Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 11
ARRET DU 04 AVRIL 2023
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/07210 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCSCA
Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Septembre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 19/09763
APPELANT
Monsieur [P] [F]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Me Jérôme BORZAKIAN, avocat au barreau de PARIS, toque : G0242
INTIMEE
S.A.S. SFERIS
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Nelly JEAN-MARIE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0307
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Catherine VALANTIN, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre,
Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre,
Madame Catherine VALANTIN, Conseillère,
Greffier, lors des débats : Madame Manon FONDRIESCHI
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre, et par Madame Manon FONDRIESCHI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
M. [P] [F], né en 1986 a été engagé par la société Sferis, par un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 5 décembre 2015, avec reprise d'ancienneté au 1er juin 2015, en qualité d'opérateur de chantier ferroviaire.
Les relations contractuelles entre les parties sont soumises à la convention collective nationale des ouvriers des travaux publics du 15 décembre 1992.
M. [F] a bénéficié du statut de salarié protégé à compter du mois de juin 2017 en raison de son mandat de membre suppléant du comité d'entreprise et à compter de mois de septembre 2017 en raison de son mandat de membre élu du CHSCT.
M. [F] a été victime d'un accident du travail le 25 octobre 2016, l'accident n'ayant été déclaré par l'employeur à la CPAM que le 30 janvier 2018, cette dernière ayant notifié au salarié la prise en charge de son arrêt au titre de l'accident du travail le 6 mars 2018. M. [F] a été en arrêt de travail du 25 octobre 2016 au 8 janvier 2017.
A l'issue de sa visite médicale de reprise en date du 11 janvier 2017, il a été déclaré apte à la reprise du travail, avec contre-indication quant à l'utilisation d'un outil de travail.
M. [F] a, à nouveau été placé en arrêt de travail dans le cadre d'une rechute d'accident du travail les 9 et 10 janvier 2018, puis à compter du 16 janvier 2018 et jusqu'au 14 mai 2019, le médecin du travail l'ayant en définitive déclaré inapte à la reprise du travail le 13 mai 2019.
Le 27 juin 2019 la société a informé M. [F] que son reclassement était impossible.
Le 28 juin 2019, elle l'a convoqué à un entretien préalable en vue de son licenciement .
L'inspection du travail, estimant que le caractère effectif et sérieux des recherches de reclassement n'était pas établi et que le lien entre la demande de licenciement et les mandats du salarié ne pouvait être exclu, n'a pas autorisé le licenciement.
M. [F] a été à nouveau placé en arrêt de travail à compter du 12 mai 2020.
Il a, en définitive été reclassé au sein de la SNCF le 14 décembre 2020.
Contestant la rémunération versée par son employeur au cours de son arrêt de travail, M. [F] a saisi le 30 octobre 2019 le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement du 24 septembre 2020, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a statué comme suit :
- fixe le salaire de référence de M. [F] pour le calcul de l'accident du travail à 1794,87 euros,
- fixe le salaire de référence à 1735,76 euros à compter du 13 mai 2019,
- condamne la société Sferis à payer à M. [F] la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamne M. [F] à rembourser la société Sferis la somme de 2 888 euros nets,
- déboute les parties du surplus de leurs demandes,
- condamne la société Sferis aux dépens.
Par déclaration du 23 octobre 2020, M. [F] a interjeté appel de cette décision, notifiée par lettre du greffe adressée aux parties le 5 octobre 2020.
Par un arrêt du 25 octobre 2022, la cour d'appel a :
- infirmé le jugement en ce qu'il a fixé le salaire de référence de M. [F] pour le calcul de l'accident du travail à 1 794,87 euros et fixé le salarire de référence à 1 735,76 euros à compter du 13 mai 2017,
et satuant à nouveau, a:
- Fixé le salaire de base permettant la détermination du salaire de référence de M. [F] pour le versement des indemnités complémentaires d'accident du travail sur les périodes d'arrêts de travail entre le 25 octobre 2016 et le 14 mai 2019 à la somme de 2.167,67 euros, sous réserve de la revalorisation des taux horaires,
- Fixé le salaire de base permettant de déterminer le salaire de référence de M. [F] sur la période postérieure à l'avis d'inaptitude à la somme de 2.040 euros, sous réserve de la revalorisation des taux horaires,
- ordonné la réouverture des débats,
- rabattu l'ordonnance de clôture,
- invité les parties à établir leur compte et renvoyé l'affaire à l'audience de plaidoirie du 16 février 2023.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 23 novembre 2022, M. [F] demande à la cour de :
- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Paris en date du 24 septembre 2020 sauf en ce qu'il a condamné la société Sferis à payer à monsieur [F] la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
et en conséquence, statuant de nouveau, qu'elle :
- constate le manquement de la société Sferis à son obligation légale et conventionnelle de versement du salaire,
- condamne la société Sferis à verser à M. [F] la somme de 6.804,41 euros outre 680,44 euros de congés payés afférents au titre de rappel de salaire sur les mois d'octobre 2016 à janvier 2017 puis janvier à avril 2018,
- ordonne à la société Sferis la remise à M. [F] des bulletins de paie réguliers en date des mois de novembre 2016, décembre 2016, janvier 2017, février 2017, février 2018, mars 2018, avril 2018, juin 2019 à décembre 2020 sous astreinte de 100 euros par jour de retard par bulletin de paie à compter de la notification de la décision à intervenir,
- condamner la société Sferis à verser la somme de 431,32 euros au titre du préjudice financier subi par M. [F] du fait des manquements de l'employeur à son obligation de versement du salaire,
- déboute la société Sferis de l'intégralité de ses demandes reconventionnelles;
- condamne la société Sferis à verser la somme de 3.000 euros à M. [F] au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 30 décembre 2022, la société Sferis demande à la cour de :
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 24 septembre 2020 en ce qu'il a rejeté la demande de M. [F] et ordonné le remboursement du maintien de salaire indûment perçu, soit 3 800,15 €,
- condamner M. [F] à rembourser à la société Sferis la somme de 3 318,31 € (3 800,15 ' 481,84) correspondant au maintien de salaire indûment perçu à compter du 29 janvier 2018, déduction faite des sommes dues par la société au titre du maintien de salaire pour les périodes d'arrêts de travail du 25 octobre 2016 au 8 janvier 2017, puis, du 9 au 10 janvier 2018 et du 16 au 28 janvier 2018, conformément à l'arrêt de la cour d'appel de paris du 25 octobre 2022,
- condamner M. [F] à rembourser à la société Sferis la somme de 1 916,98 € correspondant au trop-perçu de salaires sur la période du 14 juin 2019 au 14 décembre 2020, conformément à l'arrêt de la cour d'appel de paris du 25 octobre 2022,
- condamner M. [F] à verser à la société la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [F] aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 janvier 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du 16 février 2023.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
- sur le calcul des salaires versés pendant les périodes d'arrêts de travail pour accident du travail d'octobre 2016 à à janvier 2017 et de janvier 2018 à avril 2018.
Pour infirmation du jugement M. [F] affirme que la société Sferis reste lui devoir au titre de l'arrêt de travail initial pour accident du travail, pour la période du 25 octobre 2016 au 8 janvier 2017 (76 jours) la somme de 3 093,07 euros et au titre de la prolongation de son arrêt de travail pour accident du travail du 9 et 10 janvier 2018 et du 16 janvier au 13 avril 2018 (90 jours) la somme de 3 711,34 euros.
La société Sferis soutient de son coté qu'elle a régularisé en mars et avril 2018 le solde des indemnités journlières dues au salarié suite à la reconnaissance du caractère professionnel de l'arrêt de travail du salarié, et qu'elle a en réalité versé des sommes supérieures au salarié qui reste redevable à son égard de la somme de 3 318,21 euros.
Il résulte des dispositions de l'article 6.3.2 de la convention collective applicable que M. [F] aurait dû percevoir sur les 90 premiers jours de son arrêt pour accident du travail l'intégralité de son salaire déduction faite des indemnités journalières, sans que les sommes perçues par lui au titre des indemnités journalières et du complément de salaire versés par l'employeur ne puissent être supérieures au montant de son salaire. A compter du 91ème
jour le salarié doit bénéficier d'un maintien de sa rémunération à hauteur de son salaire de base divisé par 4 000, en complément des indemnités journalières de sécurité sociale.
La cour a, dans son arrêt du 25 octobre 2022, fixé le salaire de base pour la détermination du salaire de référence à prendre en compte pour le versement des indemnités complémentaires d'accident du travail à compter du 25 octobre 2016 à la somme de 2 167,67 euros, sous réserve de la revalorisation des taux horaires.
Il ressort des échanges de correspondance entre les parties en date du 15 mai 2018 et de leurs écritures que le salarié et l'employeur s'accordent sur un salaire de référence à compter du 9 janvier 2018 s'élevant à la somme de 2 631,95 euros.
Il ressort des fiches de paye versées aux débats et du décompte établi par le salarié que ce dernier a perçu les indemnités journalières ainsi qu'un complément de salaire calculé sur un salaire de référence erroné et que la société Sferis reste redevable de la somme de 3 093,07 euros sur la période du 25 octobre 2016 au 8 janvier 2017 et de 3 711,34 euros au titre de la période du 9 et 10 janvier 2018 et du 16 janvier au 13 avril 2018.
Si la société Sferis affirme avoir procédé à des régularisations au titre des indemnités journalières sur les bulletins de paie des mois de mars et avril 2018, l'écriture de 6 626,06 euros passée en crédit sur la fiche de paye du mois de mars est aussitôt annulée par une écriture en débit de 9 201,89 euros (7 101,89 euros au titre des IJSS brutes et 2 100 euros au titre des IJSS net) le salaire net payé à M. [F] s'étant élevé à la somme de 1 961,17 euros alors qu'il apparait au surplus que ce montant prend en compte la régularisation d'une indemnité de congés payés sur la période du 3 au 28 août 2015.
La fiche de paye du mois d'avril 2018 révèle que la société Sferis a payé à M. [F] la somme de 747,45 euros au titre de ses jours d'arrêt de travail du 1er au 13 avril au lieu de 926,38 euros.
La société Sferis ne justifie en conséquence pas, contrairement à ce qu'elle affirme avoir procédé à la régularisation des sommes qu'elle invoque.
Il ressort par ailleurs du courrier de la caisse du Pro BTP en date du 26 juillet 2018 que M. [F] a perçu directement de cette caisse une somme de 875 euros au titre des indemnités journalières somme qu'il y a lieu de déduire du montant de sa créance.
Par infirmation du jugement, la société Sferis sera en conséquence condamnée à payer à M. [F] la somme de 5 929,41 euros à titre de rappel de salaire, outre la somme de 592,94 euros au titre des congés payés y afférent et déboutée de sa demande en remboursement d'un trop perçu.
- sur les salaires postérieurs à l'avis d'inaptitude:
La société Sferis expose avoir repris le paiement du salaire 1 mois après l'avis d'inaptitude du salarié jusqu'à son reclassement et lui avoir payé la somme de 38 540 euros sur la période du 14 juin 2019 au 14 décembre 2020, alors qu'il aurait dû payer sur la base du salaire de référence fixé par la cour, la somme de 36 623,48 euros.
Il demande en conséquence que M. [F] soit condamné à lui rembourser la somme de 1 916,98 euros .
M. [F] s'en rapporte à la sagesse de la cour.
Il y a lieu au regard des fiches de paye et du décompte non contesté établi par la société SFERIS de condamner M. [F] à lui rembourser la somme de 1 9166,98 euros.
- sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice financier:
Pour infirmation du jugement , M. [F] fait valoir, qu'en raison du défaut du maintien de l'intégralité de son salaire pendant son arrêt maladie, il a rencontré des difficultés financières ayant généré des frais bancaires.
Pour confirmation du jugement la société Sféris invoque sa bonne foi et l'absence de préjudice du salarié
Aux termes de l'article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexecution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution ait été empêchée par la force majeure.
M. [F] justifie avoir été débité de frais bancaires à hauteur de 431,42 euros alors que l'absence du maintien de son salaire l'empêchait de faire face à ses échéances en temps et en heure, ses réclamations auprès de son employeur pour que la situation soit régularisée étant restées vaines.
Par infirmation du jugement, la société Sferis sera en conséquence condamnée à lui payer la somme de 431,42 euros à titre de dommages et intérêts.
- sur la remise des bulletins de paie:
Il y a lieu d'ordonner la remise d'une fiche de paye récapitulative conforme à la présente décision, et ce dans les 2 mois suivant sa signification.
Le prononcé d'une astreinte n'apparait pas nécessaire.
- sur l'article 700 du code de procédure civile:
Pour faire valoir ses droits M. [F] a dû exposer en cause d'appel des frais qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge.
La société Sferis sera en conséquence condamnée à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens, et le jugement du conseil de prud'hommes sera par ailleurs confirmé en ce qu'il a condamné la société Sferis à la somme de 1 000 euros au titre des frais de première instance.
PAR CES MOTIFS
La cour,
INFIRME le jugement sauf en ce qu'il a condamné la SAS Sferis à payer à M. [F] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Et statuant à nouveau:
CONDAMNE la SAS Sferis à payer à M. [P] [F] la somme de 5 929,41 euros de rappel de salaire au titre de la période d'octobre 2016 à à janvier 2017 et de janvier 2018 à avril 2018, outre la somme de 592,94 euros au titre des congés payés
CONDAMNE M. [P] [F] à payer à la SAS Sferis la somme de 19166,98 euros au titre du trop perçu sur la période du 14 juin 2019 au 14 décembre 2020.
CONDAMNE la SAS Sferis à payer à M. [P] [F] la somme 431,42 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice financier.
ORDONNE la remise d'une fiche de paye récapitualtive conforme à la présente décision et ce dans les 2 mois suivant sa signification.
DIT n' y avoir lieu à prononer une astreinte.
CONDAMNE la SAS Sferis à payer à M. [P] [F] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
La greffière, La présidente.