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23/03/2023 | FRANCE | N°20/03839

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 23 mars 2023, 20/03839


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 23 MARS 2023



(n°2023/ , 15 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/03839 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB6KL



Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Mai 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 18/02488





APPELANT



Monsieur [B] [T]

[Adresse 2]

[Localité 6]

né le 24 Janvier 19

90 à [Localité 8]



Représenté par Me Aïcha CONDE, avocat au barreau de PARIS, toque : E0023



INTIMEES



S.A.S. HUMANDO

[Adresse 3]

[Localité 5]



Représentée par Me François VACCARO, avo...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 23 MARS 2023

(n°2023/ , 15 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/03839 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB6KL

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Mai 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 18/02488

APPELANT

Monsieur [B] [T]

[Adresse 2]

[Localité 6]

né le 24 Janvier 1990 à [Localité 8]

Représenté par Me Aïcha CONDE, avocat au barreau de PARIS, toque : E0023

INTIMEES

S.A.S. HUMANDO

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me François VACCARO, avocat au barreau de TOURS, toque : 54

Représentée par Me Chrystelle DESCHAMPS, avocat au barreau de PARIS

Société GROUPE PIZZORNO ENVIRONNEMENT venant aux droits de la S.A.S.U. PROVAL ENVIRONNEMENT

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représentée par Me Bertrand LOUBEYRE, avocat au barreau de PARIS, toque : C1930

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 janvier 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Séverine MOUSSY, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre, Présidente de formation,

Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre,

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

Greffier : Madame Cécile IMBAR, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente et par Madame Philippine QUIL, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Selon contrat d'insertion professionnelle intérimaire en date du 13 juin 2014, l'entreprise de travail temporaire Objectif Emploi s'est engagée envers M. [B] [T] à lui faire suivre une action de formation CIPI-agent de collecte et à lui proposer 175 heures de mission de travail temporaire pour la période du 16 juin au 14 septembre 2014.

Le contrat stipule que la formation en entreprise aura lieu chez Pizzorno Environnement.

La société Humando est venue aux droits de la société Objectif Emploi à partir du mois de janvier 2015.

Dans le cadre de contrats de mission établis par la société Humando entre le 16 juin 2014 et le 16 avril 2017, M. [T] a travaillé en qualité d'équipier de collecte au sein de la société Objectif Emploi puis de la société Proval Environnement.

La relation contractuelle est soumise à la convention collective des entreprises de travail temporaire.

La société Proval Environnement est soumise à la convention collective nationale des activités du déchet et employait au moins onze salariés lors de la rupture de la relation contractuelle.

Par lettre datée du 5 mars 2018, l'inspection du travail a informé M. [T], qu'à l'occasion d'un contrôle de l'agence de travail temporaire Humando située [Adresse 4] et d'une enquête subséquente sur ses relations avec le groupe Pizzorno, elle avait constaté qu'il avait été mis à disposition de la société Proval Environnement aux termes de contrats de mise à disposition (listés par elle dans des tableaux joints) en qualité d'équipier de collecte. L'inspection du travail, qui a précisé que son contrôle concernait la période du 1er janvier 2015 au 16 septembre 2017, a également informé M. [T] qu'elle avait relevé des manquements aux dispositions légales concernant la conclusion des contrats de mise à disposition, leur formalisme et leur succession et qu'il serait fondé à saisir le conseil de prud'hommes d'une demande de requalification de ses contrats de mission en contrat à durée indéterminée sous réserve de l'appréciation souveraine des juges du fond. L'inspection du travail a encore appelé l'attention de M. [T] sur sa rémunération en relevant qu'il n'avait pas perçu les primes d'habillage et de déshabillage appliquées aux équipiers de collecte de la société Proval Environnement ; qu'il avait été rémunéré sur la base d'un taux horaire correspondant aux salaires minima conventionnels de la convention collective du déchet et qu'il pouvait prétendre à une prime de treizième mois prévue par la « convention collective du déchet » applicable à l'entreprise utilisatrice.

C'est dans ce contexte que M. [T] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny le 1er août 2018.

Par jugement du 28 mai 2020 auquel il est renvoyé pour l'exposé des prétentions initiales et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Bobigny a :

prononcé la mise hors de cause des sociétés Pizzorno et Proval Environnement ;

condamné la société Humando à verser les sommes suivantes :

* 2 097,99 euros « au titre du 13 mois 2016 conventionnelle » ;

* 1 154,21 euros au titre de la régularisation des primes habillages, douches, fin de mission sur les périodes 2015, 2016 et 2017 portées sur le bulletin de salaire d'avril 2018 « venant en régularisation au chèque adressé au salarié non encaissé » ;

* 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

condamné la société Humando aux dépens.

Par déclaration du 30 juin 2020, M. [T] a régulièrement interjeté appel du jugement.

Le conseiller de la mise en état a, par ordonnance du 8 septembre 2022, prononcé la caducité partielle de la déclaration d'appel à l'égard de la société Pizzorno. En effet, l'appelant n'a pas signifié ses conclusions à la société Pizzorno, qui n'avait pas constitué avocat, dans le délai imparti qui expirait le 30 octobre 2020.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 12 décembre 2022 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, M. [T] demande à la cour de:

le recevoir en ses demandes ;

l'y déclarer bien fondé ;

confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Humando à verser la somme de 2 097,99 euros au titre du 13ème mois pour l'année 2016, ainsi que 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

l'infirmer pour le surplus ;

statuant à nouveau,

prononcer la requalification de ses contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ;

en conséquence,

condamner la société Proval Environnement à lui verser :

* 1 567,85 euros à titre d'indemnité de requalification ;

* 3 474,20 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

* 347,42 euros à titre de congés payés sur préavis ;

* 984,35 euros à titre d'indemnité légale de licenciement ;

* 10 422,60 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 2 201,39 euros à titre rappel de salaire sur l'année 2015 ;

* 627,90 euros à titre de rappel de primes d'habillage et de déshabillage pour l'année 2015 ;

* 1 960,00 euros à titre de rappel de prime de douche pour l'année 2015 ;

* 3 294,47 euros à titre de rappel de salaire sur l'année 2016 ;

* 1 214,40 euros à titre de rappel de prime d'habillage et de déshabillage pour l'année 2016 ;

* 3 808,80 euros à titre de prime de douche pour l'année 2016 ;

* 876,24 euros à titre de rappel de salaire sur l'année 2017 ;

* 303,60 euros à titre de rappel de prime d'habillage et de déshabillage pour l'année 2017 ;

* 952,20 euros à titre de prime de douche pour l'année 2017 ;

* 1 892,33 euros à titre de rappel d'indemnité de fin de mission ;

* 1 892,33 euros à titre de congés payés sur rappel de salaire ;

* 1 586,31 euros à titre de rappel de salaire au titre du 13ème mois dû en 2015 ;

* 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner in solidum la société Humando à lui verser :

* 2 201,39 euros à titre rappel de salaire sur l'année 2015 ;

* 627,90 euros à titre de rappel de primes d'habillage et de déshabillage pour l'année 2015 ;

* 1 960 euros à titre de rappel de prime de douche pour l'année 2015 ;

* 3 294,47 euros à titre de rappel de salaire sur l'année 2016 ;

* 1 214,40 euros à titre de rappel de prime d'habillage et de déshabillage pour l'année 2016 ;

* 3 808,80 euros à titre de prime de douche pour l'année 2016 ;

* 876,24 euros à titre de rappel de salaire sur l'année 2017 ;

* 303,60 euros à titre de rappel de prime d'habillage et de déshabillage pour l'année 2017 ;

* 952,20 euros à titre de prime de douche pour l'année 2017 ;

* 1 892,33 euros à titre de rappel d'indemnité de fin de mission ;

* 1 892,33 euros à titre de congés payés sur rappel de salaire ;

* 1 586,31 euros à titre de rappel de salaire au titre du 13ème mois dû en 2015 ;

* 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

dire que les condamnations in solidum seront supportées à hauteur de 50 % par l'entreprise de travail temporaire Humando et par l'entreprise utilisatrice Proval Environnement. 

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 2 décembre 2020 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société Humando demande à la cour de :

confirmer le jugement, sauf en ce qu'il l'a condamnée à verser à M. [T] les sommes suivantes, outre les dépens de première instance :

* 2 097,99 euros « au titre du 13 mois 2016 conventionnelle » ;

* 1 154,21 euros au titre de la régularisation des primes habillages, douches, fin de mission sur les périodes 2015 2016 2017 portées sur le bulletin de salaire d'avril 2018 « venant en régularisation au chèque adressé par le salarié non encaissé » ;

* 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

en conséquence,

déclarer irrecevables comme notamment prescrites les réclamations de M. [T];

débouter, en tout état de cause, M. [T] de toutes demandes, fins et conclusions en ce qu'elles sont dirigées contre elle ;

condamner M. [T] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 8 décembre 2020 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société Proval Environnement demande à la cour de :

confirmer le jugement en ce qu'il a mis hors de cause les sociétés Pizzorno et Proval Environnement ;

en tout état de cause,

débouter M. [T] de l'ensemble de ses demandes ;

à titre incident,

condamner M. [T] à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 4 janvier 2023.

MOTIVATION :

Les demandes des parties tendant à « constater » ou « dire et juger » ou « prendre acte » ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile de sorte qu'elles ne donneront pas lieu à mention dans le dispositif.

Sur la mise hors de cause de la société Pizzorno et de la société Proval Environnement

La société Proval Environnement demande la confirmation du jugement.

M. [T] observe qu'il n'a formé aucune demande à l'égard d'une société Pizzorno ; que toutes ses demandes sont dirigées contre l'entreprise de travail temporaire et/ou l'entreprise utilisatrice. Il fait valoir que la demande de mise hors de cause de la société Pizzorno est sans objet dès lors que le conseiller de la mise en état a constaté la caducité partielle de la déclaration d'appel. S'agissant de la société Proval Environnement, M. [T] relève que la société n'invoque aucun argument au soutien de sa demande de mise hors de cause.

Eu égard à la caducité partielle constatée par le conseiller de la mise en état, la demande de mise hors de cause d'une société Pizzorno ' à supposer que cette entité juridique existe ' est sans objet.

M. [T] formant des demandes à l'encontre de la société Proval Environnement qui a la qualité d'entreprise utilisatrice, la demande de mise hors de cause présentée par cette société sera rejetée.

La décision des premiers juges sera donc infirmée à ce titre.

Sur la requalification des contrats de mission en contrat à durée indéterminée

* sur les irrecevabilités soulevées par la société Humando

1. La société Humando soulève l'irrecevabilité de la demande de requalification en contrat à durée indéterminée par application du principe selon lequel il est interdit de se contredire au détriment d'autrui. A cet égard, la société Humando soutient que le salarié intérimaire qui sollicite une telle requalification pour des contrats successifs dont il prétend qu'ils étaient irréguliers depuis le début se met en contradiction avec le fait qu'il n'a cessé de signer successivement les autres contrats de mission ; que le fait d'avoir signé, à chaque fois, un nouveau contrat avec l'entreprise de travail temporaire vaut renonciation par le salarié à se prévaloir des vices du précédent contrat de sorte que seul le dernier contrat serait susceptible de requalification.

Ce à quoi M. [T] réplique qu'il n'a découvert les irrégularités qu'à réception du courrier de l'inspection du travail et qu'il ne pouvait donc pas avoir renoncé à se prévaloir de vices qu'il ignorait. Il réplique également qu'il ressort de la jurisprudence de plusieurs cours d'appel que le seul fait que de nombreux contrats de mission ont été signés pendant plusieurs années au profit de la même entreprise utilisatrice ne vaut pas renonciation à la possibilité de demander ultérieurement la requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée.

L'interdiction de se contredire au détriment d'autrui est un principe procédural qui est circonscrit au débat judiciaire dans le cadre d'une même instance. Elle ne concerne pas les positions prises auparavant hors le cadre de cette instance.

En l'espèce, la seule circonstance que M. [T] a signé une succession de contrats de mission sans jamais soulever la moindre irrégularité n'entre pas dans le champ d'application de cette interdiction. Cette circonstance ne vaut pas davantage renonciation du salarié à se prévaloir des irrégularités même après avoir signé un nouveau contrat.

Par conséquent, l'irrecevabilité sera rejetée. Les premiers juges qui ont retenu la prescription n'ont pas statué sur cette irrecevabilité.

2. La société Humando soulève ensuite une fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en requalification du contrat de travail temporaire en contrat de travail à durée indéterminée. La société Humando soutient que le point de départ de la prescription prévue à l'article L. 1471-1 du code du travail n'est pas le terme du dernier contrat mais le moment à partir duquel le salarié a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit ; que le juge prud'homal doit se livrer, par conséquent, à une appréciation in concreto pour fixer le point de départ de la prescription. La société Humando fait valoir que M. [T] estime que les irrégularités remontent au mois de juin 2014 avec la signature du premier contrat et qu'en application de la prescription biennale alors applicable, celle-ci était acquise lors de la saisine du conseil de prud'hommes au mois de juillet 2018.

Ce à quoi M. [T] réplique que la prescription applicable n'est pas d'un an mais de deux ans et fait valoir que, lorsque l'action en requalification est fondée sur le motif du recours au travail temporaire, le point de départ de la prescription est le terme du dernier contrat de mission de sorte qu'il disposait du droit d'agir jusqu'au 17 avril 2019.

L'action en requalification des contrats de mission en contrat à durée indéterminée s'analyse en une action portant sur l'exécution du contrat de travail qui se prescrit par deux ans en application du premier alinéa de l'article L. 1471-1 du code du travail.

Le point de départ de la prescription dépend de la nature du vice invoqué par le salarié de sorte qu'il faut rechercher le fondement de l'action.

Or, en l'espèce, M. [T] fonde son action en requalification sur le fait qu'entre juin 2014 et avril 2017, il a été mis à la disposition de la société Proval Environnement suivant 238 contrats de mission, quasiment sans discontinuer, pour y exercer les fonctions d'équipier de collecte et fait valoir que sa mise à disposition avait pour objet de pourvoir durablement à un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.

Aussi M. [T] fonde-t-il son action en requalification sur le motif de recours énoncé au contrat. Il invoque donc un vice de fond. Dès lors, le point de départ de la prescription est le terme du dernier contrat de mission soit à compter du 17 avril 2017. La prescription biennale n'était, par conséquent, pas acquise lors de la saisine du conseil de prud'hommes en août 2018.

Partant, la fin de non-recevoir tirée de la prescription sera rejetée et la décision des premiers juges sera donc infirmée à ce titre.

* sur le bien-fondé de la demande en requalification

La société Proval Environnement fait valoir que la demande peut être formée à l'encontre de l'entreprise de travail temporaire et que rien ne justifie qu'elle soit la seule à supporter d'éventuelles condamnations. Elle fait également valoir que le recours au travail temporaire était justifié par les contraintes résultant pour elle des cahiers de charge imposés par les communes en matière de collecte des déchets : obligation d'assurer la collecte dans la totalité des rues de la commune sous peine de pénalités financières et obligation d'avoir un conducteur et deux équipiers de collecte par camion-benne.

Ce à quoi M. [T] réplique qu'il a été mis à la disposition de la société Proval Environnement quasiment sans discontinuer de juin 2014 à avril 2017 pour exercer les fonctions d'équipier de collecte et que cette mise à disposition avait pour objet de pourvoir durablement à un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise. A cet égard, il s'appuie sur le courrier de l'inspection du travail et fait valoir que la société Proval Environnement sur qui pèse la charge de la preuve n'a pas démontré qu'il avait occupé des postes différents au cours des trois années de mission; que les mêmes motifs de recours ont été invoqués en méconnaissance, par ailleurs, du délai de carence et sans indication de la qualification des salariés remplacés ni les modalités du remplacement.

Aux termes de l'article L. 1251-5 du code du travail, le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice.

Suivant l'article L. 1251-6 du code du travail dans ses différentes versions applicables entre juin 2014 et avril 2017, il ne peut être fait appel à un salarié temporaire que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire dénommée " mission " et seulement dans les cas limitativement énumérés dont le remplacement d'un salarié, dans des cas également limitativement énumérés, et l'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise.

Il appartient à l'entreprise utilisatrice et donc à la société Proval Environnement d'établir la réalité de l'accroissement temporaire d'activité qu'elle invoque ainsi que le remplacement de salariés absents ou dont le contrat de travail est suspendu.

Enfin l'article L.1251-40 du même code dispose que, lorsque l'entreprise utilisatrice a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire en méconnaissance notamment des articles L.1251-5 et L.1251-6, le salarié peut faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission.

En l'espèce, entre le mois de juin 2014 et le mois d'avril 2017, 238 contrats de mission ont été passés aux termes desquels M. [T] a été mis à disposition de la société Proval Environnement, toujours en qualité d'équipier de collecte, soit pour remplacer des salariés de cette société avec seulement la mention du nom et de l'emploi du salarié, soit au titre d'un accroissement temporaire d'activité, plus précisément « pour renfort de personnel lié à un réaménagement des itinéraires de collecte ».

La cour observe que les mises à disposition de M. [T] n'ont pas seulement été motivées par des absences inopinées de salariés - dont la preuve n'est au demeurant pas rapportée ' mais en conséquence d'un réaménagement des itinéraires de collecte récurrent. De plus, la société Proval Environnement ne produit aucun élément de nature à caractériser l'accroissement temporaire d'activité allégué.

M. [T] établit, en outre, dans ses dernières écritures, sans être utilement contredit, que les périodes intercalaires étaient courtes. Ainsi, entre juin et décembre 2015, est-il resté seulement une fois plus de quatre jours sans travailler ' en décembre 2015, un peu plus de 15 jours ; entre janvier et décembre 2016, à deux reprises ' en janvier et en novembre, soit respectivement 10 jours et plus de 19 jours ; entre janvier et mars 2017, seulement une fois ' en mars, un peu plus de cinq jours.

Enfin, dans son courrier à M. [T] daté du 5 mars 2018, l'inspection du travail évoquait une vaste opération de mise à disposition d'équipiers de collecte intérimaires dont M. [T] faisait partie ' opération contestée par la société Proval Environnement. Il n'en demeure pas moins que 238 contrats de mission sur une période de trente-deux mois avec une mise à disposition systématiquement au profit de la société Proval Environnement et toujours dans un emploi d'équipier de collecte soit pour remplacer des salariés soit en raison du réaménagement des itinéraires de collecte sont symptomatiques d'un mode habituel de gestion du personnel au sein de l'entreprise utilisatrice et constituent, en conséquence, un recours au travail temporaire pour pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de la société Proval Environnement.

Partant, M. [T] est fondé à solliciter la requalification de l'ensemble de ses contrats de mission en contrat à durée indéterminé avec la société Proval Environnement - étant observé que M. [T] a choisi de ne pas solliciter la requalification de sa relation contractuelle avec l'entreprise de travail temporaire en contrat à durée indéterminée sur le fondement d'irrégularités de forme ou du non-respect du délai de carence.

La décision des premiers juges sera donc infirmée à ce titre.

* sur l'indemnité de requalification

Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 1251-41 du code du travail, si le conseil de prud'hommes accueille la demande en requalification du salarié, il lui accorde une indemnité, à la charge de l'entreprise utilisatrice, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire. Cette disposition s'applique sans préjudice de l'application des dispositions du titre III du présent livre relatives aux règles de rupture du contrat de travail à durée indéterminée.

Il sera alloué à M. [T] la somme de 1 567,85 euros à titre d'indemnité de requalification, dans la limite du quantum demandé à la charge de la société Proval Environnement. La décision des premiers juges sera infirmée à ce titre.

* sur les rappels de prime, de salaire et d'indemnité de fin de mission

Suivant l'article L. 1251-2 du code du travail, est un entrepreneur de travail temporaire, toute personne physique ou morale dont l'activité exclusive est de mettre à la disposition temporaire d'entreprises utilisatrices des salariés qu'en fonction d'une qualification convenue elle recrute et rémunère à cet effet.

Aux termes du 6° de l'article L. 1251-43 du code du travail, le contrat de mise à disposition établi pour chaque salarié comporte :

(') le montant de la rémunération avec ses différentes composantes, y compris s'il en existe, les primes et accessoires de salaire que percevrait dans l'entreprise utilisatrice, après période d'essai, un salarié de qualification professionnelle équivalente occupant le même poste de travail.

Si l'entreprise utilisatrice n'est en principe pas celle qui rémunère le salarié temporaire mis à sa disposition par l'entreprise de travail temporaire, elle est néanmoins tenue de cette rémunération in solidum avec l'entreprise de travail temporaire lorsqu'une décision judiciaire requalifie la relation de travail et juge que le salarié et l'entreprise utilisatrice sont en réalité liés par un contrat de travail à durée indéterminée. Ce qui est le cas en l'espèce.

* sur les rappels de prime

* sur le rappel de prime de treizième mois pour les années 2016 et 2015

M. [T] rappelle qu'il a droit en qualité de salarié intérimaire à la prime de treizième mois prévue par la convention collective applicable dans l'entreprise utilisatrice dès lors qu'il remplit les conditions d'attribution. Il reproche donc aux premiers juges de ne lui avoir accordé cette prime que pour l'année 2016 alors qu'il remplissait les conditions pour en obtenir une en 2015.

La société Proval Environnement soutient qu'elle n'est pas débitrice de ces primes et que seule la société Humando peut y être condamnée.

La société Humando soutient que la responsabilité de la déclaration du salaire de référence dans le contrat de mise à disposition incombe exclusivement à l'entreprise utilisatrice, qui est la seule à détenir les éléments ; qu'elle ne peut donc pas être condamnée à payer des rappels de prime.

Ce à quoi M. [T] rétorque que l'obligation de payer un salaire conforme au salarié intérimaire incombe à l'entreprise de travail temporaire à charge pour elle de se retourner contre l'entreprise utilisatrice si celle-ci a commis une faute. M. [T] ajoute que la société Humando s'est implicitement reconnue débitrice de ces rappels de prime puisqu'en mai 2018, elle lui a versé 1 154,21 euros au titre de la régularisation des primes habillage, déshabillage et douche.

L'article 3.16 de la convention collective nationale des activités du déchet prévoit qu'une prime, dite de treizième mois, est versée aux personnels ayant au moins 6 mois consécutifs d'ancienneté dans l'entreprise et étant présents à l'effectif de l'entreprise au 31 décembre de l'année de référence.

Cette prime équivaut à 1 mois de salaire. En cas d'embauche en cours d'année, elle est versée pro rata temporis.

En cas de départ en retraite (art. 2.24 de la présente convention) ou de départ motivé par le changement de titulaire d'un marché public, cette prime est versée pro rata temporis sans condition de présence au 31 décembre.

Les autres modalités d'attribution sont définies au niveau de l'entreprise, après consultation des représentants du personnel ou, à défaut, du personnel intéressé.

Outre qu'il ressort du tableau de l'inspection du travail et des contrats de mission produits par M. [T] qu'il a été mis à disposition de la société Proval Environnement au cours de l'année 2015, sur la période du 3 janvier au 9 décembre, les missions ont été requalifiées en contrat de travail à durée indéterminée à l'égard de la société Proval Environnement de sorte que M. [T] remplissait les deux conditions posées par l'article 3.16 précité à savoir six mois consécutifs d'ancienneté dans l'entreprise en 2015 et présent à l'effectif de l'entreprise au 31 décembre 2015. Dès lors, la société Prival Environnement et la société Humando seront condamnées in solidum à payer à M. [T] la somme de 1 586,31 euros au titre de la prime de treizième mois pour l'année 2015. La décision des premiers juges sera donc infirmée à ce titre.

M. [T] remplissait également les conditions d'attribution de cette prime pour l'année 2016. Il est donc fondé à obtenir la somme de 2 097,99 euros de la société Prival Environnement et de la société Humando tenues in solidum de la lui payer. La décision des premiers juges sera confirmée dans son quantum mais infirmée en ce qu'elle n'a condamné au paiement de ladite prime que la société Humando.

* sur le rappel de primes habillage et déshabillage et de douche pour les années 2015, 2016 et 2017

M. [T] reproche aux premiers juges d'avoir partiellement accueilli sa demande de rappel de primes habillage, déshabillage et douche et de l'avoir limitée à trois mois correspondant à la régularisation faite par la société Humando en avril 2018 alors qu'il estime être fondé à les obtenir pour les années 2015, 2016 et les quatre premiers mois de 2017. Il en veut pour preuve le courrier de l'inspection du travail et les montants des primes indiqués sur le bulletin de paie rectificatif du mois d'avril 2018.

La société Humando qui sollicite l'infirmation du chef de jugement l'ayant condamnée à ce titre ne conclut pas sur le quantum de la somme réclamée par M. [T]. La société Proval Environnement ne conclut pas non plus sur ce quantum.

Il résulte de l'article L. 3121-3 du code du travail dans ses versions applicables au présent litige, que, pour que le temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage fasse l'objet de contreparties, soit sous forme de repos soit sous forme financière, il faut que ces opérations soient imposées par des dispositions légales ou des stipulations conventionnelles et qu'elles soient réalisées dans l'entreprise ou sur le lieu de travail.

En l'espèce, il n'est pas contesté que ces deux conditions sont réunies et la société Humando a implicitement mais nécessairement admis qu'elles étaient réunies puisqu'elle mentionne les primes habillage et déshabillage et de douche dans le bulletin de paie établi pour le mois d'avril 2018. Au surplus, la réunion de ces conditions résulte de la nature de l'activité exercée (collecte des déchets).

M. [T] établit donc son droit à percevoir lesdites primes.

Pour soutenir que les premiers juges ne lui ont alloué que partiellement les primes habillage et déshabillage et de douche, M. [T] se fonde sur le bulletin de salaire du mois d'avril 2018 établi par la société Humando. Celle-ci explique, dans son courrier du 28 mai 2018, que les primes ont été régularisées sur les périodes de référence 2015, 2016 et 2017.

Or, ni la société Humando ni la société Proval Environnement ne justifie que les montants figurant sur le bulletin de paie du mois d'avril 2018 remplissent M. [T] de ses droits.

A cet égard, le bulletin de paie rectificatif fait référence uniquement à trois numéros de contrats de mission respectivement pour les semaines du 1er au 6 décembre 2015, du 26 au 31 décembre 2016 et 10 au 16 avril 2017.

Dès lors, sur la base des montants fournis par M. [T] et non utilement contredits par les intimées, il sera alloué au salarié les sommes suivantes :

- pour l'année 2015 :

* 627,90 euros au titre du rappel de prime habillage et déshabillage;

* 1 960 euros au titre du rappel de prime de douche;

- pour l'année 2016 :

* 1214,40 euros au titre du rappel de prime habillage et déshabillage;

* 3 808,80 euros au titre du rappel de prime de douche;

- pour l'année 2017 :

* 303,60 euros au titre du rappel de prime habillage et déshabillage;

* 952,20 euros au titre du rappel de douche.

La société Proval Environnement et la société Humando seront condamnées in solidum à payer à M. [T] ces sommes et la décision des premiers juges sera donc infirmée à ce titre.

* sur les rappels de salaire pour les années 2015, 2016 et 2017

M. [T] demande des rappels de salaire au titre des périodes entre deux contrats de mission en faisant valoir que la durée de chaque mission et les délais de prévenance étaient très courts et qu'il s'est, de ce fait, toujours tenu à la disposition de l'entreprise utilisatrice pendant ces périodes. Il fait encore valoir qu'à l'exception de décembre 2015, janvier et novembre 2016, il n'est jamais resté plus de cinq jours sans travailler et précise que les périodes non travaillées n'ont jamais excédé 20 jours.

La société Humando réplique que M. [T] ne rapporte pas la preuve qu'il s'est tenu à la disposition permanente de l'entreprise utilisatrice. La société Proval Environnement réplique, quant à elle, que seule la société Humando peut être condamnée, le cas échéant, à un tel rappel de salaire.

En l'espèce, il ressort tant du tableau établi par l'inspection du travail que des contrats de mission produits par M. [T] que :

- en 2015, M. [T] a été mis à la disposition de la société Proval Environnement dans le cadre de 114 contrats de mission dont la plupart avaient une durée d'une journée et que le délai de carence entre deux missions était inexistant ou extrêmement court avec des contrats de mission signés le jour du début de la mission ;

- en 2016, M. [T] a été mis à la disposition de la société Proval Environnement dans le cadre de 50 contrats de mission dont la durée moyenne n'excèdait pas quelques jours et le délai de carence était encore inexistant ou très court avec des contrats de mission signés le jour du début de la mission ;

- entre janvier et mi-avril 2017, M. [T] a été mis à la disposition de la société Proval Environnement dans le cadre de quinze contrats de mission présentant les mêmes caractéristiques qu'en 2016.

M. [T] établit dans ses dernières écritures qu'il a travaillé en moyenne entre 120 et 150 heures par mois pour la société Proval Environnement.

Il sera rappelé que M. [T] a toujours été mis à disposition de la société Proval Environnement pour exercer un emploi d'équipier de collecte.

Eu égard à l'ensemble de ces éléments, la cour considère que M. [T] se tenait à la disposition de la société Proval Environnement pendant les périodes interstitielles de sorte que le salarié est fondé à réclamer un rappel de salaire à ce titre.

M. [T] a exposé dans ses dernières écritures les calculs le conduisant à solliciter la somme de 6 372,10 euros pour la période de janvier 2015 à avril 2017 sur la base d'un salaire à temps plein de 1490,91 euros en 2015 et 1 503,05 euros en 2016 et 2017. Ses calculs n'étant pas utilement contredits par les deux intimées, la société Proval Environnement et la société Humando seront condamnées in solidum à lui payer la somme de 6 372,10 euros au titre du rappel de salaire. La décision des premiers juges sera donc infirmée à ce titre.

* sur les congés payés afférents aux rappels de salaire et de prime

M. [T] précise qu'il a appliqué la règle du 10e sur les sommes qu'il a réclamées au titre des rappels de salaire et de prime.

Eu égard aux sommes allouées précédemment, la société Proval Environnement et la société Humando seront condamnées in solidum à payer à M. [T] la somme de 11 280,33 euros au titre des congés payés afférents aux rappels de salaire et de prime. La décision des premiers juges infirmée à ce titre.

* sur le rappel d'indemnité de fin de mission

M. [T] sollicite un rappel d'indemnité de fin de mission sur la base des rappels de salaire et de prime au paiement desquels les deux intimées ont été condamnées in solidum.

Il fait valoir que la condamnation in solidum de la société Humando et de la société Proval Environnement est possible dès lors qu'il est démontré qu'elles ont commis conjointement des manquements qui résultent d'une entente illicite entre elles pour contourner, par exemple, l'interdiction de recourir au travail temporaire pour pourvoir durablement un emploi lié à son activité normale et permanente.

Ce à quoi la société Humando réplique qu'elle conteste toute collusion avec la société Proval Environnement et que le courrier de l'inspection du travail ne vaut pas preuve d'une entente illicite.

L'article L. 1251-32 du code du travail dispose :

'Lorsque, à l'issue d'une mission, le salarié ne bénéficie pas immédiatement d'un contrat de travail à durée indéterminée avec l'entreprise utilisatrice, il a droit, à titre de complément de salaire, à une indemnité de fin de mission destinée à compenser la précarité de sa situation.

Cette indemnité est égale à 10 % de la rémunération totale brute due au salarié.

L'indemnité s'ajoute à la rémunération totale brute due au salarié. Elle est versée par l'entreprise de travail temporaire à l'issue de chaque mission effectivement accomplie, en même temps que le dernier salaire dû au titre de celle-ci, et figure sur le bulletin de salaire correspondant.'

Il résulte de cet article que la société Humando en sa qualité d'entreprise de travail temporaire est tenue au versement de cette indemnité et donc de tout rappel de l'indemnité. De plus, la cour ayant reconnu l'existence d'un contrat de travail à durée indéterminée entre M. [T] et la société Proval Environnement - contrat dont l'existence n'avait pas encore été reconnue au terme de la dernière mission - l'entreprise utilisatrice sera, de ce fait, tenue in solidum avec la société Humando du paiement du rappel d'indemnité de fin de mission.

Ainsi la société Humando et la société Proval Environnement seront-elles condamnées in solidum à payer à M. [T] la somme de 1 892,33 euros à titre de rappel d'indemnité de fin de mission et la décision des premiers sera-t-elle infirmée à ce titre.

Sur la rupture du contrat de travail

* sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse

Les contrats de mission ayant été requalifiés en contrat à durée indéterminée liant M. [T] à la société Proval Environnement et la relation contractuelle ayant pris fin le 16 avril 2017 à l'initiative de l'employeur hors cas prévus par la loi, la rupture du contrat de travail à durée indéterminée s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ouvrant droit à M. [T] une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, une indemnité légale de licenciement et une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

* sur les conséquences du licenciement

* sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents

Suivant l'article L. 1234-1 du code du travail, lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit :

1° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus inférieure à six mois, à un préavis dont la durée est déterminée par la loi, la convention ou l'accord collectif de travail ou, à défaut, par les usages pratiqués dans la localité et la profession ;

2° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus comprise entre six mois et moins de deux ans, à un préavis d'un mois ;

3° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus d'au moins deux ans, à un préavis de deux mois.

Toutefois, les dispositions des 2° et 3° ne sont applicables que si la loi, la convention ou l'accord collectif de travail, le contrat de travail ou les usages ne prévoient pas un préavis ou une condition d'ancienneté de services plus favorable pour le salarié.

L'article L. 1234-5 du code du travail dispose :

Lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice.

L'inexécution du préavis, notamment en cas de dispense par l'employeur, n'entraîne aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du préavis, indemnité de congés payés comprise.

L'indemnité compensatrice de préavis se cumule avec l'indemnité de licenciement et avec l'indemnité prévue à l'article L. 1235-2.

En application des articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail, l'indemnité compensatrice de préavis due à M. [T] correspond au montant des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du préavis d'une durée de deux mois puisque son ancienneté est supérieure à deux ans. Au vu de la solution du litige et des bulletins de salaire versés aux débats, il sera donc alloué à M. [T], sur la base d'un salaire mensuel brut de 1 737,10 euros une somme de 3 474,20 euros au titre de cette indemnité, outre la somme de 347,42 euros au titre des congés payés afférents. La décision des premiers juges sera infirmée à ce titre.

* sur l'indemnité légale de licenciement

En application des articles L.1234-9, R. 112134-1 et R. 1234-2 du code du travail dans leur version applicable à la date de la rupture du contrat de travail, l'indemnité légale de licenciement réclamée par M. [T] sera fixée à la somme de 984,35 euros - quantum non critiqué par la société Proval Environnement. La décision des premiers juges sera infirmée à ce titre.

* sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

La société Proval Environnement conteste le quantum demandé par comparaison avec le barème résultant de l'ordonnance du 22 septembre 2017.

M. [T] réplique que, eu égard à la version de l'article L. 1235-3 du code du travail applicable en l'espèce, il est fondé à obtenir une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Aux termes de l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, si un licenciement intervient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'y a pas réintégration du salarié dans l'entreprise, il est octroyé au salarié à la charge de l'employeur une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

M. [T] ne produit aucun élément sur sa situation actuelle mais il limite sa demande au minimum légal.

Compte tenu de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié, de son âge ' 27 ans - de son ancienneté - plus de deux ans- de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle ainsi que des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il sera alloué à M. [T], en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, une somme de 10 422,60 euros, suffisant à réparer son entier préjudice, dans la limite du quantum demandé. La décision des premiers juges sera infirmée à ce titre.

Sur les autres demandes

* La demande de M. [T] tendant à voir dire que les condamnations in solidum seront supportées par l'entreprise de travail temporaire et l'entreprise utilisatrice à hauteur de 50% chacune n'est pas une demande qui peut être formée par le salarié ' au surplus lorsqu'il est à l'origine de la demande de condamnation in solidum. Seul un coobligé est fondé à former une telle demande à l'encontre de l'autre coobligé, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. La demande de M. [T] est donc sans objet en ce qui le concerne.

* sur les intérêts

La cour rappelle que les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale sont dus à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation et ceux portant sur les condamnations de nature indemnitaire sont dus à compter de la décision qui les prononce.

* sur le remboursement à Pôle emploi

Conformément aux dispositions de l'article. L.1235-4 du code du travail, la cour ordonne à la société Proval Environnement de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à M. [T] du jour du licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de trois mois d'indemnités.

* sur les dépens et sur l'article 700 du code de procédure civile

La société Humando et la société Proval Environnement seront condamnées in solidum aux dépens en appel et la décision des premiers juges sur les dépens de première instance sera confirmée.

La société Humando et la société Proval Environnement seront également condamnées in solidum à payer à M. [T] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la décision des premiers juges sur les frais irrépétibles sera confirmée.

Les intimées seront déboutées de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire et par mise à disposition,

INFIRME le jugement sauf en ce qu'il a fixé le quantum de la prime de treizième mois pour l'année 2016 à la somme de 2 097,99 euros du chef des dépens et des frais irrépétibles ;

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

DIT que la demande de mise hors de cause d'une société Pizzorno est sans objet ;

REJETTE la demande de mise hors de cause de la société Proval Environnement ;

REJETTE la fin de non-recevoir soulevée par la société Humando et tirée de l'interdiction de se contredire au détriment d'autrui ;

REJETTE la fin de non-recevoir soulevée par la société Humando et tirée de la prescription de l'action en requalification en contrat de travail à durée indéterminée ;

REQUALIFIE l'ensemble des contrats de mission entre le 16 juin 2014 et le 16 avril 2017 en contrat à durée indéterminée liant la société Proval Environnement à M. [B] [T] ;

CONDAMNE la société Proval Environnement à payer à M. [B] [T] la somme de 1 567,85 euros à titre d'indemnité de requalification ;

CONDAMNE in solidum la société Proval Environnement et la société Humando à payer à M. [B] [T] les sommes suivantes :

* 1 586,31 euros au titre du rappel de prime de treizième mois pour l'année 2015 ;

* 2 097,99 euros au titre du rappel de prime de treizième mois pour l'année 2016 ;

* 627,90 euros au titre du rappel de prime habillage déshabillage pour l'année 2015;

* 1 960 euros au titre du rappel de prime de douche pour l'année 2015;

* 1 214,40 euros au titre du rappel de prime habillage déshabillage pour l'année 2016;

* 3 808,80 euros au titre du rappel de prime de douche pour l'année 2016;

* 303,60 euros au titre du rappel de prime habillage déshabillage pour l'année 2017;

* 952,20 euros au titre du rappel de prime de douche pour l'année 2017;

* 6 372,10 euros au titre du rappel de salaire pour les années 2015, 2016 et 2017 ;

* 1 892,33 euros au titre des congés payés afférents aux rappels de prime et de salaire ;

* 1 892,33 euros au titre du rappel d'indemnité de fin de mission;

CONDAMNE la société Proval Environnement à payer à M. [B] [T] les sommes suivantes :

* 3 474,20 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

* 347,42 euros au titre des congés payés afférents ;

* 984,35 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement ;

* 10 422,60 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

DIT que la demande de M. [T] tendant à voir dire que les condamnations in solidum seront supportées par l'entreprise de travail temporaire et l'entreprise utilisatrice à hauteur de 50% est sans objet en ce qui le concerne ;

RAPPELLE que les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale sont dus à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation et ceux portant sur les condamnations de nature indemnitaire sont dus à compter de la décision qui les prononce ;

ORDONNE à la société Proval Environnement de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à M. [T] du jour du licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de trois mois d'indemnités ;

CONDAMNE in solidum la société Proval Environnement et la société Humando à payer à M. [B] [T] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;

CONDAMNE in solidum la société Proval Environnement et la société Humando aux dépens en appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 20/03839
Date de la décision : 23/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-23;20.03839 ?
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