RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 13
ARRÊT DU 24 MARS 2023
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/10916 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6OU2
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 Avril 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 15/05189
APPELANT
Monsieur [Z] [I]
[Adresse 5]
[Adresse 4]
[Adresse 2] (MAROC)
représenté par Me Nicolas CHEWTCHOUK, avocat au barreau de PARIS, toque : E0851 substitué par Me Bouba CAMARA, avocat au barreau de PARIS
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/030786 du 03/09/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)
INTIMEE
CAISSE NATIONALE D'ASSURANCE VIEILLESSE
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par M. [K] [G] en vertu d'un pouvoir spécial
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Janvier 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre
Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre
Monsieur Gilles REVELLES, Conseiller
Greffier : Madame Alice BLOYET, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre et par Madame Fatma DEVECI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l'appel interjeté par M. [Z] [I] d'un jugement rendu le 05 avril 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris dans un litige l'opposant à la caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV).
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
M. [Z] [I], né en 1924, de nationalité marocaine et résidant au Maroc, a le 14 novembre 2012 sollicité de la CNAV une validation de périodes de salariat au titre de l'assurance vieillesse pour les périodes du 18 août 1954 au 16 mai 1955 et du 05 septembre 1955 au 12 septembre 1955 effectuées aux Charbonnages Nord Africains.
Le 04 novembre 2013, la CNAV a opposé à M. [I] une décision de rejet au motif qu'il n'a pas déposé sa demande dans le délai de 10 ans suivant le dernier jour de l'activité exercée hors de France.
Le 10 avril 2014, M. [I] a contesté cette décision et le 21 juillet 2014, la CNAV a confirmé les termes de sa notification du 04 novembre 2013, précisant que sa demande de validation devait être déposée dans le délai de 10 ans suivant soit la date d'effet de l'immatriculation à l'assurance obligatoire de la catégorie professionnelle à laquelle il appartenait, soit le dernier jour d'exercice de son activité à l'étranger.
Le 17 septembre 2014, M. [I] a saisi la commission de recours amiable de la CNAV.
Le 06 janvier 2015, la commission de recours amiable a rejeté sa contestation comme étant non fondée.
Le 30 mars 2015, M. [I] a écrit à la CNAV pour solliciter ses droits à la retraite.
Le 28 août 2015, la CNAV lui a indiqué que son compte ne mentionne pas de versements, qu'il n'a pas travaillé en France et n'a pas cotisé au régime général de sécurité sociale français, que sa demande de rachat de cotisations a été rejetée et que ce rejet a été confirmé par la commission de recours amiable, de sorte que son droit à retraite n'est pas ouvert.
Le 11 septembre 2015, M. [I] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris aux fins de contester le rejet opposé à sa demande de rachat de cotisations.
Par jugement en date du 05 avril 2018 le tribunal a :
- rejeté la demande qui n'a pas été soutenue par [I] [Z] à l'audience ;
- rejeté les autres demandes plus amples ou contraires.
M. [Z] [I] a le 21 septembre 2018 interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 07 septembre 2018.
Par ses conclusions écrites déposées à l'audience par son conseil qui s'y est oralement référé, M. [Z] [I] demande à la cour, au visa de l'article R.742-32 du code de la sécurité sociale et 2222 du code civil, de :
- le juger recevable et bien fondé en son recours ;
- dire que ses périodes d'activité du 18 août 1954 au 16 mai 1955 et du 5 septembre 1955 au 12 septembre 1955 doivent être validées par la CNAV au titre de l'assurance vieillesse;
- ordonner à la CNAV de régulariser la procédure de rachat de cotisations d'assurance vieillesse pour cette même période à son égard.
M. [Z] [I] fait valoir en substance que :
- l'article R.742-32 du code de la sécurité sociale a été modifié par le décret n° 2010-1776 du 31 décembre 2010 qui a notamment modifié les conditions de rachat de cotisations en instituant un délai de 10 ans qui court à compter du dernier jour d'exercice de l'activité à l'étranger ; avant la publication de ce décret, l'ancien article R.742-33 dans sa rédaction issue de la loi n° 65-555 du 10 juillet 1965 ne prévoyait aucun délai spécifique ;
- en cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, le nouveau délai doit courir à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, et non comme en l'espèce " à compter du dernier jour d'exercice de son activité à l'étranger" ;
- il ne saurait en conséquence lui être opposé la prescription de l'article R.742-32 du code de la sécurité sociale et il y a lieu de le déclarer recevable et fondé en ses demandes.
Par ses conclusions écrites " en défense" déposées à l'audience par son mandataire qui s'y est oralement référé, la CNAV demande à la cour, de :
A titre principal :
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande de M. [I] [Z] ;
- constater que l'intéressé n'est pas recevable en sa demande de rachat, pour forclusion ;
A titre subsidiaire :
- constater que l'intéressé n'en remplit pas les conditions et rejeter sa demande.
La CNAV réplique en substance que :
- en application des articles R.742-30 et R.742-32 du code de la sécurité sociale, M. [I] [Z] ne peut prétendre au rachat de cotisations pour une prétendue activité au Maroc en 1954 et 1955 au motif que les personnes doivent présenter leur demande d'adhésion à l'assurance volontaire vieillesse dans un délai de dix ans à compter du dernier jour de l'exercice de leur activité à l'étranger ou de celle de leur conjoint décédé ;
- de plus, les dispositions relatives au rachat de cotisations pour une activité hors du territoire, sont applicables aux personnes exerçant ou ayant exercé une activité professionnelle salariée ou assimilée hors du territoire français et ayant été à la charge, à quelque titre que ce soit, d'un régime obligatoire français d'assurance maladie pendant une durée de cinq ans ;
- en l'espèce, M. [I] [Z] a fait sa demande le 14 novembre 2012 pour une activité au Maroc dont le dernier jour d'exercice est le 12 septembre 1955, il n'a jamais été affilié à un régime obligatoire français d'assurance maladie ;
- la demande de l'intéressé est irrecevable car présentée au-delà du délai de 10 ans et en tout état de cause, il ne peut prétendre au bénéfice du rachat de cotisations en application des textes législatifs et réglementaires ;
- les anciennes versions de l'article R.742-32 du code de la sécurité sociale prévoyaient déjà un délai pour déposer la demande lequel n'a jamais été respecté par l'intéressé ; ainsi la version en vigueur du 21 décembre 1985 au 10 mai 1988 imposait un dépôt avant le 1er juillet 1985, celle en vigueur du 10 mai 1988 au 1er janvier 2011 imposait un dépôt avant le 1er janvier 2003 ; en déposant sa demande de rachat le 14 novembre 2012 pour une dernière activité effectuée en 1955, le requérant est irrecevable pour forclusion ;
- au surplus, l'activité litigieuse, pour laquelle un rachat de cotisations est sollicité, se situe dans le pays d'origine de l'appelant ; M. [I] [Z] résidant au Maroc, ne saurait se prévaloir d'une activité à l'étranger alors qu'il s'agit d'une activité exercée au Maroc, en effet la loi du 10 juillet 1965 " accordant aux Français exerçant ou ayant exercé à l'étranger une activité professionnelle salariée ou non salariée la faculté d'accession au régime de l'assurance volontaire vieillesse" conduit à permettre à un ancien salarié de racheter des cotisations pour une activité exercée à l'étranger, et en dehors de son pays d'origine ; dans le cas contraire , il y aurait une rupture d'égalité avec les Français puisque l'article L.742-2 du code de la sécurité sociale auquel renvoie l'article R.742-32 n'a pas vocation à s'appliquer pour les activités effectuées par des Français sur le territoire français ; si par extraordinaire, la cour devait considérer la demande de rachat recevable, elle ne pourra que constater son rejet pour condition d'activité à l'étranger non remplie.
Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie à leurs conclusions écrites visées par le greffe à l'audience du 24 janvier 2023, auxquelles elles se sont oralement référées.
SUR CE :
L'article R.742-32 code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur du 01 janvier 2011 au 01 juillet 2019, applicable au litige, dispose :
" Les demandes d'adhésion à l'assurance volontaire vieillesse formées en application du 1° de l'article L. 742-1 doivent être présentées dans un délai de dix ans à compter du premier jour de l'exercice de leur activité à l'étranger.
Les personnes mentionnées à l'article L. 742-2 doivent présenter leur demande dans un délai de dix ans à compter du dernier jour de l'exercice de leur activité à l'étranger, ou de celle de leur conjoint décédé."
L'article 6 du Décret n° 2010-1776 du 31 décembre 2010 prévoit que ces dispositions sont applicables aux demandes d'adhésion et de rachat déposées à compter du 1er janvier 2011.
Contrairement à ce que soutient M. [Z] [I] l'article R.742-32 du code de la sécurité sociale dans ses versions antérieures prévoyait déjà un délai pour déposer la demande, ainsi que rappelé par la CNAV, soit " avant le 1er juillet 1985" dans sa version en vigueur du 21 décembre 1985 au 10 mai 1988, " avant le 1er janvier 2003" dans sa version en vigueur du 10 mai 1988 au 1er janvier 2011.
Il convient de relever que M. [Z] [I] a formé sa demande de validation de périodes de salariat au titre de l'assurance vieillesse le 14 novembre 2012, alors que le dernier jour de l'exercice de son activité au Maroc au sein des Charbonnages Nord Africains est le 12 septembre 1955.
La demande de M. [Z] [I] est donc irrecevable car présentée au delà du délai de 10 ans prévu par les dispositions de l'article R.742-32 code de la sécurité sociale.
Par suite, par infirmation du jugement déféré qui a rejeté "la demande qui n'a pas été soutenue par [I] [Z] à l'audience" , il convient de déclarer M. [Z] [I] irrecevable en sa demande.
Succombant en son appel, M. [Z] [I] sera condamné aux dépens d'appel qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
DÉCLARE l'appel recevable ;
INFIRME le jugement déféré ;
Statuant à nouveau,
DÉCLARE M. [Z] [I] irrecevable en sa demande ;
CONDAMNE M. [Z] [I] aux dépens d'appel qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.
La greffière La présidente