Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 4
ARRET DU 05 AVRIL 2023
(n° , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/10666 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CA2ZZ
Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Septembre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS - RG n° F15/08239
APPELANTE
Société TEMIS LUXURY FRANCE
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Patrice PAUPER, avocat au barreau d'ESSONNE
INTIME
Monsieur [Z] [J]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Elisa ROJAS, avocat au barreau de PARIS, toque : D2128
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président
Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère
Madame Florence MARQUES, conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et Justine FOURNIER, Greffière présente lors de la mise à disposition.
RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Par contrat de travail à durée indéterminée à effets au 4 mars 2013, M. [Z] [J], né en 1987, a été engagé par la SAS Temis Luxury en qualité de convoyeur garde.
La société Temis Luxury France est spécialisée dans le transport d'objets de valeur et notamment d'horlogerie, d'orfèvrerie, de bijouterie et de joaillerie. Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport (IDCC 16). En dernier lieu, la rémunération mensuelle moyenne de M. [J] s'élevait à la somme de 2.734,03 euros brut.
Le 31 mars 2015, M. [J] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 10 avril suivant. Il a été licencié le 20 avril 2015, au motif que, lors d'une tournée, alors qu'il était chargé de la surveillance de la 'phase trottoir' effectuée par un de ses collègues, il a été retrouvé endormi au volant sur son temps de travail et ce, alors que la société venait de subir deux agressions et qu'un incident précédent avait déjà révélé une défaillance sécuritaire lors d'une desserte ce qui lui avait valu un rappel à l'ordre.
Le 3 juillet 2015, contestant son licenciement, M. [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris, qui par jugement de départage du 20 septembre 2019, a jugé que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamné l'employeur au paiement de 5.468,06 euros d'indemnité compensatrice de préavis, 546,80 de congés payés afférents, 1.093,61 euros d'indemnité de licenciement, 16.404 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts et capitalisation, outre 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens de l'instance. Le juge départiteur rejetait en revanche les demandes d'indemnité compensatrice de congés payés, de rappel sur absence injustifiée du 17 avril 2015 et de congés payés afférents.
Par déclaration du 24 octobre 2019, la société Temis Luxury France a fait appel de cette décision qui lui avait été notifiée le 27 septembre.
Dans ses conclusions remises au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 24 janvier 2020, la société Temis Luxury France demande à la cour d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau et y ajoutant, de :
- principalement, juger que le licenciement pour faute grave est fondé et rejeter les demandes de M. [J] ;
- subsidiairement, juger que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et débouter M. [J] de sa demande de dommages et intérêts ;
- en tout état de cause, condamner M. [J] à lui payer 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Dans ses conclusions remises au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 20 mars 2020, M. [J] demande à la cour de confirmer le jugement, sauf en ce qu'il rejette ses demandes d'indemnité compensatrice de congés payés et de rappel de salaire sur absence injustifiée, et statuant à nouveau et y ajoutant, de :
- condamner la société Temis Luxury France à lui payer 546, 80 euros de rappel sur indemnité compensatrice de congés payés ;
- condamner la société Temis Luxury France à lui payer 73, 66 euros à titre de rappel sur absence injustifiée du 17 avril 2015, outre 7,36 euros de congés payés afférents ;
- ordonner la capitalisation des intérêts ;
- condamner la société Temis Luxury France à lui payer 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens et frais d'exécution éventuels.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 septembre 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 21 novembre 2022 à 9h00.
Pour un plus ample exposé des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
1 : Sur le licenciement pour faute grave
L'article L.1231-1 du code du travail dispose que le contrat à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié. Aux termes de l'article L.1232-1 du même code, le licenciement par l'employeur pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.
Il résulte par ailleurs des dispositions combinées des articles L 1232-1, L 1232-6, L 1234-1 et L 1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise.
En l'espèce, aux termes de la lettre de rupture du 20 avril 2015, qui fixe les limites du litige, M. [J] a été licencié au motif que, lors d'une tournée, alors qu'il était chargé de la surveillance de la 'phase trottoir' effectuée par un de ses collègues, il aurait été retrouvé endormi au volant et ce, alors que la société venait de subir deux agressions et qu'un incident précédent avait déjà révélé une défaillance sécuritaire lors d'une desserte ce qui lui avait valu un rappel à l'ordre.
Le salarié conteste avoir fait l'objet d'un précédent avertissement. Il souligne par ailleurs que, s'il s'est bien endormi à la date des faits après avoir pris sa pause déjeuner dans le camion, il était alors en pause après une tournée débutée le matin à 6 heures, que le camion était vide et qu'il ignorait que son collègue, lui-même en pause dans l'établissement situé à proximité, reviendrait avec un colis à livrer. Il indique que le vrai motif du licenciement est son refus de démissionner malgré la demande de son employeur.
En réponse, ce dernier, qui a la charge exclusive de la preuve de la faute grave, produit uniquement une fiche individuelle d'heures qui ne mentionne pas de pause repas pour la journée concernée et trois attestations, qui émanent de deux salariés soumis à son autorité hiérarchique et contradictoires entre elles et avec le courrier de licenciement. Ce faisant, il ne démontre pas suffisamment que le salarié n'était pas en pause et qu'il ait eu en charge de surveiller son collègue pendant le chargement de produits de valeur à livrer. En effet, cette pause au volant manifestement informelle pouvait parfaitement ne pas être mentionnée sur la fiche concernée. Au surplus, une journée continue de 12 heures 30 comme mentionné sur cette fiche est contraire à la durée légale maximum du travail en sorte qu'il est peu vraisemblable qu'elle n'ait pas été ponctuée par une pause et qu'en tout état de cause, le salarié pouvait légitimement vouloir se reposer. Par ailleurs, les attestations évoquent la présence d'un tiers lors de la scène, présence qui n'est nullement mentionnée dans le courrier de rupture. En outre, aucune attestation du seul salarié mentionné dans ce courrier n'est produite. Enfin, aucun rappel à l'ordre préalable du salarié n'est suffisamment établi.
Le doute profitant au salarié, la faute invoquée dans la lettre de licenciement n'est donc pas suffisamment prouvée.
Les arguments sur le non-respect du règlement intérieur développés dans les conclusions sont par ailleurs étrangers au litige dans la mesure où ils ne figurent pas dans la lettre de licenciement qui en fixe les limites.
En l'absence de toute faute établie, qu'elle soit grave ou simple, le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse et le jugement sera confirmé sur ce point ainsi que sur les condamnations financières subséquentes, les intérêts, leur point de départ et leur capitalisation.
2 : Sur le remboursement de la retenue sur salaire pour absence injustifiée le 17 avril 2015
M.. [J] ne conteste pas avoir été absent le 17 avril 2015 ce qui est confirmé par la fiche de présence produite.
Alors qu'il ne justifie pas que cette absence aurait été, comme il l'affirme, justifiée par une convocation de son employeur ou par un autre motif, la retenue sur salaire à laquelle l'employeur a procédé à ce titre apparaît justifiée.
La demande de remboursement de cette retenue sera donc rejetée et le jugement confirmé.
3 : Sur l'indemnité compensatrice de congés payés
L'employeur justifie avoir réglé au demandeur une indemnité compensatrice de congés payés à hauteur de 38 jours.
Or, si le salarié avait acquis 44 jours de congés payés entre 2013 et 2015, il a pris 6 jours de congés au cours du mois de janvier 2015 ainsi que cela résulte du bulletin de paie correspondant, soit un solde restant dû qui s'établit effectivement à 38 jours en sorte qu'aucun complément n'est dû.
La demande d'indemnité de congés payés sera donc rejetée et le jugement confirmé de ce chef.
4 : Sur les autres demandes
La décision sera confirmée sur les dépens et les frais irrépétibles.
Partie perdante en cause d'appel, la société Temis Luxury France supportera les éventuels dépens de cette instance, outre 2.000 euros au titre des frais irrépétibles engagés dans ce cadre par M. [J].
PAR CES MOTIFS
La cour :
- Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 20 septembre 2019 en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant :
- Condamne la SAS Temis Luxury France à payer à M. [Z] [J] la somme de 2.000 euros au titre de ses frais irrépétibles en cause d'appel ;
- Condamne la SAS Temis Luxury France aux dépens.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT