La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/03/2023 | FRANCE | N°22/16515

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 23 mars 2023, 22/16515


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRÊT DU 23 MARS 2023



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/16515 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGOAL



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 09 Septembre 2022 -Président du TJ de MELUN - RG n° 22/00401





APPELANT



M. [G] [P]



[Adresse 1]

[Localité 3]<

br>


Représenté et assisté par Me Christian CAMOIN, avocat au barreau de MELUN



(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/029680 du 21/10/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionne...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRÊT DU 23 MARS 2023

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/16515 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGOAL

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 09 Septembre 2022 -Président du TJ de MELUN - RG n° 22/00401

APPELANT

M. [G] [P]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté et assisté par Me Christian CAMOIN, avocat au barreau de MELUN

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/029680 du 21/10/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMEES

S.A. PACIFICA, RCS de PARIS sous le n° 352 358 865, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Me Nathanaël ROCHARD de la SELARL LAMBARD & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0169

Assistée à l'audience par Me Audrey DE LAVERGNE DELAGE, avocat au barreau de PARIS, toque : P169

Organisme CPAM DE SEINE ET MARNE

[Adresse 6]

[Localité 4]

Défaillante, signifiée le 25.10.2022 à personne morale

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 16 Février 2023, en audience publique, Thomas RONDEAU, Conseiller, ayant été entendu en son rapport dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile, devant la cour composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Thomas RONDEAU, Conseiller, pour la Présidente de chambre empêchée et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 16 octobre 2019, M. [G] [P] a été victime d'un grave accident de la route. Il était le passager avant du véhicule conduit par M. [B] [I], véhicule qui a effectué plusieurs tonneaux à la suite de la perte du contrôle du véhicule, M. [I] étant en état d'imprégnation alcoolique.

M. [P], aux termes du certificat médical initial, a subi un traumatisme crânien avec perte de connaissance, une fracture pluri fragmentaire de l'humérus gauche, une plaie faciale et des contusions du rachis cervical avec névralgies cervico-brachiales droites.

Le conducteur était assuré auprès de la compagnie Pacifica.

Le droit à indemnisation de M. [P] n'est pas contesté en son principe par la société d'assurances.

Une expertise judiciaire est en cours sur les conséquences de l'accident pour M. [P], étant précisé que l'intéressé avait déjà eu un accident de la route en mai 2019.

Il est par ailleurs constant que M. [P] a reçu en l'état des provisions à hauteur total de 26.000 euros, à la suite d'un arrêt de la cour d'appel du 22 septembre 2021 ayant confirmé une ordonnance du 30 octobre 2020 (provision de 15.000 euros) et de règlements amiables (4.000 euros le 20 décembre 2019, 4.000 euros le 20 février 2020, 3.000 euros le 14 novembre 2022 postérieurement à la décision dont appel).

Par actes des 24 juin et 1er juillet 2022, M. [P] a assigné en référé la société Pacifica et la CPAM de Seine-et-Marne aux fins de voir :

dire que son droit à indemnisation intégrale n'est pas sérieusement contestable,

condamner la société Pacifica à lui payer une provision de 20.000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice corporel, ainsi qu'une indemnité de 2.000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle, outre les dépens.

En réplique, la SA Pacifica a conclu au rejet des demandes, précisant ne pas s'opposer au versement d'une nouvelle provision de 7.000 euros dans l'attente de l'expertise judiciaire.

La CPAM n'a pas comparu.

Par ordonnance réputée contradictoire du 09 septembre 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Melun a :

- débouté M. [P] de ses demandes, y compris sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

- rappelé que la présente décision est exécutoire par provision ;

- laissé provisoirement à chacune des parties la charge de ses dépens.

Par déclaration du 22 septembre 2022, M. [P] a relevé appel de la décision.

Dans ses conclusions remises le 28 octobre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, M. [P] demande à la cour, au visa des articles 1, 2 et 3 de la loi du 05 juillet 1985 et des articles 5 et 809 alinéa 2 du code de procédure civile, de :

- le recevoir en sa demande et l'y déclarer bien fondé ;

y faisant droit,

- dire que son droit à indemnisation intégrale n'est pas sérieusement contestable ;

- infirmer l'ordonnance rendue le 09 septembre 2022 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Melun ;

et statuant à nouveau,

- condamner la société Pacifica à lui payer une provision de 20.000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice corporel ;

- condamner la société Pacifica à payer à Me [C] une indemnité de 2.000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle ;

- condamner la société Pacifica aux dépens du référé.

M. [P] soutient en substance :

- que son état de santé s'est aggravé, entraînant de nombreux passages aux urgences et deux nouvelles interventions chirurgicales ;

- que, depuis l'accident du 16 septembre 2019, il n'a pas pu reprendre d'activités professionnelles ;

- qu'il justifie en outre de ses frais de transport et médicaux à charge et de la nécessaire majoration des postes 'souffrances endurées' et 'déficit temporaire et partiel', suite aux deux nouvelles interventions chirurgicales des 1er septembre 2021 et 22 novembre 2021 ;

- qu'à aucun moment, le propre médecin conseil de la SA Pacifica n'a émis une quelconque restriction au regard de l'état antérieur, notamment par rapport au précédent accident de mai 2019 ;

- que le premier juge n'a pas même tenu compte de la proposition de Pacifica de verser une provision de 7.000 euros.

Dans ses conclusions remises le 23 novembre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la société SA Pacifica demande à la cour, au visa de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, de :

- confirmer l'ordonnance du 9 septembre en toutes ses dispositions, et notamment en ce qu'elle a débouté M. [P] de sa demande de provision à hauteur de 20.000 euros, celle-ci étant injustifiée à ce stade, ainsi que sa demande sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

subsidiairement, si la cour devait réformer l'ordonnance pour ordonner une indemnisation provisionnelle complémentaire,

- fixer le montant maximum de cette nouvelle provision à 4.000 euros maximum, au regard de toutes les provisions versées pour un montant total de 26.000 euros, dans l'attente de l'expertise judiciaire contradictoire à intervenir d'ores et déjà fixée à mi-novembre ;

en tout état de cause,

- débouter M. [P] de sa demande de condamnation au paiement d'une somme de 2.000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 à l'aide juridictionnelle ainsi qu'aux entiers dépens ;

- condamner M. [P] aux entiers dépens de l'instance.

La société Pacifica soutient en substance :

- qu'aucun lien de causalité direct et certain entre l'aggravation et l'accident de circulation de septembre 2019 n'est démontré ;

- que l'expertise judiciaire est toujours en cours, la consolidation n'étant pas intervenue à ce jour ;

- que les frais de transport ou médicaux allégués ont vocation à être pris en charge par la CPAM, aucun décompte mutuelle voire complémentaire santé solidaire n'étant par ailleurs produit ;

- que, sur les frais divers et ATP temporaire, à raison d'un besoin envisagé de 2 heures par semaine pendant deux ans, avec un tarif horaire de 12 euros de l'heure, dont il conviendra de déduire les périodes d'hospitalisations, Pacifica envisage donc de proposer la somme de 1.000 euros ; que, concernant la perte de gains professionnels actuels, le lien direct et exclusif avec l'accident de septembre 2019 n'est pas établi ; qu'une évaluation de 6.000 euros est aujourd'hui retenue par Pacifica au titre du DFT, les incertitudes et contestations sérieuses toujours existantes limitant le montant ; que toute allocation de provision au titre du DFP est contestable en l'absence de consolidation, allocation en outre indemnisable par les prestations sociales ; que le préjudice souffrances endurées et le préjudice esthétique devraient être estimés à 13.000 euros et 1.500 euros ;

- qu'elle propose subsidiairement de retenir au titre de la perte de gains professionnels actuels la somme de 8.000 euros, ce qui pourrait permettre l'allocation d'une provision complémentaire de 4.000 euros compte tenu des sommes provisionnelles déjà versées à ce jour.

La CPAM n'a pas constitué avocat.

SUR CE LA COUR

L'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile dispose que, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours accorder en référé une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Le montant de la provision en référé n'a d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée.

Une contestation sérieuse est caractérisée lorsque l'un des moyens de défense opposés aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

En l'espèce, il y a lieu de relever :

- que, comme rappelé ci-avant, l'appelant a reçu à titre provisionnel en l'état la somme de 26.000 euros ;

- que les opérations d'expertise sont toujours en cours, la consolidation de l'état de santé n'étant pas intervenue ;

- que M. [P] fait état d'une aggravation de son état de santé, de nature à justifier la somme provisionnelle complémentaire sollicitée ; qu'il indique notamment qu'il présente un syndrome douloureux constant constitué de céphalées chroniques quotidiennes et de névralgie (pièce 87), qu'il a été réopéré le 1er novembre 2021 en raison d'une pseudarthrose d'une fracture comminutive diaphysaire de l'humérus gauche sans trouble vasculo-nerveux après ostéosynthèse par clou verrouillé (pièce 194), qu'il a été réopéré le 22 novembre 2021 pour le démontage de plaque humérale précédemment mise en place pour la pseudarthrose (pièce 203) ;

- que, cependant, la compagnie Pacifica lui oppose valablement que, pour faire droit aux sommes réclamées, la cour doit établir l'obligation non sérieusement contestable de paiement de l'assureur, et donc l'existence d'un lien entre l'accident survenu le 16 septembre 2019 et l'évolution de l'état de santé, étant rappelé que M. [P] a été victime d'un précédent accident de la circulation en mai 2019 ayant occasionné un choc frontal ;

- qu'ainsi, constitue une contestation sérieuse la circonstance que les opérations d'expertise en cours doivent aussi déterminer si les séquelles sont en lien avec l'accident du 16 septembre 2019 ou avec celui antérieur de mai 2019 (comme il résulte expressément de la mission confiée à l'expert par ordonnance du 30 octobre 2020, nonobstant les développements sur ce point de l'appelant par rapport à l'expertise amiable), l'accident antérieur ne ressortant pas de la garantie à laquelle est tenue la SA Pacifica ;

- que, par rapport aux différents postes de préjudice, il appartient aussi à M. [P] de démontrer le caractère non sérieusement contestable de l'obligation de paiement, le juge des référés, statuant à titre provisionnel, ne pouvant se substituer au juge du fond pour liquider le préjudice corporel ;

- que la société intimée relève à juste titre que les dépenses de santé sont susceptibles d'être prises en charge par la CPAM voire par une mutuelle (mentionnée sans autre précision dans les pièces 40 et 41), que, pour les frais divers et ATP temporaire, une provision de 1.000 euros pourrait être accordée avec un besoin envisagé de 2 heures par semaine pendant deux ans et un tarif horaire de 12 euros, que le déficit fonctionnel temporaire (DFT) pourrait être de 3.431 euros jusqu'au 4 septembre 2020 puis de 3.290 euros pour la période antérieure, soit une évaluation fixée à 6.000 euros, que le déficit fonctionnel permanent (DFP) ne peut donner lieu à indemnisation provisionnelle en l'absence de consolidation, que les souffrances endurées pourraient être évaluées à 13.000 euros à titre provisionnel (évaluation à 4/7 lors de l'expertise amiable), que le préjudice esthétique peut lui être fixée en l'état à 3/7 eu égard aux conclusions de l'expertise amiable soit 1.500 euros ;

- que le total sur ces postes s'élève à 21.500 euros ;

- que, concernant la perte de gains professionnels actuels, l'expertise amiable retenait un arrêt de travail depuis le 16 septembre 2019, commandant une actualisation des sommes incontestablement dues à ce titre, à savoir, pour un salaire de référence de 661 euros (944 euros avec 30 % de charges), 11.237 euros (du 16 septembre 2019 au 22 juillet 2022), avec déduction des indemnités journalières de 2.851,80 euros, soit 8.385,20 euros ;

- que, dès lors, l'indemnisation provisionnelle totale admissible peut, après arrondissement des sommes, être portée à la somme de 30.000 euros, de sorte qu'il y a lieu d'accorder à M. [P] la somme complémentaire provisionnelle de 4.000 euros, comme proposé à titre subsidiaire par la SA Pacifica.

Aussi, au regard de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu d'infirmer l'ordonnance entreprise.

Statuant à nouveau, la cour condamnera la société intimée à verser à l'appelant une provision de 4.000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice corporel et dira n'y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes.

Les circonstances de l'espèce ne justifient pas de faire application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

La société Pacifica sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

Infirme l'ordonnance entreprise ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la société Pacifica à payer à M. [G] [P] une provision de 4.000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice corporel ;

Dit n'y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Condamne la société Pacifica aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE POUR LA PRESIDENTE

DE CHAMBRE EMPÊCHÉE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 22/16515
Date de la décision : 23/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-23;22.16515 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award