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23/03/2023 | FRANCE | N°21/04879

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 23 mars 2023, 21/04879


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 23 MARS 2023



(n° 2023/ , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/04879 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDY7R



Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Mai 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS - RG n° 18/08374





APPELANT



Monsieur [H] [M]

[Adresse 2]

[L

ocalité 4]



Représenté par Me Gaëlle MÉRIGNAC, avocat au barreau de PARIS, toque : L0007





INTIMÉE



S.A.S.U. TRIMAX DEVELOPPEMENT

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée par Me Audr...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 23 MARS 2023

(n° 2023/ , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/04879 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDY7R

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Mai 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS - RG n° 18/08374

APPELANT

Monsieur [H] [M]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Gaëlle MÉRIGNAC, avocat au barreau de PARIS, toque : L0007

INTIMÉE

S.A.S.U. TRIMAX DEVELOPPEMENT

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Audrey HINOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 février 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine BRUNET, présidente de chambre chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre, Présidente de formation,

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre,

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Catherine BRUNET, Présidente et par Madame Philippine QUIL, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

M. [H] [M] a travaillé au sein de la société Trimax Développement (ci-après la société) à compter du 14 mars 2016 en qualité de directeur du développement et des opérations, statut cadre, niveau 4.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de l'immobilier.

La société Trimax Développement occupait à titre habituel au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.

Par lettre du 19 février 2018, M. [H] [M] a démissionné de ses fonctions.

Considérant que sa démission devait être requalifiée en une prise d'acte de la rupture de son contrat de travail produisant les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et que notamment un rappel de salaire lui était dû au titre d'une rémunération variable, M. [H] [M] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement du 5 mai 2021 rendu en formation de départage auquel la cour renvoie pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, l'a débouté de ses demandes, a dit qu'il versera à la société la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamné aux dépens.

M. [H] [M] a régulièrement interjeté appel de ce jugement le 2 juin 2021.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 25 août 2021 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, M. [H] [M] demande à la cour d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau, de :

- condamner la société Trimax Développement au paiement de 82 508,64 euros bruts à titre de rappel de salaire variable avec congés payés afférents,

- requalifier sa démission en prise d'acte de la rupture du contrat aux torts exclusifs de la société Trimax Développement ;

En conséquence,

- ordonner la condamnation de la société Trimax Dveloppement aux paiements suivants :

* 9 537,50 euros à titre d'indemnité de licenciement,

* 61 250 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

*10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice distinct du fait du non-paiement de la rémunération variable ;

- ordonner l'application de l'intérêt au taux légal sur l'intégralité de ces sommes à compter de la réception par la société Trimax Développement de la convocation devant le conseil de prud'hommes ;

- ordonner la capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil ;

- ordonner la remise des documents sociaux conformément à la décision à intervenir ;

- condamner la société Trimax Développement à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Trimax Développement aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 25 novembre 2021 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société Trimax Développement demande à la cour de confirmer le jugement et en conséquence de :

- débouter M. [M] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

- le condamner à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Audrey Hinoux, avocat postulant au Barreau de Paris, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 25 janvier 2023.

MOTIVATION

Sur la démission

M. [M] soutient que sa démission doit être requalifiée en une prise d'acte de la rupture de son contrat de travail produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison des manquements de l'employeur ayant trait au non paiement d'une rémunération variable. Il fait valoir que le caractère équivoque de sa démission résulte de circonstances antérieures ou contemporaines à celle-ci en ce que l'employeur s'était engagé aux termes de la promesse d'embauche et du contrat de travail ultérieur, à lui verser une rémunération variable dont les conditions devaient être fixées par la société ce qu'elle s'est abstenue de faire de manière fautive.

La société soutient que la démission du salarié est claire et non équivoque en ce qu'il l'a remise pour intégrer dès la fin de son préavis une autre société, que dans sa lettre de démission, il ne fait aucun lien entre la rupture du contrat de travail dont il a pris l'initiative et le versement d'une rémunération variable, qu'aucune rémunération variable ne lui était due dès lors qu'aucun accord n'était intervenu entre les parties concernant une telle rémunération, qu'en tout état de cause, elle représentait une part minime de sa rémunération.

La démission ne peut résulter que d'une manifestation claire et non équivoque de volonté de rompre le contrat de travail

Lorsqu'un salarié démissionne en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture constitue une prise d'acte et produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission.

En l'espèce, la lettre de démission du 19 février 2018 est rédigée en ces termes :

'(...) Par la présente, je vous informe de ma décision de démissionner du poste de Directeur du Développement et des Opérations que j'occupe au sein de votre société depuis le 14 mars 2016. Conformément à la convention collective applicable au sein de la société, à savoir la convention collective nationale de l'Immobilier, j'effectuerai mon préavis de trois mois et quitterai vos effectifs le 19 mai 2018. Lors de mon dernier jour de travail dans l'entreprise, je vous demanderai de bien vouloir me transmettre un certificat de travail, une attestation Pôle emploi, ainsi qu'un reçu pour solde de tout compte intégrant le versement sur deux ans de ma rémunération variable fixée, d'un commun accord entre les parties lors de la signature de la promesse en Janvier 2016, à un montant de 40 000 euros par an (...); cette rémunération variable n'ayant fait l'objet d'aucun versement depuis mon arrivée dans la société hormis pour la somme de 10 000 euros (...) en Juillet 2017. (...)'.

Il résulte clairement de cette lettre de démission que le salarié réclame à cette occasion le paiement d'une somme correspondant selon lui à un rappel de salaire, qu'il invoque ainsi un manquement de l'employeur et que, dès lors, sa démission est équivoque et constitue une prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur.

Lorsque le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission. Seuls peuvent être de nature à justifier la prise d'acte de la rupture, des manquements de l'employeur suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail. Il convient d'examiner l'ensemble des manquements invoqués par le salarié qui doit en rapporter la preuve. En cas de doute sur les faits allégués, il profite à l'employeur.

En l'espèce, M. [M] reproche à la société de ne pas lui avoir payé une rémunération variable qui selon lui était prévue dans une promesse d'embauche du 17 janvier 2016 acceptée par lui de sorte qu'un contrat a été conclu entre les parties portant sur le principe d'une rémunération variable, la fixation d'objectifs incombant uniquement à la société. Il ajoute que si des discussions ont eu lieu sur cette rémunération variable, elle n'a pas été fixée. Il souligne que ce fait constitue un manquement de la part de l'employeur. Il en déduit que faute d'objectifs fixés, il est en droit de solliciter le paiement de l'intégralité de la rémunération variable prévue contractuellement. Il fait valoir que le juge du fond peut apprécier le montant de la rémunération variable due au salarié en l'absence d'accord entre les parties au regard des critères visés au contrat, des accords conclus les années précédentes ou des données de la cause. Il affirme que sa rémunération variable était de 40 000 euros par an et qu'il n'aurait pas quitté le groupe Casino s'il n'avait pas eu la certitude de percevoir une rémunération équivalente à celle qu'il percevait auprès de ce précédent employeur.

La société soutient qu'aucun accord n'est intervenu quant à la rémunération variable, que le contrat de travail produit aux débats était un projet non signé par les parties et évoquant une rémunération variable éventuelle. Elle ajoute qu'aucun salarié ne bénéficie d'une rémunération variable en son sein.

L'acte par lequel un employeur propose un engagement précisant l'emploi, la rémunération et la date d'entrée en fonction et exprime la volonté de son auteur d'être lié en cas d'acceptation, constitue une offre de contrat de travail. La promesse unilatérale de contrat de travail est le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l'autre, le bénéficiaire, le droit d'opter pour la conclusion d'un contrat de travail, dont l'emploi, la rémunération et la date d'entrée en fonction sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire.

En l'espèce, si par lettre en date du 17 janvier 2016 sur laquelle M. [M] a indiqué 'Bon pour accord' et a apposé sa signature, la société lui a adressé une proposition portant sur le poste, le statut, le salaire de base, la mise à disposition d'un véhicule de fonction et la fixation d'une période d'essai, la cour relève qu'un des éléments essentiels du contrat de travail que constitue la rémunération du salarié n'a pas été défini dès lors que la rémunération variable n'a pas été déterminée. En effet, il est indiqué dans ce courrier : 'rémunération variable : en sus de ce salaire de base, vous bénéficierez d'une rémunération variable qui sera définie au moment de l'établissement de votre contrat de travail.' Elle constate qu'aucun contrat de travail n'a été conclu postérieurement, qu'aucun accord n'est intervenu à ce titre au cours de la relation de travail et que les parties ont continué à évoquer la détermination de cette rémunération variable au cours du préavis.

En conséquence, aucun accord n'étant intervenu entre les parties quant à la rémunération variable, la société n'avait pas l'obligation de payer à M. [M] une somme à ce titre et elle n'a donc pas commis le manquement qui lui est reproché au soutien de la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié.

En conséquence, la rupture du contrat de travail dont M. [M] a pris acte produit les effets d'une démission.

Il sera donc débouté de ses demandes au titre d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

La décision des premiers juges sera confirmée sur ces chefs de demande.

Sur le rappel de rémunération variable et les dommages et intérêts pour préjudice distinct du fait du non paiement de la rémunération variable

Compte tenu des développements précédents, M. [M] sera débouté de ses demandes à ce titre.

La décision des premiers juges sera confirmée sur ces chefs de demande.

Sur la remise des documents

Compte tenu de l'issue du litige, il n'y a pas lieu d'ordonner à la société Trimax Développement de remettre à M. [H] [M] les documents sociaux.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Partie perdante, M. [H] [M] sera condamné au paiement des dépens exposés en cause d'appel, cette condamnation étant assortie au profit de maître Audrey Hinoux, avocat postulant au barreau de Paris, du droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a mis les dépens à la charge de M. [H] [M].

M. [H] [M] sera condamné à payer à la société Trimax Développement la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel, la décision des premiers juges étant confirmée à ce titre. Il sera débouté de sa demande à ce titre, la décision des premiers juges étant confirmée pour ce qui concerne les frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

LA COUR statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

CONDAMNE M. [H] [M] à payer à la société Trimax Développement la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

CONDAMNE M. [H] [M] aux dépens, cette condamnation étant assortie au profit de maître Audrey Hinoux, avocat postulant au barreau de Paris, du droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 21/04879
Date de la décision : 23/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-23;21.04879 ?
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