La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/03/2023 | FRANCE | N°21/04957

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 30 mars 2023, 21/04957


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 30 MARS 2023



(n°2023/ , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/04957 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDZJK



Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Avril 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 19/01833





APPELANT



Monsieur [G] [P]

[Adresse 2]

[Localité 3]

né le 02 Mai 1963

à [Localité 7] (ALGERIE)



Représenté par Me Manon BOURDOT, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 141

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/030131 du 12/07/2021 ac...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 30 MARS 2023

(n°2023/ , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/04957 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDZJK

Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Avril 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 19/01833

APPELANT

Monsieur [G] [P]

[Adresse 2]

[Localité 3]

né le 02 Mai 1963 à [Localité 7] (ALGERIE)

Représenté par Me Manon BOURDOT, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 141

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/030131 du 12/07/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMES

Me [M] [S] ès qualité de mandataire liquidateur de la SARL SETRAP

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représenté par Me Christian GUILLOT, avocat au barreau de PARIS, toque : A0474

Association DELEGATION UNEDIC DELEGATION AGS CGEA IDF EST

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Vanina FELICI, avocat au barreau de PARIS, toque : C1985

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 31 Janvier 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Séverine MOUSSY, Conseillère chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre, Présidente de formation,

Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre,

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

Greffier : Madame Alicia CAILLIAU, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Catherine BRUNET, Présidente et par Madame Philippine QUIL, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat de travail à durée déterminée à temps complet en date du 3 novembre 2017 à effet du 2 novembre 2017 et jusqu'au 30 avril 2018, la société Setrap (ci-après la société) a embauché M. [G] [P] en qualité de métreur, statut cadre, niveau 2, coefficient 120, moyennant une rémunération brute mensuelle de 4 000 euros.

La relation contractuelle est soumise à la convention collective du bâtiment.

Le 13 juin 2018, le tribunal de commerce de Bobigny a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société Setrap et Maître [M] [S] a été désigné mandataire liquidateur.

Par courrier du 28 février 2019, Maître [S] ès qualités a informé M. [P] qu'il n'envisageait pas de demander à l'AGS la prise en charge des salaires réclamés par lui pour les mois de décembre 2017 à mars 2018 au motif que l'employeur lui avait indiqué que ces salaires avaient été payés avec le solde de tout compte et que seule restait due une somme de 3 314,92 euros nets et les congés payés non pris en charge par la caisse congés intempéries BTP d'Ile de France.

C'est dans ce contexte que M. [P] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny le 7 juin 2019.

Par jugement du 29 avril 2021 auquel il est renvoyé pour l'exposé des prétentions initiales et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Bobigny a :

- prononcé la mise hors de cause de l'AGS CGEA IDF Est ;

- déclaré irrecevables les demandes de M. [P] ;

- condamné M. [P] aux éventuels dépens de l'instance recouvrés conformément à la législation sur l'aide juridictionnelle.

Par déclaration du 4 juin 2021, M. [P] a régulièrement interjeté appel du jugement.

Par acte du 6 septembre 2021, la déclaration d'appel a été signifiée à personne à Maître [S] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Setrap, qui n'a pas constitué avocat. Le présent arrêt sera donc réputé contradictoire.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 2 septembre 2021 et signifiées à Maître [S] ès qualités le 6 septembre 2021 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, M. [P] demande à la cour de:

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions et notamment en ce qu'il :

- a prononcé la mise hors de cause de l'AGS ;

- a déclaré irrecevables ses demandes ;

- l'a condamné aux éventuels dépens ;

statuant à nouveau,

- rejeter les moyens d'irrecevabilités soulevés par l'AGS ;

- débouter l'AGS de sa fin de non-recevoir tendant à voir déclarer prescrites ses demandes ;

- le dire recevable en son appel et ses demandes ;

- fixer sa rémunération mensuelle brute moyenne à la somme de 4 000 euros ;

- fixer au passif de la société la somme de 2 390,88 euros net au titre de l'indemnité de fin de contrat ;

- fixer au passif de la société la somme de 8 000 euros nets au titre des dommages et intérêts pour exécution défectueuse du contrat ;

- fixer au passif de la société la somme de 11 289 euros au titre des rappels de salaire

« sous astreinte fixée au passif de la société à hauteur de 50 euros par jours et documents de retard » ;

- fixer au passif de la société la somme de 1 128,90 euros au titre des congés payés afférents ;

- ordonner la remise des documents sociaux conformes à la décision à intervenir sous astreinte fixée au passif de la société à hauteur de 50 euros par jour et document de retard ;

- déclarer l'arrêt à intervenir opposable à l'AGS.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 6 juillet 2021 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, l'UNEDIC AGS CGEA IDF Est (ci-après l'AGS) demande à la cour de :

- dire M. [P] irrecevable en son appel ;

- dire et juger qu'en l'absence de requête introductive d'instance mettant en cause l'AGS, la juridiction prud'homale n'a jamais été saisie envers ladite AGS ;

dès lors,

- confirmer purement et simplement le jugement dont appel et la mettre hors de cause ;

en tout état de cause,

- dire et juger prescrites toutes demandes, fins et conclusions se rapportant à des indemnités de rupture ;

- dire et juger M. [P] irrecevable et mal fondé en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- dire que si la garantie de l'AGS devait être mobilisée, elle serait limitée au plafond 4 et aux dispositions conjointes des articles L.3253-6 à L.3253-17 du code du travail ;

- condamner M. [P] aux dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 18 janvier 2023.

MOTIVATION

Sur l'irrecevabilité de l'appel de M. [P] à l'égard de l'AGS et la mise hors de cause de l'AGS

L'AGS soutient qu'elle a été mise en cause par M. [P] à la présente instance en cours de procédure par de simples écritures qui constituent une demande incidente de sorte qu'elle revendique la qualité d'intervenant forcé. L'AGS fait valoir qu'il n'apparaît pas qu'une requête ait été déposée à son encontre pour la faire citer en intervention forcée de sorte qu'elle n'est pas à même de ' vérifier les conditions pour lesquelles elle est mise en cause ' et de procéder à la vérification des créances qui pourraient résulter des prétentions du demandeur. Elle fait encore valoir que le défaut de saisine régulière d'une juridiction s'analyse en une fin de non-recevoir ; qu'elle n'a donc pas à rapporter la preuve d'un grief et qu'en conséquence, elle doit être mise hors de cause.

Le salarié réplique que l'AGS a été convoquée devant le conseil de prud'hommes.

La cour relève que le jugement mentionne que l'AGS avait soulevé une fin de non-recevoir tirée de ce que le salarié formulait une demande de condamnation à l'encontre de la société en liquidation judiciaire ; qu'elle avait rappelé qu'elle n'intervenait que pour des créances antérieures à la liquidation judiciaire et avait sollicité sa mise hors de cause parce qu'aucune demande n'était formulée à son encontre.

Le jugement mentionne également la qualité d'intervenant de l'AGS qui était représentée à l'audience par un conseil.

Le conseil de prud'hommes a mis l'AGS hors de cause aux motifs que le salarié ne démontrait pas que les créances salariales figuraient au passif de la société Setrap avant la liquidation judiciaire et qu'il avait accompli les formalités prévues au deuxième alinéa de l'article L. 625-1 du code de commerce.

Or, comme M. [P] le fait observer à juste titre, son contrat de travail à durée déterminée a pris fin en avril 2018 soit avant l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de sorte que les créances salariales qu'il allègue ne peuvent être que des créances antérieures à l'ouverture de cette procédure.

Par ailleurs, outre que l'AGS ne démontre pas avoir eu la qualité d'intervenant forcé en première instance, elle était présente à l'audience du conseil de prud'hommes et a pu faire valoir ses observations. Elle avait donc la qualité de partie à l'instance devant le conseil de prud'hommes et à la suite de la déclaration d'appel de M. [P], elle a la qualité d'intimé en appel.

Enfin, l'AGS n'explique pas en quoi l'appel de M. [P] serait irrecevable.

Partant, aucune irrégularité procédurale justifie de prononcer la mise hors de cause de l'AGS.

La décision des premiers juges sera donc infirmée à ce titre.

Sur l'exécution du contrat de travail

* sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription des demandes de M. [P]

L'AGS fait valoir, à l'appui de la fin de non-recevoir tirée de la prescription qu'elle soulève, que l'action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture ; qu'en l'espèce, M. [P] avait un an pour agir à compter du dernier jour de son contrat de travail à durée déterminée soit après le 30 avril 2018. Or, M. [P] a saisi le conseil de prud'hommes le 7 juin 2019 soit plus de douze mois après le terme de son contrat de travail.

Ce à quoi M. [P] réplique que l'action en paiement de salaires se prescrit par trois ans et que l'action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans, dans les deux cas à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. M. [P] fait valoir qu'aucune de ses demandes ne porte sur la rupture du contrat de travail. Enfin, M. [P] relève que l'AGS soulève pour la première fois en appel cette fin de non-recevoir.

En application de l'article 123 du code de procédure civile, la fin de non-recevoir tirée de la prescription peut être soulevée pour la première fois en appel.

Aux termes de l'article L. 3245-1 du code du travail, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

Il résulte du premier alinéa de l'article L. 1471-1 du code du travail que toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

En l'espèce, M. [P] sollicite un rappel de salaire, l'indemnité de fin de contrat et des dommages-intérêts pour exécution défectueuse du contrat de travail. Force est de constater qu'aucune de ses demandes ne relève de la rupture du contrat et que les prescriptions applicables sont soit trois ans soit deux ans. Or, M. [P] a saisi le conseil de prud'hommes moins de deux ans après les dates d'exigibilité de ses salaires et de l'indemnité de fin de contrat ainsi le courrier du liquidateur judiciaire faisant état des déclarations du dirigeant de la société sur le paiement des sommes. Par conséquent, ses demandes en fixation au passif de la société Setrap ne sont pas prescrites.

La fin de non-recevoir sera donc rejetée. Les premiers juges n'ont pas eu à se prononcer sur cette fin de non-recevoir.

* sur le rappel de salaire et les congés payés afférents

M. [P], qui produit ses bulletins de salaire de novembre 2017 à avril 2018, soutient qu'il aurait dû percevoir les sommes suivantes en brut :

* 3 829,39 euros en novembre 2017,

* 4 014,70 euros pour décembre 2017,

* 4 020,70 euros pour janvier 2018,

* 4 014 euros pour février 2018,

* 4 015,40 euros pour mars 2018,

* 4 014,70 euros pour avril 2018,

mais qu'il n'a effectivement perçu que les sommes suivantes : 300 euros et 1 700 euros le 15 décembre 2017 ; 2 600 euros et 3 000 euros le 7 février 2017. A cet égard, tout en produisant ses relevés bancaires, il fait valoir qu'il appartient à l'employeur de rapporter la preuve du paiement des salaires et que cette preuve ne peut procéder du seul bulletin de salaire ; qu'il reste donc créancier de la somme de 8 673,29 euros nets soit 11 289 euros bruts.

L'AGS réplique que les bulletins de paie font état de virements et fait valoir que l'appelant ne justifie pas qu'il n'aurait pas perçu ses salaires dont une partie lui a été versée en liquide selon le dirigeant de la société et que ses relevés bancaires font état de versements d'un autre compte bancaire. L'AGS reproche à M. [P] d'avoir attendu l'ouverture de la procédure collective pour réclamer ses salaires et ajoute qu'elle a procédé à une avance sur salaire pour le mois de mars 2018 sur la base d'un relevé AGS établi par le liquidateur judiciaire.

L'article L. 1222-1 du code du travail prévoit que le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

A ce titre, l'employeur est tenu de payer au salarié le salaire convenu en contrepartie de la prestation de travail.

En application de l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et, réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

En l'espèce, la charge de la preuve du paiement des salaires incombe à l'employeur et les mentions portées sur le bulletin de salaire ne valent pas preuve du paiement effectif de la rémunération qui y est indiquée.

Dès lors, contrairement à ce que soutient l'AGS, M. [P] n'est pas tenu d'établir par le biais de ses relevés bancaires qu'il a reçu ou pas telle ou telle somme et la circonstance que des sommes ont pu être versées en espèces est sans incidence en l'absence de reçu signé de M. [P].

M. [P] rapporte la preuve de l'obligation de l'employeur par la production du contrat de travail et des bulletins de salaire établis par la société Setrap sur la période du mois de novembre 2019 à avril 2020. La lecture de ces bulletins fait apparaître :

* pour novembre 2017, un salaire brut de 4 000 euros et un salaire net de 3 088,52 euros,

* pour décembre 2017, un salaire brut de 4 014,70 euros et un salaire net de 3 239,94 euros,

* pour janvier 2018, un salaire brut de 4 020,70 euros et un salaire net de 3 286,77 euros,

* pour février 2018, un salaire brut de 4 014 euros et un salaire net de 3 319,37 euros,

* pour mars 2018, un salaire brut de 4 015,40 euros et un salaire net de 3 338,69 euros,

* pour avril 2018, un salaire brut (dans lequel est inclus l'indemnité de fin de contrat) de 6 405,70 euros mais M. [P] indique 4 014,70 euros, et un salaire net de 5 216,62 euros mais M. [P] indique 3 086,22 euros.

M. [P] reconnaît avoir perçu des acomptes de la société soit une somme totale de 10 600 euros ainsi que la somme de 3 086,22 euros nets de l'AGS.

En l'absence d'éléments de l'employeur permettant d'établir que d'autres versements auraient été effectués au bénéfice de M. [P], la cour fixe la créance de M. [P] au passif de la société Setrap à la somme de 8 673,29 euros nets soit 11 289 euros bruts, outre la somme de 1 128,90 euros bruts au titre des congés payés afférents. La demande d'astreinte sera rejetée.

La décision des premiers juges sera infirmée à ce titre.

* sur le rappel d'indemnité de fin de contrat

M. [P] soutient que, bien que lié à la société Setrap par un contrat de travail à durée déterminée, il n'a pas perçu l'indemnité de fin de contrat prévue à l'article L. 1243-38 du code du travail qui s'élève, selon lui, à la somme de 2 390,88 euros. Il souligne que cette indemnité ne figure pas sur le solde de tout compte.

L'AGS n'a conclu qu'à la prescription de cette demande.

Suivant l'article L. 1243-8 du code du travail, lorsque, à l'issue d'un contrat de travail à durée déterminée, les relations contractuelles de travail ne se poursuivent pas par un contrat à durée indéterminée, le salarié a droit, à titre de complément de salaire, à une indemnité de fin de contrat destinée à compenser la précarité de sa situation.

Cette indemnité est égale à 10 % de la rémunération totale brute versée au salarié.

Elle s'ajoute à la rémunération totale brute due au salarié. Elle est versée à l'issue du contrat en même temps que le dernier salaire et figure sur le bulletin de salaire correspondant.

Le bulletin de salaire du mois d'avril 2018 établi par la société Setrap mentionne une indemnité de fin de contrat de 2 390,89 euros (en brut).

Toutefois, en application des règles rappelées précédemment, il appartient à l'employeur de rapporter la preuve du paiement effectif de cette somme à M. [P] et le bulletin de paie ne constitue pas une preuve du paiement. Le solde de tout compte produit fait état du versement d'une somme de 3 314,92 euros en net au titre d'un « solde de salaire, primes et gratifications diverses ». Il n'est toutefois pas signé de M. [P].

Partant, la créance de M. [P] au titre de l'indemnité de fin de contrat ou de précarité sera inscrite au passif de la société Setrap à hauteur de 2 390,88 euros. La décision des premiers juges sera infirmée à ce titre.

* sur les dommages-intérêts pour exécution défectueuse du contrat de travail par l'employeur

M. [P] rappelle que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi et que l'employeur doit notamment rémunérer le salarié chaque mois pour le travail effectué. Il soutient que le non-respect de cette obligation constitue un manquement à la bonne foi qui lui a causé un préjudice à la fois financier et moral. Il fait valoir, en outre, que le dirigeant de la société a sciemment menti au liquidateur judiciaire en indiquant à ce dernier que les sommes réclamées avaient été réglées. Il fait enfin valoir qu'il a dû contracter un crédit de 8 000 euros le 20 février 2018 pour faire face aux besoins de la vie courante en raison du défaut de paiement de l'intégralité de ses salaires.

L'AGS n'a conclu qu'à la prescription de cette demande.

Il ressort des développements qui précèdent que le non-paiement partiel de la rémunération de M. [P] à l'échéance convenue constitue un manquement à la bonne foi contractuelle qui a causé à M. [P] des soucis pour faire face à ses besoins quotidiens puisqu'il n'a pas pu compter sur la rémunération qui lui avait été promise. La créance de M. [P] au titre de l'indemnisation pour la gêne financière occasionnée et l'inquiétude qui l'a accompagnée sera fixée à la somme de 2 000 euros à inscrire au passif de la société Setrap. La décision des premiers juges sera infirmée à ce titre.

* sur la remise des documents

Maître [S] devra remettre à M. [P] un bulletin de paie récapitulatif, un certificat de travail et une attestation pour Pôle emploi conformes à la présente décision, sans qu'il soit nécessaire d'assortir l'obligation d'une astreinte.

Sur les autres demandes

* sur les intérêts

La cour rappelle qu'en application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances salariales produisent intérêt au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de jugement et jusqu'au jugement d'ouverture de la procédure collective qui arrête le cours des intérêts conformément aux dispositions de l'article L. 622-28 du code de commerce.

En l'occurrence, le conseil de prud'hommes a été saisi après le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire. Les créances salariales ne produiront pas d'intérêt.

Les créances indemnitaires ne produisent pas intérêt.

* sur l'opposabilité de l'arrêt à l'AGS

Il résulte des dispositions de l'article L. 3253-15 du code du travail que l'AGS avance les sommes correspondant à des créances établies par décision de justice exécutoire et que les décisions de justice lui sont de plein droit opposables.

* sur la garantie de l'AGS

La cour rappelle que l'AGS doit sa garantie dans les limites légales.

* sur les dépens et sur l'article 700 du code de procédure civile

Les dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge de Maître [S] ès qualités et la décision des premiers juges sera infirmée sur les dépens de première instance.

M. [P] n'a pas formé de demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et l'AGS sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant par arrêt réputé contradictoire et par mise à disposition,

REJETTE la fin de non-recevoir tirée de la prescription des demandes en fixation au passif de la société Setrap de M. [G] [P] ;

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;

Et statuant à nouveau et y ajoutant,

FIXE les créances de M. [G] [P] au passif de la société Setrap aux sommes suivantes :

- 11 289 euros au titre du rappel de salaire ;

- 1 128,90 euros au titre des congés payés afférents ;

- 2 390,88 euros au titre du rappel d'indemnité de fin de contrat ;

- 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour le manquement à l'obligation de bonne foi ;

ORDONNE à Maître [M] [S] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Setrap de remettre à M. [G] [P] un bulletin de paie récapitulatif, un certificat de travail et une attestation pour Pôle emploi conformes à la présente décision ;

RAPPELLE que les créances salariales produisent intérêt au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de jugement et jusqu'au jugement d'ouverture de la procédure collective qui arrête le cours des intérêts conformément aux dispositions de l'article L. 622-28 du code de commerce ;

RAPPELLE que les créances indemnitaires ne produisent pas intérêt ;

DIT que le présent arrêt est opposable à l'UNEDIC AGS CGEA IDF Est ;

DIT que l'UNEDIC AGS CGEA IDF Est doit sa garantie dans les limites légales ;

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;

CONDAMNE Maître [M] [S] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Setrap aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 21/04957
Date de la décision : 30/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-30;21.04957 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award