REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 11
ARRET DU 30 MARS 2023
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/11972
N° Portalis 35L7-V-B7F-CD6CY
Décision déférée à la Cour : jugement du 27 mai 2021 - tribunal judiciaire de MEAUX
RG n° 17/01895
APPELANTE
Madame [F] [I]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034
ayant pour avocat plaidant Maître Benoist ANDRE, avocat au barreau de PARIS substitué à l'audience par Me Laurence ANDRE, avocat au barreau de PARIS
INTIMEES
MUTUELLE ASSURANCES DES COMMERÇANTS ET INDUSTRIELS DE FRANCE (MACIF)
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SCP NABOUDET - HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046
assistée par Me SI ABDELKADER Laila, avocat au barreau de PARIS
S.A. LE GROUPE LA POSTE
[Adresse 6]
[Adresse 6]
Représentée et assistée par Me Carine KALFON de la SELEURL KL AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : A0918
CPAM DES [Localité 7]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
n'a pas constitué avocat
LA MUTUELLE GENERALE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
n'a pas constitué avocat
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 03 novembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre
Mme Nina TOUATI, présidente de chambre
Mme Dorothée DIBIE, conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier lors des débats : Mme Roxanne THERASSE
Greffier lors de la mise à disposition : Mme Emeline DEVIN
ARRET :
- réputé contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre et par Emeline DEVIN, greffière, présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Le 30 mars 2014, Mme [F] [I] a été victime d'un accident corporel de la circulation dans lequel était impliqué un véhicule conduit par M. [T] [C], assuré auprès de la société Mutuelle d'assurances des commerçants et industriels de France (la société MACIF).
Par jugement du 23 septembre 2014, le tribunal correctionnel de Meaux a déclaré M. [C] coupable de blessures involontaires avec incapacité de travail n'excédant pas trois mois par conducteur de véhicule terrestre à moteur sous l'empire d'un état alcoolique, a ordonné une expertise médicale et désigné le Docteur [L] pour y procéder. Il a également condamné M. [C] à payer à Mme [F] [I] la somme de 400 euros à valoir sur la réparation de son préjudice.
L'expert a établi son rapport le 16 mai 2015.
Par jugement du 2 juillet 2018, le tribunal judiciaire de Meaux a fait droit à la demande de nouvelle expertise de Mme [F] [I] qui dans l'intervalle s'était désistée de son action civile devant la chambre correctionnelle de ce tribunal, et a désigné le Docteur [N] pour y procéder.
L'expert a établi son rapport le 14 novembre 2019.
Par jugement du 27 mai 2021, le tribunal judiciaire de Meaux, a :
- condamné la société MACIF à payer, en deniers ou quittance, à Mme [F] [I], une indemnité globale de 62 842,05 euros en réparation de son préjudice, déduction faite de la créance des tiers payeurs et de la provision versée par l'assureur détaillée comme suit :
- préjudices patrimoniaux :
* temporaires :
- 330,52 euros au titre des dépenses de santé actuelles
- 2 261,20 euros au titre des frais divers
- 9 180,57 euros au titre de la tierce personne temporaire
- 1 011,61 euros au titre des pertes de gains professionnels actuels
* permanents :
- 1 800 euros au titre des frais d'honoraires du médecin conseil
- 914,40 euros au titre de la tierce personne permanente
- 8 000 euros au titre de l'incidence professionnelle
Soit un sous-total de 23 498,30 euros (1),
- préjudices extra-patrimoniaux :
* temporaires :
- 4 743,75 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire
- 7 000 euros au titre des souffrances endurées temporaires
- 2 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire
* permanents :
- 18 600 euros au titre du déficit fonctionnel permanent
- 10 000 euros au titre du préjudice d'agrément
Soit un sous-total de 42 343,75 euros (2)
Total (1) + (2) - provision de 3 000 euros = 62 842,05 euros,
- dit que l'assiette du doublement des intérêts est constituée de la somme proposée par la société MACIF, avant imputation de la créance des tiers payeurs et déduction de la provision de 3 000 euros, laquelle produira intérêts au double du taux légal du 14 avril 2020 au 23 novembre 2020,
- ordonné la capitalisation de ces intérêts doublés dans les conditions fixées par l'article 1343-2 du code civil,
- condamné la société MACIF à payer à M. [I] la somme de 2 500 euros en réparation de son préjudice d'affection,
- condamné la société MACIF à payer à Mme [B] [I] la somme de 2 500 euros en réparation de son préjudice d'affection,
- débouté les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires,
- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement dans la proportion des deux tiers des condamnations prononcées,
- déclaré le jugement commun à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris (la CPAM de Paris), à la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine (la CPAM des Hauts-de-Seine), à la société La Poste et à la Mutuelle générale,
- condamné la société MACIF à payer à Mme [F] [I] la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société MACIF aux dépens de la présente instance, lesquels comprendront les frais d'expertise judiciaire, lesquels pourront être recouvrés par Maître Elisabeth Archimbaud, avocat au barreau de Meaux, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par acte du 30 juin 2021, Mme [F] [I] a interjeté appel de cette décision en ses dispositions relatives à l'indemnisation de l'assistance permanente par tierce personne.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les conclusions de Mme [F] [I], notifiées le 8 septembre 2022, aux termes desquelles elle demande à la cour, de :
Vu les dispositions de la loi du 5 juillet 1985,
- juger l'appel interjeté par Mme [F] [I], uniquement au titre de la tierce personne post-consolidation des blessures (permanente) recevable et bien fondé,
- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Meaux en date du 27 mai 2021 en ce qu'il a alloué la somme de 914,40 euros au titre de l'indemnisation de la tierce personne permanente,
Et statuant à nouveau,
- condamner la société MACIF à payer à Mme [F] [I] la somme de 49 678,72 euros au titre de la tierce personne permanente (post-consolidation) à compter du 4 avril 2016,
- condamner la société MACIF au paiement de la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en sus de l'indemnité allouée au même titre en première instance ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction pour ces derniers au bénéfice de Maître Jeanne Baechlin, avocat aux offres de droit,
- juger l'arrêt à intervenir opposable à la CPAM des Hauts-de-Seine, à la société La Poste et à la Mutuelle générale.
Vu les conclusions de la société MACIF, notifiées le 20 mai 2022, aux termes desquelles elle demande à la cour, de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé la tierce personne pérenne à la somme de 914,40 euros,
En conséquence,
- débouter Mme [F] [I] de ses réclamations tendant à voir réformer le jugement et fixer le montant de son indemnisation à la somme de 49 469,48 euros,
- débouter Mme [F] [I] de sa réclamation au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de sa demande de condamnation aux dépens,
- condamner Mme [F] [I] à payer à la société MACIF la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure devant la cour,
- condamner Mme [F] [I] aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Caroline Hatet, avocat aux offres de droit, et ce, en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Vu les conclusions de la société La Poste, notifiées le 16 novembre 2021, aux termes desquelles elle demande à la cour de :
- constater que la société La Poste s'en rapporte à justice,
- décharger la société La Poste des dépens de première instance et d'appel.
La CPAM des Hauts-de-Seine et la Mutuelle générale, auxquelles la déclaration d'appel a été signifiée respectivement le 14 septembre 2021 et le 13 septembre 2021, par actes d'huissier délivrés à personne habilitée, n'ont pas constitué avocat.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la tierce personne permanente
Mme [F] [I] critique l'expert d'avoir considéré que durant six mois après la consolidation elle avait un besoin d'une aide par une tierce personne puis passé ces 6 mois n'en avait plus besoin et affirme qu'il ne peut lui être imposé de suivre un stage de reconditionnement à l'effort ; elle ajoute que les séquelles de l'accident justifient une tierce personne viagère. Elle demande ainsi à la cour de lui allouer une indemnité calculée sur une aide de 2 heures par semaine selon un tarif horaire de 18 euros sur une année de 52 semaines avec pour l'avenir une capitalisation selon le barème édité par la Gazette du palais en 2020.
La société MACIF sollicite la confirmation du jugement en relevant que la victime n'a pas formulé de contestation sur l'assistance par tierce personne au moment de l'expertise et qu'elle a repris la conduite automobile et son poste de travail sans aménagement, ce qui confirme l'absence d'un besoin d'aide pérenne.
Sur ce, l'expert, le Docteur [N] a indiqué dans son rapport en date du 14 novembre 2019 que Mme [F] [I] a présenté, à la suite de l'accident du 30 mars 2014, un traumatisme crânien avec perte de connaissance et un traumatisme thoracique à forte cinétique et qu'elle conserve comme séquelles des cervicalgies, des douleurs d'insertion musculaire aux membres supérieurs, au rachis et aux membres inférieurs, un syndrome de stress post-traumatique et des vertiges avec des acouphènes à droite.
Il a noté que Mme [F] [I] a repris son travail à mi-temps le 26 janvier 2015 et à temps plein à partir du 25 juillet 2015, a fixé la date de consolidation des blessures au 9 avril 2016 et a retenu, s'agissant de l'assistance par tierce personne, à compter du 2 octobre 2014 et durant 2 ans un besoin d'aide de 2 heures par semaine pour porter les charges lourdes et faire les grosses courses. Il a précisé 'la période peut être mise à profit pour mettre en place un reconditionnement progressif à l'effort qui aura pour objectif d'améliorer la tolérance de la douleur et effectuer par la même une réadaptation à l'effort ...cette prise en charge peut se faire dans le cadre de frais futurs à raison d'un stage de reconditionnement à l'effort par an pendant environ 2 ans'.
Il ressort des conclusions de l'expert que celui-ci a retenu un besoin de Mme [F] [I] d'être assistée par une tierce personne pour porter les charges lourdes et faire les grosses courses, et ce à hauteur de 2 heures par semaine, du 9 avril 2016 au 30 octobre 2016 et qu'il a estimé ce besoin inexistant pour la période postérieure à cette dernière date, dans la mesure où un stage de reconditionnement à l'effort permettrait d'améliorer la tolérance de Mme [F] [I] à la douleur.
Or, Mme [F] [I] ne peut se voir imposer de poursuivre un stage de reconditionnement à l'effort, étant relevé en outre qu'il n'est pas certain qu'il lui permettrait de ne plus ressentir de douleurs lors du port de charges lourdes et étant rappelé que Mme [F] [I] doit être replacée dans une situation aussi proche que possible de celle qui était la sienne avant la survenance du fait dommageable.
Il résulte des séquelles de l'accident consistant notamment en des cervicalgies et des douleurs d'insertion musculaire, que Mme [F] [I] est, de façon définitive, dans l'impossibilité de porter les charges lourdes et de faire les grosses courses, ce qui justifie à compter du 9 avril 2016 et de façon pérenne une aide par tierce personne à raison de 2 heures par semaine.
Eu égard à la nature de l'aide requise et du handicap qu'elle est destinée à compenser, l'indemnisation se fera sur la base d'un taux horaire de 18 euros sur une année de 52 semaines ainsi que le demande Mme [F] [I].
L'indemnité de tierce personne est la suivante :
- du 19 avril 2016 date de la consolidation à la liquidation:
2 heures x 362 semaines x 18 euros = 13 032 euros
- à compter de la liquidation : par capitalisation de la dépense annuelle par un euro de rente viagère pour une femme née le [Date naissance 4] 1954 et âgée de 69 ans à la liquidation, selon le barème publié par la Gazette du palais le 15 septembre 2020, taux d'intérêts 0 %, qui est le plus approprié en l'espèce pour assurer la réparation intégrale du préjudice corporel subi par Mme [F] [I], soit 19,228,
2 heures x 52 semaines x 18 euros x 19,228 = 35 994,82 euros
- total : 49 026,82 euros.
Le jugement qui a alloué à Mme [F] [I] une indemnité de 914,40 euros est infirmé.
Sur les demandes accessoires
Il n'y a pas lieu de déclarer l'arrêt opposable à la CPAM des Hauts-de-Seine, la société La poste et la Mutuelle générale, qui sont en la cause.
Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles doivent être confirmées.
La société MACIF qui succombe supportera la charge des dépens d'appel avec application de l'article 699 du code de procédure civile.
L'équité commande d'allouer à Mme [F] [I] une indemnité de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour et de rejeter la demande de la société MACIF formulée au même titre.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire, par mise à disposition au greffe,
Et dans les limites de l'appel
- Infirme le jugement sur l'assistance permanente par tierce personne,
- Le confirme sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau sur le point infirmé et y ajoutant,
- Condamne la société Mutuelle d'assurances des commerçants et industriels de France à payer à Mme [F] [I] au titre de son besoin d'être assistée de façon permanente par une tierce personne à la suite de l'accident du 30 mars 2014, la somme de 49 026,82 euros, provisions et sommes versées en vertu de l'exécution provisoire du jugement non déduites avec les intérêts au taux légal à compter du jugement à concurrence des sommes allouées par celui-ci et à compter du présent arrêt pour le surplus,
- Condamne la société Mutuelle d'assurances des commerçants et industriels de France à payer à Mme [F] [I] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
- Déboute la société Mutuelle d'assurances des commerçants et industriels de France de sa demande au titre de ses propres frais irrépétibles d'appel exposés,
- Condamne la société Mutuelle d'assurances des commerçants et industriels de France aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE