Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 9
ORDONNANCE DU 04 AVRIL 2023
Contestations d'Honoraires d'Avocat
(N° /2023 , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/00276 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDWB4
NOUS, Laurence CHAINTRON, Conseillère, à la Cour d'Appel de PARIS, agissant par délégation de Monsieur le Premier Président de cette Cour, assistée de Axelle MOYART Greffière présente à l'audience ainsi que lors du prononcé de l'ordonnance.
Vu le recours formé par :
Madame [E] [L]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Comparante en personne
Demandeur au recours,
contre une décision du Bâtonnier de l'ordre des avocats de PARIS dans un litige l'opposant à :
SELARL [V] [G] AVOCATS
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Mathilde MERMET-GUYENNET, avocat au barreau de PARIS
Défendeur au recours,
Par décision contradictoire, statuant par mise à disposition au greffe,
et après avoir entendu les parties présentes à notre audience publique du 07 Mars 2023 et pris connaissance des pièces déposées au Greffe,
L'affaire a été mise en délibéré au 04 Avril 2023 :
Vu les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 ;
****
Au mois de janvier 2018, Mme [E] [L] a confié la défense de ses intérêts à la SELARL [V] [G] Avocats dans le cadre d'un litige qui l'opposait à son employeur, la société IBM France qui souhaitait plafonner sa rémunération variable de l'année 2017.
Le 20 mars 2019, une convention d'honoraires a été conclue entre les parties qui prévoyait un honoraire forfaitaire d'un montant de 3 000 euros HT, soit 3 600 euros TTC, et un honoraire complémentaire de résultat à hauteur de 10 % HT de l'intégralité des sommes perçues par le client.
Au mois d'août 2020, Mme [L] a dessaisi la SELARL [V] [G] Avocats de son dossier au profit d'un autre avocat.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 24 septembre 2020 reçue le 25 septembre 2020, la SELARL [V] [G] Avocats a saisi le batonnier de l'ordre des avocats du barreau de Paris d'une demande en fixation de la totalité des honoraires dus par sa cliente à hauteur de la somme de 9 000 euros HT sur laquelle la somme de 3 000 euros HT avait été réglée. Elle sollicitait en outre la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par décision contradictoire du 11 mai 2021, le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Paris a :
- fixé à la somme de 9 000 euros HT le montant total des honoraires dus à la SELARL [V] [G] Avocats par Mme [L] sous déduction de la somme réglée de 3 000 euros HT, soit un solde d'honoraires de 6 000 euros HT ;
- condamné en conséquence Mme [L] à payer à la SELARL [V] [G] Avocats la somme de 6 000 euros HT, avec intérêts au taux légal à compter de la notification de la décision, outre la TVA au taux de 20 %, ainsi que les frais d'huissier de justice en cas de signification de la décision ;
- rejeté toutes autres demandes, plus amples ou complémentaires ;
- prononcé l'exécution provisoire.
La décision a été notifiée aux parties par lettres recommandées avec avis de réception du 18 mai 2021 dont elles ont accusé réception le 19 mai 2021.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 20 mai 2021, le cachet de la poste faisant foi, Mme [L] a formé un recours contre cette décision.
Les parties ont été convoquées à l'audience du 7 mars 2023 par lettres recommandées avec avis de réception du 9 décembre 2022 dont Mme [L] a signé l'AR le 12 décembre 2022 et qui est revenue avec la mention 'Destinataire inconnu à l'adresse' pour la SELARL [V] [G] Avocats.
Les deux parties ont comparu à l'audience du 7 mars 2023.
Mme [L] a sollicité oralement l'infirmation de la décision déférée estimant n'être redevable d'aucun solde d'honoraires à l'égard de la SELARL [V] [G] Avocats.
Par conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience, la SELARL [V] [G] Avocats demande au délégataire du premier président de :
- confirmer la décision du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Paris du 11 mai 2021, sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau,
- constater ses diligences à hauteur de 45 heures et un taux horaire de 200 euros HT,
- constater que Mme [L] a versé 3 000 euros HT,
- prendre acte que Mme [L] a refusé de lui payer l'honoraire du,
- prendre acte de son dessaisissement par Mme [L],
En conséquence,
- requalifier l'honoraire du par Mme [L] en honoraires au temps passé conformément à la jurisprudence constante,
- condamner Mme [L] à lui payer la somme de 6 000 euros (7 200 euros TTC),
- condamner Mme [L] à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme [L] aux dépens éventuels.
SUR CE
Sur les honoraires
Mme [L] sollicite l'infirmation de la décision déférée en ce qu'elle a fixé le montant des honoraires dus à la société d'avocats à la somme de 9 000 euros HT. Elle précise avoir choisi la la SELARL [V] [G] Avocats car Me [G] lui avait proposé un honoraire forfaitaire et avait déjà traité d'autres affaires qui impliquaient des salariés de la société IBM France. Elle reconnaît avoir signé avec la société intimée une convention d'honoraires. Elle conteste le temps passé et facturé par la société d'avocats qu'elle estime excessif et expose que le traitement de son dossier n'a pas pu nécessité 45 heures de travail, mais 10 heures dans la mesure où l'avocat a fait du 'copier coller pour l'ensemble des salariés de la société IBM'. Elle expose avoir dessaisi son avocat dans le cadre de la procédure d'appel à raison de son manque de travail et du défaut de prise en compte de ses demandes et mails. Elle soutient avoir payé la somme de 2 800 euros outre celle de 500 euros en espèces.
En réplique, la SELARL [V] [G] Avocats sollicite la confirmation de la décision déférée. Elle expose que la clause de dessaisissement prévue à la convention qui prévoyait une facturation au temps passé sur la base d'un taux horaire de 200 euros HT doit recevoir application. Elle fait valoir qu'elle a consacré au dossier de Mme [L] 45 heures de travail et qu'elle justifie de l'ensemble de ses diligences. Elle conteste avoir repris dans le dossier de Mme [L] les mêmes éléments et arguments que ceux exposés dans le dossier de son collègue, M. [S] [I].
Le recours de Mme [L] qui a été effectué dans le délai d'un mois prévu par l'article 176 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 est recevable.
Selon l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, modifié par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 :
'Sauf en cas d'urgence ou de force majeure ou lorsqu'il intervient au titre de l'aide juridictionnelle totale ou de la troisième partie de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, l'avocat conclut par écrit avec son client une convention d'honoraires, qui précise, notamment, le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés.
Les honoraires tiennent compte, selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci.'
En l'espèce, la SELARL [V] [G] Avocats produit un document intitulé 'CONVENTION D'HONORAIRES' signée par Mme [L] le 20 mars 2019 (pièce de l'intimée n° 1).
Aux termes de l'article V, les parties sont convenues d'un honoraire forfaitaire de travail et d'un honoraire complémentaire de résultat.
L'article V.1 prévoit que l'honoraire forfaitaire de travail est d'un montant de 3 000 euros HT, soit 3 600 euros TTC et qu'en cas d'appel, l'honoraire forfaitaire de travail est de 2 000 euros HT, soit 2 400 euros TTC, qui sera dû à compter de la déclaration d'appel.
L'article V.2 prévoit un honoraire complémentaire de résultat d'un montant de 10 % HT de l'intégralité des sommes perçues par le client par voie de condamnation ou de transaction.
L'article XIII stipule que : 'En cas de rupture de la présente convention, pour quelque cause que ce soit, notamment en cas de changement du défenseur, les parties conviennent d'ores et déjà de renoncer au caractère forfaitaire des honoraires qui seront calculés exclusivement sur la base d'un taux horaire de 200 euros hors TVA.'
En application des dispositions de l'article 1103 du code civil, dans sa version en vigueur issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 applicable au litige, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
Mme [L] n'invoque et ne justifie nullement d'un vice du consentement au moment de la signature de cette convention, de sorte que cette dernière doit recevoir application.
Ainsi qu'indiqué, au mois d'août 2020, Mme [L] a dessaisi la SELARL [V] [G] Avocats de son dossier au profit d'un autre avocat.
En tout état de cause, la SELARL [V] [G] Avocats ayant été dessaisie par sa cliente avant qu'une décision de justice définitive ne soit intervenue dans le cadre de la procédure concernée, la clause de dessaisissement précitée doit s'appliquer qui précise qu'en cas de dessaisissement, les honoraires seront facturés au temps passé sur la base d'un taux horaire de 200 euros HT qui est raisonnable pour un avocat au barreau de Paris.
Il y a lieu en conséquence d'apprécier les diligences accomplies par l'avocate.
La SELARL [V] [G] Avocats produit une facture n° F2020080177 du 11 août 2020 d'un montant total de 9 000 euros HT, soit déduction faite de la provision versée d'un montant de 3 000 euros HT, une somme restant due de 6 000 euros HT, soit 7 200 euros TTC (pièce de l'intimée n° 2).
Cette facture, dont le paiement est sollicité, comporte en annexe une fiche des diligences qui fait partie intégrante de la facture et détaille les diligences accomplies, la date de ces diligences et le temps passé pour chacune d'elles, à savoir notamment :
* rendez-vous au cabinet des 20 mars 2019, 1er et 29 avril 2019,
* rédaction d'un courrier de mise en demeure le 25 mars 2019 et modifications des 28 et 31 mars 2019,
* multiples entretiens téléphoniques des 9 et 10 avril, 25 et 31 mai, 9 et 10 juin 2020,
* échanges de courriels avec la cliente,
* rédaction de la requête aux fins de saisine du conseil de prud'hommes de Paris des 18 et 19 avril 2019 et modifications,
* étude et sélection des pièces,
* recherches,
* rédaction de conclusions en réponse et étude des pièces du 22 mai 2019 et modifications des 25 et 27 mai 2019,
* audience du bureau de conciliation du 27 novembre 2019,
* préparation du dossier de plaidoirie du 8 juin 2020,
* audience du bureau de jugement du 11 juin 2020.
Il en résulte que la SELARL [V] [G] Avocats a consacré au dossier de Mme [L] 45 heures de travail.
Mme [L] ne conteste pas que trois rendez-vous se sont tenus au cabinet de la SELARL [V] [G] Avocats les 20 mars 2019, 1er et 29 avril 2019.
La SELARL [V] [G] Avocats justifie avoir :
- rédigé une mise en demeure comprenant 4 pages de développement qui a été modifiée à plusieurs reprises à la demande de sa cliente,
- établi et adressé à sa cliente la requête aux fins de saisine du conseil de prud'hommes de Paris qui comporte 35 pages et développe 8 manquements à l'appui de la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail de la requérante qui a également été modifiée,
- rédigé des conclusions en réponse devant le conseil de prud'hommes de 26 pages et communiqué 33 pièces,
- échangé de nombreux courriels avec sa cliente,
- assisté cette dernière aux audiences du bureau de conciliation du 27 novembre 2019 et du bureau de jugement du 11 juin 2020.
Enfin, la SELARL [V] [G] Avocats justifie par la production du jugement du conseil de prud'hommes de Paris rendu le 15 décembre 2020 dans le litige opposant M. [S] [I] à la société IBM France que les demandes formées par ce salarié à l'encontre de son employeur n'étaient pas identiques à celles formées par Mme [L] à l'encontre de la même société.
Au regard des diligences effectuées et justifiées dans la présente procédure, le temps facturé de 45 heures de travail n'apparaît pas excessif.
Enfin, Mme [L] ne justifie pas avoir versé à la SELARL [V] [G] Avocats la somme de 500 euros prétendument payée en espèces.
Il y a donc lieu de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a fixé à la somme de 9 000 euros HT le montant total des honoraires dus à la SELARL [V] [G] Avocats par Mme [L] et eu égard au règlement par cette dernière de la somme de 3 000 euros HT, l'a condamnée à payer à la société d'avocats la somme de 6 000 euros HT avec intérêts au taux légal à compter de la notification de la décision, outre la TVA au taux de 20 %.
Sur les autres demandes
Mme [L], partie perdante, sera condamnée aux entiers dépens conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.
Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la SELARL [V] [G] Avocats les frais irrépétibles qu'elle a dû engager dans la présente instance pour assurer la défense de ses intérêts. Elle sera par conséquent déboutée de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant en dernier ressort, par décision contradictoire, et par mise à disposition au greffe,
Confirme la décision déférée du bâtonnier de Paris en date du 11 mai 2021 ;
Condamne Mme [E] [L] aux dépens ;
Rejette toute autre demande ;
Dit qu'en application de l'article 177 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, l'ordonnance sera notifiée aux parties par le greffe de la cour suivant lettre recommandée avec avis de réception.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE