Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 11
ARRET DU 28 MARS 2023
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/02248 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBTWN
Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Février 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 18/08408
APPELANTE
Madame [X] [C]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Francis DOMINGUEZ, avocat au barreau de PARIS, toque : C1536
INTIMEE
SASU UTILE & AGREABLE
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représentée par Me Hélène PATTE, avocat au barreau de PARIS, toque : C1695
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre,
Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre,
Madame Catherine VALANTIN, Conseillère,
Greffier, lors des débats : Madame Manon FONDRIESCHI
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre, et par Madame Manon FONDRIESCHI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Mme [X] [C], née en 1982, a été engagée par la SASU Utile & Agréable selon un contrat de travail à durée indéterminée du 1er janvier 2011 en qualité de Responsable de contrat, filière maîtrise niveau MP3, moyennant une rémunération mensuelle brute de 2.322,66 euros majorée d'une prime de résultat mensuelle équivalente à 15% de l'augmentation mensuelle nette du chiffre d'affaires récurrent de la société.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des personnels des entreprises de nettoyage de locaux du 1er janvier 1995.
Par un avenant du 7 janvier 2014, Mme [C] a été promue chef d'agence à effet au 1er janvier 2014, statut cadre échelon 1, moyennant une rémunération mensuelle brute de 3.867,59 euros outre un 13ème mois proratisé, avenant qu'elle n'a toutefois pas signé.
Le 2 juin 2016, les parties ont signé une rupture conventionnelle pour une prise d'effet au 18 juin 2016.
A la date de la rupture conventionnelle, Mme [C] avait 5 années complètes d'ancienneté et la société Utile & Agréable occupait à titre habituel plus de dix salariés.
Réclamant le versement de primes de résultat de 2013 à 2016, Mme [C] [X] a saisi le 7 novembre 2018 le conseil de prud'hommes de Paris, qui, par jugement du 6 février 2020, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a statué comme suit :
- Déboute Mme [X] [C] de l'ensemble de ses demandes ;
- Condamne Mme [X] [C] à payer à la SAS Utile & Agréable la somme de :
50 euros au titre de l'article 700 du CPC.
- Déboute la SAS Utile & Agréable de ses autres demandes reconventionnelles
- Condamne Mme [X] [C] aux entiers dépens.
Par déclaration du 11 mars 2020, Mme [X] [C] a interjeté appel de cette décision, notifiée le 21 février 2020.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 5 juin 2020, Mme [C] demande à la cour de :
- Recevoir Mme [C] en ses conclusions d'appelant et la dire bien fondée.
En conséquence,
- Infirmer en toutes ses dispositions le jugement du 6 février 2020 rendu le conseil de prud'hommes de Paris.
Statuer à nouveau et :
- Dire que la demande de Mme [C] de paiement des primes de janvier 2013 au 18 juin 2016 n'est pas prescrite à l'égard de la société Utile & Agrable
- Condamner la société Utile & Agrable à régler à Mme [C] la somme de 46.865€ au titre de la prime sur l'augmentation du chiffre d'affaires des années 2013, 2014, 2015 et 2016
- Ordonner à la société Utile & Agrable la remise de documents sociaux rectifiés à savoir le solde de tout compte, les bulletins de salaires et l'attestation pôle emploi pour la période considérée ;
- Condamner la société Utile & Agrable à régler à Mme. [C] la somme de 4.600 € à titre de dommages et intérêt en raison de son préjudice financier ;
- Dire que lesdites sommes porteront intérêt au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir.
- Rejeter toutes les demandes de la société Utile & Agrable, en ce compris les demandes de remboursement et de compensation formulées ;
- Condamner la société Utile & Agréable à payer à Mme. [C] la somme de 5000€ €au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens qui pourront être recouvrés par Maître Francis Dominguez conformément à l'article 699 du CPC.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 4 septembre 2020, la société Utile & Agréable demande à la cour de :
- recevoir la société Utile & Agréable en ses demandes les dire bien fondées.
- confirmer en tous points la décision rendue par le conseil de prud'hommes de Paris en date du 6 février 2020
In limine litis, constater l'acquisition de la prescription relative aux demandes de rappel de prime antérieure au 9 novembre 2015
A titre principal,
- confirmer la décision du conseil de prud'hommes de Paris du 6 février 2020 en ce qu'il a constaté la la validité de l'avenant en date du 7 janvier 2014.
En conséquence,
- confirmer la décision du conseil de prud'hommes de Paris du 6 février 2020 en ce qu'il a débouté Mme. [C] de l'ensemble de ses demandes.
A titre subsidiaire,
- constater la fixation de primes d'objectifs contractuels acceptés par la salariée pour les années 2015 et 2016 et le paiement des primes correspondantes.
En conséquence,
- débouter Mme. [C] de l'ensemble de ses demandes
A titre infiniment subsidiaire et reconventionnel,
- constater l'existence de créances réciproques entre Mme. [C] et la société société Utile & Agréable;
- condamner Mme. [C] au remboursement des sommes perçues indûment au titre de l'avenant du 7 janvier 2014, soit la somme de 53.712,97 euros
- ordonner la compensation entre les salaires, les primes de 13ème mois, les primes d'objectif perçus par Mme. [C] d'une part et les demandes de cette dernière d'autre part ;
- fixer le montant des primes d'objectifs en application du contrat de travail du 1er janvier 2011 à la somme de 1.603,54 euros pour la période du 6 novembre 2015 à la date de son départ de la société, le 18 juin 2016
- constater que Mme. [C] ne justifie pas du montant des sommes demandées et qui ne pourront qu'être ramenées à de plus justes proportions.
En tout état de cause,
- Condamner Mme. [C] à payer à la société Utile & Agréable la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 janvier 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du 2 février 2023.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR :
Sur la demande de rappel des primes de résultat
Mme [C] expose qu'elle n'a jamais perçu la prime de résultat contractuelle depuis la signature de son contrat le 1er janvier 2011.Elle réclame une somme de 46.865 euros au titre des primes des années 2013 à 2016.
Pour infirmation du jugement déféré, elle fait valoir de première part qu'il ne saurait lui être opposé une prescription triennale puisque celle-ci ne peut courir lorsque la créance dépend d'éléments qui ne sont pas connus du créancier, ce qui était le cas en l'espèce, seule la société détenant les éléments mensuels du chiffre d'affaires de la société. De seconde part, elle indique qu'elle n'a jamais accepté les modifications de son contrat de travail selon un avenant du 7 janvier 2014 et que les demandes de remboursement ou de compensation formulées par l'employeur doivent être rejetées.
Pour confirmation de la décision, la société Utile&Agréable réplique que les demandes de rappels de salaire sont prescrites pour la période antérieure au 6 novembre 2015 faisant observer que l'appelante n'a jamais contesté l'application de l'avenant du 1er janvier 2014, qu'elle a accepté les nouvelles modalités de calcul de ses primes d'objectifs en signant les feuilles d'objectifs, lesquelles pour 2014 et 2015 lui ont été versées en mars 2015 et mai 2016. Elle souligne qu'en 2015 elle a été absorbée par la société Rajnet de sorte que les modalités initiales de calcul de la prime n'étaient plus envisageables.
Sur la prescription
Aux termes de l'article L.3245-1 du code du travail, applicable au litige, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.
Il est toutefois de droit, ainsi que le soutient la salariée, qu' une prescription ne court pas lorsque la créance, même périodique, dépend d'éléments qui ne sont pas connus du créancier et doivent résulter de déclarations que le débiteur est tenu de faire.
Au constat qu'il n'est pas justifié que la salariée a eu communication des éléments nécessaires à l'appréciation de ses droits, notamment quant à l'évolution mensuelle du chiffre d'affaires net récurrent de la société Raj'Net, il s'en déduit que la prescription triennale n'a pas couru et que la demande par infirmation du jugement déféré n'est pas prescrite sur l'ensemble de la période visée.
Sur le bien fondé de la demande de rappel de prime
Pour infirmation du jugement déféré, Mme [C] réclame le paiement des primes sur le chiffre d'affaires réalisé, selon la formule contractuelle suivante :
Prime (perçue mois x+1)=0,15x[CA mensuels contrat (mois x)-CA mensuel contrats (mois x-1)].
Elle précise que faute de disposer des éléments indiquant le chiffre d'affaires mensuel de la société, elle s'est reportée au chiffre annuel de la société, en tenant compte du montant de la prime de l'année précédente majorée du taux d'augmentation du chiffre d'affaires réalisé.
Elle rappelle qu'elle n'a jamais signé l'avenant du 7 janvier 2014 par lequel l'employeur a modifié la structure de sa rémunération.
Pour confirmation de la décision, la société intimée réplique qu'au terme de l'avenant litigieux, l'appelante a été promue chef d'agence, statut cadre moyennant une augmentation de salaire, un 13ème mois et une prime d'objectif correspondant à celle perçue par les chefs d'agence.
Il est constant qu'en matière d'acceptation d'une modification du contrat de travail un accord exprès et non implicite du salarié est exigé. Il ne peut se déduire d'un acquiescement implicite, d'une absence de protestation et de réclamation ou de la seule poursuite du contrat aux conditions modifiées.
Il est toutefois de droit que les juges du fond apprécient souverainement l'existence et la portée de l'accord du salarié en fonction des éléments de preuve qui lui sont soumis.
En l'espèce, il n'est pas contesté, ainsi que le soutient l'employeur, que Mme [C] a assumé ses nouvelles fonctions de chef d'agence statut cadre, exécuté ses nouvelles tâches et signé ses feuilles d'objectifs correspondantes pour les années 2014 et 2015. Il s'en déduit qu'elle avait donc accepté de façon claire et sans équivoque, la modification de son contrat de travail consistant à devenir chef d'agence aux nouvelles conditions financières à compter du 1er janvier 2014, son salaire fixe étant passé d'un montant de 2.322,66 euros à un montant de 3.867,59 euros outre l'octroi d'un treizième mois. Il est par ailleurs justifié et non contesté qu'elle a perçu une prime d'objectif d'un montant de 4.800 euros en mars 2015 et de 1.910,51 euros en mai 2016, en lien avec les objectifs qui lui avaient été fixés et qu'elle avait acceptés. (feuilles d'objectifs et fiches de paye afférentes, pièces 5,6 et 7 société).
Il s'en déduit que l'appelante n'est pas fondée à solliciter un rappel de prime sur chiffre d'affaires entre 2014 et 2016.
En revanche pour l'année 2013, l'employeur ne s'explique pas sur les raisons pour lesquelles il ne s'est pas acquitté de la prime sur chiffre d'affaires prévue au contrat signé en 2011.
Au constat qu'il se borne à contester le calcul détaillé par la salariée dans ses écritures page 4, sur la base du chiffre d'affaires annuel pour 2013 de Raj'Net (faute de connaître le chiffre d'affaires mensuel) sans produire ses propres éléments de calcul, estimant à tort cette demande prescrite, il sera fait droit, par infirmation du jugement déféré, à la demande à raison du montant de 6.210, 45 euros, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt dans les limites de la demande.
Sur la demande d'indemnité pour préjudice financier
Mme [C] ne justifie pas du préjudice financier distinct de celui réparé par les intérêts moratoires de la somme accordée. Elle sera, par confirmation du jugement déféré, déboutée de sa demande de ce chef.
Sur la demande reconventionnelle de la société Utile & Agréable
En considération de la solution donnée au litige, les demandes de compensation ou de remboursement formées par la société intimée n'ont pas d'objet.
Sur les autres demandes
Il est ordonné à la société Utile & Agréable la délivrance d'un solde de tout compte, une attestation Pôle Emploi et d'une fiche de paye récapitulative de la créance salariale accordée, conformes au présent arrêt dans un délai de deux mois à compter de sa signification.
Partie perdante, même partiellement, la société Utile & Agréable est condamnée aux dépens d'instance et d'appel, le jugement déféré étant infirmé sur ce point et à verser à l'appelante une somme de 1.500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
INFIRME le jugement déféré sauf en ce qui concerne le rejet de la demande d'indemnité pour préjudice financier.
Et statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :
JUGE que la demande de rappel de prime sur chiffre d'affaires de janvier 2013 à juin 2016 de Mme [X] [C] n'est pas prescrite.
CONDAMNE la SASU Utile & Agréable à payer à Mme [X] [C] les sommes suivantes :
- 6.210, 45 euros, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt à titre de rappel de prime de résultat pour l'année 2013.
- 1.500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
DEBOUTE Mme [X] [C] du surplus de ses prétentions.
DIT que les demandes de remboursement et de compensation formées par la SASU Utile & Agréable n'ont plus d'objet.
ORDONNE à la SASU Utile & Agréable la délivrance d'un solde de tout compte, une attestation Pôle Emploi et d'une fiche de paye récapitulative de la créance salariale accordée, conformes au présent arrêt dans un délai de deux mois à compter de sa signification.
CONDAMNE la SASU Utile & Agréable aux dépens d'instance et d'appel.
La greffière, La présidente.