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30/03/2023 | FRANCE | N°21/12337

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 11, 30 mars 2023, 21/12337


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 11



ARRET DU 30 MARS 2023



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/12337 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD7BE



Décision déférée à la Cour : jugement du 09 avril 2021 - tribunal judiciaire de Paris

RG n° 15/01626





APPELANTES



S.A. GAN ASSURANCES

[Adresse 16]

[Localité 13]

Représentée par Me Hervé RE

GOLI, avocat au barreau de PARIS, toque : A0564

Assisté par Me Aliénor BOULANGER, avocat au barreau de TOULOUSE



S.A.R.L. ZEBRA MOTO ECOLE

[Adresse 11]

[Localité 14]

Représentée par Me Hervé REGOLI, avoc...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11

ARRET DU 30 MARS 2023

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/12337 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD7BE

Décision déférée à la Cour : jugement du 09 avril 2021 - tribunal judiciaire de Paris

RG n° 15/01626

APPELANTES

S.A. GAN ASSURANCES

[Adresse 16]

[Localité 13]

Représentée par Me Hervé REGOLI, avocat au barreau de PARIS, toque : A0564

Assisté par Me Aliénor BOULANGER, avocat au barreau de TOULOUSE

S.A.R.L. ZEBRA MOTO ECOLE

[Adresse 11]

[Localité 14]

Représentée par Me Hervé REGOLI, avocat au barreau de PARIS, toque : A0564

Assisté par Me Aliénor BOULANGER, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMES

Monsieur [U] [R]

[Adresse 7]

[Localité 8]

Né le [Date naissance 6] 1987 à [Localité 22]

Représenté par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

Assisté par Me Maxence GALLO, avocat au barreau de PARIS

Madame [A] [B] épouse [R]

[Adresse 7]

[Localité 8]

Née le [Date naissance 2] 1988 à [Localité 20]

Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

Assistée par Me Maxence GALLO, avocat au barreau de PARIS

Monsieur [M] [R]

[Adresse 9]

[Localité 18]

Né le [Date naissance 4] 1956 à [Localité 23]

Représenté par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

Assisté par Me Maxence GALLO, avocat au barreau de PARIS

Madame [H] [I] épouse [R]

[Adresse 9]

[Localité 18]

Née le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 21]

Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

Assistée par Me Maxence GALLO, avocat au barreau de PARIS

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE SEINE-SAINT-DENIS

[Adresse 5]

[Localité 17]

n'a pas constitué avocat

LA MUTUELLE DES ETUDIANTS

[Adresse 10]

[Localité 12]

n'a pas constitué avocat

CPAM DE [Localité 24]

[Adresse 3]

[Localité 15]

Représentée par Me Stéphane FERTIER de l'AARPI JRF AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 12 janvier 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre

Mme Nina TOUATI, présidente de chambre

Mme Dorothée DIBIE, conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier lors des débats : Mme Roxanne THERASSE

Greffier lors de la mise à disposition : Mme Emeline DEVIN

ARRET :

- réputé contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre et par Emeline DEVIN, greffière, présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Le 18 octobre 2011, M. [U] [R], né le [Date naissance 6] 1987, qui avait conclu le 1er octobre 2011 avec la société Zébra moto école un contrat de formation de cinq jours préparant au passage du permis de conduire A, a été victime d'une chute après avoir glissé lors d'une opération de freinage sur la chaussée mouillée.

Par exploits des 29 et 30 janvier 2015, M. [U] [R] a assigné la société Zebra moto école, l'assureur de celle-ci, la société Gan assurances (la société Gan), la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis (la CPAM de Seine-Saint-Denis) et la Mutuelle des étudiants (la LMDE) devant le tribunal de grande instance de Paris pour obtenir l'indemnisation de ses préjudices.

La société Gan a appelé en la cause le Centre hospitalier intercommunal [25], l'Assistance publique- Hôpitaux de [Localité 24], l'Hôpital des [19] et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l'ONIAM).

La caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 24] (la CPAM de [Localité 24]) est intervenue volontairement à l'instance en sa qualité de gestionnaire du dossier de M. [U] [R] pour le compte de la LMDE.

Par ordonnance du 7 juillet 2016, rectifiée le 10 novembre 2016, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris a ordonné la disjonction entre, d'une part, l'affaire opposant M. [U] [R] à la société Gan, la société Zebra moto école, la CPAM de [Localité 26], la CPAM de [Localité 24], l'Hôpital des [19] et la Mutuelle des étudiants, et, d'autre part, celle opposant la société Gan assurances au Centre hospitalier intercommunal [25], à l'assistance publique - Hôpitaux de [Localité 24] et à l'ONIAM ; il a en outre déclaré le tribunal de grande instance de Paris incompétent pour connaître des demandes formées par la société Gan à l'encontre du Centre hospitalier intercommunal [25], de l'Assistance publique - Hôpitaux de [Localité 24] et de l'ONIAM.

Par jugement du 30 novembre 2017, le tribunal de grande instance de Paris a essentiellement :

- condamné in solidum la société Zebra moto école et la société Gan à réparer l'entier préjudice de M. [U] [R],

- condamné in solidum la société Zebra moto école et la société Gan à verser à M. [U] [R] une indemnité provisionnelle de 30 000 euros,

- ordonné une expertise médicale de M. [U] [R] confiée au Docteur [K], ultérieurement remplacé par le Docteur [L],

- condamné in solidum la société Zebra moto école et la société Gan à payer à la CPAM de [Localité 24] la somme de 293 948, 26 euros à titre de provision en remboursement des prestations en nature prises en charge au 22 février 2016 outre la somme de 1 047 euros au titre de l'indemnité forfaitaire prévue à l'article L 376-1 du code de la sécurité sociale.

L'expert a établi son rapport le 3 décembre 2018.

Mme [A] [B], épouse de M. [U] [R] et M. [M] [R] et Mme [H] [I] épouse [R], père et mère de M. [U] [R], sont intervenus volontairement à l'instance.

Par jugement rendu le 9 avril 2021, le tribunal judiciaire de Paris, a :

- reçu les interventions volontaires de Mme [A] [B] épouse [R], Mme [H] [I] épouse [R] et M. [M] [R],

- condamné in solidum la société Zebra moto école et la société Gan à payer à M. [U] [R], à titre de réparation de son préjudice corporel, en deniers ou quittance, provisions non déduites, en réparation des préjudices suivants :

- dépenses de santé actuelles : 423, 40 euros (300 763,87 euros - créance CPAM)

- frais divers : 1 320 euros (2 984,33 euros - créance -frais transports CPAM)

- préjudice universitaire : 21 990 euros

- dépenses de santé futures : 126 882,09 euros et réserve pour partie (10 412,39 euros - créance CPAM)

- assistance par tierce personne temporaire : 23 456 euros

- assistance par tierce personne pérenne : 177 815,60 euros

- déficit fonctionnel temporaire : 13 230 euros

- souffrances endurées : 50 000 euros

- préjudice esthétique temporaire : 5 000 euros

- déficit fonctionnel permanent : 123 420 euros

- préjudice esthétique permanent : 10 000 euros

- préjudice sexuel : 10 000 euros,

ces sommes avec intérêts au taux légal à compter de ce jour,

- réservé les postes de frais de logement adapté, d'incidence professionnelle et de soins futurs s'agissant de la prothèse de base, de la prothèse de ski et du fauteuil roulant,

- condamné in solidum la société Zebra moto école et la société Gan à payer, en deniers ou quittance, provisions non déduites, à :

- Mme [A] [B] épouse [R], la somme de 5 000 euros au titre de son préjudice moral,

- Mme [H] [I] épouse [R], la somme de 3 000 euros au titre de son préjudice moral,

- M. [M] [R], la somme de 3 000 euros au titre de son préjudice moral,

- condamné la société Zebra moto école et la société Gan, in solidum, à payer à la CPAM de [Localité 24] les sommes suivantes :

- frais médicaux et d'hospitalisation : 300 763, 87 euros

- frais de transports : 2 984, 33 euros

- soins post consolidation acquittés : 10 412, 39 euros

ces trois sommes avec intérêts au taux légal à compter de la première demande notifiée le 20 septembre 2019

- indemnité forfaitaire : 1 091 euros,

- réservé la demande de la CPAM de [Localité 24] au titre des frais futurs non réalisés,

- dit que les intérêts échus des capitaux produiront intérêts dans les conditions fixées par l'article 1343-2 du code civil,

- déclaré le présent jugement opposable à la Mutuelle des étudiants,

- déclaré le jugement commun à la CPAM de [Localité 24],

- condamné la société Zebra moto école et la société Gan, in solidum, aux dépens qui comprendront les frais d'expertise,

- condamné la société Zebra moto école et la société Gan, in solidum, à payer à M. [U] [R] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Zebra moto école et la société Gan, in solidum à payer à la CPAM de [Localité 24] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné la société Zebra moto école et la société Gan, in solidum, à payer à l'hôpital des [19] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que Maître Soledad Ricouard en ayant fait la demande, pourra, en ce qui la concerne, recouvrer sur la partie condamnée ceux des dépens dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu de provision en application de l'article 699 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement à concurrence des deux tiers de l'indemnité allouée et en totalité en ce qui concerne les frais irrépétibles et les dépens,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Par déclaration du 1er juillet 2021, la société Gan et la société Zebra moto école ont interjeté appel de ce jugement en visant expressément chacune de ses dispositions sauf celles relatives à l'intervention volontaire de Mme [A] [B] épouse [R], de Mme [H] [I] épouse [R] et de M. [M] [R] et à la déclaration de jugement commun à la CPAM de [Localité 24] et de jugement opposable à la Mutuelle des étudiants.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les conclusions de la société Zebra moto école et de la société Gan, notifiées le 12 décembre 2022, aux termes desquelles elles demandent à la cour, de :

- infirmer le jugement entrepris s'agissant des indemnités allouées à M. [U] [R] au titre des frais divers, de l'assistance par tierce personne temporaire et permanente, des dépenses de santé futures, des frais de logement adapté, de l'incidence professionnelle, du déficit fonctionnel temporaire, des souffrances endurées, du préjudice esthétique temporaire, du déficit fonctionnel permanent, du préjudice esthétique permanent et du préjudice sexuel, au titre des indemnités allouées à Mme [A] [B] épouse [R], M. [M] [R] et Mme [H] [I] épouse [R] et au titre de l'article 700 alloué aux consorts [R],

- confirmer le jugement entrepris pour le surplus,

Statuant à nouveau,

- liquider le préjudice de M. [U] [R] comme suit :

- assistance par tierce personne : 17 448 euros

- tierce personne permanente : 34 022,14 euros ou à titre subsidiaire à la somme de 41 510,14 euros

- incidence professionnelle : 10 000 euros

- déficit fonctionnel temporaire : 9 800 euros

- souffrances endurées : 30 000 euros

- préjudice esthétique temporaire : 2 000 euros

- déficit fonctionnel permanent : 99 000 euros

- préjudice esthétique permanent : 5 000 euros

- préjudice sexuel : 3 000 euros,

- rejeter les demandes de M. [U] [R] au titre des frais divers et des dépenses de santé futures (prothèse de course, prothèse de bain et fauteuil roulant),

- rejeter la demande de M. [U] [R] tendant à réserver les postes frais de logement adapté et incidence professionnelle,

- rejeter les demandes formulées par Mme [A] [B] épouse [R], M. [M] [R] et Mme [H] [I] épouse [R],

ou, à titre subsidiaire,

- confirmer le jugement entrepris s'agissant des indemnités allouées,

- dire que les provisions versées à hauteur de 30 000 euros viendront en déduction de l'indemnité revenant à M. [U] [R],

- rejeter la demande formulée par M. [U] [R], Mme [A] [B], M. [M] [R] et Mme [H] [I] épouse [R] au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ou à titre subsidiaire, limiter l'indemnité allouée à la somme de 1 500 euros,

- rejeter toute autre demande de M. [U] [R] ,

- déclarer l'arrêt à intervenir opposable à la CPAM de Seine-Saint-Denis, à la CPAM de [Localité 24] et à la Mutuelle des étudiants.

Vu les conclusions de M. [U] [R], Mme [A] [B] épouse [R], M. [M] [R], Mme [H] [I] épouse [R] (les consorts [R]), notifiées le 21 novembre 2022, aux termes desquelles ils demandent à la cour, de :

Vu le principe de réparation intégrale,

Vu les articles 1147 ancien du code civil, et 1231 nouveau du code civil,

- réformer partiellement le jugement entrepris,

Ce faisant,

- condamner in solidum la société Zebra moto école et la société Gan à verser à M. [U] [R] à titre d'indemnisation des préjudices découlant de l'accident dont il a été victime le 18 octobre 2011, les sommes suivantes après imputation de la créance de la 'CPAM' conformément aux dispositions de l'article 25 de la loi du 21 décembre 2006 :

- préjudices patrimoniaux :

- préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation) :

- dépenses de santé actuelles : 423, 40 euros

- frais divers : 39 052, 97 euros

- pertes de gains professionnels actuels et préjudice scolaire, universitaire ou de formation : 71 172, 67 euros

- préjudices patrimoniaux permanents :

- dépenses de santé futures :

- prothèse acquise, et prothèses de sport/bain : 126 882, 09 euros

- renouvellement de la prothèse de base, et du fauteuil roulant et de l'acquisition d'une prothèse de ski : réserver

- frais de logement adapté : réserver

- assistance par tierce personne : 422 363, 50 euros, et subsidiairement confirmer le jugement entrepris

- incidence professionnelle : réserver

- préjudices extra-patrimoniaux :

- préjudices extra-patrimoniaux temporaires (avant consolidation) :

- déficit fonctionnel temporaire : 13 230 euros, et subsidiairement, confirmer le jugement entrepris

- souffrances endurées : 50 000 euros

- préjudice esthétique temporaire : 5 000 euros

- préjudices extra-patrimoniaux permanents (après consolidation) :

- déficit fonctionnel permanent : 123 420 euros

- préjudice esthétique permanent : 10 000 euros

- préjudice sexuel : 10 000 euros

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné solidairement la société Zébra moto école et la société Gan à verser :

- à Mme [A] [B] épouse [R] au titre de son préjudice moral compassionnel une indemnité de 5 000 euros,

- à M. [M] [R] et à Mme [H] [I] épouse [R], à chacun, une indemnité au titre du préjudice moral de 3 000 euros,

- débouter la société Zebra moto école et la société Gan de toutes demandes fins et conclusions plus amples et contraires,

- les condamner in solidum à verser à M. [U] [R] une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- les condamner aux entiers dépens,

- juger l'arrêt à intervenir commun à la CPAM de Seine-Saint-Denis.

Vu les conclusions de la CPAM de [Localité 24], notifiées le 6 décembre 2021, par lesquelles elle demande à la cour, de :

Vu l'article L376-1 du code de la sécurité sociale,

Vu la loi 2006-1640 du 21 décembre 2006,

Vu les pièces versées au débat,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Zebra moto école et la société Gan à verser à la CPAM de [Localité 24] les sommes suivantes :

- 300 763,87 euros au titre des frais médicaux et d'hospitalisation (dépenses de santé actuelles),

- 2 984,33 euros au titre des frais de transport (frais divers)

- 10 412,39 euros au titre des soins post-consolidation acquittés,

--et ce avec intérêts au taux légal à compter du 20 septembre 2019,

- 1 091 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion

- 500 euros au titre des frais irrépétibles,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a réservé la demande de remboursement de la CPAM de [Localité 24] au titre des frais futurs à échoir soit non réalisés,

Ajoutant au jugement,

- condamner in solidum la société Zebra moto école et la société Gan à payer à la CPAM de [Localité 24] la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum la société Zebra moto école et la société Gan aux entiers dépens qui seront recouvrés par Maître Stéphane Fertier, avocat au barreau de paris, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le contenu de la déclaration d'appel a été portée à la connaissance de la Mutuelle des étudiants et de la CPAM de Seine-Saint-Denis, par actes d'huissier de justice respectivement en date du 24 septembre 2021 et du 27 septembre 2021 et délivrés à personne habilitée ; ces intimés n'ont pas constitué avocat.

Vu les notes en délibéré de M. [U] [R] d'une part, et de la société Zebra moto école et de la société Gan, d'autre part, notifiées par RPVA respectivement le 13 janvier 2023 et le 23 janvier 2023 et dont le dépôt a été préalablement autorisé à l'audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le préjudice corporel de M. [U] [R]

L'expert le Docteur [L] a indiqué dans son rapport en date du 3 décembre 2018 que M. [U] [R] a présenté, à la suite de l'accident du 18 octobre 2011, une fracture ouverte comminutive des deux os de la jambe droite, au 1/3 moyen distal, qui s'est compliquée d'un syndrome des loges, d'une infection du foyer de fracture et d'une pseudarthrose ayant conduit à une amputation trans-tibiale le 5 avril 2013.

Il a conclu ainsi qu'il suit :

- déficit fonctionnel temporaire total durant les périodes d'hospitalisations du 18 octobre 2011 au 23 décembre 2011, du 7 février 2012 au 27 février 2012, du 19 mars 2012 au 30 mars 2012, du 29 novembre 2012 au 3 décembre 2012, du 18 janvier 2013 au 8 février 2013, du 4 avril 2013 au 10 avril 2013, du 23 avril 2013 au 19 juillet 2013, durant lesquelles M. [U] [R] a subi 11 interventions chirurgicales

- déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 75 % du 27 février 2012 au 19 mars 2012 et du 30 mars 2012 au 29 novembre 2012 durant lesquelles M. [U] [R] a fait l'objet d'une hospitalisation à domicile et au taux de 50 % du 20 juillet 2013 au 31 décembre 2013

- consolidation au 1er janvier 2014

- souffrances endurées de 6/7

- préjudice esthétique temporaire de 4,5/7 jusqu'au 19 juillet 2013

- une aide aux déplacements est à prendre en compte de janvier 2014 à janvier 2018 période pendant laquelle M. [U] [R] ne conduisait pas,

- l'aide par tierce personne est à prendre en compte à raison de :

- 4 heures par jour durant les périodes d'hospitalisation à domicile

- 2 heures par jour du 20 juillet 2013 au 31 décembre 2013

- viagère : 1 heure par semaine car les téguments du moignon sont satisfaisants chez un adulte

- il existe un retentissement universitaire, M. [U] [R] ayant accusé un retard de 2 années dans le cours de ses études et un retentissement professionnel pour les déplacements, le port de charges et la station debout prolongée,

- frais après consolidation : renouvellements d'appareillage

- tous les 5 ans : appareillage pour le pied à restitution d'énergie

- tous les 18 mois : emboîture

- tous les 6 mois : manchons

- déficit fonctionnel permanent de 33 %

- la conduite automobile est possible avec boîte mécanique (agrément du médecin de la préfecture en date du 4 janvier 2018)

- préjudice esthétique permanent de 3/7

- préjudice d'agrément : pour les activités déclarées sachant que M. [U] [R] a déclaré avoir repris le vélo et que la natation est possible

- préjudice sexuel positionnel allégué, en sachant que M. [U] [R] est devenu père de famille.

Ce rapport constitue une base valable d'évaluation du préjudice corporel subi par M. [R], à déterminer au vu des diverses pièces justificatives produites, de l'âge de la victime née le [Date naissance 6] 1987, de sa situation d'étudiant au moment de l'accident, de la date de consolidation, afin d'assurer sa réparation intégrale et en tenant compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion de ceux à caractère personnel sauf s'ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.

Par ailleurs, l'évaluation du dommage doit être faite au moment où la cour statue et le barème de capitalisation utilisé sera celui publié par la Gazette du palais du 31 octobre 2022, taux d'intérêts de 0 % qui est le plus approprié en l'espèce pour assurer la réparation intégrale de son préjudice corporel.

Préjudices patrimoniaux

temporaires (avant consolidation)

- Dépenses de santé actuelles

Ce poste de préjudice vise à indemniser l'ensemble des dépenses de santé, incluant les frais d'hospitalisation, médicaux et pharmaceutiques, exposés avant la date de la consolidation.

Ce poste correspond en l'espèce aux dépenses suivantes :

° frais d'hospitalisation, frais médicaux, pharmaceutiques, d'appareillage et de transport pris en charge par la CPAM de [Localité 24] soit la somme totale de 303 748,20 euros, selon son décompte de débours en date du 19 septembre 2019 et l'attestation d'imputabilité de son médecin conseil en date du 18 septembre 2019, étant précisé, d'une part, que les frais de transport font partie des frais médicaux et non des frais divers, pour lesquels la CPAM de [Localité 24] est subrogée dans les droits de la victime, conforment à l'article 31 de la loi du 5 juillet 1985 et est seule fondée à en obtenir l'indemnisation et, d'autre part, que cette créance est admise par toutes les parties

° frais restés à la charge de la victime soit la somme de 423,40 euros, non contestée par la société Zebra moto école et par la société Gan.

Le jugement est confirmé.

- Frais divers

Ce poste comprend tous les frais susceptibles d'être exposés par la victime directe avant la date de consolidation de ses blessures et qui sont imputables à l'accident à l'origine du dommage corporel qu'elle a subi.

M. [U] [R] sollicite, dans le dispositif de ses conclusions, que la cour condamne in solidum la société Zebra moto école et la société Gan à lui verser, après imputation de la créance de la CPAM, une indemnité de 39 656,33 euros qu'il détaille dans le corps de ses conclusions.

Ainsi, il inclut dans ce poste, les frais de transport pris en charge par la CPAM.

Il sollicite en outre, une indemnité de 2 000 euros au titre de la valeur de ses vêtements endommagés dans l'accident, des frais de téléphone et de télévision à hôpital, des frais de copie et de timbres pour les formalités hospitalières et administratives, et des frais de déplacement en indiquant que ces derniers sont justifiés par le nombre important de consultations médicales et permissions de sortie dont il a bénéficié et en rappelant que le juge est tenu d'indemniser tout préjudice dont il constate l'existence en son principe.

Il demande par ailleurs une somme de 33 352 euros au titre de l'assistance temporaire par une tierce personne.

Enfin, il réclame l'indemnisation des frais d'assistance à expertise par un médecin conseil, soit la somme de 1 320 euros en indiquant qu'il a remboursé à son assureur 'protection juridique', soit la société MAIF, les sommes qu'elle lui a avancées à ce titre.

La société Zebra moto école et la société Gan estiment que M. [U] [R] ne rapporte la preuve ni du montant ni de l'engagement des frais dont il demande l'indemnisation et concluent ainsi au rejet de la demande en paiement de la somme de 2 000 euros.

Elles discutent de l'assistance par tierce personne dans le cadre d'un poste de préjudice distinct.

Pour les frais d'assistance à expertise, elles relèvent que cette dépense a été prise en charge par la société MAIF assureur 'protection juridique' de M. [U] [R], ainsi que cela est mentionné sur la facture de son médecin conseil, le Docteur [O], et que M. [U] [R] ne justifie pas avoir remboursé cette somme.

Sur ce, les frais d'assistance temporaire par tierce personne seront examinés sous un poste autonome, distinct de celui plus général des frais divers.

Les frais de transport pris en charge par la CPAM, ainsi qu'il a été retenu ci-avant constituent des dépenses de santé actuelles, et la CPAM qui est subrogée sur ce point dans les droits de M. [U] [R], conforment à l'article 31 de la loi du 5 juillet 1985, est seule fondée à obtenir l'indemnisation des frais qu'elle a ainsi exposés pour son compte.

S'agissant de la demande de M. [U] [R] d'allocation d'une indemnité de 2 000 euros, il convient de relever que les frais divers avant la consolidation sont indemnisables sur justificatifs de dépenses engagées à titre personnel par la victime en raison de l'accident ; or, M. [U] [R] n'a communiqué aucun élément pour établir que ses vêtements et biens personnels ont été endommagés dans l'accident et qu'il a assumé personnellement des frais liés à son hospitalisation (téléphone, télévision...) et des frais de déplacement ; sa demande formée en ce sens ne peut prospérer.

En revanche, M. [U] [R] justifie du remboursement par son conseil, par chèque CARPA, à la société MAIF, des honoraires du Docteur [O], qui l'a assisté au cours des opérations d'expertise, ainsi que mentionné dans le rapport d'expertise, d'un montant de 1 320 euros ; cette dépense, née directement de l'accident doit être indemnisée par la société Zebra moto école et la société Gan.

Le jugement est confirmé.

- Assistance temporaire par tierce personne

Ce poste vise à indemniser, pendant la maladie traumatique, c'est-à-dire du jour de l'accident jusqu'à la consolidation, le coût pour la victime de la présence nécessaire, de manière temporaire, d'une tierce personne à ses côtés pour l'assister dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, contribuer à restaurer sa dignité et suppléer sa perte d'autonomie.

La société Zebra moto école et la société Gan font valoir que le volume horaire d'aide pendant la période de déficit fonctionnel temporaire partiel à 75 % est de 1 052 heures, l'expert ayant comptabilisé les journées des 27 février 2012, 19 mars 2012 et 30 mars 2012 tant dans la période de déficit fonctionnel temporaire total que dans celle du déficit fonctionnel temporaire partiel à 75 % et de 274 heures durant le déficit fonctionnel temporaire partiel à 50 %.

Elles précisent accepter d'indemniser 128 heures d'aide pendant les retours à domicile mais s'opposer à l'indemnisation d'un volume horaire supplémentaire de 50 heures durant l'hospitalisation au motif que la perte d'autonomie, notamment, au niveau social, est prise en charge par le personnel hospitalier, ce qui a été particulièrement le cas au cours du séjour de M. [U] [R] au Centre [Localité 27] qui bénéficie de la présence d'une assistante sociale.

Elles proposent une indemnisation sur la base d'un taux horaire de 12 euros en avançant que M. [U] [R] qui a bénéficié d'une aide familiale n'a pas assumé de charges sociales.

M. [U] [R] sollicite l'indemnisation de son besoin d'assistance par une tierce personne à concurrence de 1 064 heures durant la période de déficit fonctionnel temporaire partiel à 75 %, de 274 heures durant la période de déficit fonctionnel temporaire partiel à 50% et de 128 heures au cours des permissions de sortie.

Il sollicite en outre 50 heures d'aide supplémentaire durant les périodes d'hospitalisation pour la satisfaction des besoins qui n'ont pas été pris en charge par le personnel (collecte et traitement du courrier, réalisation de démarches administratives, entretien du linge, apport des effets personnels...) en soutenant que la société Zebra moto école et la société Gan ne rapportent pas la preuve qu'il a eu effectivement recours à l'assistante sociale de l'établissement et que ce dernier a couvert tous ses besoins de sa vie civile.

Il demande par ailleurs l'application d'un tarif horaire de 22 euros.

Sur ce, la nécessité de la présence auprès de M. [U] [R] d'une tierce personne pour l'aider dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, suppléer sa perte d'autonomie n'est pas contestée dans son principe mais elle reste discutée dans son étendue et dans son coût.

L'expert a retenu un besoin d'aide par tierce personne à raison de 4 heures par jour durant les périodes d'hospitalisation à domicile et de 2 heures par jour du 20 juillet 2013 au 31 décembre 2013.

Il ressort des mentions du rapport d'expertise que M. [U] [R] a rejoint son domicile le 27 février 2012 puis a été de nouveau hospitalisé le 19 mars 2012 et ce, jusqu'au 30 mars 2012, date à laquelle il est retourné à son domicile (pages 12 et 13 du rapport) ; les heures d'entrée et de sortie de l'établissement n'étant pas justifiées, il convient d'inclure ces jours dans les périodes de déficit fonctionnel temporaire total et de considérer que M. [U] [R] n'a pas eu besoin d'une aide par une tierce personne pour la satisfaction de ses besoins essentiels (toilette, habillage, nourriture...) qui ont été assurés par le personnel hospitalier.

Le volume horaire d'aide durant la période de déficit fonctionnel temporaire partiel à 75 % doit ainsi être ramené à 1 052 heures.

Il est admis par M. [U] [R] d'une part, et la société Zebra moto école et la société Gan, d'autre part, que les volumes horaires d'aide durant les périodes de déficit fonctionnel temporaire partiel à 50 % et au cours des permissions de sortie se sont élevés à 274 heures et 128 heures.

En revanche, M. [U] [R] a été hospitalisé à de nombreuses reprises et notamment pour des périodes supérieures à deux mois, ainsi du 18 octobre 2011 au 23 décembre 2011 et du 23 avril 2013 au 19 juillet 2013 ; si durant ces périodes M. [U] [R] ne rapporte pas la preuve de besoins administratifs non satisfaits par l'assistante social de l'établissement, il est certain que l'entretien du linge n'a pas été assuré.

Eu égard aux durées d'hospitalisations, le volume horaire supplémentaire d'aide dont il a eu besoin, doit être fixé à 40 heures.

En application du principe de la réparation intégrale et quelles que soient les modalités choisies par la victime, le tiers responsable est tenu d'indemniser le recours à cette aide humaine indispensable qui ne saurait être réduit en cas d'aide familiale ni subordonné à la production des justificatifs des dépenses effectuées.

Compte tenu de la nature de l'aide requise et du handicap qu'elle est destinée à compenser, l'indemnisation se fera sur la base d'un taux horaire de 22 euros.

L'indemnité de tierce personne s'établit à la somme de 32 868 euros [1 494 heures (1 052 heures + 274 heures + 128 heures + 40 heures) x 22 euros].

Le jugement est infirmé.

- Préjudice scolaire, universitaire ou de formation

Le préjudice scolaire, universitaire ou de formation vise à indemniser le retard scolaire ou de formation, la modification d'orientation, voire la renonciation à toute formation, subi en conséquence de l'accident.

Le tribunal tout en examinant ce poste de dommage sous une même rubrique que la perte de gains professionnels actuels, a alloué une somme de 1 990 euros à M. [U] [R] au titre des frais de formation pour la deuxième année de master en 2012 et 2013 et une somme de 20 000 euros au titre des deux années de formation perdues. Il a rejeté la demande de M. [U] [R] formulée au titre d'une perte de gains professionnels actuels.

Dans le dispositif de ses conclusions, M. [U] [R] demande l'infirmation partielle du jugement et sollicite l'allocation d'une somme de 71 162,67 euros au titre du préjudice scolaire universitaire ou de formation et de la perte de gains professionnels actuels.

M. [U] [R] précise dans le corps de ses conclusions que lorsque l'accident est survenu il était en dernière année de cycle de formation, qu'il n'a pu valider son stage de formation et a dû reprendre une inscription en 2012- 2013 pour terminer ses études.

Il décompose l'indemnité qu'il sollicite, avant actualisation, en la somme de 3 990 euros représentant à hauteur de 1 990 euros des frais d'inscription à l'université et de 2 000 euros des frais d'acquisition d'un ordinateur portable restant à la charge de l'étudiant, en indiquant qu'il n'aurait pas engagé ces dépenses s'il n'avait pas été contraint de se réinscrire à sa formation à l'issue de son parcours de soins.

Ainsi il ne sollicite pas devant la cour d'indemnisation spécifique au titre du retard pris dans son cursus universitaire en raison de l'accident.

M. [R] ajoute qu'il bénéficiait d'une promesse d'embauche, que dès qu'il a obtenu son diplôme il a trouvé un emploi en qualité d'analyste programmateur moyennant un salaire mensuel moyen, heures supplémentaires comprises, de 2 856,52 euros et demande ainsi une indemnité de 62 843,44 euros calculée sur la base de ce salaire durant les 22 mois de l'arrêt de travail qu'il a subi.

Il fixe l'indemnité totale lui revenant à la somme de 66 833,44 euros qu'il actualise à ce jour à la somme de 71 172,67 euros.

La société Zebra moto école et la société Gan concluent à la confirmation du jugement sur le préjudice universitaire en relevant que les frais d'acquisition d'un ordinateur portable, non seulement ne sont pas justifiés, mais encore sont sans lien avec l'accident.

Sur ce, le poste de préjudice scolaire, universitaire et de formation étant distinct de celui de la perte de gains professionnels actuels, sera analysé séparément de ce dernier.

La société Zebra moto école et la société Gan ne contestent pas devoir prendre en charge l'indemnisation des frais d'inscription à la formation, soit la somme de 1 990 euros ; actualisée à ce jour cette dépense s'élève à la somme de 2 229,89 euros.

S'agissant des frais d'acquisition d'un ordinateur il s'avère que cet achat, qui n'est d'ailleurs pas justifié, n'est pas en lien avec l'accident, puisqu'il est imposé dans le cadre de la formation professionnelle choisie par M. [U] [R].

Néanmoins la société Zebra moto école et la société Gan concluant à la confirmation du jugement, il y a lieu d'allouer à M. [U] [R] une indemnité de 3 990 euros.

Le jugement est infirmé.

- Perte de gains professionnels actuels

La perte de gains professionnels actuels indemnise une incapacité temporaire spécifique concernant les répercussions du dommage sur la sphère professionnelle de la victime et doit être évaluée au regard de la preuve d'une perte effective de revenus.

M. [U] [R] demande l'indemnisation d'une perte de gains professionnels actuels sur les bases ci-dessus précisées ; dans sa note en délibéré il fait valoir qu'à tout le moins l'accident a entraîné une perte de chance certaine d'intégrer la société Isiprint en janvier 2012 et donc une perte de chance d'arriver sur le marché du travail 2 ans avant la date effective de son premier contrat et qu'il en découle une perte de chance de gains professionnels sur ces deux années, qu'il fixe à 90 %.

La société Zebra moto école et la société Gan demandent à la cour de confirmer le jugement sur la perte de gains professionnels actuels, en observant, d'une part, que l'accident n'a pas empêché M. [U] [R] d'achever le cursus universitaire qu'il avait entamé, de sorte qu'il n'a pas perdu définitivement les deux années dont il sollicite l'indemnisation, ce qui doit conduire au rejet de sa demande supplémentaire d'indemnisation, même au titre d'une perte de chance, et, d'autre part, que M. [U] [R] demande l'indemnisation d'une perte de gains pour un poste qu'il aurait prétendument exercé en contrat de travail à durée indéterminée, alors que le salaire moyen dont il se prévaut correspond à un emploi dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée et inclut l'indemnité de fin de contrat.

Elles estiment que la promesse d'embauche est de pure opportunité et ne peut prouver la réalité de l'emploi allégué par M. [U] [R], dans la mesure où elle a été rédigée plus de dix ans après la date de l'emploi prévu, n'a pas été établie dans les formes légales et mentionne une durée d'emploi de seulement 8 semaines.

Elles avancent enfin que M. [U] [R] ne peut à la fois solliciter l'indemnisation d'un préjudice scolaire, universitaire ou de formation, et d'une perte de gains professionnels actuels ou même d'une perte de chance de gains sur la même période.

Sur ce, M. [U] [R] a communiqué une attestation établie par M. [N] [V], directeur général de la société Isiprint de 2014 à 2016, indiquant que M. [U] [R] disposait en fin 2011 d'une promesse d'embauche par la société, pour le mois de janvier 2012, dans la mesure où ses compétences avaient été appréciées lors de son stage de fin d'étude de juillet à octobre 2010, et qu'en raison de son accident et faute d'autre candidat, la société l'avait finalement embauché le 4 novembre 2013, soit avec 22 mois de retard.

Si cette attestation a été établie longtemps après la date d'embauche prévue et sans qu'aient été respectées toutes les formalités mentionnées à l'article 202 du code civil, ces formalités ne sont pas prescrites à peine de nullité et aucun élément ne permet de remettre en cause la sincérité de cette attestation.

Par ailleurs, il ressort du contrat de travail en date du 30 octobre 2013 et des bulletins de salaire produits aux débats que M. [U] [R] a été embauché par la société Isiprint pour la période du 4 novembre 2013 au 28 février 2014, dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée de 8 semaines, puis a travaillé en Angleterre du mois de mai 2014 au mois de juin 2015, puis a de nouveau été employé par la société Isiprint au mois de décembre 2015.

Les éléments qui précèdent établissent que l'accident a empêché M. [U] [R] d'occuper l'emploi d'analyste programmateur qui était prévu auprès de la société Isiprint, qui le connaissait et était satisfaite de son travail, à compter du mois de janvier 2012 et lui a fait perdre une chance, à l'issue de ce contrat, de poursuivre sa relation de travail avec cette société, et ce notamment durant 20 mois, dans le cadre de renouvellements de contrats de travail à durée déterminée ou de signature d'un contrat de travail à durée indéterminée, étant rappelé qu'à l'issue de son contrat de travail à durée déterminée du mois de novembre 2013 M. [U] [R] a de nouveau travaillé pour la société Isiprint, perte de chance qu'il convient d'évaluer à 70 %, étant précisé que le préjudice de formation et la perte de gains professionnels actuels étant des préjudices distincts, M. [U] [R] est fondé à solliciter l'indemnisation de chacun de ces préjudices, dès lors que chacun d'entre eux est en lien direct et certain avec l'accident.

Eu égard aux bulletins de salaire communiqués, la perte de gains professionnels actuels et la perte de chance de gains doivent être évalués sur la base des salaires mensuels nets suivants, heures supplémentaires et treizième mois compris, mais indemnité de fin de contrat déduite :

- novembre 2013 : 2 055,91 euros

- décembre 2013 : 2 508,25 euros

- janvier 2014 : 2 150,81 euros

- février 2014 : 3 604,04 euros (4 711,13 euros - 1 107,09 euros).

Le salaire mensuel net moyen est ainsi de 2 579,76 euros [10 319,01 (2 055,91 euros + 2 508,25 euros + 2 150,81 euros + 3 604,04 euros) / 4].

La perte de gains professionnels actuels entière est ainsi durant 8 semaines de 5 159,52 euros (2 579,76 euros x 2 mois), actualisée à ce jour à la somme de 5 789,49 euros et la perte de chance de gains durant les 20 mois restant de 36 116,64 euros (2 579,76 euros x 20 mois x 70 %) actualisée à ce jour à 40 673,89 euros, ce qui représente une perte totale de 45 833,41 euros.

Aucune prestation n'est à imputer sur ce poste de préjudice de sorte que cette indemnité revient à M. [U] [R].

Le jugement est infirmé.

Préjudices patrimoniaux

permanents (après consolidation)

- Dépenses de santé futures

Ce poste vise les frais hospitaliers, médicaux, paramédicaux, pharmaceutiques et assimilés, même occasionnels mais médicalement prévisibles, rendus nécessaires par l'état pathologique de la victime après la consolidation et incluent les frais liés soit à l'installation de prothèses soit à la pose d'appareillages spécifiques nécessaires afin de suppléer le handicap physiologique.

La société Zebra moto école et la société Gan demandent à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a réservé la créance de la CPAM, en soutenant que celle-ci capitalise de façon erronée les frais futurs à échoir, conformément à l'article 1 paragraphe II de l'arrêté du 27 décembre 2011, modifié par arrêté du 19 décembre 2016, qui est, selon elle, uniquement applicable dans le cas des accident du travail, ce qui n'est pas le cas de l'accident subi par M. [U] [R].

S'agissant des frais restés à la charge de M. [U] [R] elles s'opposent à l'indemnisation des changements de prothèse et revêtement prothétique effectués en Grande- Bretagne pour un coût de 6 800 euros, somme qui a été allouée par le tribunal, au motif qu'à cette date M. [U] [R] bénéficiait déjà de deux prothèses avec un pied classe III à restitution d'énergie (livrées le 18 juillet 2013 pour la première et le 18 février 2014 pour la seconde), dont une de secours, de qualité identique à la première, lesquelles avaient moins de 2 ans d'ancienneté, sachant que la durée de vie de ces prothèses était de 5 ans.

Elles concluent à l'infirmation du jugement en ce qu'il les a condamnées à verser à M. [U] [R] une somme de 2 922,04 euros pour l'acquisition d'un appareil d'aide à la marche et son renouvellement, en relevant qu'il s'agit d'un appareillage non nécessaire dans la mesure où M. [U] [R] dispose d'une prothèse parfaitement adaptée et d'une canne télescopique lorsque qu'il souhaite retirer sa prothèse, canne qui a été indemnisée au titre des dépenses de santé actuelles.

Elles contestent devoir assumer le coût d'acquisition et de renouvellement de la prothèse de course et de la prothèse de bains, alors que M. [U] [R] n'a communiqué ni justificatif de la pratique de ces activités sportives avant l'accident, ni factures d'achat des prothèses, qu'il a reconnu, à la faveur de ses conclusions notifiées le 28 mai 2019, qu'il n'avait pas d'activité sportive spécifique et que l'expert n'a pas retenu comme frais futurs imputables à l'accident la prothèse pour la course et la prothèse de bain ; elles ajoutent s'agissant de cette dernière prothèse que l'expert a relevé que la pratique de la natation restait possible en l'état.

Elles précisent que la CPAM prend en charge d'une part, les frais d'acquisition et de renouvellement d'un revêtement Aqualeg à mettre en place sur la prothèse principale pour qu'elle puisse servir de prothèse de bain et, d'autre part, le pied Challenger Ottobock qui permet de faire du footing et de pratiquer de nombreux sports (volley, basket) dont des sports aquatiques (surf) ; elles ajoutent que la lame de course n'est préconisée qu'en cas de compétition et non pour une pratique courante du jogging.

Elles concluent à l'infirmation du jugement qui a réservé, d'une part, l'indemnisation de la prothèse de ski, au motif que le besoin n'est pas établi à ce jour, puisque la pratique régulière et/ou avancée du ski n'est pas démontrée par M. [U] [R] et, d'autre part, l'indemnisation de la prothèse de base et du fauteuil roulant, dans la mesure où il résulte du rapport d'expertise que la prothèse avec un pied classe III à restitution d'énergie dont bénéficie actuellement M. [U] [R] est parfaitement adaptée à son état et où l'expert n'a pas retenu au titre des dépenses de santé futures, le fauteuil roulant manuel classique qui est pris en charge intégralement par la sécurité sociale.

M. [U] [R] indique que si la CPAM a pris en charge les coûts d'une prothèse en 2013 puis d'une prothèse de secours et d'un fauteuil roulant en 2014, équipements renouvelés en 2017 et 2018, il a dû procéder lorsqu'il se trouvait en Grande-Bretagne aux changements de sa prothèse de marche et du revêtement esthétique de l'une de ses prothèses pour des prix restés à sa charge de 4 500 livres, soit 4 800 euros ,et de 1 750 livres, soit 2 000 euros. Il demande en outre l'indemnisation des frais d'acquisition et de renouvellement d'une prothèse de course.

Il précise, s'agissant des frais de renouvellement de la prothèse de base et du fauteuil roulant, qu'il souhaite se réserver la possibilité de s'équiper d'un matériel plus sophistiqué auquel il a dû renoncer temporairement, n'étant pas certain de pouvoir le financer dans l'hypothèse où son droit à indemnisation n'aurait pas été reconnu ; il demande à la cour de confirmer également le jugement en ce qu'il a réservé les frais relatifs à la prothèse de ski.

S'agissant du dispositif d'aide à la marche, dit Iwalk 2.0 il insiste sur l'utilité de celui-ci pour se déplacer dans la maison sans béquille, lorsqu'il enlève sa prothèse, et de la prothèse de bain au motif qu'elle est indispensable à la pratique de la natation.

La CPAM précise que sa créance a été exactement calculée conformément à l'article 1er § II du 2° de l'arrêté du 27 décembre 2011 et qu'elle sollicite que les frais à échoir soient réservés dans la mesure où M. [U] [R] indique vouloir se réserver la possibilité de s'équiper d'un matériel plus sophistiqué.

***

Sur ce, le poste de dépenses de santé futures comprend les frais futurs prévus par la CPAM, à hauteur de la somme totale de 186 234,16 euros dont 10 412,39 euros au titre des frais futurs échus au 10 décembre 2018, étant précisé d'une part, que cette créance est justifiée par le décompte de créance en date du 19 septembre 2019 et l'attestation d'imputabilité établie par le médecin conseil de cet organisme, et, d'autre part, que la capitalisation des frais futurs d'appareillage qui y est mentionnée est effectuée conformément à l'article 1 de l'arrêté du 27 décembre 2011 relatif à l'application des articles R. 376-1 et R. 454-1 du code de la sécurité sociale, définissant les modalités de calcul de l'annuité viagère et renvoyant pour la capitalisation de cette annuité au barème de capitalisation figurant au I de l'annexe 2, soit le 'barème servant à la détermination du capital représentatif des rentes d'accidents du travail'.

La société Zebra moto école et la société Gan doivent en conséquence être condamnées à payer à la CPAM la somme de 10 412,39 euros au titre des dépenses de santé futures échues au 10 décembre 2018 ; la demande de M. [U] [R] de voir réserver son indemnisation au titre des frais futurs relatifs à la prothèse principale et au fauteuil roulant étant légitime, la créance de la CPAM au titre des frais futurs postérieurs au 10 décembre 2018, doit également être réservée, cette créance ayant un caractère subrogatoire.

De même la demande de M. [U] [R] de voir réserver les frais d'acquisition et de renouvellement d'une prothèse de ski, est justifiée.

Le jugement doit en conséquence être confirmé en ce qu'il a réservé l'indemnisation de M. [U] [R] au titre des frais futurs s'agissant de la prothèse de base, du fauteuil roulant et de la prothèse de ski et celle de la créance de la CPAM au titre de ces frais.

S'agissant des dépenses effectuées en Grande-Bretagne, il ressort des factures communiquées, qu'aux dates d'achat, soit les 1er septembre 2014 et 29 juillet 2015, M. [U] [R] était équipé de deux prothèses avec pied à restitution d'énergie classe III et avec revêtement, depuis le 18 juillet 2013 et le 18 février 2014 ; eu égard à la durée de vie de ces prothèses, soit 5 ans, et alors que M. [U] [R] ne justifie pas que les acquisitions dont il sollicite l'indemnisation étaient nécessaires et correspondaient à un besoin effectif, sa demande doit être rejetée ; le jugement est infirmé sur ce point.

M. [U] [R] justifie avoir acquis le 15 mars 2018 un appareil Iwalk 2.0 au prix de 159,15 livres sterling, soit 141,64 euros (159,15 livres x 0,89), actualisé à ce jour à 153,90 euros, cette somme n'étant pas prise en charge par la CPAM ; ce dispositif qui lui permet de se déplacer de façon plus autonome qu'avec une béquille, et soulage sa jambe lésée, est nécessaire et doit être indemnisé, étant rappelé que la victime doit être replacée au plus près de la situation qui était la sienne avant le fait dommageable ; la périodicité de renouvellement doit être fixée à 3 ans.

L'indemnité est la suivante :

- coût annuel : 153,90 euros / 3 ans = 51,3 euros

- arrérages échus depuis le 15 mars 2018 : 51,3 euros x 5 ans = 256,50 euros

- arrérages à échoir par capitalisation de la dépense annuelle par un euro de rente viagère pour un homme âgé de 36 ans à la liquidation, selon le barème susvisé, soit 57,180 : 51,3 euros x 57,180 = 2 933,33 euros

- total : 3 189,83 euros, ramené à la somme de 2 922,40 euros pour rester dans les limites de la demande.

S'agissant des prothèses de 'bain' et de course, M. [U] [R] a produit aux débats un devis relatif à une prothèse tibiale pour usage en milieu aquatique, avec gaine, manchons, emboîture, valve de dépressurisation et pied Rush Hipro H20 et un devis relatif à une prothèse de course avec emboîture, manchon et lame Flex Ossur Run.

Il est certain que la prothèse tibiale avec pied à restitution d'énergie que porte actuellement M. [R] ne lui permet pas de pratiquer la natation, même avec un revêtement Aqualeg ; il n'est pas établi que le pied Challenger Ottobock permettrait la pratique de la natation ; compte tenu de ces éléments et du jeune âge de M. [R] son besoin d'être équipé d'une prothèse de natation est établi et l'indemnisation sera faite sur la base du devis communiqué en retenant un renouvellement tous les cinq ans, et ce à compter de la date du devis soit le 9 avril 2019.

L'indemnité est la suivante :

- coût total initial : 5 973,92 euros

- coût annuel : 5 973,92 euros / 5 ans = 1 194,78 euros

- arrérages échus depuis le 9 avril 2019 : 1 194,78 euros x 4 ans = 4 779,12 euros

- arrérages à échoir par capitalisation de la dépense annuelle par un euro de rente viagère pour un homme âgé de 36 ans à la liquidation, selon le barème susvisé, soit 57,180 : 1 194,78 euros x 57,180 = 68 317,52 euros

- total : 73 096,04 euros, ramené à la somme de 54 952,89 euros pour rester dans les limites de la demande.

En revanche la prothèse de course avec emboîture, manchon et lame Flex Ossur Run est réservée à la pratique de la compétition et le pied Challenger Ottobock pris en charge par la sécurité sociale lui permet de pratiquer la course et le jogging ; la demande formée au titre de cette prothèse doit être rejetée.

Le total des dépenses de santé futures est ainsi de 57 875,29 euros (2 922,40 euros + 54 952,89 euros).

Le jugement est infirmé, sauf en ses dispositions relatives à la CPAM.

- Assistance permanente par tierce personne

Ce poste vise à indemniser, postérieurement à la consolidation, le coût pour la victime de la présence nécessaire, de manière définitive, d'une tierce personne à ses côtés pour l'assister dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, contribuer à restaurer sa dignité et suppléer sa perte d'autonomie.

La société Zebra moto école et la société Gan s'opposent à titre principal à l'indemnisation d'une aide aux déplacements de 2014 à 2018, en relevant que si M. [U] [R] ne pouvait pas conduire, il était en mesure, comme actuellement, de prendre les transports en commun et qu'il ne démontre pas avoir eu besoin d'être véhiculé au quotidien.

A titre subsidiaire, elles concluent à l'indemnisation d'une aide aux déplacements de 3 heures par semaine rémunérée 12 euros l'heure.

Elles estiment par ailleurs, que l'aide humaine viagère de 1 heure par semaine pour la satisfaction des besoins quotidiens est suffisante, dans la mesure où l'expert a noté que M. [U] [R] bénéficiait, depuis la sortie du centre de rééducation de [Localité 27] d'un appareillage satisfaisant qu'il tolérait complètement durant la journée, et qui lui permettait de monter et descendre les escaliers.

Elles offrent une allocation calculée sur la base de 12 euros par semaine, sur une année de 52 semaines, en observant que M. [U] [R] ne peut solliciter l'application d'un tarif prestataire et en même temps l'indemnisation des jours fériés et congés payés, qui, dans cette hypothèse, sont assumés par l'employeur.

M. [U] [R] estime que l'assistance aux déplacements doit être évaluée à 6 heures par semaine de 2014 à 2018 et l'aide quotidienne à 5 heures par semaine, le tout au taux horaire de 22 euros sur 412 jours.

Il affirme que son moignon est fragile et que jusqu'au mois de janvier 2018, période durant laquelle il n'avait pas encore validé son permis de conduire, il était dépendant pour ses déplacements, d'autant qu'il n'a pas toujours habité dans une zone équipée d'un système de transport en commun suffisamment développé et qu'il n'a pas toujours été en état de l'utiliser.

Il ajoute que même lorsqu'il porte sa prothèse il est moins mobile, qu'il ne peut pas porter de charges lourdes et limite ses déplacements et ses appuis, ce qui entraîne des répercussions sur toutes ses activités, ménage, jardinage, courses, démarches administratives, prise en charge des enfants...

Sur ce, l'expert a estimé que M. [U] [R] avait eu besoin d'une aide aux déplacements de janvier 2014 à janvier 2018, période pendant laquelle il ne conduisait pas, mais n'a pas fixé le volume de cette aide.

Durant cette période, dans la mesure où il ne pouvait être imposé à M. [U] [R], qui était équipé d'une prothèse tibiale et ne pouvait maintenir une position debout prolongée, d'utiliser, pour ses déplacements, les transports en commun, il convient d'évaluer à 2 heures par semaine son besoin d'aide aux déplacements.

L'aide pour la satisfaction des besoins de la vie courante doit être fixée à 3 heures par semaine, en tenant compte de ce que M. [U] [R] bénéficie d'une prothèse bien adaptée mais aussi de ce qu'il ne peut porter des charges lourdes ni maintenir une position debout prolongée.

Compte tenu de la nature de l'aide requise et du handicap qu'elle est destinée à compenser, l'indemnisation se fera sur la base d'un taux horaire de 22 euros sur une année de 52 semaines.

L'assistance par tierce personne est la suivante :

aide aux déplacements

2 heures x 208 semaines x 22 euros = 9 152 euros

aide pour les actes de la vie courante

- de la consolidation à la liquidation

3 heures x 482 semaines x 22 euros = 31 812 euros

- à compter de la liquidation

par capitalisation de la dépense annuelle par un euro de rente viagère pour un homme âgé de 36 ans à la liquidation selon le barème susvisé soit 57,180

3 heures x 52 semaines x 22 euros x 57,180 = 196 241,76 euros

total : 237 205,76 euros (9 152 euros + 31 812 euros + 196 241,76 euros).

Le jugement est infirmé.

- Frais de logement adapté

Ce poste comprend les frais que doit débourser la victime directe à la suite du dommage pour adapter son logement à son handicap et bénéficier ainsi d'un habitat en adéquation avec ce handicap après la consolidation. Il inclut non seulement l'aménagement du domicile préexistant mais éventuellement le surcoût financier engendré, soit par l'acquisition d'un domicile mieux adapté, soit par la location d'un logement plus grand. Il intègre les frais nécessaires pour que la victime handicapée puisse disposer d'un autre lieu de vie extérieur à son logement habituel de type foyer ou maison médicalisée. Il comprend aussi les frais de déménagement et d'emménagement.

La société Zebra moto école et la société Gan concluent à l'infirmation du jugement qui a réservé ce poste de préjudice en précisant que l'expert n'a pas fait référence dans son rapport à une adaptation du lieu de vie, dans la mesure où ce poste est sans objet.

M. [U] [R] demande à la cour de confirmer le jugement.

Sur ce, la circonstance que l'expert ait été muet sur le poste d'adaptation du logement ne signifie pas qu'il l'ait écarté.

Eu égard à la demande de M. [U] [R], le jugement doit en conséquence être confirmé.

- Incidence professionnelle

Ce chef de dommage a pour objet d'indemniser non la perte de revenus liée à l'invalidité permanente de la victime mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle en raison, notamment, de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle ou de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage, ou encore l'obligation de devoir abandonner la profession exercée au profit d'une autre en raison de la survenance de son handicap ; il inclut les frais de reclassement professionnel, de formation ou de changement de poste, la perte de retraite que la victime va devoir supporter en raison de son handicap et la dévalorisation sociale ressentie par la victime du fait de son exclusion définitive du monde du travail.

La société Zebra moto école et la société Gan concluent à l'infirmation du jugement qui a réservé ce poste de préjudice, au motif que M. [U] [R] a pu maintenir son orientation professionnelle et rejoindre la profession à laquelle il se destinait ; elles ajoutent qu'elles offrent une indemnité de 10 000 euros afin de compenser la limitation de ses possibilités professionnelles résultant de la limitation du port de charges et de la station debout.

M. [U] [R] demande à la cour de confirmer le jugement qui a réservé ce poste de dommage.

Sur ce, eu égard à la demande de M. [U] [R], le jugement doit être confirmé.

Préjudices extra-patrimoniaux

temporaires (avant consolidation)

- Déficit fonctionnel temporaire

Ce poste de préjudice a pour objet d'indemniser l'invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique, c'est-à-dire du jour de l'accident jusqu'à la consolidation. Cette incapacité fonctionnelle totale ou partielle correspond aux périodes d'hospitalisation de la victime et inclut la perte de la qualité de la vie et des joies usuelles de l'existence et le préjudice d'agrément et le préjudice sexuel pendant l'incapacité temporaire.

Il doit être réparé sur la base de 27 euros par jour pour un déficit total, eu égard à la nature des troubles et de la gêne subie et proportionnellement pendant la période d'incapacité partielle, ainsi que le demande M. [U] [R] qui conclut à la confirmation du jugement, ce qui représente les sommes suivantes :

- 5 994 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire total de 222 jours

- 5 386,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel à 75 % de 266 jours

- 1 849,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel à 50 % de 137 jours

- total : 13 230 euros.

Le jugement est confirmé.

- Souffrances endurées

Ce poste comprend l'indemnisation de toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que des troubles associés, que doit endurer la victime durant la maladie traumatique, c'est-à dire du jour de l'accident jusqu'à celui de la consolidation

En l'espèce, il convient de prendre en considération les souffrances physiques et psychiques et les troubles associés supportés par la victime en raison du traumatisme initial, des hospitalisations, des 11 interventions chirurgicales, des examens et soins notamment la longue rééducation ; coté 6/7 par l'expert, ce chef de préjudice justifie l'octroi de l'indemnité de 50 000 euros allouée par le premier juge.

Le jugement est confirmé.

- Préjudice esthétique temporaire

Ce poste de dommage cherche à réparer les atteintes physiques et plus généralement les éléments de nature à altérer l'apparence physique.

Coté 4,5/7 jusqu'au 19 juillet 2013 il doit être indemnisé à hauteur de la somme de 5 000 euros allouée par le tribunal et demandé par M. [U] [R] afin de tenir compte notamment de l'alitement prolongé, de la greffe, de l'utilisation d'une botte plâtrée.

Le jugement est confirmé.

Préjudices extra-patrimoniaux

permanents (après consolidation)

- Déficit fonctionnel permanent

Ce poste de dommage vise à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l'atteinte anatomo-physiologique à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence (personnelles, familiale et sociales).

Il est caractérisé par une amputation au niveau du tibia de la jambe droite, conduisant à un taux de 33 % et justifiant compte tenu des souffrances morales et des troubles induits dans les conditions d'existence l'indemnité de 123 420 euros allouée par le tribunal et sollicitée par M. [U] [R] pour un homme âgé de 26 ans à la consolidation.

Le jugement est confirmé.

- Préjudice esthétique permanent

Ce poste de dommage cherche à réparer les atteintes physiques et plus généralement les éléments de nature à altérer l'apparence physique.

Coté 3/7 au titre de l'amputation, des cicatrices, il doit être indemnisé à hauteur de la somme de 10 000 euros demandée par M. [U] [R].

Le jugement est confirmé.

- Préjudice sexuel

Ce poste concerne la réparation des préjudices touchant à la sphère sexuelle, soit le préjudice morphologique lié à l'atteinte aux organes sexuels primaires et secondaires résultant du dommage subi, le préjudice lié à l'acte sexuel lui-même qui repose sur la perte du plaisir lié à l'accomplissement de l'acte sexuel (perte de l'envie ou de la libido, perte de la capacité physique de réaliser l'acte, perte de la capacité à accéder au plaisir) et le préjudice lié à une impossibilité ou une difficulté à procréer (ce préjudice pouvant notamment chez la femme se traduire sous diverses formes comme le préjudice obstétrical, etc.).

L'expert retient une gêne positionnelle devant être indemnisée à hauteur de la somme de 10 000 euros sollicitée par M. [U] [R].

Le jugement est confirmé.

***

Récapitulatif

- dépenses de santé actuelles : 303 748,20 euros au titre de la créance de la CPAM incluant les frais de transport et 423,40 euros de frais restés à la charge de M. [U] [R] (confirmation du jugement)

- frais divers : 1 320 euros

- assistance temporaire par tierce personne : 32 868 euros (infirmation du jugement)

- préjudice scolaire universitaire et de formation : 3 990 euros (infirmation du jugement)

- perte de gains professionnels actuels : 45 833,41 euros (infirmation du jugement)

- dépenses de santé futures : 10 412,39 euros au titre de la créance de la CPAM (confirmation du jugement) et 57 875,29 euros au titre des frais restant à la charge de M. [U] [R] (infirmation du jugement) ; dépenses de santé futures relatives aux prothèse de base, prothèse de ski et fauteuil roulant réservées

- assistance permanente par tierce personne : 237 205,76 euros (infirmation du jugement)

- frais de logement adapté : poste réservé (confirmation du jugement)

- incidence professionnelle : poste réservé (confirmation du jugement)

- déficit fonctionnel temporaire : 13 230 euros (confirmation du jugement)

- souffrances endurées : 50 000 euros (confirmation du jugement)

- préjudice esthétique temporaire : 5 000 euros (confirmation du jugement)

- déficit fonctionnel permanent : 123 420 euros (confirmation du jugement)

- préjudice esthétique permanent : 10 000 euros (confirmation du jugement)

- préjudice sexuel : 10 000 euros (confirmation du jugement).

Le jugement doit être confirmé sur les sommes allouées à la CPAM au titre de ses débours mais également au titre des intérêts légaux et de l'indemnité forfaitaire de gestion, qui ne sont pas contestés.

Sur les préjudices des proches de M. [U] [R]

Le tribunal a alloué au titre de leur préjudice moral une indemnité de 5 000 euros à Mme [A] [B] épouse [R] et une indemnité de 3 000 euros à chacun des parents de M. [U] [R] ; la société Zebra moto école et la société Gan sollicitent l'infirmation du jugement et le rejet des demandes des consorts [R] au motif que les séquelles dont reste atteint M. [U] [R] sont peu visibles des tiers et que M. [U] [R] est autonome dans tous les actes de la vie courante et travaille.

Les consorts [R] concluent à la confirmation du jugement.

Sur ce, eu égard à l'importance des blessures, au nombre important d'hospitalisations et d'interventions chirurgicales que M. [U] [R] a subies et à la circonstance qu'il est amputé au niveau de la jambe droite, ce qui a une incidence sur sa vie quotidienne et affective, l'accident a entraîné pour Mme [A] [B] épouse [R], Mme [H] [I] épouse [R] et M. [M] [R], un préjudice moral que le tribunal a justement évalué pour chacun d'entre eux.

Le jugement est confirmé.

Sur les demandes accessoires

Il n'y a pas lieu de déclarer l'arrêt opposable à la Mutuelle des étudiants et à la CPAM de Seine-Saint-Denis.

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles doivent être confirmées.

La société Zebra moto école et la société Gan qui succombent partiellement dans leurs prétentions et qui sont tenues à indemnisation supporteront la charge des dépens d'appel avec application de l'article 699 du code de procédure civile.

L'équité commande d'allouer à M. [U] [R] une indemnité de 5 000 euros et à la CPAM une indemnité de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire et par mise à disposition au greffe,

- Confirme le jugement,

hormis sur la condamnation prononcée au profit de M. [U] [R] au titre des postes de son préjudice corporel d'assistance temporaire par tierce personne, de préjudice scolaire, universitaire ou de formation, de perte de gains professionnels actuels, de dépenses de santé futures et d'assistance permanente par tierce personne,

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

- Condamne in solidum la société Zebra moto école et la société Gan assurances à payer à M. [U] [R] les indemnités suivantes, provisions et sommes versées en vertu de l'exécution provisoire du jugement non déduites avec les intérêts au taux légal à compter du jugement à concurrence des sommes allouées par celui-ci et à compter du présent arrêt pour le surplus, au titre des postes ci-après de son préjudice corporel :

- assistance temporaire par tierce personne : 32 868 euros

- préjudice scolaire, universitaire ou de formation : 3 990 euros

- perte de gains professionnels actuels : 45 833,41 euros

- dépenses de santé futures : 57 875,29 euros

- assistance permanente par tierce personne : 237 205,76 euros,

- Déboute M. [U] [R] de sa demande d'indemnisation des dépenses de prothèse et revêtement effectuées en Grande-Bretagne, d'une prothèse de course,

- Condamne in solidum la société Zebra moto école et la société Gan assurances à verser à M. [U] [R] une somme de 5 000 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 24] une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- Condamne in solidum la société Zebra moto école et la société Gan assurances aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 21/12337
Date de la décision : 30/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-30;21.12337 ?
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