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29/03/2023 | FRANCE | N°21/05595

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 29 mars 2023, 21/05595


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRET DU 29 MARS 2023



(n° 2023/ , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/05595 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD4WR



Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Mai 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BOBIGNY - RG n° F18/00061





APPELANTE



Madame [O] [N]

[Adresse 2]

[Locali

té 3]



Représentée par Me Grégoire HERVET, avocat au barreau de PARIS, toque : D0621





INTIMÉE



S.A.S. NEUFTEX

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représentée par Me Jacques BELLICHACH...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRET DU 29 MARS 2023

(n° 2023/ , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/05595 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD4WR

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Mai 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BOBIGNY - RG n° F18/00061

APPELANTE

Madame [O] [N]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Grégoire HERVET, avocat au barreau de PARIS, toque : D0621

INTIMÉE

S.A.S. NEUFTEX

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Jacques BELLICHACH, avocat au barreau de PARIS, toque : G0334

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 février 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Nadège BOSSARD, conseillère chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre

Madame Nadège BOSSARD, Conseillère

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

Mme [O] [N] a été engagée par la société Neuftex selon contrat de travail à durée indéterminée à compter du 18 juin 2007 en qualité d'opératrice de saisie, à temps complet.

Elle est reconnue travailleuse handicapée du fait de sa surdité.

Mme [N] a travaillé à temps partiel, à compter du 1er avril 2011, moyennant une rémunération brute mensuelle de 813,28 euros.

Par jugement en date du 1er octobre 2014, le tribunal de commerce a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire de la société Neuftex.

Un plan de redressement a été adopté le 20 janvier 2016 pour une durée de 8 ans.

A compter du 12 juillet 2017, Mme [O] [N] a été placée en arrêt maladie par son médecin.

Elle a repris son poste de travail le 13 novembre 2017.

Le lendemain, Mme [N] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 23 novembre 2017 en vue d'un éventuel licenciement économique. Au cours de cet entretien, lui a été remis le document de présentation du contrat de sécurisation professionnelle qu'elle a accepté le jour même.

Par courrier en date du 20 novembre 2017, le conseil de Mme [N] a alerté son employeur quant à la situation de harcèlement moral et de discrimination en raison de son handicap que subissait Mme [N].

La société Neuftex a notifié à Mme [N] son licenciement pour motif économique avec effet au 14 décembre 2017.

Mme [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny le 9 janvier 2018 afin de voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir des dommages-intérêts.

Par jugement du 21 mai 2021, le conseil de prud'hommes de Bobigny a :

- dit que le licenciement de Mme [O] [N] par la société Neuftex reposait sur une cause réelle et sérieuse ;

- débouté Mme [O] [N] de l'intégralité de ses demandes ;

- condamné Mme [O] [N] aux dépens ;

- dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire.

Mme [N] a interjeté appel le 23 juin 2021.

Selon ses dernières conclusions, remises au greffe, notifiées via le réseau privé virtuel des avocats le 20 septembre 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, Mme [N] demande de :

- Infirmer dans toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bobigny le 21 mai 2021

Et statuant à nouveau :

- La déclarer recevable et bien fondée en ses demandes ;

- Dire que la société Neuftex n'a pas respecté les dispositions légales concernant les personnes handicapées conformément à l'article L. 5213-6 du code du travail ;

- Dire que la société Neuftex a manqué incontestablement à son obligation de sécurité de résultat en dégradant l'état de santé de Mme [O] [N] ;

- Dire que le licenciement de Mme [O] [N] repose un motif discriminatoire en tant qu'il est intervenu en raison de son état de santé et de son handicap ;

En conséquence,

- Dire que le licenciement de Mme [O] [N] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- Condamner la société Neuftex à verser à Mme [O] [N] les sommes suivantes :

o 8.132,80 euros au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

o 30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

o 50.000 euros afférente au traitement et à l'état de santé de Mme [O] [N] ;

- Condamner la société Neuftex au paiement de la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Selon ses dernières conclusions remises au greffe, notifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 20 décembre 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la société Neuftex demande de :

A titre principal,

- Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bobigny le 21 mai 2021 ;

Par conséquent,

- Débouter Mme [N] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

A titre subsidiaire,

- Réduire les demandes de Mme [N] à de plus justes proportions à savoir au minimum légal;

En tout état de cause,

- Condamner Mme [N] à payer la somme de 1.500,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont le recouvrement pourra être assuré par Me Bellichach, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 17 janvier 2023.

MOTIFS :

Sur le harcèlement moral et la discrimination à raison du handicap:

Selon l'article L1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En vertu de l'article L1154-1du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement pour les faits antérieurs au 10 août 2016 et présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement pour les faits postérieurs.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

L'article L1132-1 du code du travail prévoit qu'aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de

formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de (...) son handicap.

L'article L1134-1 dispose que lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Mme [N] considère avoir été victime d'un harcèlement discriminatoire. Elle expose être handicapée en raison de sa surdité et soutient n'avoir bénéficié d'aucune augmentation de salaire ni évolution professionnelle depuis 2007, avoir fait l'objet d'humiliation, de propos dénigrants de la part de ses collègues et notamment de l'une de ses collègues Mme [G] [W] à laquelle elle reproche d'avoir installé un carton sur son bureau afin de ne plus avoir Mme [N] dans son champ de vision.

Mme [N] ne produit pas l'intégralité de ses bulletins de paie pour établir l'absence d'augmentation de salaire et d'évolution de carrière qu'elle invoque.

Mme [N] produit des clichés photographiques montrant un bureau sur lequel des cartons sont disposés dont il n'est pas contesté par l'employeur que leur usage était courant au sein du bureau pour procéder à l'archivage des dossiers. Mme [G] admet avoir posé des cartons sur son bureau mais nie toute volonté de nuire à Mme [N] à laquelle elle reconnaît qu'elle n'adressait pas la parole.

Mme [N] communique des attestations de ses proches qui témoignent de son état de stress à son retour du travail et ce depuis le déménagement de la société à [Localité 4]. Le frère de Mme [N] atteste l'avoir accompagnée à son travail et avoir échangé par téléphone avec le gérant de la société au sujet du différend de Mme [N] avec ses collègues.

La salariée verse aux débats un certificat médical de son psychiatre qui mentionne qu'elle présente une fragilité avec des troubles thymiques récurrents et qu'elle exprime depuis deux ans une souffrance psychique en lien avec un vécu difficile au travail. Cette attestation établit que Mme [N] a exprimé une souffrance quant à ses conditions de travail au cours des années 2015 à 2017. Cette attestation corrobore celles des proches de Mme [N] qui ont constaté son état de mal être à son retour du travail.

Toutefois, Mme [N] ne décrit pas de faits d'humiliation ni ne cite de propos dénigrants de la part de ses collègue ni de Mme [W] en présence de laquelle elle ne se trouvait que de 10 heures à 11H30 le matin compte tenu de leurs horaires respectifs et ce, par moments seulement, compte tenu des déplacements de Mme [N] au sein de l'entrepôt afin de vaquer aux tâches liées au courrier qui lui incombaient. Le seul fait ayant consisté à poser un carton sur un bureau ne fait pas présumer une situation de harcèlement moral ou de discrimination.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que Mme [N] n'a pas subi de harcèlement moral, ni de discrimination. Ses demandes indemnitaires subséquentes sont en conséquence rejetées. Le jugement entrepris sera confirmé de ces chefs.

Sur le manquement à l'obligation de sécurité et d'adaptation spécifique aux salariés handicapés :

Mme [N] soutient également que son employeur a manqué à son obligation de sécurité en ne prenant pas de mesure lorsqu'elle a demandé un aménagement de poste.

L'article L.5213-6 du code du travail dispose littéralement : « Afin de garantir le respect du principe d'égalité de traitement à l'égard des travailleurs handicapés, l'employeur prend, en fonction des besoins dans une situation concrète, les mesures appropriées pour permettre aux travailleurs mentionnés aux 1° à 4° et 9° à 11° de l'article L. 5212-13 d'accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l'exercer ou d'y progresser ou pour qu'une formation adaptée à leurs besoins leur soit dispensée.

Ces mesures sont prises sous réserve que les charges consécutives à leur mise en oeuvre ne soient pas disproportionnées, compte tenu de l'aide prévue à l'article L. 5213-10 qui peuvent compenser en tout ou partie les dépenses supportées à ce titre par l'employeur.

Le refus de prendre des mesures au sens du premier alinéa peut être constitutif d'une discrimination au sens de l'article L. 1133-3. ».

Si elle ne démontre pas avoir demandé d'aménagement de poste, elle établit que son frère s'était entretenu avec son employeur sur l'existence d'un différend avec ses collègues.

L'employeur justifie avoir accordé un mi-temps à la salariée à la demande de celle-ci à l'issue de son mi-temps thérapeutique. Il n'est en outre pas contesté que Mme [N] effectuait ses tâches à la satisfaction de son employeur de sorte que la situation concrète de la salariée ne justifiait pas de mesures appropriées pour lui conserver un emploi correspondant à sa qualification, de l'exercer ou d'y progresser ou pour qu'une formation adaptée à ses besoins lui soit dispensée.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que Mme [N] n'a pas subi de manquement à l'obligation de sécurité et d'adaptation de son poste. Ses demandes indemnitaires subséquentes sont en conséquence rejetées. Le jugement entrepris sera confirmé de ces chefs.

Sur le licenciement :

Selon l'article L1233-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :

1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.

Une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l'année précédente, au moins égale à :

a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;

b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;

c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;

d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;

2° A des mutations technologiques ;

3° A une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;

4° A la cessation d'activité de l'entreprise.

La matérialité de la suppression, de la transformation d'emploi ou de la modification d'un élément essentiel du contrat de travail s'apprécie au niveau de l'entreprise.

Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise s'apprécient au niveau de cette entreprise si elle n'appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d'activité commun au sien et à celui des entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national.

Pour l'application du présent article, le groupe est défini, lorsque le siège social de l'entreprise dominante est situé sur le territoire français, conformément au I de l'article L. 2331-1 et, dans le cas contraire, comme constitué par l'ensemble des entreprises implantées sur le territoire français.

Le secteur d'activité permettant d'apprécier la cause économique du licenciement est caractérisé, notamment, par la nature des produits biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché.

Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail résultant de l'une des causes énoncées au présent article, à l'exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivants et de la rupture d'un commun accord dans le cadre d'un accord collectif visée aux articles L. 1237-17 et suivants.

Mme [N] fait valoir que seul son poste a été concerné par une procédure de licenciement pour motif économique, qu'aucune proposition de reclassement sérieuse ne lui a été faite à part un seul poste en province. Elle soutient que la société ne justifie d'aucun motif économique dans le cadre du groupe auquel elle appartient.

L'employeur répond que la société Neuftex a connu d'importantes difficultés économiques durant de nombreuses années, que le plan établi entre 2015 et 2016 lui a permis de survivre et que pour autant l'année 2017 a de nouveau été difficile en termes d'exploitation, comme en atteste le résultat d'exploitation qui a encore chuté par rapport à 2016, ce qui a rendu indispensable sa réorganisation afin d'assurer sa survie économique et de sauvegarder sa compétitivité dans un marché de plus en plus concurrentiel et difficile pour les vendeurs de tissus comme elle en centre-ville.

La société n'appartient pas à un groupe au sens du I de l'article L. 2331-1 du code du travail et L233-1 du code de commerce. La réalité du motif économique s'apprécie donc au niveau de la société Neuftex.

Le document unilatéral soumis à l'information et la consultation du comité d'entreprise le 18 juin 2015 mentionne les motifs des licenciements collectifs de 106 salariés intervenus deux années avant le licenciement individuel de Mme [N]. Il s'agissait alors de réorganiser l'activité par la remise à niveau informatique de la société et la fermeture de 15 points de vente et de l'un des deux entrepôts, celui de [Localité 6] qui hébergeait les locaux administratifs de la société.

Dans le cadre de la réorganisation des services administratifs et de l'implantation de nouveaux outils de gestion et d'administration notamment informatiques, la société a décidé de supprimer le poste d'opératrice de saisie.

Cette réorganisation s'est inscrite dans un contexte de maintien du chiffre d'affaires mais avec un niveau élevé de charges d'exploitation entre 2015 et 2017 et visait à sauvegarder sa compétitivité afin de respecter les obligations de la société dans le cadre du plan de redressement arrêté par le tribunal de commerce de Paris le 20 janvier 2016 pour huit années.

Si la société a réalisé en 2017 un résultat net positif, c'est en raison des résultats exceptionnels dus à la vente des fonds de commerce. Cet indicateur n'est donc pas pertinent.

La réorganisation de la société, en l'espèce de son service comptable, emportant suppression du poste de Mme [N] est ainsi justifiée.

Les embauches intervenues postérieurement au licenciement de Mme [N] concernaient des postes commerciaux et non un emploi d'opérateur de saisie de sorte que ces créations d'emplois ne sont pas de nature à contredire la suppression de poste établie par la réorganisation mise en oeuvre.

La réalité du motif économique est donc démontrée.

- sur le reclassement :

L'article L1233-4 du code du travail prévoit que le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Pour l'application du présent article, le groupe est défini, lorsque le siège social de l'entreprise dominante est situé sur le territoire français, conformément au I de l'article L. 2331-1 et, dans le cas contraire, comme constitué par l'ensemble des entreprises implantées sur le territoire français.

Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure.

L'employeur adresse de manière personnalisée les offres de reclassement à chaque salarié ou diffuse par tout moyen une liste des postes disponibles à l'ensemble des salariés, dans des conditions précisées par décret.

Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.

Mme [N] soutient que la proposition de reclassement qui lui a été faite n'était pas sérieuse et que son employeur était tenu de rechercher son reclassement sur un périmètre plus large comprenant les sociétés détenues par le nouveau repreneur de la société Neuftex.

La société Neuftex répond que la proposition de poste de reclassement prenait en compte le handicap de Mme [N] et qu'en l'absence de groupe capitalistique la recherche de reclassement devait avoir lieu au sein de la société et avait été élargie à deux sociétés propriétés du gérant de Neuftex.

En l'espèce, la société Neuftex a proposé à Mme [N] un reclassement sur un 'poste basé à [Localité 5] avec conservation de vos horaires et maintien de votre rémunération' sans toutefois préciser la nature du poste, lequel n'est pas dénommé. Cette offre de reclassement n'est pas suffisamment précise et à ce titre n'est pas sérieuse. En proposant une telle offre, l'employeur a manqué à son obligation de recherche sérieuse de reclassement.

Le licenciement de Mme [N] est en conséquence dépourvu de cause réelle et sérieuse. Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Selon l'article L1235-3 du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés compris entre 3 et 10 mois de salaire pour une ancienneté de dix années.

Au regard de l'âge de Mme [N] soit 49 ans au jour de son licenciement, de son handicap, de sa qualification, de son salaire des six derniers mois de 813,28 euros et de sa capacité à retrouver un emploi, le préjudice par elle subi sera réparé par l'allocation de la somme de 8 000 euros.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il avait rejeté cette demande.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

La société Neuftex est condamnée aux dépens d'appel et au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

L'INFIRME de ce chef,

statuant à nouveau,

JUGE que le licenciement de Mme [O] [N] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la société Neuftex à payer à Mme [O] [N] la somme de 8 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la société Neuftex à payer à Mme [O] [N] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Neuftex aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 21/05595
Date de la décision : 29/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-29;21.05595 ?
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