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29/03/2023 | FRANCE | N°21/02057

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 29 mars 2023, 21/02057


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 6



ARRET DU 29 MARS 2023



(n° 2023/ , 1 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/02057 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDIC6



Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 Décembre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONGJUMEAU - RG n° F19/00275





APPELANT



Monsieur [I] [C]

[Adresse 1]

[Localité 2]



Représent

é par Me Sandra MORENO-FRAZAK, avocat au barreau d'ESSONNE





INTIMÉE



S.A.S. MERIDA BIKES FRANCE

[Adresse 4]

[Localité 3]



Représentée par Me Frédéric INGOLD, avocat au barreau de PARIS...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRET DU 29 MARS 2023

(n° 2023/ , 1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/02057 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDIC6

Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 Décembre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONGJUMEAU - RG n° F19/00275

APPELANT

Monsieur [I] [C]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Sandra MORENO-FRAZAK, avocat au barreau d'ESSONNE

INTIMÉE

S.A.S. MERIDA BIKES FRANCE

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Frédéric INGOLD, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 14 février 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Christine DA LUZ, Présidente de chambre

Madame Nadège BOSSARD, Conseillère

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Stéphane THERME, Conseiller, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Christine DA LUZ, Présidente de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

M. [C] a été engagé par la société Merida Bikes le 16 mai 2017 par contrat à durée indéterminée en qualité de responsable des ventes.

La convention collective des entreprises de commission, de courtage et de commerce intracommunautaire et d'importation-exportation du 18 décembre 1952 est applicable.

Le salaire fixe de M. [C] était de 2 750 euros auquel s'ajoutait une rémunération variable sur objectifs. Le contrat de travail prévoit que chaque année, les objectifs étaient définis par la société Merida Bikes, après consultation du salarié et formalisés par une annexe au cours du premier trimestre.

M. [C] a signé l'annexe relative à sa rémunération variable le 21 février 2019. Par courrier du 25 février 2019 il a contesté cet avenant.

M. [C] a été en arrêt de travail à compter du 15 avril 2019.

M. [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Longjumeau le 9 mai 2019 aux fins de demander la résiliation du contrat de travail.

M. [C] a été déclaré inapte par le médecin du travail le 19 novembre 2019, avec dispense de reclassement.

M. [C] a été licencié pour inaptitude d'origine non professionnelle le 10 décembre 2019.

Par jugement du 31 décembre 2020, le conseil de prud'hommes a :

Débouté M. [C] de toutes ses demandes.

Débouté la société Merida Bikes France de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Mis les dépens à la charge de M. [C].

M. [C] a formé appel par acte du 18 février 2021.

Par conclusions déposées au greffe et notifiées le 8 avril 2021, auxquelles la cour fait expressément référence, M. [C] demande à la cour de :

- Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Longjumeau en toutes ses dispositions,

En conséquence,

- Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [C], résiliation judiciaire ayant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, effets au 10 décembre 2019, date de son licenciement.

- Condamner la société Merida Bikes France à verser à M. [C] les sommes suivantes :

' Indemnité compensatrice de préavis (art. 12 CCN) 11 625 euros

' Congés payés afférents 1 162,50 euros

' Rappel de rémunération de février à avril 2019 inclus 3 125 euros

' Congés payés afférents 312,50 euros

' Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 23 250 euros

' Dommages et intérêts pour exécution déloyale et violation de l'obligation de sécurité et de prévention 8 000 euros

' Dommages et intérêts pour remise tardive d'une attestation Pôle Emploi 2 000 euros

' Article 700 du code de procédure civile 2 500 euros

- Ordonner la remise de l'attestation Pôle Emploi, certificat de travail, solde de tout compte et bulletin de paie conforme à l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document,

- Assortir l'ensemble des condamnations pécuniaires à venir des intérêts au taux légal

- Condamner la société aux entiers dépens.

Par conclusions déposées au greffe et notifiées le 22 avril 2021, auxquelles la cour fait expressément référence, la société Merida Bikes France demande à la cour de :

Constater que la société Merida Bikes France a modifié les objectifs 2019 conditionnant la rémunération variable conformément aux dispositions contractuelles et jurisprudentielles,

Juger que la société Merida Bikes France a exécuté le contrat de travail de manière loyale,

Juger que la société Merida Bikes France a respecté ses obligations en matière de sécurité et de prévention,

En conséquence :

Confirmer le jugement de première instance en toutes ses dispositions,

Débouter M. [C] de l'intégralité de ses demandes

A titre subsidiaire, en cas de résiliation judiciaire :

Constater que M. [C] a perçu son indemnité légale de licenciement dans le cadre de son licenciement pour inaptitude,

Juger que M. [C] ne démontre l'existence d'aucun préjudice,

Ramener les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 1 938 euros net,

En tout état de cause :

Débouter M. [C] de la demande de rappel de rémunération variable, et des congés payés afférents,

Débouter M. [C] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale et violation de l'obligation de sécurité et de prévention,

Débouter M. [C] de sa demande d'exécution provisoire,

Débouter M. [C] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner M. [C] à la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 décembre 2022.

MOTIFS

Sur la résiliation judiciaire

Lorsqu'un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, et que ce dernier le licencie ultérieurement, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat de travail était justifiée. Ce n'est que si le juge estime la demande de résiliation infondée qu'il statue sur le bien-fondé du licenciement.

Le salarié qui sollicite la résiliation judiciaire de son contrat de travail doit rapporter la preuve que l'employeur a commis des manquements graves à ses obligations de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail. Pour apprécier la gravité des faits reprochés à l'employeur dans le cadre de la demande de résiliation judiciaire, le juge doit tenir compte de leur persistance jusqu'au jour du licenciement.

M. [C] fait valoir que l'employeur a commis plusieurs manquements qui justifiaient la résiliation judiciaire de son contrat de travail :

- d'avoir modifié sa rémunération sans son acceptation,

- le non-paiement de la rémunération,

- une exécution déloyale du contrat de travail,

- des manquements en matière de sécurité et de prévention.

M. [C] justifie que le 21 février 2019 son employeur lui a fait signer un avenant modifiant les modalités de sa rémunération variable, qui a entraîné une diminution de celle-ci au mois de mars suivant. Il indique que la modification lui a été imposée par l'employeur, dans la précipitation, que les objectifs n'étaient pas réalisables et qu'ils ont été modifiés après le début de l'exercice.

Le contrat de travail de M. [C] stipule : « A cette rémunération fixe de base s'ajoutent une rémunération variable fondée sur l'atteinte des objectifs fixés au salarié ainsi qu'un bonus annuel également fondé sur l'atteinte des objectifs annuels fixés au salarié.

Le montant, ainsi que les modalités d'attribution et de paiement de cette rémunération variable et de ce bonus annuel, sont définis par la société après consultation du salarié et formalisés dans un avenant signé chaque année au cours du 1er trimestre.

Pour l'année 2017, les objectifs sont fixés en annexe 1 du présent contrat ».

Il en résulte que les modalités et les objectifs sont fixés par l'employeur, après consultation du salarié, et non avec accord de celui-ci.

Les objectifs et modalités de la rémunération variable ont été remis à M. [C] le 21 février 2019, qui a signé le document le jour-même, ce qui démontre qu'ils ont été portés à sa connaissance. Si d'autres salariés indiquent qu'il leur a été demandé de signer leur avenant de suite, M. [C] ne produit pas d'élément démontrant que cela lui a également été demandé, et imposé par l'employeur.

L'intimée justifie que l'objectif à atteindre a été évalué au regard de la progression du chiffre d'affaires de la société les années antérieures, et que la société disposait du stock lui permettant de les atteindre au cours de l'année.

Les modalités de l'avenant indiquent que le chiffre d'affaires comparé est celui des douze derniers mois en incluant le mois en cours et générait une éventuelle rémunération variable pour le mois qui suivrait le mois ainsi pris en compte, de sorte que la fixation des objectifs était antérieure à la période concernée par les nouveaux objectifs fixés.

Aucun manquement de l'employeur n'est établi, ni dans la modification des objectifs et des modalités de rémunération variable, ni dans leur mise en oeuvre.

Pour caractériser l'exécution déloyale du contrat de travail, M. [C] expose : qu'on lui a demandé de transporter des médicaments pour le compte de la responsable des ressources humaines, qu'il a dû subir des modifications de dernière minute de ses congés ; que l'employeur a été défaillant dans le cadre du maintien de son salaire pendant son arrêt maladie, ne lui communiquant pas les coordonnées de l'organisme de prévoyance ; la modification de sa rémunération ; qu'en réponse à ses demandes, il a ensuite dû subir des reproches de son employeur ; qu'on a modifié ses prérogatives en lui enlevant le recrutement de ses collaborateurs.

Il est constant que M. [C] a transporté occasionnellement des médicaments pour une personne de l'entreprise, sans avoir manifesté aucune réticence à cette demande, ce qui ne caractérise pas une exécution déloyale du contrat de travail.

L'employeur a demandé à M. [C] de modifier ses congés pour la première semaine de mars 2019. Après le courrier adressé le 1er mars par le salarié qui demandait le maintien de ces congés, la responsable lui a immédiatement répondu que c'était une erreur et qu'il disposait des congés qui avaient été accordés.

M. [C] démontre avoir demandé par mail du 1er septembre 2019 adressé à une responsable de la société les coordonnées de l'organisme de prévoyance ; dans son message il fait référence à un courrier qui lui avait déjà été adressé par son employeur. Il ne produit pas de demande antérieure à son message.

L'employeur justifie quant à lui que les sommes avaient été directement versées par la caisse primaire d'assurance maladie à M. [C], dans leur intégralité malgré le maintien de salaire, ce qui a généré un indû qui a dû être pris en compte. Les bulletins de salaire font état d'un maintien du salaire, puis d'un versement au titre d'une avance de la garantie de prévoyance au mois de septembre 2019.

Le manquement de l'employeur dans la prise en charge de l'arrêt de travail n'est pas caractérisé.

Compte tenu des termes du contrat de travail, la modification des objectifs et des modalités de la rémunération variable puis leur mise en oeuvre par l'employeur ne caractérisent pas une exécution déloyale du contrat.

M. [C] produit plusieurs mails dans lesquels son supérieur formule des remarques sur la façon dont il considère la qualité de son travail, dans des termes mesurés et sans excès, qui ne constituent pas un manquement de l'employeur.

M. [C] justifie qu'au début de l'année 2019 des entretiens de recrutement ont eu lieu pour des collaborateurs de son service, sans qu'il soit consulté. La société Merida Bikes France fait utilement valoir que cela ne faisait pas partie des prérogatives prévues par son contrat de travail. Le fait qu'il ait pu y être associé lors de son arrivée dans l'entreprise ne démontre pas qu'il a été investi de cette tâche.

L'exécution déloyale du contrat de travail n'est pas démontrée par M. [C].

M. [C] invoque un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, expliquant qu'aucune mesure de suivi n'a été prise concernant sa charge de travail, qu'il a dû assumer deux postes de travail et qu'aucune mesure n'a été prise concernant le comportement de Mme [X], qui faisait partie des responsables de la société.

L'article L. 4121-1 du code du travail dispose que 'L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adéquation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.'

La société Merida Bikes France justifie par deux attestations de salariés que les responsables venaient deux fois par mois pour procéder à des entretiens et assurer le suivi de la charge de travail.

S'il n'est pas discuté que M. [C] a assumé le poste d'une autre personne en avril 2019, la société Merida Bikes France justifie que ce n'était que ponctuel, qu'un recrutement était en cours dès le 29 mars, ce qui lui avait été indiqué, de sorte que cette situation n'a été que ponctuelle.

La société Merida Bikes France produit le document unique d'évaluation des risques professionnels, et les deux mises à jour suivantes, ainsi que la fiche de prévention des

expositions à certains facteurs de risques professionnels de M. [C] qui a été établie le 20 février 2018.

M. [C] produit des mails qu'il a adressés à Mme [X] les 19 et 22 mars 2019 dans lesquels il lui reproche ses nombreuses erreurs et son comportement, qui ne constituent pas des alertes qui auraient été formulées à l'employeur. Il y mentionne des témoins de propos tenus par celle-ci ainsi que d'autres refus de congés qu'il avait demandés, ce qui n'est pas établi par les éléments versés aux débats. Les relations avec cette responsable se sont poursuivies de façon courtoise, y compris concernant les questions de rémunération qui ont été discutées au mois de septembre suivant.

L'employeur établit qu'il n'a pas manqué à son obligation de sécurité.

M. [C] ne rapporte pas la preuve des manquements qu'il impute à l'employeur. La demande de résiliation judiciaire du contrat de travail doit être rejetée, ainsi que les demandes financières consécutives à la rupture du contrat de travail.

M. [C] sera également débouté de ses demandes de rappel de salaire et de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et manquement à l'obligation de sécurité.

Le jugement sera confirmé de ces chefs.

Sur la remise de l'attestation Pôle Emploi

M. [C] expose que l'erreur de date concernant le dernier jour travaillé qui est indiqué dans l'attestation destinée à Pôle Emploi a été source d'un préjudice consécutif au retard d'indemnisation, sans en justifier par les éléments produits. Il indique dans ses conclusions qu'il ne bénéficie toujours pas des prestations de Pôle Emploi, alors qu'il produit les relevés des sommes versées par cet organisme.

M. [C] sera débouté de sa demande de dommages et intérêts.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

La remise d'une attestation conforme sera en revanche ordonnée, sans qu'il y ait lieu de prononcer une astreinte.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur les dépens et frais irrépétibles

M. [C] qui succombe au principal supportera les dépens et sera condamné à verser à la société Merida Bikes France la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

CONFIRME le jugement, sauf en ce qu'il a débouté M. [C] de sa demande de remise d'une attestation Pôle Emploi conforme,

ORDONNE à la société Merida Bikes France de remettre à M. [C] une attestation Pôle Emploi conforme,

CONDAMNE M. [C] aux dépens,

CONDAMNE M. [C] à payer à la société Merida Bikes France la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 21/02057
Date de la décision : 29/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-29;21.02057 ?
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