Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 9
ORDONNANCE DU 04 AVRIL 2023
Contestations d'Honoraires d'Avocat
(N° /2023, 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/00279 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDWCN
NOUS, Laurence CHAINTRON, Conseillère, à la Cour d'Appel de PARIS, agissant par délégation de Monsieur le Premier Président de cette Cour, assistée de Axelle MOYART Greffière présente à l'audience ainsi que lors du prononcé de l'ordonnance.
Vu le recours formé par :
Madame [P] [R]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Comparante en personne
Demandeur au recours,
contre une décision du Bâtonnier de l'ordre des avocats de PARIS dans un litige l'opposant à :
Maître [N] [W]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Comparante en personne
Défendeur au recours,
Par décision contradictoire, statuant par mise à disposition au greffe,
et après avoir entendu les parties présentes à notre audience publique du 07 Mars 2023 et pris connaissance des pièces déposées au Greffe,
L'affaire a été mise en délibéré au 04 Avril 2023 :
Vu les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 ;
****
Au mois de juillet 2019, Mme [P] [R] a confié la défense de ses intérêts à Me [N] [W] dans le cadre d'une procédure prud'homale initiée à la suite de son licenciement à l'encontre de son employeur devant le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt.
Le 12 août 2019, une convention d'honoraires a été conclue entre les parties qui prévoyait un honoraire forfaitaire d'un montant de 1 300 euros HT et un honoraire de résultat à hauteur de 12 % HT des sommes obtenues.
Par courriel du 28 octobre 2019, Mme [R] a dessaisi Me [W] de son dossier.
Par courrier reçu le 17 août 2020, Me [W] a saisi le batonnier de l'ordre des avocats du barreau de Paris d'une demande en fixation de la totalité des honoraires dus par sa cliente à hauteur de la somme de 1 490 euros HT et du solde des honoraires restant dus à hauteur de la somme de 1 056 euros HT, soit 1 268 euros TTC, outre 600 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par décision contradictoire du 16 avril 2021, le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Paris :
- s'est déclaré incompétent au profit des juridictions de droit commun pour examiner les griefs pouvant mettre en cause la responsabilité éventuelle de Me [W] ;
- a fixé à la somme de 1 490 euros HT le montant total des honoraires dus à Me [W] par Mme [R] ;
- a constaté un règlement d'ores et déjà intervenu à hauteur de la somme de 434 euros HT;
- a condamné Mme [R] à payer à Me [W] la somme de 1 056 euros HT, soit 1 268 euros TTC à titre d'honoraires restant dus ;
- a prononcé l'exécution provisoire de la décision ;
- a débouté les parties de toutes autres demandes plus amples ou complémentaires.
La décision a été notifiée aux parties par lettres recommandées avec avis de réception du 28 avril 2021 dont elles ont accusé réception le 29 avril 2021.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 21 mai 2021, reçue le 25 mai 2021, Mme [R] a formé un recours contre cette décision.
Les parties ont été convoquées à l'audience du 7 mars 2023 par lettres recommandées avec avis de réception du 9 décembre 2022 dont Me [W] a signé l'AR le 12 décembre 2022 et qui est revenue signée sans date pour Mme [R].
Les deux parties ont comparu à l'audience du 7 mars 2023.
Par conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience, Mme [R] demande au délégataire du premier président de :
- annuler la décision du bâtonnier de l'ordre des avocats,
- annuler la note d'honoraires FA n° 2019-0196 reçue le 29 octobre 2019,
- donner l'accord pour le remboursement des sommes versées d'un montant de 520 euros TTC,
- condamner Me [W] à la somme de 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience, Me [W] demande au délégataire du premier président de :
- confirmer la décision du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Paris en ce qu'il:
* s'est déclaré incompétent au profit des juridictions de droit commun pour examiner les griefs pouvant mettre en cause sa responsabilité éventuelle ;
* a fixé à la somme de 1 490 euros HT le montant total des honoraires dus par Mme [R] ;
* a constaté un règlement d'ores et déjà intervenu à hauteur de la somme de 434 euros HT;
* a condamné Mme [R] à lui payer la somme de 1 056 euros HT, soit 1 268 euros TTC à titre d'honoraires restant dus ;
Y ajoutant
- condamner Mme [R] à lui payer la somme de 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner Mme [R] aux dépens.
SUR CE
Sur les honoraires
Mme [R] sollicite en réalité l'infirmation et non, l'annulation de la décision déférée. Elle expose avoir signé une convention d'honoraires qui prévoyait un montant total de 1 560 euros TTC avec un honoraire de résultat pour toute la procédure prud'homale. Elle soutient que Me [W] n'a pas respecté sa promesse de saisir rapidement au mois de septembre 2019 le conseil de prud'hommes, elle n'a effectué aucune démarche auprès de son ancien employeur, elle n'a établie aucune requête et n'a rien adressé au conseil de prud'hommes, de sorte qu'elle l'a dessaisie de son dossier deux mois après sa saisine. Elle conteste le montant des honoraires sollicités par l'avocate qu'elle estime excessifs dès lors qu'aucune démarche n'a été accomplie devant le conseil de prud'hommes. Elle précise avoir effectué elle-même le travail en adressant par mail les explications nécessaires pour le traitement de son dossier et avoir remis à Me [W] les pièces et informations en sa possession, avoir effectué des recherches et chiffré l'ensemble de ses demandes et droits. Elle a sollicité oralement, à l'audience, le remboursement de la somme de 520 euros TTC estimant n'être redevable d'aucun honoraire à l'égard de Me [W].
En réplique, Me [W] sollicite la confirmation de la décision déférée. Elle expose que la clause de dessaisissement prévue à la convention qui prévoyait une facturation au temps passé sur la base d'un taux horaire de 200 euros HT doit recevoir application. Elle fait valoir qu'elle a consacré au dossier de Mme [R] 7 heures 45 de travail et qu'elle justifie de l'ensemble de ses diligences. Elle expose qu'elle n'a pu représenter Mme [R] devant le conseil de prud'hommes à raison de son dessaisissement par cette dernière.
Le recours de Mme [R] qui a été effectué dans le délai d'un mois prévu par l'article 176 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 est recevable.
Selon l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, modifié par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 :
'Sauf en cas d'urgence ou de force majeure ou lorsqu'il intervient au titre de l'aide juridictionnelle totale ou de la troisième partie de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, l'avocat conclut par écrit avec son client une convention d'honoraires, qui précise, notamment, le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés.
Les honoraires tiennent compte, selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci.'
En l'espèce, Me [W] produit un document intitulé 'CONVENTION D'HONORAIRES EN MATIERE PRUD'HOMALE' signée par Mme [R] le 12 août 2019 (pièce de l'intimée n° 1).
Aux termes de l'article III, les parties sont convenues d'un honoraire de base et d'un honoraire de résultat.
L'article IV prévoit que l'honoraire de base est d'un montant de 1 300 euros HT, soit 1 560 euros TTC si le salaire net mensuel du client est compris entre 1 200 et 1 600 euros, ce qui est le cas en l'espèce.
L'article V prévoit un honoraire de résultat d'un montant de 12 % des sommes obtenues en deça de 100 000 euros outre la TVA au taux de 20 %.
L'article X stipule que 'Si, en cours de procédure, le client décide de décharger le Cabinet du traitement de son dossier, le Cabinet facturera les prestations accomplies au temps passé sur la base d'un taux horaire de 200 euros HT.'
En application des dispositions de l'article 1103 du code civil, dans sa version en vigueur issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 applicable au litige, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
Mme [R] n'invoque et ne justifie nullement d'un vice du consentement au moment de la signature de cette convention, de sorte que cette dernière doit recevoir application.
Ainsi qu'indiqué, par courriel du 28 octobre 2019, Mme [R] a dessaisi Me [W] de son dossier (pièce de l'intimée n° 9).
En tout état de cause, Me [W] ayant été dessaisie par sa cliente avant qu'une décision de justice définitive ne soit intervenue dans le cadre de la procédure concernée, la clause de dessaisissement précitée doit s'appliquer qui précise qu'en cas de dessaisissement, les honoraires seront facturés au temps passé sur la base d'un taux horaire de 200 euros HT qui est raisonnable pour un avocat au barreau de Paris.
Il y a lieu en conséquence d'apprécier les diligences accomplies par l'avocate.
Me [W] produit :
- une note d'honoraires facture n° 2019-0196 du 29 octobre 2019 d'un montant total de 1 490 euros HT, soit 1 788 euros TTC, soit déduction faite de la provision versée d'un montant de 434 euros HT, une somme restant due de 1 056 euros HT, soit 1 268 euros TTC,
- une note d'honoraires facture n° 2019-0178 du 25 septembre 2019 d'un montant total de 217 euros HT, soit 260 euros TTC.
La note d'honoraires n° 2019-0196 du 29 octobre 2019, dont le paiement est sollicité, détaille les diligences accomplies et le temps passé pour chacune de ces diligences, à savoir:
* rendez-vous cabinet des 29 juillet et 12 août 2019 : 1 heure 30 chacun,
* rendez-vous téléphonique du 12 septembre 2019 : 1 heure,
* rédaction de la mise en demeure à l'employeur et chiffrage des demandes : 1 heure,
* analyse et tri des pièces : 45 minutes,
* rédaction de la requête devant le conseil de prud'hommes : 2 heures,
Il en résulte que Me [W] a consacré au dossier de Mme [R] 7 heures 45 de travail.
Il n'est pas contesté par les parties que deux rendez-vous se sont tenus au cabinet de Me [W] les 29 juillet et 12 août 2019, même si Mme [R] conteste la durée de ces rendez-vous. En tout état de cause, comme l'a retenu le bâtonnier de Paris ces rendez-vous 'doivent supporter le taux horaire de 200 euros HT du fait du dessaisissement intervenu.'
Me [W] justifie avoir établi et adressé à sa cliente avant son dessaisissement un projet de saisine du conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt qui reprend l'historique de la relation de travail et comporte un argumentaire détaillé sur le plan juridique.
Comme le relève à juste titre Me [W] dans ses écritures, même si Mme [R] avait déjà effectué un premier tri des pièces, il lui appartenait de les analyser et d'évaluer leur pertinence dans le cadre d'une procédure prud'homale.
Il ressort enfin des échanges de mails versés aux débats par l'avocate que des entretiens téléphoniques ont bien eu lieu entre les parties.
Au regard des diligences effectuées et justifiées dans la présente procédure, le temps facturé de 7 heures 45 minutes n'apparaît pas excessif.
Il y a donc lieu de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a fixé à la somme de 1 490 euros HT le montant total des honoraires dus à Me [W] par Mme [R] et eu égard au règlement par cette dernière de la somme de 434 euros HT, l'a condamnée à payer la somme de 1 056 euros HT, soit 1 268 euros TTC.
Sur les autres demandes
Mme [R], partie perdante, sera condamnée aux entiers dépens conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.
Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais irrépétibles qu'elles ont dû engager dans la présente instance pour assurer la défense de leurs intérêts. Elles seront par conséquent déboutées de leurs demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant en dernier ressort, par décision contradictoire, et par mise à disposition au greffe,
Confirme la décision déférée du bâtonnier de Paris en date du 16 avril 2021 ;
Condamne Mme [P] [R] aux dépens ;
Rejette toute autre demande ;
Dit qu'en application de l'article 177 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, l'ordonnance sera notifiée aux parties par le greffe de la cour suivant lettre recommandée avec avis de réception.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE