de réserves mentionnées au procès-verbal de réception, soit par voie de notification écrite pour ceux révélés postérieurement à la réception.
Les délais nécessaires à l'exécution des travaux de réparation sont fixés d'un commun accord par le maître de l'ouvrage et l'entrepreneur concerné.
En l'absence d'un tel accord ou en cas d'inexécution dans le délai fixé, les travaux peuvent, après mise en demeure restée infructueuse, être exécutés aux frais et risques de l'entrepreneur défaillant.
L'exécution des travaux exigés au titre de la garantie de parfait achèvement est constatée d'un commun accord, ou, à défaut, judiciairement.
La garantie ne s'étend pas aux travaux nécessaires pour remédier aux effets de l'usure normale ou de l'usage.'
Monsieur [U] a convoqué la société Mister Rénovation aux opérations de réception par un courrier daté du 4 septembre 2018 en vu d'une réunion de réception fixée au lundi 10 septembre à 9 heures du matin. Il a doublé son courrier d'un email envoyé le même jour précisant que ' si cette date ne vous convenait pas merci de m'en proposer une autre de préférence entre demain et le 10 septembre'.
La société Mister Rénovation a répondu par un courriel du même jour qu'ensuite de leur échange elle serait présente au domicile de Monsieur [U] le lendemain ' samedi dans l'après-midi en compagnie d'un huissier afin de pouvoir dresser un état des lieux concret et objectif de la situation'. Elle sollicitait la confirmation de Monsieur [U] 'par retour de mail' or, aucune réponse n'est justifiée en retour à cet email.
Monsieur [U] a adressé à la société Mister Rénovation un procès-verbal de réception en date du 11 septembre 2018, signé de lui seul, auquel était annexé une liste de réserves.
Force est donc de constater que les parties n'ont pu s'entendre sur une date aux fins d'établir de manière contradictoire la réception et que le tribunal ne pouvait sans contredire ses propres constatations, fixer judiciairement la réception de l'ouvrage au 10 septembre 2018 assortie des réserves formulées au procès-verbal établi par Monsieur [U] le lendemain 11 septembre 2018 et retenir le caractère contradictoire de la réception alors que la société Mister Rénovation n'a pas été convoquée pour le 11 septembre mais pour le 10, et n'était de surcroît pas présente à la date où le maître de l'ouvrage a établi unilatéralement le procès-verbal de réception.
Cependant, il résulte des propres déclarations de Monsieur [U] dans la note transmise à son avocat communiquée en pièce n° 6 par l'appelant que celui-ci 'a emménagé dans l'appartement 1 mois après la date prévue pour l'achèvement des travaux qui ont débuté le 7 mars 2018" soit au mois de juillet 2018 date à laquelle la facture éditée le 15 octobre 2018 à hauteur de 20 715,58 euros TTC qui seule reste impayée au jour de l'arrêt, ne lui avait pas encore été transmise cependant qu'il avait adressé à l'entreprise une liste détaillée des travaux restant à faire par courriel du 28 juin 2018 tandis que la quasi totalité du prix en avait été acquitté lors de son emménagement.
Il se déduit de ces éléments que Monsieur [U] a manifesté une volonté non équivoque de recevoir l'ouvrage avec réserves lors de la prise de possession des lieux au mois de juillet 2018, au plus tôt le 7 et au plus tard le 31 juillet 2018, date à partir de laquelle la société Mister Rénovation n'est de manière constante, plus intervenue sur le chantier.
La réception tacite de l'ouvrage avec réserves formulées dans le courriel adressé à l'entreprise le 28 juin 2018 doit donc être constatée à la date du 31 juillet 2018, date qui fait courir le délai de la garantie de parfait achèvement dû par l'entrepreneur.
2- Les désordres réservés
Le tribunal, au motif que les réserves annexées par le maître de l'ouvrage sont nombreuses mais ne portent que sur des finitions et aménagements relevant de la garantie de parfait achèvement et non un inachèvement de travaux constitutif d'une inexécution susceptible de justifier une opposition du maître de l'ouvrage au complet paiement du prix, en l'absence de constat contradictoire, a fait droit à la demande de la société intimée.
Monsieur [U], au rappel de deux anomalies affectant le devis tenant à l'absence des mentions obligatoires relatives à la date de début des travaux et à l'assurance souscrite, tandis que cette dernière une fois connue s'est révélée défaillante et des nombreux courriels adressé à l'entreprise dès le 24 avril 2018, pour signaler le retard pris par le chantier puis les inachèvements et les malfaçons le 28 juin 2018 et le 23 juillet 2018, souligne que l'entreprise n'a jamais répondu à ses nombreuses demandes de reprise, a abandonné le chantier au mois de juillet 2018 alors que de très nombreuses malfaçons ont été relevées par le constat d'huissier établi le 11 septembre 2018. Il demande que soit constaté que l'inachèvement des travaux est constitutif d'une inexécution susceptible de justifier une opposition du maître de l'ouvrage au complet paiement du prix et sollicite de ce chef la réformation du jugement qui l'a condamné au paiement de la facture réclamée.
La société Mister Rénovation oppose que les allégations de l'appelant procèdent d'un ajustement de cause, qu'il ne verse à ce jour qu'un devis de travaux daté du 25 juillet 2019 et non une facture tandis que la signature du procès-verbal de réception au 11 septembre 2018 fait la preuve de l'achèvement des travaux. Elle rappelle que d'autres entreprises sont intervenues sur le chantier et que la mauvaise foi de Monsieur [U] qui lui a interdit l'accès du chantier à partir du début du mois de septembre 2018 est patente. Elle rappelle que le devis ne prévoyait pas de date de début des travaux hormis la mention du délai d'exécution de trois mois et que si l'on retient la date de paiement de l'acompte intervenu le 23 avril 2018 on constate que les époux [U] ont emménagé le 7 juin 2018 soit un mois après ce paiement. Elle souligne que Monsieur [U] a procédé lui-même à l'achat de matériaux, a multiplié les intervenants, a pris l'engagement sans concertation avec l'intimée, auprès du syndic que les travaux ne débuteraient pas avant 9 heures le matin en semaine et n'interviendraient pas le week-end et qu'il a apporté après le démarrage des travaux des modifications au projet.
Réponse de la cour
Monsieur [U] a alerté la société Mister Rénovation par courriel dès le 24 avril 2018 sur la conduite des travaux manifestant sa ' très grande inquiétude', notamment par rapport à l'entrée attaquée à la meuleuse et à l'armature béton sciée indiquant qu'il avait pourtant signifié à l'entreprise qu'en raison du chauffage au sol il ne fallait pas creuser. Il soulignait également l'absence de suivi du chantier, la présence de jeunes gens d'à peine 20 ans manifestement incompétents et s'inquiétait de ne pas connaître les intervenants pour la plomberie, l'électricité, le parquet, la cuisine.
Par un email du 28 juin 2018 Monsieur [U] a transmis au gérant de la société intimée Monsieur [X] [Y] la liste détaillée des éléments restant à faire tenant au parquet, à la plomberie, douches,wc,baignoires, coffrages, encadrements de portes, portes coulissantes, fixation des cadres de portes non correctement pris dans le mur, branchement de l'électricité générale, boitiers volets roulants, pose des poignets de portes, plinthes, barre de seuil...
Le 22 juillet 2018 il alertait une nouvelle fois par courriel le gérant de l'entreprise au rappel de ' l'épisode des fils électriques plâtrés sans gaine à 3 reprises' sur l'absence de pose de la cuisine et la persistance d'un dégât des eaux lié à une malfaçon dans la salle d'eau entraînant une imprégnation des murs chaque jour plus importante et des infiltrations chez le voisin non résolues par le plombier.
Il rappelait également les nombreuses malfaçons non reprises tenant :
- au pilier béton scié
-aux murs dont aucun n'est droit
- aux défauts de pose du parquet
- au défaut de fixation de la robinetterie mal axée
- à la saleté du chantier
Il concluait à la nécessité de faire dresser un constat des reprises par un expert à défaut d'intervention de l'entreprise au plus tard jeudi soit pour la correction des défauts et le nettoyage du chantier.
La société Mister Rénovation a répondu à ce courrier par une courriel du 23 juillet 2018 indiquant avoir fait intervenir son plombier samedi sans succès compte tenu de l'opposition du voisin au bruit dans l'immeuble durant le week-end, reconnaissant le retard pris sur le wc et la pose de la cabine de douche, imputant au peintre le retard pris dans la pose de la cuisine et précisant : ' Les différentes malfaçons dont vous parlez ont été reprises depuis bien longtemps. Il est possible qu'il y ait de petits accrocs durant de tels travaux et il ne faudra juger l'ensemble qu'à la livraison du chantier.'
Le procès-verbal établi par huissier le 11 septembre 2018, hors la présence de la société Mister Rénovation qui n'a pas été appelée aux opérations de constat, vaut à titre de preuve dès lors qu' il a été produit aux débats et soumis à la discussion des parties, la société Mister Rénovation étant habile à rapporter la preuve qui lui incombe des reprises dont elle reconnaît implicitement la matérialité en indiquant y avoir procédé, tandis qu'elle n'apporte aucune contestation utile aux malfaçons détaillées dans le courriel adressé par Monsieur [U] le 22 juillet 2018 lesquelles ont été décrites par l'huissier et affectent :
- les parquets enduits de traces de colle visible et des disjonctions
- les jointures des plinthes et des coffrages non correctement axées
- l'ensemble des portes mal ajustées
- le tableau électrique mal fixé, le défaut de raccordement du volet électrique des fenêtres de la cuisine
- les défauts de collage du carrelage
- le défaut d'étanchéité de la cabine de douche
- le défaut de pose des grilles de ventilation des sanitaires, le défaut d'alignement du robinet d'alimentation de la baignoire, les enjoliveurs cassés des robinets
- les percées grossières des conduites d'alimentation
- le défaut d'ajustement des prises éléctriques dans le salon et le non fonctionnement de l'une d'entre elles
Ces désordres signalés dans le délai de la garantie de parfait achèvement engagent la responsabilité de l'entrepreneur auquel il incombe de rapporter la preuve des reprises régulièrement portées à sa connaissance par le maître de l'ouvrage tandis que la société Mister Rénovation n'apporte aucun élément au soutien des griefs invoqués à l'encontre du maître de l'ouvrage lesquels ne sont au demeurant nullement exonératoires de l'obligation de résultat qui pèse sur l'entrepreneur.
3- La responsabilité de l'entrepreneur
Monsieur [U] fait valoir que l'inexécution avérée de ses obligations par la société Mister Rénovation justifie le non paiement du solde de la facture et emporte obligation pour l'entreprise de réparer les désordres causés.
La société Mister Rénovation oppose l'irrecevabilité des demandes fondées sur la garantie de parfait achèvement, aucune action n'ayant été introduite dans le délai d'un an qui suit la réception. En tout état de cause elle conclut au mal fondé des demandes en l'absence d'expertise judiciaire soulignant que le principe de la réparation intégrale du préjudice fait obstacle à ce qu'il soit fait droit à la demande de rénovation à neuf de l'appartement tandis que le lien de causalité entre les préjudices immatériels et les désordres n'est pas démontré.
Réponse de la cour
Selon les dispositions de l'article 1231-1 du code civil : ' Le débiteur est condamné s'il y a lieu au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation soit à raison du retard dans l'exécution toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.'
Les désordres ont été signalés par Monsieur [U] à la société Mister rénovation dans le délai de la garantie de parfait achèvement expirant le 31 juillet 2019 ce faisant, en l'absence d'introduction dans ce délai d'une action tendant à la condamnation de l'entreprise aux reprises ou à l'indemnisation des reprises signalées, l'action tendant à voir engager la responsabilité contractuelle de l'entrepreneur subsiste sur le fondement de l'article 1231-1 du code civil précité.
De ce chef le moyen tiré de l'irrecevabilité de l'action en paiement ne saurait être accueilli.
Les dispositions de l'article 1231-2 du même code énoncent que : ' les dommages et intérêts dus au créancier sont en général de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé sauf les exceptions et modifications ci-après.'
Les dispositions de l'article 1231-3 précisent que : ' Le débiteur n'est tenu que des dommages et intérêt qui ont été prévus ou qui pouvaient être prévus au contrat, sauf lorsque l'inexécution est due à une faute lourde ou dolosive.'
Il s'évince de ces textes que Monsieur [U] est fondé à soulever l'exception d'inexécution imputable aux malfaçons affectant les travaux réalisés par la société Mister Rénovation tenue de livrer un ouvrage exempt de vices, laquelle se résout par l'octroi de dommages et intérêts tendant à la réparation de tous les préjudices imputables à cette inexécution tandis que cette dernière est fondée à réclamer le paiement des travaux réalisés sous réserve que soit ordonnée la compensation des créances respectives des parties.
4- Les préjudices
Monsieur [U] produit un devis daté du 25 juillet 2019 établi par la société Nibee pour la reprise partielle de l'électricité, le ponçage des parquets, la fourniture de pinthes clouées, la démolition des cloisons non porteuses, des deux salles de douche et de la salle de bains, la reprise des carrelages, la reprise partielle de la plomberie au niveau des sanitaires et des peintures, la dépose et le remplacement des sanitaires, s'élevant à 35 032,80 euros TTC.
Il fournit également une facture datée du 1er octobre 2019 d'une entreprise Le Mehaute, pour la reprise de malfaçons sur la réduction du ballon d'eau chaude et de robinets à hauteur de 344,28 euros TTC.
Il produit enfin un relevé d'information concernant le coût d'un hébergement de luxe dans le [Localité 5] pendant un mois pour 6 voyageurs à hauteur de 8 062 euros.
Il indique fournir en pièce 20 une facture de camping qui est en réalité la facture précitée des travaux de plomberie.
La société Mister Rénovation conteste l'imputabilité de ces préjudices aux désordres et souligne que le devis de la société Nibee qui tend en réalité à masquer la volonté de refaire à neuf tout l'appartement ne saurait être retenu comme probant.
Réponse de la cour
La comparaison entre le devis initial, les réserves détaillées le 28 juin 2018, reprises le 22 juillet 2018, les constatations de l'huissier et le devis de la société Nibee établit que Monsieur [U] est fondé en sa demande en paiement des reprises imputables aux désordres affectant partiellement la plomberie et l'électricité, les cloisons, les portes et les plinthes, le bac à douche non étanche, la robinetterie de la baignoire, les parquets,la jonction des carrelages, la pose des grilles de ventilation et les reprises de peinture consécutives à ces travaux.
Le montant total des travaux de reprise sera donc ramené à la somme de 25 000 euros TTC incluant la facture de l'entreprise Le Mehaute à hauteur de 344,28 euros TTC..
La créance de la société Mister Rénovation s'élève au solde de la facture du 15 octobre 2018 s'élevant à la somme de 20 715,58 euros TTC.
Les éléments produits ne permettent pas d'établir le montant des frais de relogement exposés par Monsieur [U] pour lui et sa famille ensuite des malfaçons et de l'impossibilité alléguée d'occuper son logement, aucune facture acquittée ou preuve de règlement n'étant apportée.
Monsieur [U] sera donc débouté du chef de ses préjudices immatériels
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné Monsieur [U] à régler à la société Mister Rénovation la somme de 20 715,58 euros TTC.
Y ajoutant, la société Mister Rénovation sera condamnée à régler à Monsieur [U] la somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Chacune des parties étant créancière de l'autre il convient d'ordonner la compensation des créances.
5- Les frais irrépétibles et les dépens
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné Monsieur [U] de ces chefs et la société Mister Rénovation sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel ainsi qu'au règlement d'une somme de 5 000 euros à Monsieur [E] [U] au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
INFIRME le jugement en ce qu'il a statué sur la réception, sur les frais irrépétibles et les dépens,
Statuant à nouveau de ces chefs,
CONSTATE la réception tacite de l'ouvrage avec réserves à la date du 31 juillet 2018 ;
Ajoutant au jugement,
CONDAMNE la Sarl Mister Rénovation à régler à Monsieur [E] [U] la somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
CONFIRME le jugement pour le surplus de ses dispositions ;
ORDONNE la compensation entre les créances respectives des parties ;
CONDAMNE la société Mister Rénovation à régler à Monsieur [E] [U] une somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles outre les entiers dépens.
La greffière, La présidente,