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23/03/2023 | FRANCE | N°21/00417

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 23 mars 2023, 21/00417


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 23 MARS 2023



(n°2023/ , 13 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/00417 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CC6PJ



Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Novembre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Bobigny - RG n° F19/01634





APPELANTE



S.A.R.L. LA SOCIETE AUDIO VISUAL SERVICES CORPORATION (AVSC )

[Adresse

3]

[Localité 5]



Représentée par Me Florence BACQUET, avocat au barreau de PARIS, toque : P0461



INTIMES



Monsieur [S] [X]

[Adresse 1]

[Localité 6]

né le 09 Novembre 197...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 23 MARS 2023

(n°2023/ , 13 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/00417 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CC6PJ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Novembre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Bobigny - RG n° F19/01634

APPELANTE

S.A.R.L. LA SOCIETE AUDIO VISUAL SERVICES CORPORATION (AVSC )

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Florence BACQUET, avocat au barreau de PARIS, toque : P0461

INTIMES

Monsieur [S] [X]

[Adresse 1]

[Localité 6]

né le 09 Novembre 1970 à [Localité 7]

Assisté de Me Anne VAN DETH-TIXERONT, avocat au barreau de PARIS, toque : E0068

S.A.S. VIDELIO EVENTS

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Frédéric CALINAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : E0888

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 12 janvier 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre, Présidente de formation,

Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre,

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Marie-Christine HERVIER, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier : Madame Cécile IMBAR, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente et par Madame Philippine QUIL, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

La société Audio Visual Services Corporation (AVSC) est un prestataire de services audiovisuels et de solutions de technologie événementielle (projection vidéo et de données, éclairage, sonorisation, prestations scéniques, vidéoconférence, etc.) pour les événements organisés au sein d'établissements hôteliers.

M. [S] [X] a été engagé par la société AVSC Europe par contrat de travail à durée indéterminée à temps plein à effet au 31 mai 2005 en qualité de " Deputy AV Manager ". A compter du 1er mai 2006, il a été engagé par contrat nouvelles embauches en qualité de 'AV manager', statut cadre, coefficient 150, indice 2.3 par la société AVSC pour une durée de travail soumise à un forfait annuel de 218 jours moyennant une rémunération mensuelle brute de 2 600 euros. Le contrat prévoyait que son premier lieu de détachement était l'hôtel Hilton Arc de Triomphe. Le 26 septembre 2006, un nouveau contrat était formé entre les parties, prévoyant une reprise d'ancienneté au 31 mai 2005 et un positionnement au niveau V, échelon 2. Par contrat du 14 mars 2008, M. [X] se voyait confier le poste de "area manager". Son lieu de détachement était fixé à l'hôtel George V et sa rémunération mensuelle brute était portée à 3 400 euros. A compter du 19 février 2018, M. [X] a été affecté à l'hôtel Westin en sus de l'hôtel Le Bristol. Par avenant du 23 décembre 2019, sa rémunération mensuelle brute était fixée à 4 000 euros brut à compter du 1er décembre 2019.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des entreprises techniques au service de la création et de l'événement du 21 février 2008. La société AVSC occupait au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.

A compter du 1er février 2009, l'hôtel Westin a changé de prestataire de services au profit de la société Videlio events laquelle a refusé de reprendre le contrat de travail des salariés affectés à l'hôtel Westin dont celui de M. [X].

La société AVSC a adressé à M. [X] un certificat de travail et le solde de tout compte le 31 janvier 2019.

Soutenant que son contrat de travail avait été transféré à la société Videlio events en application de l'article L. 1224-1 du code du travail, sollicitant à titre principal la résiliation judiciaire du contrat transféré, et subsidiairement que la rupture de son contrat de travail par la société AVSC soit jugée sans cause réelle et sérieuse, M. [X] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny le 23 mai 2019 à l'encontre de ces deux sociétés. Par jugement du 25 novembre 2020 auquel la cour renvoie pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes de Bobigny, section encadrement, a :

- fixé le salaire de M. [X] à 4 789,24 euros brut mensuel ;

- dit que la rupture du contrat de travail en date du 31 janvier 2019 par la société AVSC constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamné la société AVSC à verser à M. [X] les sommes suivantes :

* 14 367,72 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 1 436,77 euros au titre des congés payés afférents,

* 17 823,28 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

* 55 076,26 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 57 470,88 euros au titre des dommages et intérêts pour le préjudice subi;

- rappelé que les créances de nature salariale portent intérêts de droit à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation, soit le 25 juin 2019, et les créances à caractère indemnitaire portent intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement ;

- condamné la société AVSC à verser à M. [X] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné la remise des documents de rupture conformément au jugement ;

- ordonné la rectification de la date d'embauche sur les bulletins de salaires à compter du 31 mai 2005 ;

- débouté M. [X] du surplus de ses demandes ;

- débouté la société AVSC de sa demande reconventionnelle ;

- mis hors de cause la société Videlio events ;

- condamné la société AVSC aux dépens.

La société AVSC a régulièrement relevé appel de ce jugement le 18 décembre 2020.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 12 décembre 2022 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société AVSC prie la cour de:

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

A titre principal,

- juger que les dispositions de l'article L.1224-1 du code du travail étaient bien applicables à la reprise par la société Videlio events de l'activité précédemment exercée par la société AVSC au sein de l'hôtel Westin ;

- la mettre hors de cause ;

A titre subsidiaire,

- fixer le salaire de référence de M. [X] à 4 564,96 euros brut ;

- limiter le montant de l'indemnité compensatrice de préavis à la somme de 13 694,88 euros brut, outre 1 369,59 euros brut de congés payés sur préavis ;

- limiter le montant de l'indemnité légale de licenciement à la somme de 16 991,08 euros brut ;

- débouter M. [X] de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qu'il porte à la somme de 114 941,76 euros et limiter le montant de cette indemnité au minimum fixé par l'article L. 1235-3 du code du travail, à savoir trois mois de rémunération ou 13 694,89 euros brut sur la base d'une rémunération mensuelle fixée à 4 564,96 euros brut ;

- débouter M. [X] de sa demande de dommages et intérêts résultant de l'impossibilité de s'inscrire à Pôle Emploi, ou, à tout le moins, réduire le montant des dommages et intérêts à de plus juste proportions ;

En tout état de cause,

- dire et juger que, le cas échéant, les éventuelles condamnations prononcées à son encontre sont allouées à M. [X] avant précompte des éventuelles cotisations et contributions sociales applicables ;

- débouter M. [X] de sa demande de calcul des intérêts à compter de la demande en justice pour toutes les créances d'origine contractuelle, et à compter de la décision de justice condamnant le débiteur pour les autres sommes ;

- débouter M. [X] de sa demande de capitalisation des intérêts ;

- condamner M. [X] à lui verser la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 6 janvier 2023 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, M. [X] demande à la cour de:

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

- fixer la moyenne des douze derniers mois de salaires à 4 789,24 euros ;

A titre principal,

- juger qu'en application des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, son contrat de travail a été transféré à la société Videlio events à compter du 1er février 2019;

En conséquence,

- condamner la société Videlio events à lui verser la totalité des salaires échus au jour de l'audience de jugement, avec les bulletins de paie correspondants conformes s'agissant de l'ancienneté et de la qualification, du taux d'imposition à la source, sous astreinte de 500 euros par jour de retard et par document, à compter de la notification du jugement, la cour se réservant le droit de liquider l'astreinte ;

- condamner la société Videlio events à lui verser une indemnité compensatrice de congés payés équivalente à 10% de la somme correspondant aux salaires échus ;

- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société Videlio Events, au jour de l'audience et lui donner les effets d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse ;

En conséquence,

- condamner la société Videlio events à lui verser les sommes suivantes :

* 14 367,72 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 1 436,77 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

* 21 551,58 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

* 114 941,76 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

* 28 735,44 euros à titre de réparation du préjudice résultant de la non-application des dispositions d'ordre public de l'article L. 1224-1 du code du travail,

* 28 735,44 euros à titre de réparation du préjudice résultant de l'impossibilité pour lui de s'inscrire auprès du Pôle Emploi ;

- condamner en outre la société Videlio events à lui remettre un solde de tout compte, un certificat de travail permettant la portabilité des garanties de prévoyance et de santé et une attestation Pôle emploi précisant que le motif de la rupture est un licenciement daté du jour de l'audience, sous astreinte de 500 euros par jour et par document, à compter de la notification du jugement, la cour se réservant le droit de liquider l'astreinte ;

- condamner la société Videlio events à lui verser la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;

A titre subsidiaire, si la cour juge qu'il n'y a pas lieu d'appliquer les dispositions de l'article L1224-1 du code du travail :

- donner à la rupture du contrat de travail intervenue le 31 janvier 2019, les effets d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse ;

- juger qu'il y a lieu de prononcer le relevé de forclusion du délai de douze mois mentionné à l'article 7§1 du règlement général annexé à la convention d'assurance chômage en date du 6 mai 2011, pour l'inscription auprès de Pôle Emploi au motif qu'il n'avait pas été informé du délai d'action puisque son contrat n'était pas rompu mais transféré ;

En conséquence,

- condamner la société AVSC à lui verser les sommes suivantes :

* 14 367,72 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 1 436,77 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

* 17 823,28 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

* 114 941,76 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

* 57 470,88 euros à titre de réparation du préjudice résultant de l'impossibilité pour lui de s'inscrire auprès du Pôle emploi ;

- ordonner la remise sous astreinte de 500 euros par jour de retard et par document d'une attestation Pôle Emploi, d'un certificat de travail permettant la portabilité des garanties de prévoyance et de santé et d'un bulletin de paie, conformes à la décision à intervenir, la Cour se réservant le droit de liquider l'astreinte ;

- ordonner la rectification de la date d'embauche sur les bulletins de paie, à compter du 1er octobre 2006 et indiquer le 31 mai 2005, sous astreinte de 500 euros par jour de retard et par bulletin, la cour se réservant le droit de liquider l'astreinte ;

- condamner la société AVSC à lui verser la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;

Dans tous les cas,

- juger que les condamnations seront assorties des intérêts au taux légal à compter de la demande en justice pour toutes les créances d'origine contractuelle à compter de la décision de justice condamnant le débiteur pour les autres sommes ;

- ordonner la capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du code civil.

Aux termes de ses dernières conclusions n°2, notifiées par voie électronique le 10 janvier 2023 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société Videlio events prie la cour de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

A titre principal,

- juger que les conditions d'application de l'article L.1224-1 du code du travail ne sont pas réunies et que le contrat de travail de M. [X] ne lui a pas été transféré ;

En conséquence,

- la mettre hors de cause;

- débouter M. [X] de l'ensemble des demandes présentées à son encontre,

- A titre subsidiaire, si la cour jugeait que l'article L. 1224-1 devait s'appliquer :

- fixer le salaire de référence de M. [X] à la somme de 4 564,96 euros brut ;

- juger que M. [X] a été licencié de fait par la société Videlio events au 1er février 2019 et qu'il ne peut justifier que d'une ancienneté de 13 ans et 8 mois ;

En conséquence,

- limiter le montant de l'indemnité légale de licenciement à la somme de 16 991,79 euros net ;

- limiter le montant de l'indemnité compensatrice de préavis à la somme de 13 694,88 euros brut et les congés payés afférents à la somme de 1 369,48 euros brut ;

- débouter M. [X] de sa demande de rappels de salaire échus au jour de l'audience, son contrat de travail ayant été rompu le 1er février 2019 ;

- limiter le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 13 694,88 euros, correspondant à trois mois de salaire ;

- débouter M. [X] de ses demandes de dommages et intérêts au titre de préjudices spécifiques résultant de la non-application des dispositions de l'article L.1224-1 du code du travail et de l'impossibilité de s'inscrire au Pôle emploi ou, à tout le moins, réduire le montant des dommages et intérêts à de plus justes proportions ;

- constater qu'il n'y pas lieu à astreinte, ou, à tout le moins, réduire le montant de l'astreinte sollicitée par M. [X] ;

En tout état de cause,

- condamner M. [X] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [X] aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 11 janvier 2023.

MOTIVATION :

Sur les demandes présentées à l'encontre de la société Videlio events :

Sur l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail :

Aux termes de l'article L. 1224-1 du code du travail, " Lorsque que survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise ". Il est de jurisprudence constante que ces dispositions s'appliquent à tout transfert d'une entité économique conservant son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise. Constitue une entité économique, un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre.

M. [X] et la société AVSC soutiennent que si la seule perte d'un marché n'entraîne pas nécessairement l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail, il en va autrement si l'activité se poursuit avec les mêmes moyens d'exploitation et font valoir que lorsque l'activité se poursuit avec un nouveau prestataire avec les mêmes moyens d'exploitation corporels ou incorporels, l'identité d'activité transférée est caractérisée et ce, qu'il s'agisse d'éléments corporels ou incorporels appartenant à l'entreprise titulaire du marché ou d'éléments fournis par le donneur d'ordre de sorte que, lorsque les éléments déterminants pour l'exercice de l'activité sont directement mis à disposition des prestataires successifs par le donneur d'ordre, l'absence de transfert entre les prestataires de matériels accessoires est indifférente. Ils soutiennent que le transfert des moyens d'exploitation est ainsi caractérisé lorsque l'activité est reprise dans les mêmes locaux et avec le même matériel.

Au cas d'espèce, ils font valoir que la prestation effectuée par la société ASVC au sein des locaux de l'hôtel Westin revêtait les caractéristiques d'une entité économique autonome dès lors que :

- l'élément matériel propre à l'exécution de la prestation en cause réside dans l'accès exclusif à la clientèle et aux locaux de l'hôtel Westin. La société AVSC s'appuie sur le contrat conclu le 5 mai 2010 entre la société PSAV et le groupe Starwood auquel appartenait l'hôtel qu'elle communique partiellement dont il ressort selon elle que pendant toute la durée du contrat elle serait " le fournisseur exclusif des services " audiovisuels à l'hôtel, que l'hôtel s'engageait à ne pas louer son propre matériel audiovisuel et/ou les services connexes ou conclure un accord ou contrat relatif à la fourniture de matériel audiovisuel et/ou à la prestation de services connexes avec un autre prestataire que PSAV et que l'hôtel coopérait pour " faciliter le caractère exclusif de la relation entre les parties et de permettre à AVSC d'agir comme fournisseur exclusif des services audiovisuels à l'hôtel. Elle fait ainsi valoir que l'accès exclusif aux locaux et à la clientèle de l'hôtel constitue l'objectif principal du contrat peu important que celui-ci prévoit également qu'elle mettra à disposition de l'hôtel le matériel raisonnablement nécessaire pour répondre à ses besoins, et ce d'autant que la rémunération de la prestation n'est pas le prix de location du matériel mais une commission perçue par l'hôtel sur les prestations réalisées par le titulaire du marché,

- le fait que la société Videlio events apporte des éléments complémentaires à l'exécution de la prestation ne s'oppose pas à l'application des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail puisque dès lors qu'est constaté un transfert indirect des moyens essentiels d'exploitation (le contrat de prestation de services, l'exclusivité de l'exploitation des salles de réunion et de la clientèle de l'hôtel ainsi que l'existence d'un ensemble organisé de personnes et de moyens corporels et incorporels et le maintien de l'identité de l'activité), les dispositions de l'article L 1224-un du code du travail trouvent à s'appliquer.

- l'équipe affectée par la société ASVC constituait un ensemble organisé de personnes dans la mesure où elle était dédiée exclusivement à cette prestation :

* M. [X], 'event technologie director', affecté selon son contrat de travail à la gestion globale et la rentabilité du service était, dans les hôtels placés sous sa responsabilité, l' interlocuteur premier des hôtels et des clients dans la résolution des problèmes, gérant la formation et le développement de son équipe, assistant le marketing et le développement commercial local, peu important qu'il ne soit pas affecté exclusivement à l'entité économique autonome transférée 08 42065 et qu'il ait travaillé en télétravail entre décembre 2017 et février 2018.

* M. [Y] qui avait la fonction de technicien et assurait la mise en 'uvre technique des prestations.

Ils font valoir qu'il existait bien un ensemble organisé d'éléments corporels et incorporels au soutien de la prestation mise en 'uvre dans la mesure ou d'un point de vue opérationnel, AVSC effectuait ses prestations audiovisuelles au moyen d'équipements techniques pour la plupart dédiés et que de la même façon certains techniciens non affectés pouvaient intervenir des manière ponctuelle sur le site, certains matériels pointus pouvaient ponctuellement là encore être utilisés sans que cela ne remette en cause l'existence d'un matériel propre.

Enfin, ils font valoir que l'activité s'est poursuivie et que son identité s'est maintenue puisque la société Videlio events a conclu avec l'hôtel Westin un contrat lui transférant la même exclusivité que celle dont bénéficiait la société AVSC, ayant elle-même fait la publicité sur son profil Linkedeln et insisté auprès de M. [X] pour que celui-ci transfère aux plus vite les demandes de prestations à compter du 1er février 2019 ce dont il résulte une parfaite continuité dans la reprise de la prestation de façon à ce que les clients de l'hôtel ne s'aperçoivent pas du transfert, actant ainsi d'une reprise à l'identique de l'activité.

De son côté la société Videlio events conteste que les conditions d'application du transfert légal soient réunies en invoquant d'une part l'absence d'une entité économique autonome en l'absence de transfert du matériel essentiel à la réalisation de la prestation et en l'absence de personnel disposant de compétences spécifiques et spécialement affecté à l'activité en cause et d'autre part en faisant valoir que l'identité de l'entité transférée n'est pas maintenue au sein de la société Videlio events.

Sur l'absence d'entité économique autonome, elle soutient que l'élément essentiel du contrat de prestation de services portait sur la fourniture de matériel et de services opérationnels et techniques et non pas l'accès exclusif aux locaux comme le soutient la société AVCS et explique qu'afin d'assurer son activité de prestations audiovisuelles au sein des établissements hôteliers elle a créé la marque commerciale Videlio hospitality ayant pour objet de répondre aux besoins audiovisuels des hôtels par la location de matériel et des services connexes ; que son contrat prévoyait expressément qu'elle " propose à la location du matériel audiovisuel scénique et d'éclairage et des services connexes incluant des services de main-d''uvre opérationnels et techniques ". Elle conteste que l'élément essentiel de la prestation réside dans l'accès exclusif à la clientèle puisque à défaut de fourniture de matériel et d'équipements techniques, la société ne pourrait exercer de prestations audiovisuelles, qu'aucun élément du contrat ne vient préciser que l'objet de celui-ci est l'accès exclusif à la clientèle, et que la position adoptée par la société AVSC reviendrait à considérer qu'une simple perte de marché au profit d'un concurrent impliquerait le transfert d'un moyen incorporel à savoir l'exclusivité accordée par le donneur d'ordre au nouveau prestataire et donc l'application systématique de l'article L. 1224-1 du code du travail ce qui est contraire à la jurisprudence. Par ailleurs, elle fait valoir qu'elle se présente bien comme un fournisseur de matériel audiovisuel puisqu'il est précisé sur son site Internet qu'elle équipe les événements de ses clients en vidéo son et lumière. De plus, elle soutient qu'outre la location du matériel, sa prestation repose également sur la fourniture de services connexes qui désignent la location de matériel technique performant et adapté à l'équipement à l'événement organisé, les transports, l'installation et l'assistance dans l'utilisation du matériel audiovisuel loué dans les locaux de l'hôtel. Enfin, elle fait valoir que le contrat conclu entre le société AVSC et l'hôtel Westin était également un contrat de prestations de services qui indiquait que PSAV " est une société spécialisée dans la fourniture en location de matériel audiovisuel de scène et d'éclairage pour hôtels et centres touristiques et la prestation de services connexes aux hôtels à leurs clients et invités " et qu'elle " mettra à disposition de l'hôtel le matériel audiovisuel de location raisonnablement nécessaire pour répondre aux besoins de l'hôtel, de ses invités et clients " et enfin que : " outre la fourniture en location de matériel audiovisuel, PSAV fournira les services audiovisuels connexes à l'hôtel, à ses invités et clients, y compris le montage et le démontage du matériel et d'autres services qui pourront être raisonnablement exigés dans le cadre de la location du matériel.

Sur l'absence d'objectif propre de la prestation audiovisuelle réalisée, la société Videlio events fait valoir que pour caractériser une entité économique autonome, il faut encore démontrer que la prestation réalisée par l'ancien prestataire poursuivait un objectif propre c'est-à-dire que cette prestation au sein de l'hôtel Westin était autonome du reste de l'activité exercée par la société AVSC or, son activité de prestations audiovisuelles au sein des établissements hôteliers et en particulier la location de matériel audiovisuel est l'activité exclusive de cette société, de sorte qu'elle n'exerçait aucune activité distincte et spécifique au sein de l'hôtel Westin par rapport au reste de son activité.

S'agissant du personnel, la société Videlio events fait valoir qu'aucune équipe autonome n'était spécifiquement et exclusivement dédiée à l'activité de prestation audiovisuelle au sein de l'hôtel Westin dans la mesure où :

- M. [X] exerçait son activité à la fois au sein de l'hôtel Westin et de l'hôtel le Bristol comme le démontrent le courrier adressé par son employeur le 9 février 2017 et son contrat de travail qui stipule qu'il pourra exercer son activité dans différents lieux,

- M. [Y] et M. [T] qui n'ont pas été embauchés par la société Videlio events lors de la reprise du marché ont été mutés par la société AVSC sur d'autres sites ce qui démontre leur polyvalence,

- la société AVSC a reconnu elle-même que certains techniciens autres que ces salariés intervenaient régulièrement au sein de ces hôtels pour exercer des prestations audiovisuelles ce qui démontre la polyvalence des salariés et l'absence d'affectation de ceux-ci sur un site.

- les propres techniciens qu'elle a embauchés à la suite de leur démission de la société AVSC après la perte du marché de l'hôtel le Méridien Étoile sont contractuellement tenus par une clause de mobilité géographique et ne sont pas affectés sur ce seul établissement,

- elle a affecté ses propres techniciens sur le site de l'hôtel Westin qui dépend exclusivement du support logistique qu'elle assure que ce soit pour le fonctionnement, l'organisation ou les moyens fournis pour la réalisation de la prestation par l'intermédiaire de sa marque commerciale Videlio hospitality et l'équipe détachée au sein des hôtels pour la réalisation des prestations ne bénéficie d'aucune autonomie matérielle fonctionnelle ou même organisationnelle dans la réalisation de ses missions, la société AVSC, pour sa part, ne démontrant pas fonctionner différemment et aucun savoir-faire aux compétences spécifiques du personnel affecté à la réalisation de la prestation audiovisuelle au sein des hôtels ne peut être constatée.

- aucun transfert de matériels, éléments nécessaires à l'exécution de la prestation, n'est intervenu entre les deux prestataires, chacune des deux sociétés ayant fourni au donneur d'ordre son propre matériel, objet du contrat.

Enfin elle soutient que l'identité de l'activité de prestations audiovisuelles n'a pas été poursuivie ni maintenue par elle, sa requête de transmission des demandes de prestations à partir du 1er février n'étant liée qu'à l'entrée en vigueur de son propre contrat de prestation, afin d'assurer la continuité du service vis-à-vis du donneur d'ordre.

Au vu de ce qui précède, la cour retenant que l'objet du contrat de prestation de service était la location du matériel audiovisuel - peu important le mode de rémunération convenu entre les parties - et la mise à disposition du personnel capable de le faire fonctionner, considère que l'accès à la clientèle de l'hôtel ne constituait pas l'élément essentiel du contrat, de sorte que la perte du marché ayant entraîné l'utilisation pour les clients de l'hôtel du matériel désormais fourni par la société Videlio events n'entraîne pas une poursuite de l'activité avec les mêmes moyens d'exploitation et la transmission à la société entrante d'un ensemble organisé de personnes et de biens corporel ou incorporel. L'article L. 1224-1 du code du travail n'est donc pas applicable.

Sur la demande de résiliation judiciaire et les demandes présentées à l'encontre de la société Videlio events :

La cour ne retenant pas que le contrat de travail a été transféré à la société Videlio events, les demandes présentées au titre des rappels de salaires et congés payés afférents, résiliation judiciaire du contrat de travail et toutes les demandes liées à l'exécution et la rupture du contrat sont rejetées. De même, les demandes de condamnation de la société Videlio events au titre de l'indemnisation du préjudice spécifique lié à la non application de l'article L. 1224-1 du code du travail et de l'impossibilité de s'inscrire à pôle emploi sont rejetées. M. [X] est débouté de l'ensemble des demandes présentées à l'encontre de la société Videlio events et le jugement est confirmé en ce qu'il a mis cette société hors de cause.

Sur les demandes présentées à l'encontre de la société AVSC :

Sur les demandes résultant de la rupture du contrat de travail :

La remise d'un certificat de travail et du solde de tout compte le 31 janvier 2019 sans notification des motifs du licenciement constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse. En conséquence, M. [X] est fondé à percevoir une indemnité au titre du préavis non effectué, l'indemnité de licenciement et une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

M. [X] sollicite la confirmation du jugement de ces chefs tandis que la société AVSC conclut à l'infirmation en faisant valoir que le salaire brut à prendre en considération ne doit pas inclure l'indemnité de repas qui constitue un remboursement de frais et non un complément de salaire de sorte que le salaire de référence s'élève selon elle à 4 564,96 euros et non 4 789,24 euros comme le revendique M. [X].

Sur la détermination du salaire de référence :

La cour observe que le dernier avenant du contrat de travail faisant état de la rémunération du salarié prévoyait un remboursement de frais de déjeuner de 7,80 euros. Les avenants qui se sont succédés ont laissé la formule inchangée. La cour relève que les bulletins de salaire de M. [X] mentionnent une indemnité forfaitaire fixe de 208 euros en 2018 sous la rubrique " indemnité de repas ", soumise à cotisations sociales sans que les modalités de calcul et le nombre de prise de repas par le salarié soient justifiées. La cour considère dès lors que ce versement forfaitaire avait un caractère de salaire et qu'il doit être inclus dans le calcul du salaire de référence de même que l'indemnité " vêtements pro " d'un montant de 120 euros versée en octobre, également soumise à cotisations sociales dont l'employeur ne justifie pas qu'il s'agissait en réalité de remboursement de frais.

La cour retient donc que le salaire de référence s'élève à la somme de 4 789,24 euros brut.

Sur l'indemnité légale de licenciement :

Le jugement est confirmé conformément à la demande présentée à titre subsidiaire, en ce qu'il a condamné la société AVSC à verser à M. [X] une somme de 17 823,28 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis :

En application de l'article L. 1234-1 du code du travail, elle correspond aux salaires que M. [X] aurait perçus s'il avait travaillé pendant le temps du préavis, fixé à trois mois par l'article 4.1.3 de la convention collective et s'évalue au vu des bulletins de salaire à la somme de 14 136,66 euros sur la base d'un salaire, comprenant outre le salaire de base, l'indemnité de repas compte tenu de la nature de salaire que la cour lui reconnaît. La société AVSC est condamnée à payer cette somme à M. [X] outre la somme de 1 413,66 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis et le jugement est infirmé de ce chef.

Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

M. [X] réclame la condamnation de l'employeur à lui verser à ce titre une somme de 114 941,76 euros représentant la réparation de l'ensemble de ses préjudices : préjudice moral lié à la rupture, dégradation de son état de santé, soins non pris en charge, report de soins, difficulté pour le renouvellement du titre de séjour de son conjoint, préjudice financier : prêt immobilier, crédit voiture dont il n'a pu renégocier les conditions, modification de son profil LinkedIn, et prie la cour d'écarter l'application du plafonnement prévu par l'article L. 1235-3 du code du travail en raison de son inconventionnalité dès lors qu'il viole les dispositions de la charte sociale européenne, les articles 4 et 10 de la convention 158 de l'OIT et le droit au procès équitable.

Sur l'application de l'article L. 1235-3 du code du travail :

Aux termes de l'article L. 1235-3 du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés par le même article. Selon l'article L. 1235-3-1 du même code, l'article 1235-3 n'est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d'une des nullités prévues à son deuxième alinéa. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Enfin, selon l'article L. 1235-4 du code du travail, dans le cas prévu à l'article L. 1235-3, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

Aux termes de l'article 24 de la Charte sociale européenne, en vue d'assurer l'exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement, les parties s'engagent à reconnaître:

a) le droit des travailleurs à ne pas être licenciés sans motif valable lié à leur aptitude ou conduite, ou fondé sur les nécessités de fonctionnement de l'entreprise, de l'établissement ou du service ;

b) le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée.

A cette fin les Parties s'engagent à assurer qu'un travailleur qui estime avoir fait l'objet d'une mesure de licenciement sans motif valable ait un droit de recours contre cette mesure devant un organe impartial.

L'annexe de la Charte sociale européenne précise qu'il est entendu que l'indemnité ou toute autre réparation appropriée en cas de licenciement sans motif valable doit être déterminée par la législation ou la réglementation nationales, par des conventions collectives ou de toute autre manière appropriée aux conditions nationales. La Charte réclame des Etats qu'ils traduisent dans leurs textes nationaux les objectifs qu'elle leur fixe. En outre, le contrôle du respect de cette charte est confié au seul Comité européen des droits sociaux dont la saisine n'a pas de caractère juridictionnel et dont les décisions n'ont pas de caractère contraignant en droit français. Sous réserve des cas où est en cause un traité international pour lequel la Cour de justice de l'Union européenne dispose d'une compétence exclusive pour déterminer s'il est d'effet direct, les stipulations d'un traité international, régulièrement introduit dans l'ordre juridique interne conformément à l'article 55 de la Constitution, sont d'effet direct dès lors qu'elles créent des droits dont les particuliers peuvent se prévaloir et que, eu égard à l'intention exprimée des parties et à l'économie générale du traité invoqué, ainsi qu'à son contenu et à ses termes, elles n'ont pas pour objet exclusif de régir les relations entre Etats et ne requièrent l'intervention d'aucun acte complémentaire pour produire des effets à l'égard des particuliers.

Il résulte dès lors de ce qui précède que l'article 24 de la Charte sociale européenne n'a pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers de sorte que sa violation ne peut pas être valablement invoquée par M. [X].

La cour relève que l'article 4 de la Convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail (OIT) n'a pas trait à l'indemnisation du préjudice résultant d'un licenciement mais à sa justification et que le salarié n'est pas privé de la possibilité d'en contester judiciairement le motif.

Aux termes de l'article 10 de cette convention, si les organismes mentionnés à l'article 8 de la présente convention arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié, et si, compte tenu de la législation et de la pratique nationales, ils n'ont pas le pouvoir ou n'estiment pas possible dans les circonstances d'annuler le licenciement et/ou d'ordonner ou de proposer la réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d'une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée. Comme le soutient à juste titre M. [X], ces stipulations sont d'effet direct en droit interne dès lors qu'elles créent des droits entre particuliers, qu'elles n'ont pas pour objet exclusif de régir les relations entre Etats et ne requièrent l'intervention d'aucun acte complémentaire. Le terme "adéquat" signifie que l'indemnité pour licenciement injustifié doit, d'une part être suffisamment dissuasive pour éviter le licenciement injustifié, et d'autre part raisonnablement permettre l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi.

Il résulte des dispositions du code du travail précitées, que le salarié dont le licenciement est injustifié bénéficie d'une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l'ancienneté du salarié et que le barème n'est pas applicable lorsque le licenciement du salarié est nul ce qui permet raisonnablement l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi. En outre, le juge applique d'office les dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail. Ainsi, le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l'employeur est également assuré et les trois articles du code du travail précités sont de nature à permettre le versement d'une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'OIT.

Enfin, aux termes de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Il en résulte que cet article garantit une équité "procédurale" et que l'évaluation d'un préjudice n'entre pas dans son champ d'application.

En conséquence, il n'y a pas lieu d'écarter les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail qui sont compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la Convention de l'OIT et il appartient à la cour d'apprécier la situation concrète du salarié pour évaluer le montant de l'indemnité due entre les montants minimaux et maximaux déterminés par cet article fixés à 3 et 11 mois et demi.

Eu égard à l'âge de M. [X] (né en 1970), aux circonstances de la rupture, à ce qu'il justifie de sa situation postérieure au licenciement, au montant de son salaire brut, la cour condamne la société AVCS à lui verser la somme de 55 076,26 euros suffisant à réparer son entier préjudice. Le jugement est confirmé de ce chef.

Sur la demande présentée à titre de préjudice spécifique :

M. [X] fait valoir qu'il a été dans l'impossibilité de s'inscrire à Pôle emploi et que son préjudice est augmenté du fait que malgré l'attestation pour Pôle emploi remise par la société AVSC en exécution du jugement en date du 25 novembre 2021, Pôle emploi a refusé de l'inscrire aux motifs de ce que la fin de son contrat remontait à plus d'un an de sorte qu'il réclame la condamnation de la société AVSC à lui verser une somme de 57 470,88 euros en réparation de son préjudice, expliquant n'avoir eu aucune ressource, la situation se prolongeant du fait de la procédure d'appel.

La cour relève que le certificat de travail et le solde de tout compte ont été remis par la société AVSC à M. [X] sans attestation pour Pôle emploi de sorte qu'il a été placé dans l'impossibilité de s'inscrire auprès de cet organisme. La faute de la société AVSC lui a causé un préjudice qui sera suffisamment réparé par l'allocation de la somme de 20 000 euros de dommages-intérêts. Le jugement est infirmé de ce chef.

Sur la demande de relevé de forclusion du délai de douze mois exigé pour l'inscription auprès du Pôle emploi :

M. [X] prie la cour de prononcer le relevé de forclusion du délai de douze mois mentionné à l'article 7 §1 du règlement général annexé à la convention d'assurance chômage en date du 6 mai 2011, pour l'inscription auprès de Pôle emploi mais dès lors que Pôle emploi n'a pas été mise dans la cause, la demande est irrecevable.

Sur les autres demandes :

La cour ordonne la remise par la société AVSC d'un certificat de travail portant la mention de l'ancienneté au 31 mai 2005, d'un bulletin de paie récapitulatif et d'une attestation pour Pôle emploi conformes à la décision sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une astreinte. La demande en ce sens est rejetée.

Le jugement est confirmé en ce qu'il ordonné la remise des bulletins de paie portant la date d'ancienneté au 31 mai 2005 sans astreinte.

Les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale sont dus à compter de la réception par la société AVSC de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation soit le 25 juin 2019 et ceux portant sur les condamnations de nature indemnitaire, à compter de la décision qui les prononce. La capitalisation des intérêts échus dus pour une année entière est ordonnée en application de l'article 1343-2 du code civil.

La société AVSC, partie perdante est condamnée aux dépens et doit indemniser M. [X] des frais exposés par lui tant en première instance qu'en cause d'appel et non compris dans les dépens à hauteur de la somme de 3 500 euros sa propre demande sur ce même fondement étant rejetée.

Il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de la société Videlio events.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement sauf sur le montant de la condamnation de la société AVSC au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, sur le montant des dommages-intérêts pour préjudice spécifique et sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

CONDAMNE la société Audio visual services corporation à verser à M. [S] [X] les sommes de :

- 14 136,66 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 1 413,66 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

- 20 000 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice spécifique,

DIT que les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale sont dus à compter du 25 juin 2019 et ceux portant sur les condamnations de nature indemnitaire, à compter de la décision qui les prononce,

ORDONNE la capitalisation des intérêts échus, dus pour une année entière,

ORDONNE la remise par la société Audio visual services corporation d'un certificat de travail portant la mention de l'ancienneté au 31 mai 2005, d'un bulletin de paie récapitulatif et d'une attestation pour Pôle emploi conformes à la décision,

DÉCLARE irrecevable la demande de relevé de forclusion du délai d'inscription à Pôle emploi,

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société Audio visual services corporation et de la société Videlio events,

DÉBOUTE M. [S] [X] du surplus de ses demandes,

CONDAMNE la société Audio visual services corporation aux dépens et la condamne à verser à M. [S] [X] la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 21/00417
Date de la décision : 23/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-23;21.00417 ?
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