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29/03/2023 | FRANCE | N°21/01859

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 29 mars 2023, 21/01859


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 6



ARRET DU 29 MARS 2023



(n° 2023/ , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/01859 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDHCE



Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Janvier 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 19/00978





APPELANT



Monsieur [J] [T] [D]

[Adresse 2]

[Localité 3]



Rep

résenté par Me David RAGNO, avocat au barreau de PARIS, toque : C1326





INTIMÉE



S.A.S. L'ANNEAU

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représentée par Me Pearl GOURDON, avocat au barreau de PARIS, toque...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRET DU 29 MARS 2023

(n° 2023/ , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/01859 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDHCE

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Janvier 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 19/00978

APPELANT

Monsieur [J] [T] [D]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me David RAGNO, avocat au barreau de PARIS, toque : C1326

INTIMÉE

S.A.S. L'ANNEAU

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Pearl GOURDON, avocat au barreau de PARIS, toque : D0309

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 14 février 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Christine DA LUZ, Présidente de chambre

Madame Nadège BOSSARD, Conseillère

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Nadège BOSSARD, Conseillère, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Christine DA LUZ, Présidente de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

M [J] [T] [D] a été engagé par la société l'Anneau selon contrat de travail à durée indéterminée du 28 novembre 2016, à compter du 1er décembre 2016 en qualité d'agent de sécurité - SSIAP 1, à temps plein, niveau 3 coefficient 130 échelon 1 statut agent d'exploitation moyennant une rémunération brute mensuelle de 1 479, 74 euros.

La société l'Anneau, membre du groupe l'anneau comprenant les sociétés L'Anneau et Securus, est une entreprise exerçant dans le secteur d'activité de la sécurité privée.

Les rapports contractuels sont soumis à la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité.

La période d'essai de M. [T] [D], d'une durée initiale de deux mois, a été renouvelée le 11 janvier 2017 pour une durée d'un mois.

Le 28 avril 2017, la société L'Anneau a convoqué M. [T] [D] à un entretien préalable. Par lettre en date du 15 mai 2017, la société L'Anneau a notifié à M. [T] [D] un avertissement pour non port des chaussures réglementaires.

Le 16 juin 2017, la société L'anneau a mis en demeure M. [T] [D] de justifier de son absence sur le site [Adresse 5] les 26 et 27 avril 2017.

Le 28 juin 2017, la société l'Anneau lui a notifié un deuxième avertissement au motif qu'elle n'avait pas reçu les justificatifs de l'absence.

Le 18 décembre 2017, la société l'Anneau a convoqué à nouveau M. [T] [D] à un entretien préalable fixé au 26 décembre 2017. Aucune sanction ne lui a été notifiée.

Par lettre recommandée datée du 15 mars 2018, M. [T] [D] a été convoqué à un entretien préalable à une mesure pouvant aller jusqu'au licenciement, fixé au 29 mars 2018, auquel M. [T] [D] s'est présenté assisté de M. [E] [N].

Par lettre en date du 11 avril 2018, la société l'Anneau a notifié à M. [T] [D] une sanction consistant en une mise à pied disciplinaire portant sur la période des 16, 17, 18, 26 et 27 avril 2018 aux motifs que M. [T] [D] s'était présenté pour sa prise de poste sans tenue de travail adéquate et qu'il avait contesté les directives de M. [G] [A] données par l'intermédiaire du chef de poste.

Le 21 août 2018, la société L'Anneau a mis en demeure M. [T] [D] de justifier de son absence les 16 et 20 août 2018.

Le 24 août 2018, la société l'Anneau a convoqué M. [T] [D] à un entretien préalable fixé au 7 septembre 2018.

Par lettre du 14 septembre 2018, la société l'Anneau a notifié à M. [T] [D] son licenciement pour faute grave au motif qu'il avait unilatéralement décidé de s'absenter en congés payés du 15 au 31 août 2018, alors que cette période de congés lui avait été refusée, ce qui le plaçait en absence injustifiée du 15 au 31 août 2018.

Par lettre en date du 25 septembre 2018, M. [T] [D] a demandé à la société L'Anneau de lui préciser par écrit les conditions dans lesquelles le refus de sa demande de congés, daté du 12 juin 2018, lui avait été notifié.

Par requête en date du 29 mars 2019, M. [T] [D] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny en contestation de son licenciement et de demandes relatives à l'exécution du contrat de travail.

Par un jugement du 21 janvier 2021, le conseil de prud'hommes de Bobigny a débouté M. [T] [D] de l'ensemble de ses demandes, l'a condamné à payer la somme de 50 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamné aux dépens.

M. [T] [D] a interjeté appel le 15 février 2021.

Selon ses dernières conclusions, remises au greffe, notifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 7 mai 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, M. [T] [D] demande à la cour de :

Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail

A titre principal,

' Juger que le licenciement de Monsieur [T] [D] intervenu par lettre du 14 septembre 2018 est entaché de nullité ;

' Condamner la SAS L'Anneau à payer à M. [T] [D] la somme 10 056 euros à titre d'indemnité de rupture du contrat de travail ;

A titre subsidiaire,

' Juger que le licenciement de M. [T] [D] ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse, et qu'il est abusif ;

' Juger que doit être écarté le montant maximum d'indemnisation prévu à l'article L 1235-3 du code du travail

' Juger que l'appréciation in concreto de la situation de M. [T] [D] doit conduire à lui allouer des dommages et intérêts réparant l'intégralité du préjudice au-delà du plafond de l'article L 1235-3 du code du travail

' Condamner la SAS L'Anneau à payer à M. [T] [D] la somme de 10 056 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

A titre infiniment subsidiaire,

' Juger que le licenciement de M. [T] [D] ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse et qu'il est abusif ;

' Condamner la SAS L'Anneau à payer à M. [T] [D] la somme de 3 352 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse suivant le barème défini à l'article L 1235-3 du code du travail ;

En tout état de cause,

' Condamner la SAS l'Anneau à payer à M. [T] [D] :

' 1 654,54 euros au titre de l'indemnité de préavis ;

' 165,45 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ;

' 768,00 euros au titre de l'indemnité de licenciement ;

Sur les demandes relatives à l'exécution du contrat de travail

Annuler les sanctions prononcées les 15 mai 2017, 28 juin 2017 et 11 avril 2018 par la SAS l'anneau à l'encontre de M. [T] [D] ;

Condamner la SAS L'Anneau à payer à M. [T] [D] :

' 685,95 euros au titre de rappel de salaire au coefficient 140 pour la période du 01/01/2017 au 14/09/2018 ;

' 68,59 euros à titre de congés payés sur rappel de salaire au titre du coefficient 140

' 594,16 euros au titre de rappel de salaires sur mise à pied des 16, 17, 18, 26 et 27 avril 2018 ;

' 59,41 euros au titre des congés payés sur rappel de salaires sur mise à pied

' 204,69 euros au titre de la retenue sur salaire de mars 2018

' 20,46 euros à titre de congés payés en incidence sur rappel de salaire au titre de la retenue sur salaire de mars 2018

' 806, 20 euros à titre de dommages et intérêts pour congés paternité non indemnisés ;

' 5 000,00 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral

Ordonner la rectification de l'intégralité des bulletins de salaire de décembre 2016 à septembre 2018, ainsi que l'attestation destinée au Pôle Emploi, au besoin sous astreinte de 10 euros, par jour de retard et par document, dans les 15 jours de la notification de la décision à intervenir ;

Ordonner la remise des originaux des attestations de formation de M. [T] [D] (H0B0 du 10/09/2018 et maintien des connaissances SSIAP 1 du 12/06/2018) au besoin sous astreinte de 10 euros, par jour de retard et par document, dans les 15 jours de la notification de la décision à intervenir

Juger que l'astreinte prononcée sera fixée pour une période 6 mois et se réserver la faculté de liquidation de ladite astreinte.

Sur les autres demandes

Juger que les condamnations prononcées porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation sur le fondement des articles L 1231-6 et 1231-7 du code civil ;

Ordonner la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil pour ceux qui seraient dus pour plus d'une année entière ;

Condamner la SAS L'anneau à payer à Monsieur [T] [D] la somme de 2 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Débouter la SAS L'anneau de l'intégralité de ses demandes en cause d'appel ;

Condamner la SAS L'anneau aux entiers dépens de première instance et d'appel

Selon ses dernières conclusions, remises au greffe, notifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 25 juillet 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la société l'Anneau demande de :

- Confirmer le jugement rendu le 21 janvier 2021 par le conseil de prud'hommes de Bobigny en ce qu'il a débouté M. [J] [T] [D] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;

Statuant à nouveau ;

- Dire et Juger que le licenciement pour faute grave de Monsieur [J] [T] [D] est bien fondé ;

En conséquence ;

- Débouter M. [J] [T] [D] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;

- Condamner M. [J] [T] [D] à payer à la société L'Anneau la somme de 1.700 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamner M. [J] [T] [D] aux entiers dépens de la présente instance.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 13 décembre 2022.

MOTIFS :

Sur les demandes d'annulation des avertissements les 15 mai 2017, 28 juin 2017 et de la mise à pied du 11 avril 2018 :

Selon l'article L1331-1 du code du travail, en cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction.

L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction.

Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

L'article L1333-2 dispose que le conseil de prud'hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

Selon l'article L1332-1 aucune sanction ne peut être prise à l'encontre du salarié sans que celui-ci soit informé, dans le même temps et par écrit des griefs retenus contre lui.

- sur l'avertissement du 15 mai 2017 :

M. [T] [D] a été sanctionné au motif qu'il ne portait pas de chaussures de sécurité conformes et qu'il n'était pas muni du dispositif Protection travailleur isolé dit PTI.

Il incombe à l'employeur de rapporter la preuve des faits qu'il reproche à son salarié. Or, la société L'Anneau ne communique aucun élément de preuve relatif aux faits qu'elle a sanctionnés par l'avertissement du 15 mai 2017. Ces faits ne sont pas établis. En conséquence, l'avertissement du 15 mai 2017 n'est pas justifié. Il est annulé. Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

- sur l'avertissement du 28 juin 2017 :

M. [T] [D] a été sanctionné pour ne pas avoir adressé à son employeur son arrêt de maladie du 26 et 27 avril 2017.

L'employeur a mis en demeure M. [T] [D] de justifier de ses absences des 26 et 27 avril 2017 par lettre recommandée avec avis de réception du 20 juin 2017.

M. [T] [D] verse aux débats un courriel adressé à M. [G] [A], directeur d'exploitation, lequel n'est toutefois pas daté et a été imprimé le 10 juillet 2017 soit postérieurement à la sanction. Il n'est donc pas de nature à établir l'envoi des arrêts de travail allégué.

En l'absence de justification des absences malgré une mise en demeure d'y procéder, la sanction est justifiée. La demande d'annulation est rejetée. Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

- sur la mise à pied du 11 avril 2018 :

Le 11 avril 2018, M. [T] [D] a été sanctionné par une mise à pied disciplinaire au motif qu'il s'était présenté le 16 mars 2018 sur son lieu de travail en portant une tenue d'agent de sécurité (SSIAP/rouge) et non une tenue d'agent de sécurité (ADS/noire).

L'employeur produit la facture de la société fournisseur des tenues professionnelles qui mentionne qu'une tenue rouge et une tenue noire ont été remises à M. [T] [D] le 29 novembre 2016. Le salarié disposait donc de la tenue noire le 16 mars 2018, jour de son affectation sur un site sur lequel son port était requis dans la mesure où il y exerçait une fonction d'agent de sécurité et non d'agent de sécurité incendie.

La sanction est ainsi justifiée par le manquement fautif du salarié à son obligation contractuelle de port de la tenue adaptée à sa fonction telle que stipulée par l'article 2 de son contrat de travail.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

Sur le licenciement :

M. [T] [D] sollicite à titre principal la nullité de son licenciement sans toutefois énoncer de moyen au soutien de cette nullité. Cette demande ne peut donc prospérer et est rejetée.

Il convient d'examiner sa demande subsidiaire tendant à voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse au soutien de laquelle il invoque l'absence de faute grave.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

Sur le fondement des articles L 1232-1 et L 1235-3 du code du travail dans leur rédaction applicable à l'espèce, la cour, à qui il appartient de qualifier les faits invoqués et qui constate l'absence de faute grave, doit vérifier s'ils ne sont pas tout au moins constitutifs d'une faute de nature à conférer une cause réelle et sérieuse au licenciement.

La lettre de licenciement est libellée comme suit :

'Nous faisons suite, par la présente, à notre précédent courrier recommandé avec accusé de réception du 24 août 2018 par lequel nous vous convoquions à un entretien préalable à un éventuel licenciement, entretien devant se dérouler le 7 septembre 2018.

Lors de cet entretien, vous avez été assisté par M. [N] [E], représentant du personnel.

Cette convocation fait suite à votre absence injustifiée pour la période du 16 au 20 août 2018 durant laquelle vous n'étiez pas censé être en congés payés puisque vous aviez effectué une demande de congés en date du 14 mai 2018, pour la période allant du 15 août 2018 au 31 août 2018 qui a été refusée pour des raisons de nécessité de continuité du service due à une forte activité.

En date du 12 juin 2018, le directeur d'exploitation a refusé votre demande et le formulaire de congés vous a été transmis par votre chef de site Monsieur [H] [X] en date du 13 juin 2018 comme à deux autres salariés. Par ailleurs, c'est ce que vous indiquez dans votre mail du 21 juillet 2018.

En date du 13 juin 2018, vous avez adressé par mail la confirmation de votre billet d'avion à votre chef de site suite à la réception du refus par la direction de votre demande de congés payés.

En date du 21 juillet 2018, vous confirmez dans un mail adressé à votre chef de site avoir eu une conversation téléphonique avec lui le 13 juin 2018 par rapport à votre demande de congés refusés.

En date du 24 juillet 2018, vous nous avez adressé un courrier indiquant que vous ne compreniez pas le refus qui avait été réitéré par mail en date du 23 juillet 2018 par votre chef de site car d'après vos dires dans la mesure ou vous n'aviez pas reçu de réponse avant la date susmentionnée vous avez pris l'initiative d'acheter vos billets d'avions.

Comme indiqué ci-dessus, vous avez transmis par mail vos billets d'avion en date du 13 juin 2018, soit le jour ou l'ensemble des salariés concernés ont reçu la réponse à leurs demandes de congés ce qui démontre que vous l'aviez bien reçu et d'autre part que la décision de votre employeur vous importait peu.

Par ailleurs, conformément à l'article L 3141-16 du code du travail, l'employeur peut modifier l'ordre et la date de départ moins d'un mois avant la date de départ prévue.

En l'espèce, votre demande concernait la période du 15 au 31 août et la direction avait donc la possibilité de vous répondre jusqu'au 15 juillet 2018.

Or vous avez volontairement transmis vos billets le 13 juin 2018.

Par courrier du 21 août, nous vous mettions en demeure de justifier de ces absences et réintégrer sans délai votre poste de travail. Or, malgré cette mise en demeure, nous n'avons reçu aucune explication, ni justifications relatives à ces absences.

Lors de l'entretien, les explications que vous avez pu nous fournir ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation des faits.

Eu égard à ce qui précède, vous avez décidé unilatéralement de vous absenter dans le cadre d'un congé payé.

Ces faits constituent un manquement grave aux engagements que vous avez pris dans le cadre de votre contrat de travail ainsi qu'aux dispositions de notre règlement intérieur.

(')

Cette attitude témoigne d'une parfaite insubordination mais également d'un manque d'égard vis-à-vis de vos collègues et de votre hiérarchie.

Compte tenu de la gravité des fautes que nous vous reprochons et de ses conséquences pour la Société, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible.

En conséquence, et eu égard à tout ce qui précède nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave privative des indemnités de préavis et de licenciement.'

L'employeur produit la demande de congés du 15 au 31 août 2018 déposée par M. [T] [D] le 14 mai 2018 ainsi que la décision de refus du chef de site datée 12 juin 2018 laquelle été portée à la connaissance du salarié le 13 juin 2018 par une communication téléphonique ce dont il atteste.

L'échange de courriel du 23 juillet établit également que M. [T] a eu connaissance de la décision de refus le 13 juin.

Il a sollicité par lettre du 24 juillet que la décision soit modifiée et que sa demande de congés du 15 au 31 août 2018 soit acceptée car il avait pris ses billets d'avion. L'employeur lui a réitéré son refus et l'a informé que toute absence sera constitutive d'un acte d'insubordination et d'abandon de poste.

M. [T] [D] s'est néanmoins absenté du 15 au 31 août 2018 alors qu'il avait été informé plus d'un mois avant la date de congés sollicitée du refus de son employeur. Son attitude caractérise une insubordination et un abandon de poste constitutifs d'une faute grave rendant impossible la poursuite du contrat de travail.

Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur la demande de rappel de salaire au titre de la classification de SSIAP 1 :

L'article 3.3. de l'accord du 26 septembre 2016 étendu relatif à la classification des métiers de la sécurité dispose que 'cette classification sera attribuée aux salariés embauchés à compter de la date d'entrée en vigueur du présent accord.

À compter de cette date, tout salarié recruté, quelle que soit la nature de son contrat de travail, bénéficiera dès son embauche du coefficient correspondant au métier qu'il va exercer dès lors que, dans le cadre de son affectation, il devra mettre en 'uvre une ou plusieurs des compétences et accomplir une ou plusieurs des missions et responsabilités spécifiques prévues par la fiche métier, en vertu des finalités et instructions attachées au poste.'

En vertu de l'article 3.4 de l'accord du 26 septembre 2016 étendu relatif à la classification des métiers de la sécurité, 'les salariés qui, au moment de l'entrée en vigueur du présent accord, exercent déjà un des métiers repères décrits dans les fiches métier de l'annexe I ci-jointe bénéficient dès cette entrée en vigueur de l'application du coefficient correspondant au métier concerné.

Les coefficients définis par le présent accord étant des minima, il est précisé que les salariés employés à la date d'entrée en vigueur du présent accord avec des coefficients supérieurs dans les métiers définis par les métiers repères ne peuvent faire l'objet d'une remise en cause de leur coefficient.

Sous réserve de l'alinéa suivant 3.5 (remplacement temporaire dans un poste de classification supérieure), en cas de pluralité d'exercice de métiers, simultanément ou alternativement, c'est le coefficient le plus élevé qui doit s'appliquer.'

En l'espèce, M. [T] [D] exerçait à la fois les fonctions d'agent de sécurité relevant de la classification 130 et celles de SSIAP 1 relevant du coefficient 140.

Il résulte de l'examen des bulletins de paie que l'employeur a payé M. [T] [D] sur la base du coefficient 130 pour les heures de travail et lui a versé des majorations pour les heures de travail réalisées en tant que SSIAP 1 afin d'atteindre le taux horaire du coefficient 140.

Or, c'est l'ensemble des heures de travail réalisées par M. [T] [D] qui devait être payé au coefficient 140 soit le coefficient le plus élevé des deux fonctions exercées par le salarié en vertu de l'article 3 de l'accord du 26 septembre 2016 annexé à la convention collective.

La société L'Anneau est en conséquence condamnée à payer à M. [T] [D] la somme de 685,95 € à titre de rappel de salaire pour la période du 1er décembre 2016 au 14 septembre 2018 et la somme de 68,59 euros de congés payés.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

Sur la demande de rappel de salaire au titre de la vacation du 16 mars 2018 :

L'employeur a procédé à une retenue sur salaire de 204,69 euros pour la journée du 16 mars 2018 au cours de laquelle M. [T] [D] s'est présenté à son poste de travail dans une tenue non conforme à la mission qui lui était confiée.

Il est établi que c'est l'employeur qui a demandé au salarié de rentrer chez lui dans la mesure où il ne portait pas la tenue conforme. La société L'Anneau a ensuite sanctionné M. [T] [D] pour ce manquement à ses obligations professionnelles par une mise à pied disciplinaire.

Le comportement de M. [T] [D] ayant été sanctionné par la mise à pied et l'absence de réalisation de la prestation de travail le 16 mars 2018 ayant été décidée par l'employeur, la retenue sur salaire n'est pas justifiée.

La société L'Anneau est en conséquence condamnée à payer à M. [T] [D] la somme de 204,69 € au titre de la vacation du 16 mars 2018.

Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

Sur la demande de dommages-intérêts pour congé de paternité non indemnisé

En vertu de l'article L331-8 du code de la sécurité sociale, 'lorsqu'il exerce son droit à congé prévu à l'article L. 1225-35 du code du travail dans les délais fixés par le décret auquel renvoie le même article L. 1225-35, l'assuré reçoit, pour la durée de ce congé et dans la limite maximale de vingt-cinq jours, l'indemnité journalière mentionnée à l'article L. 331-3 du présent code dans les mêmes conditions d'ouverture de droit, de liquidation et de service, sous réserve de cesser toute activité salariée ou assimilée pendant cette période et au minimum pendant la période de quatre jours mentionnée au troisième alinéa de l'article L. 1225-35 du code du travail.

En cas de naissances multiples, la durée maximale fixée au précédent alinéa est égale à trente-deux jours.

Par dérogation au premier alinéa, l'indemnité journalière servie au titre du congé de paternité et d'accueil de l'enfant est versée pendant la période d'hospitalisation mentionnée au dernier alinéa de l'article L. 1225-35 du code du travail.

L'indemnité journalière n'est pas cumulable avec l'indemnisation des congés maladie et d'accident du travail, ni avec l'indemnisation par l'assurance chômage ou le régime de solidarité.

Un décret fixe les modalités d'application du présent article.'

L'article D331-4 du code de la sécurité sociale prévoit que 'pour bénéficier de l'indemnité journalière prévue à l'article L. 331-8, l'assuré doit adresser à l'organisme de sécurité sociale dont il relève la ou les pièces justificatives dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale et attester de la cessation de son activité professionnelle dans les mêmes conditions que celles applicables à l'indemnité prévue à l'article L. 331-3.'

Le 6 avril 2018, M. [T] [D] a demandé à bénéficier du congé de paternité pour la naissance de son fils [M] né le 5 avril 2018.

M. [T] [D] a bénéficié de ce congé lequel emporte non paiement du salaire et versement d'indemnités journalières par la sécurité sociale.

Il fait grief à son employeur de ne pas avoir adressé l'attestation de salaire requise à la sécurité sociale.

Toutefois, il résulte des dispositions de l'article D331-3 sus énoncé, qu'il incombe au salarié et non à l'employeur d'adresser à la caisse de sécurité sociale les documents requis. La lettre recommandée avec avis de réception adressée le 30 mai 2018 à son employeur par M. [T] [D] aux termes de laquelle il sollicitait le paiement de son salaire pendant la période de congé de paternité révèle qu'il n'était pas informé des dispositions spécifiques prévoyant le versement d'indemnités journalières qu'il lui incombait de solliciter auprès de la caisse de sécurité sociale.

L'employeur n'a pas répondu à sa demande et ne l'a pas informé des démarches à entreprendre. Par son abstention, l'employeur a commis une faute qui a causé un préjudice à M. [T] [D] en le privant du bénéfice des indemnités journalières. Le préjudice subi par lui sera intégralement réparé par l'allocation de la somme de 806,28 euros de dommages-intérêts.

Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

Sur les dommages-intérêts pour préjudice moral spécifique :

M. [T] [D] fait grief à son employeur d'avoir mis en oeuvre des procédures vexatoires et dégradantes pour sa personne et d'avoir porté atteinte à sa considération et à son honneur.

Il invoque avoir fait l'objet de sanction tout au long de la relation contractuelle pour des manquements contractuels qu'il n'avait pas commis avec des convocations répétées à des entretiens préalables.

Il est établi que la société l'Anneau a sanctionné M. [T] [D] à tort le 15 mai 2017 ce qui a justifié l'annulation de l'avertissement prononcé. Le préjudice moral subi par M. [T] [D] du fait de cette sanction injustifiée sera réparé par l'allocation de la somme de 750 euros.

Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

Sur la remise des attestations de formation :

Il y a lieu d'ordonner à la société L'Anneau de remettre à M. [T] [D] dans un délai d'un mois à compter du prononcé du présent arrêt les originaux de l'attestation de formation et d'habilitation H0B0 en date du 10 septembre 2018 et de l'attestation de maintien des connaissances SSIAP 1 du 12 juin 2018.

Les circonstances de la cause ne justifient pas de prononcer une astreinte, la demande est rejetée.

Sur la remise des documents de rupture :

Il y a lieu d'ordonner à la société L'Anneau de remettre à M. [T] [D] un bulletin de paie rectificatif et une attestation destinée à Pôle emploi conformes au présent arrêt.

Les circonstances de la cause ne justifient pas de prononcer une astreinte, la demande est rejetée.

Sur les intérêts :

Conformément aux dispositions de l'article 1231-6 du code civil, les créances salariales sont assorties d'intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes.

En vertu de l'article 1231-7 du code civil, les dommages et intérêts alloués sont assortis d'intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Il convient de laisser à chacune des parties la charge de ses propres dépens et de rejeter les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

CONFIRME le jugement entrepris sauf sur l'avertissement du 15 mai 2017, sur les attestations de formation, sur le rappel de salaire au titre du coefficient 140 et sur le rappel de salaire du 16 mars 2018 et sur les dommages-intérêts pour préjudice moral,

Statuant à nouveau,

ANNULE l'avertissement en date du 15 mai 2017,

CONDAMNE la société L'Anneau à payer à M. [J] [T] [D] les sommes de :

- 685,95 € à titre de rappel de salaire pour la période du 1er décembre 2016 au 14 septembre 2018 et 68,59 euros de congés payés y afférents,

- 204,69 € au titre de la vacation du 16 mars 2018,

- 806,28 euros de dommages-intérêts pour le préjudice consécutif à la faute commise par l'employeur en ne répondant pas aux demandes du salarié relatives au congé de paternité,

- 750 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral pour attitude vexatoire de l'employeur,

DIT que les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la notification de la demande à l'employeur et les créances indemnitaires produiront intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt,

CONDAMNE la société L'Anneau à remettre à M. [J] [T] [D] les originaux de l'attestation de formation et d'habilitation H0B0 en date du 10 septembre 2018 et de l'attestation de maintien des connaissances SSIAP 1 du 12 juin 2018,

CONDAMNE la société L'Anneau à remettre à M. [J] [T] [D] un bulletin de paie et une attestation destinée à Pôle emploi conformes au présent arrêt,

REJETTE les demandes de prononcé d'une astreinte,

REJETTE les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

LAISSE à la charge des parties la charge de ses propres dépens.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 21/01859
Date de la décision : 29/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-29;21.01859 ?
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