La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/03/2023 | FRANCE | N°21/00500

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 23 mars 2023, 21/00500


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 23 MARS 2023



(n°2023/ , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/00500 et RG 21/00502 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CC7BR



Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Septembre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EVRY-COURCOURONNES - RG n° F19/00138



APPELANT



Monsieur [Y], [C] [M]

[Adresse 1]

[Adresse 1]r>
né le 16 Avril 1960 à [Localité 4]



Assisté de Me Frédéric SICARD, avocat au barreau de PARIS, toque : P0082



INTIMEE



S.A.S. SOFIDY

[Adresse 2]

[Adresse 2]



Représentée ...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 23 MARS 2023

(n°2023/ , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/00500 et RG 21/00502 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CC7BR

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Septembre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EVRY-COURCOURONNES - RG n° F19/00138

APPELANT

Monsieur [Y], [C] [M]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le 16 Avril 1960 à [Localité 4]

Assisté de Me Frédéric SICARD, avocat au barreau de PARIS, toque : P0082

INTIMEE

S.A.S. SOFIDY

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Patricia HARDOUIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 janvier 2023, en audience publique, en double rapporteur, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre chargée du rapport et devant Madame Séverine MOUSSY, Conseillère.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre, Présidente de formation,

Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

Greffier : Madame Cécile IMBAR, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Marie-Christine HERVIER, présidente et par Madame Philippine QUIL, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

M. [Y] [M] a été engagé par la Société financière de développement de l'agglomération d'Evry (société Sofidy) par contrat de travail à durée indéterminée à temps plein du 9 juillet 2013 à effet au 2 septembre 2013 en qualité de responsable commerces, statut cadre. En dernier lieu, il occupait le poste de responsable relocations, grands comptes et opérations complexes, et percevait une rémunération annuelle brute de base de 69 000 euros pour une durée de travail mensuelle de 151,67 heures conduisant à une moyenne mensuelle brute de 7 341,92 euros calculée sur douze mois.

La société Sofidy applique la convention collective nationale des sociétés financières du 22 novembre 1968 et occupe à titre habituel au moins onze salariés.

M. [M] a présenté des arrêts de travail à partir du 6 décembre 2018, prolongés jusqu'au 18 janvier 2019 et pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels.

Par courrier du 20 décembre 2018 remis par huissier de justice, lui notifiant sa mise à pied à titre conservatoire, M. [M] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 7 janvier 2019 puis s'est vu notifier son licenciement pour faute lourde par courrier adressé sous la même forme le 10 janvier 2019.

Contestant la validité de son licenciement, M. [M] a saisi le conseil de prud'hommes d'Evry Courcouronnes le 12 février 2019. Par jugement du 15 septembre 2020 auquel la cour renvoie pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes d'Evry Courcouronnes, section encadrement, a débouté M. [M] de l'intégralité de ses demandes et l'a condamné aux dépens.

M. [M] a régulièrement relevé appel de ce jugement le 22 décembre 2020 à deux reprises et deux procédures ont été enregistrées à la suite de ces appels successifs.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 12 juillet 2021 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, M. [M] prie la cour de :

- joindre les dossiers 21/01551 et 21/01552 ;

- infirmer le jugement entrepris ;

- condamner la société Sofidy à lui payer les sommes de :

* 19 370,70 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis avec intérêts au taux légal à compter de l'introduction de l'instance ;

* 1 750 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents au préavis avec intérêts au taux légal à compter de l'introduction de l'instance ;

* 10 304,17 euros à titre d'indemnité légale de licenciement avec intérêts au taux légal à compter de l'introduction de l'instance ;

* 100 000 euros de dommages-intérêts pour licenciement nul ;

* 11 500 euros au titre de la participation 2018/2019 avec intérêts au taux légal à compter de l'introduction de l'instance ;

* 4 000 euros au titre de l'intéressement 2018/2019 avec intérêts au taux légal à compter de l'introduction de l'instance ;

- ordonner la délivrance d'un bulletin de paie, d'une attestation pour Pôle emploi et d'un certificat de travail rectifiés et conformes à la décision à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard un mois après le terme du mois de la notification de la décision à intervenir ;

- condamner la société Sofidy à lui payer la somme de 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile et la condamner aux entiers dépens qui comprendront les frais d'exécution de la décision à intervenir.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 13 décembre 2022 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société Sofidy prie la cour de:

À titre principal,

-confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [M] de l'ensemble de ses demandes ;

-infirmer partiellement le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et condamner M. [M] à lui payer la somme de 3 000 euros HT au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens qui seront recouvrés, pour ceux la concernant, par la Selarl 2H Avocats - Me Patricia Hardouin, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

À titre subsidiaire,

-juger que le licenciement de M. [M] repose sur une faute grave ;

-en conséquence, débouter M. [M] de ses demandes d'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité compensatrice de congés payés afférents au préavis, d'indemnité conventionnelle de licenciement, de dommages et intérêts pour licenciement nul ;

-débouter M. [M] de ses demandes au titre de la participation et l'intéressement ;

En toutes hypothèses,

-débouter M. [M] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 14 décembre 2022.

MOTIVATION :

Sur la demande de jonction :

Dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, les affaires enregistrées à la suite des appels successifs de M. [M] sont jointes pour être suivies sous le seul numéro du répertoire général 21/00500.

Sur la rupture du contrat de travail :

La lettre de licenciement fixant les limites du litige est motivée dans les termes suivants:

" ['] Nous avons récemment découvert en décembre 2018 que vous aviez transmis en date des 3 et 17 octobre 2019, à Monsieur [T] [Z], ancien salarié de Sofidy, deux courriels relatifs à des opportunités d'investissements situés à [Localité 5] et [Localité 3] sur lesquelles nos équipes ont fait une offre d'achat.

Ces courriels étaient accompagnés d'une série de documents internes et notamment l'offre d'achat, un mémo d'analyse établi par l'équipe d'investissement, une feuille excel traduisant la performance locative des actifs etc'

Or, comme vous le savez ces informations revêtent un caractère strictement confidentiel.

En agissant de la sorte, vous avez délibérément violé tant l'obligation de confidentialité que l'obligation de loyauté qui vous incombent en exécution de votre contrat de travail. En particulier, l'obligation de confidentialité est expressément énoncée dans votre contrat de travail en son article 6 et rappelée dans le code de déontologie de la gestion des SCPI.

En transmettant les propositions confidentielles émises par Sofidy dans le cadre d'appels d'offres à un ancien salarié, dont il a été annoncé qu'il intégrait une société concurrente, la société Foncière Patrimonia, vous avez agi avec l'intention de nuire à Sofidy et votre comportement est de nature à contrevenir aux règles de concurrence.

En raison de ces agissements d'une gravité exceptionnelle et de votre intention de nuire à l'entreprise, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute lourde. ['] "

Sur la demande de nullité du licenciement :

M. [M] soutient que son licenciement est entaché de nullité en faisant valoir qu'il est intervenu pendant une période de suspension de son contrat de travail en raison d'un accident du travail, et que seule une faute grave permet la rupture du contrat de travail dans ce cas alors que les faits qui lui sont reprochés ne revêtent pas le caractère d'une telle faute.

La société Sofidy conclut au débouté en faisant valoir que M. [M] a sciemment violé ses obligations de confidentialité et de loyauté en adressant de façon répétée à un ancien salarié venant d'intégrer une société concurrente des documents confidentiels de sorte que la faute lourde et donc a fortiori la faute grave est caractérisée.

L'article L. 1226-9 du code du travail dispose que : " au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l'employeur ne peut rompre ce dernier que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou la maladie. ". En application de l'article L. 1226-13 du code du travail, toute rupture prononcée en violation de l'article L. 1226-9 est nulle.

Il convient donc pour statuer sur la demande de nullité du licenciement présentée par M. [M] de rechercher en premier lieu si le licenciement repose sur une faute grave.

Sur l'existence de la faute grave :

La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant le temps d'exécution du préavis. La charge de la preuve repose sur l'employeur qui l'invoque.

Il est constant que M. [M] a transmis sur la messagerie personnelle de M. [Z], ancien salarié de la société Sofidy, et travaillant pour le compte de la société Patrimonia deux mails les 3 et 17 octobre 2018 comprenant des documents relatifs à deux appels d'offre auxquels la société Sofidy avait répondu.

L'employeur soutient que ces faits caractérisent une violation de l'obligation de confidentialité à laquelle M. [M] était soumis et de son obligation de loyauté dès lors que M. [Z] avait intégré une société concurrente, et qu'ils l'exposaient en outre à d'éventuelles poursuites par l'autorité de régulation des marchés financiers pour violation du droit de la concurrence.

M. [M] de son côté fait valoir que ces faits s'inscrivaient dans le cadre d'échanges banals et réciproques entre partenaires afin de se tenir mutuellement informés du marché et maintenir le niveau d'expertise attendu par l'employeur. Il soutient que les documents n'avaient rien de confidentiels.

Au soutien de l'existence de la faute grave, la société Sofidy invoque plusieurs documents versés aux débats dont il ressort les éléments suivants :

-M. [M] était soumis à une obligation de confidentialité prévue à l'article 6 de son contrat de travail dans les termes suivants : " M. [Y] [M] s'engage à respecter les dispositions prévues dans le code de déontologie de la gestion des SCPI et le règlement des déontologies des OPCI joints au présent contrat et est notamment tenu à une stricte obligation de confidentialité en ce qui concerne toutes les informations et tous les documents dont il a connaissance dans l'exercice de ses fonctions ".

-Le code de déontologie de la gestion des SCPI précise, chapitre 6, paragraphe 59, dans sa clause sur le secret professionnel que " chaque personne concernée doit observer une stricte confidentialité sur tout fait, événement ou document dont elle a connaissance dans l'exercice de ses fonctions et concernant la société de gestion, une des sociétés gérées ou un locataire de celle-ci ou un de ses associés, le tout conformément aux dispositions prévues par la société de gestion. [' ]. Aucune personne concernée ou membre d'un organe social ne peut utiliser à son profit une information confidentielle, ou en faire profiter un parent, une relation personnelle, sa propre société ou son groupe. "

-Contrairement à ce que soutient M. [M], la société Foncière patrimonia à laquelle appartenait M. [Z] exerçait une activité pouvant être concurrente de celle de la société Sofidy puisqu'elle avait acquis quelques années auparavant un bien appartenant à un fonds géré par Sofidy ainsi que l'indique la société sans être contredite par M. [M] et en outre, la cour observe que les informations n'ont pas été adressées sur la messagerie professionnelle de M. [Z] au sein de cette société mais sur sa messagerie personnelle.

-Les données transmises consistaient en premier lieu en l'offre d'achat émise par la société Sofidy le 7 septembre 2018 pour l'acquisition d'une boutique à [Localité 3] et en second lieu, la transmission, le jour même de son émission, de l'offre d'achat émise par l'employeur pour l'acquisition d'un bien sis à [Localité 5] à M. [Z], salarié en charge de la politique d'investissement de la société Foncière patrimonia ainsi que cela ressort de l'annonce en date du 1er octobre 2018 du site 'business immo' communiquée.

Dans ces conditions, M. [M] ne peut valablement prétendre à un banal échange d'informations notamment au regard de la date de transmission des données relatives à l'offre pour le site de [Localité 5] et la qualité du destinataire de l'information. Par ailleurs, l'employeur justifie du risque encouru au regard des dispositions du code de la concurrence s'agissant de la transmission de données stratégiques entre possibles concurrents, étant rappelé que M. [Z] était chargé de l'investissement au sein de la société Foncière patrimonia. Enfin, la violation des obligations de confidentialité et de loyauté est caractérisée.

La cour considère en conséquence que la faute grave est établie, sans qu'il soit nécessaire au regard de l'objet du litige de rechercher si la faute lourde est caractérisée. La demande de nullité du licenciement qui découlait de l'absence de faute grave, est donc rejetée. Le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté M. [M] de sa demande d'indemnité pour licenciement nul et des demandes qu'il présentait en conséquence de la nullité du licenciement (indemnité compensatrice de préavis, congés payés sur préavis, indemnité de licenciement).

Sur l'exécution du contrat de travail :

Sur la demande présentée au titre de la participation et de l'intéressement :

M. [M] sollicite la condamnation de l'employeur à lui verser une somme de 11 500 euros au titre de la participation 2018/2019 et 4 000 euros au titre de l'intéressement en faisant valoir qu'il ne peut pas en être privé pour l'exercice précédant son licenciement et le temps du préavis.

La société Sofidy conclut au débouté en faisant valoir qu'en avril 2019, M. [M] a perçu les sommes de 9 253,19 euros au titre de la participation et 3 819,40 euros au titre de l'intéressement de sorte qu'il est rempli de ses droits. Elle verse aux débats les bulletins de salaire établissant le montant des sommes considérées. Eu égard à la solution du litige, la cour observant que les montants versés au mois de mars correspondent à l'exercice de l'année précédente considère que M. [M] a été rempli de ses droits pour l'exercice 2018 et qu'il n'est pas fondé à percevoir un intéressement ou une participation au titre de l'année 2019 puisqu'aucun préavis ne lui est dû. Le jugement est donc confirmé en ce qu'il l'a débouté de ce chef de demande.

Sur les autres demandes :

M. [M], partie perdante est condamné aux dépens de première instance et d'appel et doit indemniser la société Sofidy des frais exposés par elle et non compris dans les dépens à hauteur de la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, sa propre demande sur ce même fondement étant rejetée. Il est fait application de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Me Patricia Hardouin-selarl 2H avocats pour les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe,

ORDONNE la jonction des procédures enregistrées sous les numéros 21/00500 et 21/00502 et dit qu'elles sont désormais suivies sous le seul numéro du répertoire général: 21/00500,

CONFIRME le jugement dans toutes ses dispositions,

DÉBOUTE M. [Y] [M] de l'ensemble de ses demandes,

CONDAMNE M. [Y] [M] à verser à la société Sofidy la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [Y] [M] aux dépens et autorise Maître Patricia Hardouin-selarl 2H avocats à recouvrer contre la partie condamnée ceux des dépens d'appel dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 21/00500
Date de la décision : 23/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-23;21.00500 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award