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30/03/2023 | FRANCE | N°21/14952

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 11, 30 mars 2023, 21/14952


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 11



ARRET DU 30 MARS 2023



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/14952

N° Portalis 35L7-V-B7F-CEHAA



Décision déférée à la Cour : jugement du 09 juin 2021 - tribunal judiciaire de CRETEIL - RG n° 21/00234



APPELANTE



Madame [K] [X]

[Adresse 4]

[Localité 13]

Née le [Date naissance 7] 1962

Représentée par Me

Serge BEYNET de la SELARL SERGE BEYNET, avocat au barreau de PARIS, toque : C0482

Assistée par Me Marie-Hélène EYRAUD, avocat au barreau de PARIS



INTIMEES



S.A. L'EQUITE COMPAGNIE D'ASSURANC...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11

ARRET DU 30 MARS 2023

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/14952

N° Portalis 35L7-V-B7F-CEHAA

Décision déférée à la Cour : jugement du 09 juin 2021 - tribunal judiciaire de CRETEIL - RG n° 21/00234

APPELANTE

Madame [K] [X]

[Adresse 4]

[Localité 13]

Née le [Date naissance 7] 1962

Représentée par Me Serge BEYNET de la SELARL SERGE BEYNET, avocat au barreau de PARIS, toque : C0482

Assistée par Me Marie-Hélène EYRAUD, avocat au barreau de PARIS

INTIMEES

S.A. L'EQUITE COMPAGNIE D'ASSURANCES ET DE REASSURANCES CONTRE LES RISQUES DE TOUTE NATURE

[Adresse 5]

[Localité 11]

Représentée par Me Bruno REGNIER de la SCP REGNIER - BEQUET - MOISAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050

Assistée par Me Stéphanie SALAÜN, avocat au barreau de PARIS

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAL DE MARNE

Service recours contre tiers

[Adresse 3]

[Localité 13]

n'a pas constitué avocat

MALAKOFF MEDERIC PREVOYANCE

[Adresse 6]

[Localité 11]

n'a pas constitué avocat

CHORUM MUTUELLE

[Adresse 8]

[Localité 12]

n'a pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 08 décembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre

Madame Nina TOUATI, présidente de chambre

Madame Dorothée DIBIE, conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Nina TOUATI, présidente de chambre, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier lors des débats : Mme Roxanne THERASSE

Greffier lors de la mise à disposition : Mme Emeline DEVIN

ARRET :

- réputé contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre et par Emeline DEVIN, greffière, présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Le 21 novembre 2012 à [Localité 11], Mme [K] [X], qui se rendait sur son lieu de travail à pied, a été victime d'un accident de la circulation dans lequel était impliqué un scooter piloté par M. [D] [U].

Cet accident a été pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne (la CPAM) au titre de la législation professionnelle.

Par jugement du 6 juillet 2015, le tribunal correctionnel de Paris a relaxé M. [D] [U] des chefs de blessures involontaires et refus de céder le passage à un piéton et déclaré, en conséquence, irrecevables les constitutions de partie civile de Mme [X] et de la CPAM.

A l'occasion de cette procédure pénale, la société L'Equité assurances (la société L'Equité), désignée comme étant l'assureur du scooter a soutenu qu'aucun contrat d'assurance automobile n'avait été souscrit.

Mme [X] a fait l'objet, à l'initiative du Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (le FGAO), d'une expertise amiable contradictoire réalisée par le Docteur [T] et le Docteur [J].

Les 18 et 25 novembre 2016, sur la base du rapport établi par ces experts, une transaction d'un montant de 77 852,25 euros a été conclue entre le FGAO et Mme [X] concernant l'indemnisation des préjudices de cette dernière, à l'exception des pertes de gains professionnels actuels et futurs, de l'incidence professionnelle et du déficit fonctionnel permanent.

Par actes d'huissier en date des 26 septembre, 3 octobre 2018, 5 octobre 2018 et 25 janvier 2019, Mme [X] a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Créteil, M. [U], le FGAO, la CPAM, l'institution de prévoyance Malakoff Mederic prévoyance (Malakoff Mederic), et la Mutuelle Chorum, afin d'obtenir l' indemnisation des préjudices restant à liquider.

Parallèlement, la CPAM a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris M. [U] et la société L'Equité en remboursement de ses débours, en présence de Mme [X].

Par jugement du 10 novembre 2017, cette juridiction a mis hors de cause la société l'Equité et condamné M. [U] à payer à la CPAM diverses sommes.

Sur appel de la CPAM, la cour d'appel de ce siège a par arrêt du 16 mars 2020 :

- infirmé ce jugement en toutes ses dispositions,

- dit que le droit à indemnisation de Mme [X] est entier,

- dit que la société L'Equité est tenue de garantir M. [U] des conséquences dommageables de l'accident survenu le 21 novembre 2012,

- dit que la CPAM est fondée à exercer son recours subrogatoire à l'encontre tant de M. [U] que de la société L'Equité,

- condamné in solidum la société L'Equité et M. [U] à payer à la CPAM :

* la somme de 38 849,53 euros au titre de ses débours imputables sur le poste des

dépenses de santé actuelles, avec intérêts au taux légal à compter du 10 février 2015,

* la somme de 1 055 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion,

- sursis à statuer sur l'imputation des indemnités journalières sur le poste de perte de gains professionnels actuels et de la rente accident du travail sur les postes de perte de gains professionnels futurs, incidence professionnelle et déficit fonctionnel permanent, dans l'attente de la liquidation par décision définitive du préjudice de Mme [X] dont le tribunal de grande instance de Créteil est actuellement saisi,

- ordonné que l'affaire soit retirée du rôle des affaires en cours pour y être rétablie sur simple demande de la partie la plus diligence lors de la survenance de l'événement cause du sursis,

- déclaré l'arrêt commun à Mme [X],

- condamné in solidum la société L'Equité et M. [U] aux dépens de première instance et aux dépens d'appel exposés jusqu'à ce jour,

- condamné in solidum la société L'Equité et M. [U] à payer à la CPAM la somme de 1 500 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et celle de 1 500 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté la demande de M. [D] [U] sur le même fondement.

Compte tenu de cette décision, le FGAO a assigné en intervention forcée la société L'Equité dans le cadre de la procédure initiée par Mme [X] devant le tribunal judiciaire de Créteil.

Par jugement du 9 juin 2021, cette juridiction a :

- fixé le droit à réparation de Mme [X] en conséquence de l'accident de la circulation dont elle a été victime le 21 novembre 2012 et complémentairement à la transaction intervenue les 18 et 25 novembre 2016 entre elle et le FGAO, avant imputation de la créance des tiers-payeurs, comme suit :

- 20 000 euros au titre de l'incidence professionnelle

- 50 250 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,

- constaté qu'après imputation de la rente servie au titre de l'accident du travail, il ne revient aucune indemnité complémentaire à Mme [X] pour ces chefs de préjudice,

- rejeté le surplus des demandes de Mme [X] au titre de la réparation de son préjudice notamment au titre de la perte de gains professionnels,

- condamné la société L'Equité à payer au FGAO la somme de 77 852,25 euros, en deniers ou quittances, provisions non déduites, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour,

- déclaré le jugement commun à la CPAM, à la Mutuelle Chorum et Malakoff Mederic et opposable au FGAO,

- condamné M. [U] et la société L'Equité solidairement aux dépens conformément aux dispositions de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991,

- condamné M. [U] et la société L'Equité, in solidum, à payer à Mme [X] une indemnité de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société L'Equité à verser au FGAO la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision,

- rejeté toutes prétentions plus amples ou contraires des parties.

Par déclaration du 20 août 2021, Mme [X] a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a :

- fixé le droit à réparation de Mme [X] en conséquence de l'accident de la circulation dont elle a été victime le 21 novembre 2012 et complémentairement à la transaction intervenue les 18 et 25 novembre 2016 entre elle et le FGAO, avant imputation de la créance des tiers-payeurs, comme suit :

- 20 000 euros au titre de l'incidence professionnelle

- 50 250 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,

- constaté qu'après imputation de la rente servie au titre de l'accident du travail, il ne revient aucune indemnité complémentaire à Mme [X] pour ces chefs de préjudice,

- rejeté le surplus des demandes de Mme [X] au titre de la réparation de son préjudice notamment au titre de la perte de gains professionnels.

Le FGAO n'a pas été intimé.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions de Mme [X], notifiées le 11 avril 2022, aux termes desquelles elle demande à la cour de :

Vu la loi du 5 juillet 1985 sur les accidents de la circulation,

Vu les articles L. 421-1 et suivants du code des assurances,

- recevoir Mme [X] en son appel,

- infirmer le jugement du 9 juin 2021 en ce qu'il a fixé le droit à réparation de Mme [X] en conséquence de l'accident de la circulation dont elle a été victime le 21 novembre 2012 et complémentairement à la transaction intervenue les 18 et 25 novembre 2016 entre elle et le FGAO, avant imputation de la créance des tiers-payeurs, comme suit : *20 000 euros au titre de l'incidence professionnelle, * 50 250 euros au titre du déficit fonctionnel permanent et constaté qu'après imputation de la rente servie au titre de l'accident du travail, il ne revient aucune indemnité complémentaire à Mme [X] pour ces chefs de préjudice ; rejeté le surplus des demandes de Mme [X] au titre de la réparation de son préjudice notamment au titre de la perte de gains professionnels,

Et statuant à nouveau,

- condamner la société L'Equité à payer à Mme [X],

- à titre principal, la somme de 325 736,31 euros décomposée comme suit après déduction de la créance de la CPAM :

postes de préjudice

préjudices

part CPAM

part revenant à la victime

perte de gains professionnels actuels

70 071,96 euros

53 565,70 euros

16 506,26 euros

perte de gains professionnels futurs

271 074,27 euros

139 844,22 euros

131 203,05 euros

incidence professionnelle

98 000 euros

0 euro

98 000 euros

déficit fonctionnel permanent

80 000 euros

0 euro

80 000 euros

total

519 146,23 euros

193 409,92 euros

325 736,31 euros

- à titre subsidiaire, la somme de 271 830,89 euros décomposée comme suit après déduction de la créance de la CPAM :

postes de préjudice

préjudices

part CPAM

part revenant à la victime

perte de gains professionnels actuels

59 514 euros

53 565,70 euros

5 948,30 euros

perte de gains professionnels futurs

227 726,81 euros

139 844,22 euros

087 882,59 euros

incidence professionnelle

98 000 euros

0 euro

98 000 euros

déficit fonctionnel permanent

80 000 euros

0 euro

80 000 euros

total

465 240,81 euros

193 409,92 euros

271 830,89 euros

- à titre infiniment subsidiaire, la somme de 168 087,76 euros décomposée comme suit après déduction de la créance de la CPAM :

postes de préjudice

préjudices

part CPAM

part revenant à la victime

perte de gains professionnels actuels

70 071,96 euros

53 565,70 euros

16 506,26 euros

perte de gains professionnels futurs

113 425,72 euros

113 425,72 euros

0 euro

incidence professionnelle

98 000 euros

26418,50 euros

71 581,50 euros

déficit fonctionnel permanent

80 000 euros

0 euro

80 000 euros

total

361 497,68 euros

193 409,92 euros

168 087,76 euros

- dire l'arrêt à intervenir opposable à la CPAM, à la Mutuelle Chorum et à Malakoff Mederic,

- condamner la société L'Equité à verser à Mme [X] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel,

- condamner la société L'Equité aux entiers dépens.

Vu les dernières conclusions de la société L'Equité, notifiées le 17 octobre 2022, aux termes desquelles elle demande à la cour de :

Vu la loi du 5 juillet 1985 sur les accidents de la circulation,

- déclarer Mme [X] mal fondée en son appel,

- débouter Mme [X] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 9 juin 2021 par le tribunal judiciaire de Créteil,

- condamner Mme [X] aux dépens d'appel.

La CPAM, Malakoff Mederic ainsi que la Mutuelle Chorum, auxquelles la déclaration d'appel a été signifiée le 15 octobre 2021 s'agissant des deux premiers, et le 18 octobre 2021 s'agissant de la troisième, par actes d'huissier délivrés à personne habilitée, n'ont pas constitué avocat.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La cour n'est saisie que des postes du préjudice corporel de Mme [X] liés à la perte de gains professionnels actuels, à la perte de gains professionnels futurs, à l'incidence professionnelle et au déficit fonctionnel permanent.

Dans leur rapport d'expertise établi le 21 avril 2016, à la demande du FGAO, les Docteurs [J] et [T] indiquent que Mme [X], née le [Date naissance 7] 1962, qui travaillait comme secrétaire pour l'association Olga Spitzer, a présenté à la suite de l'accident de trajet du 21 novembre 2012 une fracture du quart externe de la clavicule gauche [en réalité la clavicule droite ainsi qu'il résulte du certificat médical initial] et une fracture fermée des deux os de la jambe gauche et qu'elle conserve comme séquelles un enraidissement important de l'épaule droite avec amyotrophie des fosses sus et sous-épineuses, un enraidissement du genou gauche, des douleurs séquellaires de la cheville gauche, une inégalité de longueur des membres inférieurs et des séquelles psychologiques décrites par les Docteurs [N] et [F], à savoir des éléments psycho-traumatiques avec troubles du sommeil justifiant un taux d'AIPP de 7 % dans leur spécialité.

Les co-experts ont fixé la date de consolidation au 1er novembre 2015, correspondant à celle retenue par le médecin conseil de la CPAM.

Ils ont retenu un arrêt de travail imputable à l'accident entre le 1er novembre 2012 et le 1er novembre 2015, les parties s'accordant pour que soit rectifiée l'erreur matérielle affectant cet avis et que soit fixé au 21 novembre 2012, date de l'accident, le point de départ de la cessation d'activité de Mme [X].

Ils ont évalué dans leurs conclusions communes à 25 % le taux de déficit fonctionnel permanent de Mme [X] incluant les séquelles orthopédiques et psychologiques.

Les Docteurs [J] et [T] ont, en revanche, émis des avis divergents concernant l'incidence de l'accident sur le plan professionnel.

L'avis du Docteur [J], médecin expert désigné par le FGAO, est retranscrit dans le rapport d'expertise dans les termes suivants : «Le Docteur [J] admet qu'il peut y avoir une plus grande pénibilité au travail mais il pense que dans le cadre d'un travail de secrétaire, l'intéressée pourrait parfaitement reprendre à temps plein. Si cette reprise à temps plein n'a pas lieu, le Docteur [J] considère qu'il s'agit d'autres pathologies (importante douleur de scoliose dorso-lombaire alléguée). Nous rappelons par ailleurs que le 30/11/2015 le médecin du travail indiquait apte avec aménagement de poste. Il serait souhaitable que l'intéressée reprenne à mi-temps thérapeutique. Ce mi-temps thérapeutique peut se concevoir mais sur une période réduite. Il n'est pas concevable pour le Docteur [J] qu'il y ait un arrêt de travail chez une personne qui a une activité sédentaire. Le Docteur [J] ne voit pas quelles sont les séquelles imputables à l'accident qui pourraient empêcher cette reprise à plein temps dans un délai maximum d'un an».

L'avis du Docteur [T], médecin conseil de Mme [X], est retranscrit dans les termes suivants : « Le Docteur [T] indique lui que chez une droitière secrétaire, il pourrait y avoir des difficultés pour mobiliser le membre supérieur ce qui pour lui, entraîne une impossibilité de travail à temps plein».

Les experts ont relevé dans le corps de leur rapport qu'un examen tomodensitométrique lombaire réalisé le 3 septembre 2014 montrait une discopathie évoluée en L5-S1 et une scoliose dorso-lombaire, le Docteur [J] faisant référence à cette pathologie comme justifiant l'absence de reprise par Mme [X] de son travail à plein temps.

Il ressort d'un rapport d'expertise réalisé le 28 octobre 2016 par le Docteur [O], médecin conseil de la CPAM, en vue de l'attribution à Mme [X] d'une pension d'invalidité, en sus de sa rente d'accident du travail, qu'elle souffre d'une scoliose et d'une bronchite chronique simple.

Aucun élément ne permet de déterminer s'il s'agit d'états antérieurs latents révélés ou provoqués par l'accident, ou de pathologies qui avaient déjà généré avant l'accident une incapacité ou une invalidité ou qui auraient de manière inéluctable produit leurs effets néfastes dans un délai prévisible.

Il convient d'observer que le médecin du travail, à la suite de la visite de reprise consécutive à l'accident du 21 novembre 2022, a conclu le 30 novembre 2015 que Mme [X] était «apte avec aménagement de poste» et qu'il «serait souhaitable que la salariée reprenne à mi-temps thérapeutique».

Le médecin du travail avait déjà préconisé dans un avis antérieur du 17 novembre 2015 la mise en place d'un temps partiel thérapeutique par le médecin traitant.

Cette reprise à mi-temps thérapeutique a fait l'objet d'un avenant conclu le 7 décembre 2015 entre Mme [X] et son employeur, l'association Olga Spitzer, prévoyant que Mme [X] sera installée au secrétariat d'accueil et que son temps de travail hebdomadaire de 17 h 30 sera réparti de la manière suivante : 6 heures de travail le lundi, 6 heures de travail le mercredi et 5 h 30 de travail le jeudi.

Le médecin du travail, à la suite d'une visite réalisée à son initiative le 20 janvier 2016, a estimé que Mme [X] était « apte à mi-temps » les lundis, mercredis et jeudis de 10 h à 16 h 30 précisant qu'il ignorait les conditions de notification de la sécurité sociale pour cette reprise à mi-temps.

Un nouvel avenant au contrat de travail a été signé le 29 février 2016 entre Mme [X] et l'association Olga Spitzer, stipulant qu'à compter du 1er mars 2016 Mme [X] exercera ses fonctions de secrétaire à temps partiel à hauteur de 55 % et non de 50 % comme préconisé par le médecin du travail.

A la suite d'un nouvel arrêt de travail prescrit à compter du 2 mars 2016 et pris en charge au titre du risque maladie, ainsi qu'il résulte des attestations de paiement d'indemnités journalières établies par la CPAM, le médecin du travail a examiné Mme [X] et émis le 16 février 2017 un avis d'inaptitude à son poste de travail, précisant que son emploi était préjudiciable à sa santé.

Se pose la question de savoir si l'inaptitude constatée par le médecin du travail et le licenciement pour inaptitude dont a fait l'objet Mme [X] le 21 avril 2017 sont en lien de causalité direct et certain avec l'accident, ce que la seule circonstance que le médecin du travail a coché la case «maladie ou accident non professionnel» ne permet pas de déterminer.

Par ailleurs, il convient de tenir compte de ce que le droit de la victime à obtenir l'indemnisation de son préjudice corporel ne saurait être réduit en raison d'un état antérieur latent ou d'une prédisposition pathologique lorsque l'affection qui en est issue n'a été provoquée ou révélée que par le fait dommageable.

Au vu de ces éléments, la cour étant insuffisamment informée, il convient d'ordonner avant dire droit sur l'indemnisation des postes de préjudice restant à liquider, une mesure d'expertise judiciaire avec la mission définie dans le dispositif de la décision.

Il convient de réserver les dépens et les frais irrépétibles et d'inviter Mme [X] à produire les bulletins de salaire des 12 mois précédant l'accident ainsi que les décomptes de créance de la Mutuelle Chorum et de Malakoff Mederic mentionnant le montant des arrérages échus et du capital représentatif des arrérages à échoir de la rente d'invalidité que chacun de ces organismes lui verse.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant, publiquement, par arrêt réputé contradictoire et par mise à disposition au greffe,

Et dans la limite de l'appel,

Avant dire droit sur la réparation des poste du préjudice corporel de Mme [K] [X] en liés à la perte de gains professionnels actuels, à la perte de gains professionnels futurs, à l'incidence professionnelle et au déficit fonctionnel permanent, ordonne une mesure d'expertise et commet pour y procéder :

M. [I] [S]

Institut Mutualiste Montsouris

Service de chirurgie orthopédique

[Adresse 9]

Mail : [Courriel 14].

Et en cas d'indisponibilité de ce dernier,

M. [A] [Z]

Hôpital [15]

[Adresse 10]

[Localité 11]

Tél : [XXXXXXXX01]

Port. : [XXXXXXXX02]

Mail : [Courriel 16]

Dit que l'expert désigné pourra, si nécessaire, s'adjoindre le concours de tout sapiteur de son choix dans une spécialité distincte de la sienne, après en avoir simplement avisé les conseils des parties,

Donne à l'expert la mission suivante :

1/ Se faire communiquer le dossier médical complet de la victime, avec l'accord de celle-ci ou de ses ayants droit, et en tant que de besoin, se faire communiquer par tout tiers détenteur les pièces médicales nécessaires à l'expertise, avec l'accord susvisé,

2/ Déterminer l'état de la victime avant l'accident (anomalies, maladies, séquelles d'accidents antérieurs),

3/ Relater les constatations médicales faites après l'accident, ainsi que l'ensemble des interventions et soins y compris la rééducation,

4°/Noter les doléances de la victime,

5/ Examiner la victime et décrire les constatations ainsi faites (y compris taille et poids),

6/Déterminer, compte tenu de l'état de la victime, ainsi que des lésions initiales et de leur évolution, la, ou les, période(s) pendant laquelle (lesquelles) celle-ci a été, du fait de son déficit fonctionnel temporaire, dans l'incapacité d'une part d'exercer totalement ou partiellement son activité professionnelle, d'autre part de poursuivre ses activités personnelles habituelles ; en cas d'incapacité partielle préciser le taux et la durée ;

7/Proposer la date de consolidation des lésions ; si la consolidation n'est pas acquise, indiquer le délai à l'issue duquel un nouvel examen devra être réalisé, évaluer les seuls préjudices qui peuvent l'être en l'état ;

8/Dire si chacune des anomalies constatées est la conséquence de l'accident ou/et d'un état ou d'un accident antérieur ou postérieur,

Dire en particulier si la discopathie, la scoliose et la bronchite chronique de Mme [K] [X] constituent un état antérieur à l'accident, préciser pour chacune de ces pathologies si elles étaient révélées et traitées avant l'accident (dans ce cas préciser les périodes, la nature et l'importance des traitements antérieurs et si elles entraînaient un déficit fonctionnel avant l'accident), si elles ont été aggravées, révélées ou décompensées par l'accident, et si en l'absence de l'accident, elles auraient entraîné un déficit fonctionnel, et dans l'affirmative, dans quel délai et à concurrence de quel taux,

9/Décrire les actes, gestes et mouvements rendus difficiles ou impossibles en raison de l'accident et donner un avis sur le taux du déficit fonctionnel médicalement imputable à l'accident ; donner également un avis sur le taux du déficit fonctionnel global actuel de la victime, tous éléments confondus, état antérieur inclus ; si un barème a été utilisé, préciser lequel,

10/ Donner un avis détaillé sur la difficulté ou l'impossibilité, temporaire ou définitive, pour la victime de :

a) poursuivre l'exercice de sa profession,

b) opérer une reconversion,

Dit que l'expert devra adresser aux parties un document de synthèse ou un pré-rapport :

- fixant, sauf circonstances particulières, la date ultime de dépôt des dernières observations des parties sur le document de synthèse, lesquelles disposeront d'un délai de 4 semaines à compter de la transmission du rapport,

- rappelant aux parties, au visa de l'article 276, alinéa 2, du code de procédure civile, qu'il n'est pas tenu de prendre en considération les observations transmises au delà du terme fixé.

Dit que l'expert répondra de manière précise et circonstanciée à ces dernières observations ou réclamations qui devront être annexées au rapport définitif, dans lequel devront figurer impérativement :

- la liste exhaustive des pièces par lui consultées,

- le nom des personnes convoquées aux opérations d'expertise en précisant pour chacune d'elle la date d'envoi de la convocation la concernant et la forme de cette convocation,

- le nom des personnes présentes à chacune des réunions d'expertise,

- la date de chacune des réunions tenues,

- les déclarations des tiers entendus par lui, en mentionnant leur identité complète, leur qualité et leurs liens éventuels avec les parties,

- le cas échéant, l'identité du technicien dont il s'est adjoint le concours, ainsi que le document qu'il aura établi de ses constatations et avis (lequel devra être joint à la note de synthèse ou au projet de rapport).

Désigne le conseiller chargé du contrôle des expertise de la chambre 4-11de la cour d'appel de Paris pour contrôler les opérations d'expertise,

Dit que Mme [K] [X] devra consigner la somme de 1 500 euros à valoir sur les frais d'expertise à la Régie d'avance set de recettes de la cour d'appel de Paris avant le 30 juin 2023,

Dit que faute de consignation dans ce délai impératif par Mme [K] [X] ou à défaut par la société L'Equité assurances avant le 30 juin 2023, la désignation de l'expert sera caduque et privée de tout effet,

Dit que l'expert sera saisi par un avis de consignation et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 232 à 248, 263 à 284-1 du code de procédure civile et qu'il déposera l'original du rapport définitif en double exemplaire au greffe avant le 31 décembre 2023, délai de rigueur, sauf prorogation de ce délai dûment sollicitée en temps utile auprès du conseiller chargé du contrôle des expertises,

Dit qu'en application de l'article 282 du même code, modifié par le décret n° 2012-1451 du 24 décembre 2012, le dépôt par l'expert de son rapport sera accompagné de sa demande de rémunération, dont il adressera un exemplaire aux parties par tout moyen permettant d'en établir la réception ;

Dit que s'il y a lieu, les parties adresseront à l'expert et à la juridiction ou, le cas échéant au conseiller chargé du contrôle des expertises, leurs observations écrites sur cette demande dans un délai de quinze jours à compter de sa réception ;

Réserve les dépens et l'article 700 du code de procédure civile,

Invite Mme [K] [X] à produire les bulletins de salaire des 12 mois précédant l'accident ainsi que les décomptes de créance de la Mutuelle Chorum et de l'institution de prévoyance Malakoff Mederic mentionnant le montant des arrérages échus et du capital représentatif des arrérages à échoir de la rente d'invalidité que chacun de ces organismes lui verse,

Ordonne le renvoi de l'affaire à la mise en état.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 21/14952
Date de la décision : 30/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-30;21.14952 ?
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