RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 7
ARRÊT DU 30 Mars 2023
(n° , 17 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/02406 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFFEG
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Novembre 2021 par le Tribunal Judiciaire de BOBIGNY - RG n° 20/00122
APPELANTE
E.P.I.C. SOCIÉTÉ DU GRAND PARIS
représentée par Monsieur [X] [A]
agissant en qualité de Président du Directoire
[Adresse 30]
[Adresse 30]
[Localité 35]
représentée par Me Stéphane DESFORGES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0131
INTIMÉS
Monsieur [W] [N] [I]
[Adresse 16]
[Localité 23]
représenté par Me Jean-Louis PERU de la SELARL GAIA, avocat au barreau de PARIS, toque : K0087, substituée à l'audience par Me Jennifer PASQUIO, avocat au barreau de PARIS, toque : K0087
Madame [K] [E] [T] [S]
[Adresse 16]
[Localité 23]
représentée par Me Jean-Louis PERU de la SELARL GAIA, avocat au barreau de PARIS, toque : K0087 substituée par Me Jennifer PASQUIO, avocat au barreau de PARIS, toque : K0087
DIRECTION DÉ PARTEMENTALE DES FINANCES PUBLIQUES DE LA SEINE SAINT DENIS - COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT
[Adresse 29]
[Adresse 29]
[Localité 24]
représentée par Madame [R] [L], en vertu d'un pouvoir général
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Février 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Hervé LOCU, Président chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Hervé LOCU, Président
Madame Catherine LEFORT, Conseillère
Monsieur Raphaël TRARIEUX, Conseiller
Greffier : Madame Dorothée RABITA, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Hervé LOCU, Président et par Dorothée RABITA, greffier présent lors de la mise à disposition.
***
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :
L'établissement public société du Grand Paris (SGP) créé par la loi n°2010-597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris, a pour mission principale de concevoir et d'élaborer le schéma d'ensemble et les projets d'infrastructures composant le réseau de transport public du Grand Paris et d'en assurer également la réalisation, laquelle comprend notamment la construction des lignes, ouvrages et installations fixes ainsi que la construction et l'aménagement des gares, y compris d'interconnexion.
Le schéma d'ensemble prévoit notamment la création d'une ligne 15 Est Orange de 23 km de métro automatique en souterrain qui desservira 12 gares de [Localité 38] à [Localité 26] Centre.
Par arrêté inter-préfectoral n°2016-1133 du 25 avril 2016, ont été prescrites l'ouverture de l'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique et l'ouverture de l'enquête pour la mise en compatibilité des documents d'urbanisme des communes de [Localité 38], [Localité 23], [Localité 34], [Localité 27], [Localité 24], [Localité 33], [Localité 25], [Localité 36], [Localité 28] et [Localité 31], relative au projet de création de la ligne 15 Est Orange. Par la suite, un arrêté inter-préfectoral n°2017-2645 du 13 septembre 2017 a prescrit l'ouverture d'une enquête préalable à la déclaration d'utilité publique modificative concernant la ligne 15 Est Orange du réseau complémentaire du réseau de transport public du Grand Paris entre « [Localité 38] » et « [Localité 26] centre », menée sur les communes de [Localité 24], [Localité 25], [Localité 36] et [Localité 39], concernées par la modification du périmètre d'intervention potentielle, ainsi que d'une enquête pour la mise en compatibilité du PLU de la commune de [Localité 36], rendue nécessaire par 1'une des modifications apportées au projet.
Par arrêté inter-préfectoral n°2017-325 du 13 février 2017, ont été déclarés d'utilité publique et urgents les travaux nécessaires à la réalisation de la ligne 15 Est Orange du réseau complémentaire du réseau de transport public du Grand Paris entre « [Localité 38] » (gare exclue) et « [Localité 26] centre ». Par un arrêté inter-préfectoral n°2018-1438 du 20 juin 2018, l'arrêté inter-préfectoral n°2017-325 du 13 février 2017 susvisé a été modifié afin de tenir compte des évolutions du périmètre d'intervention potentielle.
La parcelle cadastrée section Z n°[Cadastre 13] est incluse dans le périmètre des expropriations. Il s'agit d'un immeuble des années 1930, soumis au statut de la copropriété d'une superficie de 420 m² comprenant des appartements, des locaux commerciaux, des caves en sous-sol, et des box situés dans la cour intérieure du bâtiment au rez-de-chaussée.
Sont notamment concernés par l'opération Monsieur [W] [N] [I] et Madame [K] [E] [T] [S] en tant que propriétaires des lots n° 15 et 29 de l'immeuble situé sur la parcelle cadastrée section Z n°[Cadastre 13] située [Adresse 16] sur la commune d'[Localité 23].
A défaut d'accord amiable sur la juste indemnité de dépossession à revenir à Monsieur [I] et Madame [S], la Société du Grand Paris a saisi le juge de l'expropriation du tribunal judiciaire de Paris par mémoire valant offre visé par le greffe le 11 mai 2020.
Par un jugement du 18 novembre 2021, après transport sur les lieux le 7 juillet 2021, le juge de l'expropriation de Paris a :
Fixé à la somme de 377.133 euros l'indemnité à revenir à Monsieur [W], [D], [N] [I] et Madame [K], [E], [T] [S], pour la dépossession des locaux désignés ci-après, des lots n° 15 et 29 de l'immeuble situé sur la parcelle cadastrée section Z n°[Cadastre 13] située [Adresse 16] sur la commune d'[Localité 23], d'une contenance cadastrale : 420 m², laquelle indemnité se décompose de la manière suivante :
Indemnité principale : 337.521 euros (332521 euros (68,42 m² X 4860 euros)+ 5000 euros (cave lot N°29) ;
Frais de remploi : 34.752 euros ;
Frais de déménagement : 4.860 euros.
Condamné la société du Grand Paris à payer à Monsieur [W], [D], [N] [I] et Madame [K], [E], [T] [S] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rappelé que les dépens sont de droit supportés par l'expropriant en vertu de l'article L.312-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.
La Société du Grand Paris a interjeté appel du jugement le 3 février 2022 sur le montant de l'indemnité de dépossession.
Pour l'exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux écritures :
1/ adressées au greffe par la Société du Grand Paris, le 28 avril 2022, notifiées le 5 mai 2022 (AR intimée Mme [S] le 12 mai 2022, AR intimé M. [I] pas touché et AR CG le 4 mai 2022), aux termes desquelles il est demandé à la cour de :
Infirmer le jugement du 18 novembre 2021 en ce qu'il a fixé la somme de 377.133 euros l'indemnité de dépossession à revenir à M. [I] et Mme [S] pour la dépossession des lots n°15 et 29 de l'immeuble cadastré section Z n°[Cadastre 13] situé [Adresse 16] à [Localité 23].
Statuant à nouveau,
Fixer l'indemnité globale de 320.100 euros en NR tous chefs de préjudices confondus , l'indemnité devant revenir aux destinataires du présent acte pour l'expropriation du bien situé sur la parcelle cadastré section Z n°[Cadastre 13] - lots n°15 et 29, situé [Adresse 16] à [Localité 23].
2/ adressées au greffe par Monsieur [W], [D], [N] [I] et Madame [K], [E], [T] [S] ,intimés, le 27 juillet 2022, notifiées le 27 juillet 2022 (AR intimé le 28 juillet 2022 et AR CG le 28 juillet 2022), aux termes desquelles il est demandé à la cour de :
Confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 18 novembre 2021 qui a fixé l'indemnité de dépossession due à Monsieur [W], [D], [N] [I] et à Madame [K], [E], [T] [S] pour la dépossession de leurs lots de copropriété n°15 et 29, se situant [Adresse 16] à [Localité 23], à la somme de 377.133 euros se décomposant de la manière suivante :
Indemnité principale : 337.521 euros ;
Indemnité de remploi : 34.752 euros ;
Frais de déménagement : 4.860 euros.
Condamner la Société du Grand Paris au paiement d'une somme de 3.000 euros à verser à Monsieur [W], [D], [N] [I] et à Madame [K], [E], [T] [S] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
3/ adressées au greffe par le commissaire du gouvernement, intimé, le 4 août 2022, notifiées le 11 août 2022 (AR appelant le 16 juin 2022 et AR intimé le 16 juin 2022), aux termes desquelles il forme appel incident et demande à la cour de :
confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a fixé l'indemnité de dépossession à 321.960 euros se décomposant comme suit :
- indemnité principale: 4200 euros/m² X 68, 42 euros= 287364 euros
- indemnité de remploi: 29736 euros
- indemnité pour frais de déménagement: 4860 euros.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES :
La Société du Grand Paris fait valoir que :
Concernant la description du bien, la parcelle est située au centre de la commune d'[Localité 23], dans le quartier de centre-ville à vocation mixte résidentielle et commerciale et supporte une copropriété. L'ensemble immobilier placé sous le statut de la copropriété comprend les éléments suivants :
Un bâtiment A en façade sur la rue [Adresse 16], élevé sur sous-sol, d'un rez-de-chaussée, de cinq étages et d'un grenier mansardé ;
Un bâtiment B élevé sur terre-plein d'un rez-de-chaussée et d'un étage, en retrait du bâtiment A et séparé de lui par une cour commune.
M. [I] et Mme [S] sont propriétaires des lots n°15 et 29 constituant un appartement et une cave, d'une surface totale de 68,42 m². L'appartement est situé dans le bâtiment A, au 4ème étage porte droite. ll comprend une entrée ouverte sur une salle de séjour donnant sur rue avec cuisine américaine aménagée, deux chambres dont une sur cour, une salle de bains et un WC. La surface totale de l'appartement est validée par toutes les parties.
Concernant la situation d'urbanisme, au Plan local d'urbanisme intercommunale (PLUi) de [Localité 35] Commune exécutoire depuis le 31 mars 2020 et remplaçant le PLU jusqu' ici en vigueur sur le territoire de la commune d'[Localité 23], le bien est situé en zone UMTa.
La zone UMT correspond principalement aux espaces denses des centres-villes anciens, au tissu traditionnel. Cette zone mixte peut regrouper de nombreuses fonctions urbaines (habitat, commerces et services, activités, équipements). Le bâti est rythmé et majoritairement continu, avec un parcellaire serré et de nombreux rez-de-chaussée animés.
Concernant la situation locative, le bien est occupé par les propriétaires qui ont renoncé à leur droit au logement.
Concernant la date de référence, il résulte des article L.322-2 du code de l'expropriation et L.213-4 du code de l'urbanisme que celle-ci doit en l'espèce être fixée au 31 mars 2020, date à laquelle est devenue opposable aux tiers la dernière modification du plan local d'urbanisme intercommunal de la [Localité 35] Commune.
Concernant l'indemnité principale, la méthode dite par comparaison est adoptée afin d'apprécier au plus juste la valeur vénale du bien. La valeur moyenne des références produites par l'appelante est de 3.886 euros/m² et la valeur médiane de 4.078 euros/m². L'appelante retient une valeur vénale de 4.200 euros/m² compte tenu des références produites et des caractéristiques du bien. Les expropriés ayant renoncé à leur droit au relogement, il n'y a pas lieu à application à abattement pour occupation. Le bien est donc évalué en valeur libre. Ce point n'est pas contesté par les parties. Le juge de l'expropriation a retenu une valeur unitaire de 4.860 euros/m². Il a ajouté la somme de 4.860 euros pour valoriser la cave. La Société du Grand Paris conteste une telle appréciation, considérant qu'une telle valeur unitaire est bien supérieure aux valeurs du marche immobilier. Une telle valorisation n'est d'ailleurs corroborée par aucun terme de comparaison. Pour obtenir une telle indemnité, le juge de l'expropriation a exclu les termes de comparaison produits par les expropriés car ils portaient tous sur des biens neufs ce qui ne correspondait pas à la réalité. Le premier juge a ensuite retenu cinq termes de comparaison, certains étant produits par l'appelante ainsi que par le commissaire du gouvernement. Il est ressorti de ces termes de comparaison une moyenne de 3.849 euros/m², proche de celle du commissaire du gouvernement et de l'appelante. Cette évaluation était conforme au prix du marché. Or, le juge de l'expropriation a ensuite fixé la valeur vénale du bien de 4.860 euros/m² qui n'a aucun rapport avec le prix du marché. Cette valeur vénale de 4.860 euros/m² correspond en réalité à une majoration de 26 % par rapport au prix moyen du m² établi par le premier juge lui-même. L'appelante et le commissaire du gouvernement retenaient une valeur vénale supérieure à celle issue de la moyenne des termes de comparaison afin de valoriser l'état général du bien. Le premier juge a encore plus valorisé la valeur du bien en sur-évaluant ses qualités. La valeur vénale retenue correspond aux prix de marché dans l'immobilier neuf, soit des biens radicalement différents du bien exproprié. Le jugement doit être infirmé sur ce point et la valeur vénale doit être fixée à 320100 euros/m², conformément à l'offre de la Société du Grand Paris, cohérente avec les prix de marché dans l'immobilier ancien.
Concernant l'évaluation de la cave, l'appelante et le commissaire du gouvernement ont proposé une évaluation de l'appartement cave intégrée. Le Juge de l'expropriation a accordé une indemnité de 5.000 euros au titre de la cave dès lors que les termes de comparaison portent sur des logements ne comportant pas de cave. Le jugement doit être infirmé sur ce point. L'appartement doit être évalué cave intégrée. ll ne doit être accordé aucune indemnité supplémentaire au titre de la cave.
Concernant les frais de déménagement, le premier juge a fixé les frais de déménagement à un montant de 4.860 euros, sur la base d'un devis présenté par les expropriés pour un déménagement sur la commune de [Localité 32]. Toutefois, un tel devis ne porte pas sur un déménagement dans un périmètre proche du bien exproprié. Le jugement doit être infirmé de ce chef. L'indemnité de déménagement doit être fixée à un montant de 3.000 euros.
M. [W] [I] et Mme [K] [S] (ci-après les consorts [I] [S]) rétorquent que :
Concernant la situation géographique du bien, leur bien se situe dans le département de Seine-Saint-Denis, sur la commune d'[Localité 23], commune limitrophe de Paris. La commune bénéficie d'une position géographique enviable, étant desservie par l'autoroute A86, le RD932 et RD901 et le boulevard périphérique (Porte d'Aubervilliers et Porte de la Villette). La commune est particulièrement bien desservie par le métro et le RER grâce à la présence de diverses stations à proximité. Cette déserte exceptionnelle a encore été améliorée récemment dans la mesure ou le projet d'extension de la ligne (M) (12) jusqu'à la Mairie d'[Localité 23], aux pieds de l'immeuble, en passant par la station Aimé Césaire, est entrée en service à la fin du mois de mai 2022. Le bien exproprié se situe à proximité immédiate de commerces de proximité et bénéfice d'une situation géographique attractive. Le premier juge retient cet emplacement privilégié.
Concernant la situation d'urbanisme, le bien exproprié est situé depuis le 31 mars 2020, en zone UMTa du PLUi de [Localité 35] Commune, zone qui correspond aux espaces denses des centres-villes anciens, au tissu traditionnel d'[Localité 23]. Il s'agit d'une zone mixte qui rassemble de nombreuses fonctions urbaines (habitats, commerces et services, activités, équipements).
Concernant la description du bien, il s'agit d'un immeuble de type R+5+combles, sur un sous-sol et composé de 12 appartements et de 3 commerces. ll s'agit d'un bel immeuble des années 1930, classé comme remarquable par le service des monuments historiques et dans un très bon état. L'appartement des consorts [I] [S] est situé dans cet immeuble en copropriété, au 4ème étage. Il est composé de deux lots :
le lot n° 15 qui est constitué d'un appartement de 68,42 m² situé au 4ème étage ; L'appartement est de type T3 et comporte une entrée, une cuisine ouverte sur le séjour, deux chambres, une salle de bain et des toilettes. Il est en très bon état, a été entièrement rénové et bénéfice d'une belle vue sur la place de la mairie, l'église et le stade de France.
et le lot n° 29 qui est constitué d'une cave située en sous-sol du bâtiment A de 5 m².
Concernant la situation locative du bien, il est occupé par les consorts [I] [S]. Ils ont renoncé à bénéficier de leur droit au relogement.
Concernant l'évaluation du bien, la méthode par comparaison a été validée par toutes les parties. Le bien est actuellement libre de toute occupation, un prix sans abattement pour occupation doit être retenu. Le jugement doit être confirmé sur ce point. La surface de l'appartement des expropriés est de 68,42 m², ce qui est validé par toutes les parties. La cave qui se situe au sous-sol de l'immeuble est d'une superficie de 5 m² à laquelle il convient d'appliquer un coefficient de pondération de 0,5. Il doit être tenu compte d'une surface complémentaire de 2,5 m² dans le calcul de l'indemnité d'expropriation, et ce, dans l'éventualité où les termes de comparaison proposés ne comporteraient pas de cave. Le jugement doit être confirmé sur ces points.
Concernant l'évaluation de la valeur de l'appartement et de la cave, le premier juge a retenu une valeur vénale de 4.860 euros/m². Le premier juge a ajouté la somme de 5.000 euros pour valoriser la cave car les termes de comparaison produits et retenus ne comportement pas de cave. Le jugement de première instance doit être confirmé sur ces points. La moyenne issue des termes de comparaison produits par les intimés est de 5.521 euros/m² pour des biens similaires. L'appelante fait valoir que certains biens devraient être exclus dans la mesure où il s'agit de biens neufs, ne comportant pas de places de stationnement. Cependant, les biens neufs sont actuellement vendus au même prix que des biens anciens, lorsqu'ils sont en bon état, dans l'hypercentre. En effet, les bien anciens présentent des qualités architecturales et un charme qui en font des biens d'exception et qui voient en ce sens leur valeur revalorisée, bien qu'ils ne disposent pas de places de stationnement. De plus, les prix sur le territoire de la commune d'[Localité 23] ne cessent d'augmenter. Les prix des biens immobiliers ont augmenté de près de 45% en 5 ans. Cette hausse de prix doit être prise en compte. Dans le même immeuble, trois biens ont fait l'objet d'un accord amiable entre les expropriés et la Société du Grand Paris pour lesquels la valeur vénale était toujours supérieure à 4.800 euros. Le tribunal judiciaire a également rendu trois décisions qui n'ont pas fait l'objet d'un appel dans lesquels la valeur vénale était toujours supérieure à 4.800 euros. Il serait inéquitable de retenir une valeur inférieure pour ce bien dans le même immeuble alors qu'il est dans un état similaire. Le jugement doit être confirmé sur ce point.
Concernant les termes de références cités par l'appelante, ils concernent des mutations de biens qui n'ont pas les mêmes qualités architecturales que le bien exproprié et bien qu'ils se trouvent à proximité de celui-ci, ils ne disposent pas de la même situation géographique. Le premier juge a retenu que le bien bénéficiait d'un parfait emplacement lors du transport sur les lieux. C'est à ce titre que le premier juge a majoré la valeur vénale du bien exproprié. Il doit être retenu un prix de 4.860 euros/m².
Concernant l'indemnité principale, il convient de confirmer le jugement de première instance en ce qu'il l'a fixé à 337.521 euros.
Concernant l'indemnité de remploi, il convient de confirmer le jugement de première instance en ce qu'il l'a fixé à 34.752 euros.
Concernant l'indemnité pour frais de déménagement, il convient de confirmer le jugement de première instance en ce qu'il l'a fixé à 4.860 euros.
Le commissaire du gouvernement conclut que :
Concernant la description du bien, il se situe sur la parcelle cadastrée section Z n°[Cadastre 13], sis [Adresse 16] à [Localité 23]. M. [I] et Mme [S] sont propriétaires des lots n°15 et 29 composés de la manière suivante :
Lot 15 : un appartement de type T3 au 4ème étage droite d'une superficie de 68,42 m² composé d'un salon, d'une cuisine ouverte, de deux chambres, d'une salle d'eau avec verrière, baignoire et d'un WC. Les fenêtres sont en PVC et double vitrage. Il y a du parquet au sol et la poutre IPN est apparente.
Lot 29 : une cave située au sous-sol.
Concernant la situation locative, le bien est occupé par ses propriétaires qui ont renoncé à leur droit au relogement.
Concernant la date de référence, il résulte des article L.322-2 du code de l'expropriation et L.213-4 du code de l'urbanisme que celle-ci doit être fixée au 31 mars 2020, date à laquelle est devenue opposable aux tiers la dernière modification du plan local d'urbanisme intercommunal de la [Localité 35] Commune.
Concernant la situation d'urbanisme, la parcelle Z n°[Cadastre 13] se situe en zone UMTa. Cette zone correspond notamment aux espaces denses des centres-villes anciens, au tissu traditionnel. Il s'agit d'une zone urbaine dédiée à l'habitat, aux commerces, et services, activités, équipements.
Concernant la valeur vénale du bien, le juge de première instance a fixé la valeur unitaire du bien en valeur libre à 4.860 euros en appliquant la méthode par comparaison. Pour obtenir cette valeur, le juge a retenu la moyenne unitaire retenue par le Commissaire du Gouvernement de première instance, à savoir 4.500 euros à laquelle il a appliqué une majoration de 8 % pour tenir compte du très bon état du logement. ll a ainsi retenu une valeur unitaire de 4.860 euros. Une indemnité de 5.000 euros a été accordée au titre de la cave. Il est proposé de reprendre l'étude de marché du Commissaire du Gouvernement de première instance dont les critères de recherche sont les suivants :
appartements d'une surface de 55 m² à 75 m², situés dans un rayon de 300 mètres autour du [Adresse 16] à [Localité 23].
La moyenne de l'étude de marché est de 3.917 euros/m². Les termes de comparaison issus de l'étude de marché s'étendent de 3.180 euros/m² à 4.455 euros/m². La détention d'une cave n'a pas d'incidence sur la valorisation des biens. ll est proposé de retenir la moyenne arrondie de l'étude de marché, soit 4.000 euros/m², car il n'y a pas besoin d'appliquer une plus-value relative à l'état du bien. L'appelant retenant une valeur unitaire supérieure de 4.200 euros, c'est cette valeur que doit retenir la Cour, ce qui représente une indemnité principale de 287.364 euros, soit 4.200 euros x 68,42 m².
Concernant les frais de déménagement, le premier juge a accordé 4.860 euros en se fondant sur un devis fourni par les expropriés. Le jugement doit être confirmé sur ce point.
SUR CE, LA COUR
- Sur la recevabilité des conclusions
Aux termes de l'article R311-26 du code de l'expropriation modifié par décret N°2017-891 du 6 mai 2017-article 41 en vigueur au 1 septembre 2017, l'appel étant du 3 février 2022, à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel.
À peine d'irrecevabilité, relevée d'office, l'intimé dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant. Le cas échéant, il forme appel incident dans le même délai et sous la même sanction.
L'intimé à un appel incident ou un appel provoqué dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la notification qui en est faite pour conclure.
Le commissaire du gouvernement dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et l'ensemble des pièces sur lesquelles il fonde son évaluation dans le même délai et sous la même sanction que celle prévue au deuxième alinéa.
Les conclusions et documents sont produits en autant d'exemplaires qu'il y a de parties, plus un.
Le greffe notifie à chaque intéressé et au commissaire du gouvernement, dès leur réception, une copie des pièces qui lui sont transmises.
En l'espèce, les conclusions de la Société du Grand Paris du 28 avril 2022, des consorts [I] et [S] du 27 juillet 2022 et du commissaire du gouvernement du 4 août 2022 adressées ou déposées dans les délais légaux sont recevables.
- Sur le fond
Aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ratifiée qui s'impose au juge français, toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ; ces dispositions ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes.
Aux termes de l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, la propriété est un droit inviolable et sacré, dont nul ne peut être privé si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la réserve d'une juste et préalable indemnité.
L'article 545 du code civil dispose que nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité.
Aux termes de l'article L 321-1 du code de l'expropriation, les indemnités allouées couvrent l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation.
Aux termes de l'article L 321-3 du code de l'expropriation le jugement distingue, dans la somme allouée à chaque intéressé, l'indemnité principale et, le cas échéant, les indemnités accessoires en précisant les bases sur lesquelles ces diverses indemnités sont allouées.
Aux termes de l'article L 322-1 du code de l'expropriation le juge fixe le montant des indemnités d'après la consistance des biens à la date de l'ordonnance portant transfert de propriété ou lorsque l'expropriant fait fixer l'indemnité avant le prononcé de l'ordonnance d'expropriation, à la date du jugement.
Conformément aux dispositions de l'article L 322-2, du code de l'expropriation, les biens sont estimés à la date de la décision de première instance, seul étant pris en considération - sous réserve de l'application des articles L 322-3 à L 322-6 dudit code - leur usage effectif à la date définie par ce texte.
L'appel porte sur la fixation du montant de l'indemnité d'expropriation.
S'agissant de la date de référence, les parties s'accordent toutes à la situer au 31 mars 2020.
S'agissant des données d'urbanisme, à cette date l'immeuble exproprié est situé en zone UMTa.
Pour ce qui est de la nature du bien, de son usage effectif et de sa consistance, il s'agit d'un appartement de type T3 situé [Adresse 16] à [Localité 23], au sein d'un immeuble en copropriété, construit en 1930 au 4ème étage sans ascenseur. Il est composé de deux lots :
- le lot n° 15 est constitué d'un appartement de 68,42 m² situé au 4ème étage ; L'appartement est de type T3 et comporte une entrée, une cuisine ouverte sur le séjour, deux chambres, une salle de bains et des toilettes. Il est en très bon état, a été entièrement rénové et bénéfice d'une belle vue sur la place de la mairie, l'église et le stade de France.
- le lot n° 29 est constitué d'une cave située en sous-sol du bâtiment A de 5 m².
Pour une plus ample description, il convient de se référer au procès verbal de transport.
S'agissant de la date à laquelle le bien exproprié doit être estimé, il s'agit de celle du jugement de première instance conformément à l'article L322-2 du code de l'expropriation, soit le 18 novembre 2021.
- Sur l'indemnité principale
1° Sur les surfaces
Les parties s'accordent comme en première instance pour retenir une surface utile de 68,42 m².
Le jugement sera donc confirmé sur ce point.
2° Sur la situation locative
Aux termes de l'article L 322-1 du code de l'expropriation le juge fixe le montant des indemnités d'après la consistance des biens à la date de l'ordonnance portant transfert de propriété.
Comme en première instance, les parties s'accordent sur le fait que l'appartement est occupé par les consorts [I] et [S] qui ont renoncé à l'exercice de leur droit au relogement ce qui est confirmé par les parties lors de l'audience du 12 octobre 2021 et que le bien doit donc être évalué en valeur libre d'occupation.
Le jugement sera donc confirmé sur ce point.
3° Sur la méthode
Le juge de l'expropriation dispose du pouvoir souverain d'adapter la méthode qui lui paraît la mieux appropriée à la situation des biens expropriés.
Comme en première instance, les parties s'accordent sur l'utilisation de la méthode d'évaluation globale par comparaison.
Le jugement sera donc confirmé sur ce point.
4° Sur les références des parties
Après examen des termes proposés par les parties, le premier juge a retenu 5 termes de références correspondant à une moyenne de 3849 euros/m² en valeur libre :
N° du terme
Date de vente
Adresse
Superficie
Prix en euros
Prix en euros/m²
Observations
T12
03/02/2020
[Adresse 12]
65 m²
237000
3646
sans cave
T13
21/02/2020
[Adresse 8]
78 m²
310000
3974
avec cave
T19
28/05/2021
[Adresse 12]
75 m²
298000
3968
sans cave
CG 6
16/07/2020
[Adresse 5]
65.3 m²
257000
3936
avec cave
CG 9
11/02/2021
[Adresse 5]
66.1 m²
245000
3706
sans cave
Pour tenir compte du parfait état du logement, des volumes, de sa situation en étage élevé, mais également de facteurs de moins-value du fait que l'immeuble est dépourvu d'un ascenseur, il a majoré cette moyenne d'un coefficient de 8 % est ainsi retenu un prix moyen de 4860 euros/m².
En outre, il a ajouté la somme de 4.860 euros pour valoriser la cave.
L'appelant demande de ramener la valeur au montant de 4.200 euros/m² et de ne pas accorder d'indemnisation supplémentaire pour la cave.
Il convient en conséquence d'examiner les références des parties :
a) Les références de la Société du Grand Paris
Elle indique que s'agissant des termes de comparaison retenus par le premier juge, il a écarté les 7 termes produits par les consorts [I] et [S] car ils portent sur des immeubles neufs. Ces termes de comparaison doivent donc être écartés, puisqu'il s'agit de termes de comparaison incomparables avec le bien exproprié.
Elle reprend l'étude de marché du commissaire du gouvernement de première instance, correspondant à 9 mutations portant sur des cessions d'appartement d'une superficie de 55 à 75 m² au sein d'immeubles anciens dans un périmètre de 300 m autour du bien exproprié, pour un prix moyen de 3.917 euros/m².
Elle indique avoir ensuite procédé à une nouvelle étude de marché et a produit après transport sur les lieux 19 termes de comparaison, des cessions d'appartement de type T3, d'une surface entre 50 et 80 m², au sein d'immeubles anciens, dans un rayon de 300 mètres autour du bien exproprié, pour un prix moyen de 3.886 euros/m² et la valeur médiane de 4.078 euros/m².
Elle ajoute que le premier juge a sélectionné cinq termes de comparaison, parmi lesquelles : les termes 12, 13 et 19 de la Société du Grand Paris (les termes 12 et 19 étant également retenus par le commissaire du gouvernement et correspondant à ses termes 7 et 8) et les termes 6 et 9 du commissaire du gouvernement (outre les termes 7 et 8 du commissaire du gouvernement déjà retenus par la Société du Grand Paris).
Le premier juge a retenu un prix moyen de 3.849 euros/m² corroboré par l'étude de marché du commissaire du gouvernement et par celle réalisée par l'appelante ; cette évaluation est conforme au prix du marché, il n'y a pas lieu de revenir sur la sélection des termes de comparaison effectuée en première instance.
Elle conclut que le premier juge aurait donc dû fixer la valeur vénale du bien exproprié à un montant proche du prix moyen du m² ainsi établi et que cela n'a pas été le cas puisqu'il a retenu une valeur de 4.860 euros/m².
L'appelante rappelle que le bien exproprié est situé au 4ème étage sans ascenseur, que l'appartement est donc difficilement accessible, en particulier pour des familles et que la valeur venale de 4.860 euros/m² retenu par le premier juge correspond en réalité au prix de marché dans l'immobilier neuf, à savoir des biens radicalement différents du bien exproprié.
Cette étude de marché en valeur libre avec les références d'enregistrement et cadastrale est la suivante :
N° du terme
Date de vente
Adresse
Surface
Prix en euros
Prix en euros/m²
construction
Observations
T1
03/10/2018
[Adresse 7]
46
190000
4130
1907
IT 210 000 euros
T2
03/01/2019
[Adresse 18]
54
120000
2222
1930
T3
11/01/2019
[Adresse 19]
49
200000
4078
1913
T4
18/01/2019
[Adresse 1]
57
162000
2842
1920
T5
04/04/2019
[Adresse 7]
49
200000
4082
1907
IT 221 000
T6
06/05/2019
[Adresse 7]
50
210000
4171
1907
IT 234 500
T7
17/05/2019
[Adresse 1]
57
235000
4123
1920
T8
10/07/2019
[Adresse 18]
54
140000
2593
1930
T9
CG4
25/07/2019
[Adresse 10]
71
280000
3944
1900
T10
31/07/2019
[Adresse 7]
47
206000
4383
1900
IT 227000
T11 CG 2
02/12/2019
[Adresse 4]
55
245000
4455
1900
T12
03/20/2020
[Adresse 12]
65
237000
3646
1885
T13
21/02/2020
[Adresse 8]
78
310000
3974
1964
T14
I1
10/06/2020
[Adresse 7]
46
223000
4791
1907
IT 246'300 euros
T15
10/06/2020
[Adresse 7]
50
200000
4000
1907
T16
03/07/2020
[Adresse 15]
47
165000
3501
1914
T17
14/12/2020
[Adresse 18]
53
237000
4472
1930
T18
27/01/2021
cette [Adresse 37]
49
220000
4468
1934
T19
28/05/2021
[Adresse 12]
75
298000
3968
1885
Moyenne
médiane
3886
4078
Les termes T1, T3, T5, T6, T7, T9, T10, T11, T12, T15, T16, T17, T18 et T19 non critiqués par les autres parties comparables en consistance et localisation seront retenus.
Les termes T2, T4, T8 sont manifestement trop bas par rapport au marché et seront donc écartés.
Les consorts [I] [S] demandent d'écarter le terme T13 qui ne présente pas les mêmes qualités architecturales et ils produisent une photographie à l'appui.
La cour disposant de nombreuses références non contestées, ce terme T 13 sera écarté.
Le terme T14 est également proposé par les consorts [I] [S], mais pour une valeur de 8025,48 euros/m²; la SGP retient 46 m² et les intimés 62 m² en surface utile ; en l'absence de l'acte de vente, il convient d'écarter cette référence.
b) Les références des consorts [I] et [S]
Les consorts [I] et [S] produisent des termes de comparaison portant sur des appartements d'une surface comprise entre 53 et 69 m².
N° du terme
Date de vente
Adresse
Superficie
Prix en euros
Prix en euros/m²
Observations
I1
10/06/2020
[Adresse 7]
62 m²
497580
8025
construit en 1907, sans ascenseur, avec cave, surface en carrez 89 m²
I2
31/01/2020
[Adresse 9]
69 m²
341573
4950
construit en 2019 sans ascenseur, avec terrasse et parking
I3
23/12/2021
[Adresse 14]
53 m²
249900
4715,09
construit en 1955, sans ascenseur, avec une cave
I4
29/12/2020
[Adresse 9]
65 m²
334407
5144
construit en 2019 sans ascenseur, avec une terrasse et parking
I5
22/06/2021
[Adresse 22]
69 m²
355000
5144
construit en 2015, sans ascenseur, avec une terrasse et parking
I6
01/07/2021
[Adresse 21]
66 m²
300000
4545
construit en 1955, avec ascenseur et avec une cave
I7
22/01/2021
[Adresse 17]
56 m²
343050
6.125,89
construit en 1980, avec ascenseur, avec une cave et agrément de 24 m²
Le terme I1 au prix de 8025,48 euros/m² est manifestement hors marché et sera donc écarté.
Il convient d'écarter les termes de référence 2, 4 et 5 qui correspondent à des immeubles construits très récemment et qui ne sont donc pas comparables avec le bien exproprié.
Le terme I3 porte sur une mutation intervenue après la date du jugement de première instance du 18 novembre 2021, il ne peut être pris en compte, il sera donc exclu.
Le terme I6 correspond à une mutation récente et est comparable en terme de localisation et de consistance bien qu'il porte sur un immeuble avec ascenseur ce qui constitue un élément de plus-value, il sera donc retenu.
Le terme I7 porte sur un immeuble qui comporte un ascenseur, il fait 13 m² de moins mais contient une dépendance de 24 m² ce qui augmente le prix. Ce terme n'est donc pas comparable, il sera exclu.
Les consorts [I] et [S] produisent également des accords amiables intervenus portant sur la vente d'un bien se situant dans le même immeuble que le bien exproprié entre la Société du Grand Paris et des expropriés. Les accords, intervenus avant le jugement de première instance, ont retenu une valeur de 4.860 euros/m² en valeur libre. Ces accords doivent être pris en considération dans la fixation du montant final de la valeur unitaire du bien exproprié (pièce n°5).
c) Les références du commissaire du gouvernement
Il reprend l'étude de marché du commissaire du gouvernement de première instance qui porte sur des appartements d'une surface comprise entre 55 m² et 75 m², situés dans un rayon de 300 mètres autour du bien exproprié :
N° du terme
Date de vente
Adresse
Superficie
Prix en euros
Prix en euros/m²
Observations
CG1
17/05/2020
[Adresse 2]
57,76 m²
235000
4069
construit en 1920
CG2
02/12/2019
[Adresse 3]
55 m²
245000
4455
construit en 1900, avec cave
CG3
04/10/2019
[Adresse 11]
56,05 m²
240000
4282
construit en 1908
CG4
25/07/2019
[Adresse 10]
70 m²
280000
4000
construit en 1900
CG5
25/02/2019
[Adresse 20]
66,67 m²
212000
3180
construit en 1871
CG6
16/07/2020
[Adresse 6]
65,3 m²
257000
3936
construit en 1955, avec cave
CG7
03/02/2020
[Adresse 12]
65,43 m²
237000
3622
construit en 1885
CG8
28/05/2021
[Adresse 12]
74,4 m²
298000
4005
construit en 1885
CG9
11/02/2021
[Adresse 6]
66,11 m²
245000
3706
construit en 1955
La moyenne de l'étude de marché réalisée est de 3.917 euros/m², arrondie à 4.000 euros/m². Le commissaire du gouvernement propose de retenir la valeur de 4.200 euros/m² proposée par l'appelant puisque c'est la valeur la plus élevée.
Les consorts [I] [S] demandent d'écarter le terme CG 9 qui ne présente pas les mêmes qualités architecturales et ils produisent une photographie.
La cour ayant déja de nombreuses références, ce terme sera écarté.
Les autres termes non critiqués comparables en consistance et localisation seront retenus.
Les références retenues par la cour sont donc les suivantes :
-4130+4078+4082+4171+4123+4000 pour le CG (3944 pour la SGP)
-+4383+4455+3646+4000+3501+4472+4468+3968 (termes de la SGP)+
- 4545,45 (termes consorts [I] [S])+4069+469+4455+4282+3180+3936+3622+4005
= 89571,45/22=4071 euros/m².
Les éléments de moins-value sont notamment l'absence d'ascenseur pour un appartement se situant au 4ème étage, ce qui est difficilement accessible.
Les éléments de plus-value sont notamment que le bien est en bon état, sans avoir cependant des aménagements particuliers qui permettent de le considérer dans un très bon état.
Au regard de ces éléments, de l'évolution du marché, de ces références et des accords amiables, il convient de retenir la moyenne supérieure proposée par l'appelante, soit la valeur de 4.200 euros/m².
L'indemnité principale est donc de : 4.200 euros x 68,42 m² = 287.364 euros en valeur libre.
Le jugement sera infirmé en ce sens.
- Sur les indemnités accessoires
1° Sur l'indemnité de remploi
Elle est calculée selon la jurisprudence habituelle comme suit :
20% entre 0 et 5 000 euros : 1 000 euros
15% entre 5 001 et 15 000 euros : 1 500 euros
10% sur le surplus soit : ( 287 364 - 15 000 ) x 10% = 27 236 euros
soit un total de 29 738 euros.
2° Sur l'évaluation de la cave
Le premier juge a accordé une indemnité séparée de 5.000 euros au titre de l'indemnisation de la cave. Parmi les termes de comparaison retenus en première instance, repris dans ce jugement, deux comportent des caves, ces termes ne montrent aucune différence notable de prix entre les appartements sans cave et les appartements avec cave.
Il n'y a pas lieu d'indemniser séparément la cave et l'appartement puisque le bien est évalué cave intégrée.
Le jugement sera infirmé en ce sens.
3° Sur les frais de déménagement
Le premier juge a fixé les frais de déménagement à montant de 4.860 euros, sur la base d'un devis présenté par les expropriés pour un déménagement sur la commune de [Localité 32].
L'appelant prétend que cette indemnité doit être réduite à 3.000 euros car le devis ne porte pas sur un déménagement dans un périmètre proche du bien exproprié.
Toutefois, l'appelante ne rapporte pas la preuve de l'indemnité qui devrait être allouée pour un déménagement dans un périmètre plus proche du bien exproprié, puisqu'elle ne produit elle-même aucun devis.
Le jugement sera donc confirmé.
L'indemnité totale de dépossession foncière à verser par la Société du Grand Paris aux consorts [I] et [S] est donc de :
287.364 (indemnité principale) + 29 738 (indemnité de remploi)+ 4.860 (indemnité pour frais de déménagement) = 321 960 euros en valeur libre.
Le jugement sera infirmé en ce sens.
- Sur l'article 700 du code de procédure civile
Il convient de confirmer le jugement qui a condamné la Société du Grand Paris à payer aux consorts [I] et [S] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
L'équité commande de débouter les consorts [I] et [S] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
- Sur les dépens
Il convient de confirmer le jugement pour les dépens de première instance, qui sont à la charge de l'expropriant conformément à l'article L 312-1 du code de l'expropriation.
Les consorts [I] [S] perdant pour l'essentiel du procès seront condamnés aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,
Déclare recevables les conclusions des parties ;
Infirme partiellement le jugement entrepris dans les limites de l'appel ;
Statuant à nouveau,
Fixe l'indemnité due par la Société du Grand Paris aux consorts [I] et [S] à la somme de 321 960 euros en valeur libre se décomposant comme suit :
- indemnité princpale : 287 364 euros
- indemnité de remploi : 29739 euros
- indemnité de déménagement : 4 860 euros ;
Confirme le jugement entrepris dans ses autres dispositions ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
Déboute les consorts [I] et [S] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mr [W] [I] et Mme [K] [S] aux dépens.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT