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23/03/2023 | FRANCE | N°22/16382

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 23 mars 2023, 22/16382


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRÊT DU 23 MARS 2023



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/16382 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGNQT



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 30 Août 2022 -Président du TJ de PARIS - RG n° 22/53979





APPELANTE



S.A.R.L. HOTEL [P], RCS de Paris sous le n°477 661 946, prise

en la personne de son gérant, M. [Z] [P]



[Adresse 4]

[Localité 6]



Représentée par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : ...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRÊT DU 23 MARS 2023

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/16382 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGNQT

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 30 Août 2022 -Président du TJ de PARIS - RG n° 22/53979

APPELANTE

S.A.R.L. HOTEL [P], RCS de Paris sous le n°477 661 946, prise en la personne de son gérant, M. [Z] [P]

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentée par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055

Assistée à l'audience par Me Jean-Maurice BIBAS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2006

INTIMEE

S.C.I. DAMES, RCS de Paris sous le n°891 403 826, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée et assistée par Me Thierry CHAPRON de la SCP CHAPRON LANIECE YGOUF ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0479

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 16 Février 2023, en audience publique, Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre, ayant été entendue en son rapport dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile, devant la cour composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Thomas RONDEAU, Conseiller, pour la Présidente de chambre empêchée et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 16 septembre 2004, la société civile immobilière du [Adresse 1] (aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la société civile immobilière Dame), a consenti à la société Guimali (aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la société Hôtel [P]), un bail commercial d'une durée de neuf années à compter du 18 juin 2004 jusqu'au 17 avril 2013, portant sur un ensemble immobilier situé à [Localité 7],[Adresse 1]s et [Adresse 3].

Par acte du 20 octobre 2015, la SCI du [Adresse 1] a renouvelé ce bail à la société Hôtel [P], pour une nouvelle durée de neuf années à compter du 18 avril 2013 et jusqu'au 17 avril 2022.

Par acte du 1er octobre 2021, la bailleresse a notifié à sa locataire un congé avec refus de renouvellement et offre d'une indemnité d'éviction à effet du 17 avril 2022.

Par acte du 26 avril 2022, la société Dames a assigné la société Hôtel [P] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris aux fins d'obtenir la désignation d'un expert chargé d'évaluer le montant de l'indemnité d'éviction due au preneur et l'indemnité d'occupation due par celui-ci. A l'audience, la société Dames a ajouté une demande de condamnation de la société Hôtel [P] à la laisser pénétrer dans les locaux avec des diagnostiqueurs, sous astreinte, et à lui payer 2000 euros d'indemnité de procédure.

La société Hôtel [P] a notamment soulevé la nullité de l'assignation, l'irrecevabilité des demandes et la nullité du congé.

Par ordonnance contradictoire du 30 août 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a :

- rejeté l'exception de nullité ;

- rejeté la fin de non-recevoir ;

- condamné la société Hôtel [P] en tant que de besoin à laisser l'accès à la SCI Dames accompagnée de diagnostiqueurs dans les huit jours de la signification de la présente ordonnance ;

- dit n'y avoir lieu à astreinte ;

- donné acte des protestations et réserves formulées en défense ;

- ordonné une expertise aux frais avancés de la demanderesse et désigné en qualité d'expert M. [H] [I], avec pour mission de fournir au tribunal, en tenant compte des activités professionnelles autorisées par le bail et des facilités offertes à celles-ci par la situation des lieux, tous éléments utiles à l'estimation de l'indemnité compensatrice du préjudice résultant de la perte du fonds de commerce, indemnité comprenant notamment la valeur marchande du fonds, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que les frais et droits de mutation afférents à la cession d'un fonds de commerce de même valeur et du montant du préjudice correspondant au trouble commercial que subirait la société Hôtel [P] ;

- condamné la société SCI Dames aux dépens ;

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté le surplus des demandes.

Par déclaration du 20 septembre 2022, la société Hôtel [P] a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 17 janvier 2023, elle demande à la cour de :

In limine litis,

- infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a rejeté son exception de nullité et statuant à nouveau,

- juger nulle et de nul effet l'assignation en référé délivrée à celle-ci à la requête de la SCI Dames par acte extrajudiciaire du 26 avril 2022 et en conséquence,

- juger que le juge des référés n'a pas été régulièrement saisi ;

Subsidiairement,

- infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a rejeté sa fin de non-recevoir et statuant à nouveau,

- juger irrecevables les demandes formulées par la SCI Dames dans l'assignation en référé délivrée à celle-ci par acte extrajudiciaire du 26 avril 2022 ;

- infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle l'a condamnée en tant que de besoin à laisser l'accès à la SCI Dames accompagnée de diagnostiqueurs dans les huit jours de la signification de ladite ordonnance, et statuant à nouveau,

- juger irrecevable la demande formulée par la SCI Dames dans ses conclusions déposées à l'audience du 07 juin 2022 en ce qu'elle prétend à la voir condamner à laisser pénétrer dans l'immeuble loué la société Dames et toute entreprise de son choix permettant de réaliser les diagnostics attachés à l'état de l'immeuble et ce sous astreinte provisoire de 500 euros par jour passé un délai de huit jours à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir tout refus sera constaté par voie d'huissier ;

- infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a ordonné une expertise et statuant à nouveau ;

- débouter la SCI Dames de sa demande d'expertise ;

- débouter la SCI Dames de toutes demandes, fins et prétentions contraires ;

En tout état de cause,

- condamner la SCI Dames à lui payer la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la condamner aux entiers dépens de l'appel en ce compris les frais des actes de procédure dont distraction au profit de son avocat constitué.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 12 décembre 2022, la société Dames demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions les termes de l'ordonnance rendue le 30 août 2022,

- débouter la société Hôtel [P] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner la société Hôtel [P] à lui payer la somme de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens.

Pour l'exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions susvisées conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

Sur la nullité de l'assignation

La société Hôtel [P] soulève la nullité de l'assignation au motif que cet acte n'est pas motivé en droit et vise un article L 145 du code de procédure civile qui n'existe pas, ainsi que l'article L 145-10 du code de commerce qui n'est pas non plus applicable dès lors qu'il s'agit d'un congé et non d'une demande de renouvellement ; qu'en outre l'acte est délivré à la requête de la SCI Dames alors que les demandes sont formulées au nom de la SCI des Dames, laquelle n'a aucune existence juridique.

En application des articles 54 et 56 du code de procédure civile, l'assignation doit contenir un certain nombre de mentions à peine de nullité, notamment l'objet de la demande ainsi qu'un exposé des motifs en fait et en droit.

En l'espèce, l'assignation contient un exposé précis tant en fait qu'en droit de la demande d'expertise qui est formée sur le fondement de l'article "L145" du code de procédure civile et des articles L 145-10 et L 145-28 du code de commerce, la mention d'un article "L 145" du code de procédure civile procédant manifestement d'une erreur purement matérielle, s'agissant évidemment de l'article 145 du code de procédure civile applicable aux demandes d'expertise in futurum. Quant aux articles L 145-10 et L 145-28 du code du commerce, ils portent bien sur le congé, le non renouvellement du bail et l'indemnité d'éviction. L'acte éclaire donc parfaitement la défenderesse sur l'objet du litige par son exposé littéral et les textes qu'il vise.

L'acte mentionne en outre l'identité du requérant, à savoir la SCI Dames, avec son numéro d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés qui permet de vérifier son identité et qui correspond à celui de son Kbis, le fait que dans le corps de l'acte soit mentionné de manière erronée la SCI "des Dames" n'étant pas de nature à induire en erreur la défenderesse sur l'identité de la requérante, c'est à dire sa bailleresse.

L'assignation est donc parfaitement régulière et l'ordonnance entreprise sera confirmée en ce qu'elle a rejeté l'exception de nullité.

Sur l'irrecevabilité des demandes

La société Hôtel [P] soulève l'irrecevabilité des demandes de la société Dames au motif que les demandes sont formulées dans l'assignation au nom d'une prétendue SCI des Dames qui n'a pas d'existence juridique, ce qui entache l'acte d'une irrégularité de fond.

Toutefois, et comme indiqué plus haut, l'assignation est bien délivrée au nom de la SCI Dames ainsi qu'indiqué en première page de l'acte, avec la mention de son numéro d'immatriculation au registre du commerce, conforme à celui figurant sur son Kbis, permettant de l'identifier précisément, l'indication erronée dans le corps de l'assignation d'une " SCI des Dames" n'étant pas de nature à semer le doute sur l'identité de la requérante, la société Dames, propriétaire et bailleresse des locaux exploités par la société Hôtel [P].

L'ordonnance entreprise sera confirmée en ce qu'elle a rejeté cette fin de non-recevoir.

Sur la demande d'expertise

Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.

L'article 145 suppose l'existence d'un motif légitime c'est à dire un fait crédible et plausible, ne relevant pas de la simple hypothèse, qui présente un lien utile avec un litige potentiel futur dont l'objet et le fondement juridique sont suffisamment déterminés et dont la solution peut dépendre de la mesure d'instruction sollicitée, à condition que cette mesure ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d'autrui. Elle doit être pertinente et utile.

Ni l'urgence ni l'absence de contestation sérieuse ne sont des conditions d'application de ce texte.

En l'espèce, la société bailleresse justifie d'un motif légitime évident à voir ordonner à ses frais avancés une expertise judiciaire destinée à chiffrer le montant de l'indemnité d'éviction dont elle est légalement redevable à sa locataire en conséquence du congé avec refus de renouvellement qu'elle lui a fait délivrer le 1er octobre 2021. L'action en nullité de ce congé qui a été engagée sur le fond par la société Hôtel [P] ne peut s'analyser en une contestation sérieuse faisant obstacle à la mesure d'instruction in futurum, comme précédemment rappelé. La mesure d'expertise est en l'espèce nécessaire et utile tant que le congé n'est pas jugé nul.

M. [H] [I], l'expert désigné, ne figure pas sur la liste des experts judiciaires de la cour d'appel de Paris pour l'année 2022, comme le souligne à raison l'appelante, ni d'ailleurs pour l'année 2023.

Toutefois, si l'article 265 du code de procédure civile prévoit que la décision qui ordonne l'expertise doit exposer les circonstances qui rendent nécessaires la désignation d'un expert ne figurant pas sur l'une des listes établies en application de l'article 2 de la loi n°71-498 du 29 juin 1971, cet exposé étant en l'espèce absent de l'ordonnance entreprise, ce texte ne sanctionne pas un défaut de motivation sur ce point et en outre, il n'est pas avéré que le premier juge a eu l'intention de désigner un expert hors liste, celui qu'il a désigné figurant sur la liste des experts judiciaires pour l'année 2021, à laquelle le premier juge s'est manifestement référé.

Le prononcé de l'expertise ne saurait donc être infirmé pour ce motif. Les parties pourront soumettre la difficulté au juge chargé du contrôle de l'expertise.

Sur l'accès aux lieux des diagnostiqueurs du bailleur

Il ressort des conclusions des parties que la société Hôtel [P] a accepté de laisser le bailleur et ses diagnostiqueurs accéder aux locaux commerciaux, ce qu'elle indique elle-même dans ses écritures, de sorte que sa demande tendant à voir juger irrecevable la demande du bailleur d'accéder aux lieux avec ses diagnostiqueurs est devenue sans objet et que, par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur cette fin de non-recevoir comme le demande l'appelante.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Le premier juge a exactement statué sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile ; il y a lieu à confirmation de sa décision de ce chef.

Partie perdante en appel, la société Hôtel [P] sera condamnée aux dépens d'appel, déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et condamnée à payer sur ce fondement à la société Dames la somme de 3.000 euros au titre de ses frais irrépétibles exposés en appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise, sauf à préciser qu'est devenue sans objet la demande relative à l'accès aux lieux par les diagnostiqueurs du bailleur,

Y ajoutant,

Condamne la société Hôtel [P] aux dépens d'appel,

La déboute de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

La condamne à payer sur ce fondement à la société Dames la somme de 3.000 euros.

LA GREFFIÈRE POUR LA PRESIDENTE

DE CHAMBRE EMPÊCHÉE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 22/16382
Date de la décision : 23/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-23;22.16382 ?
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