RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 10
ARRÊT DU 23 MARS 2023
(n° , 22 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/07052 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7UNA
Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Février 2019 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL RG n° 12/09098
APPELANT
VILLE DE [Localité 9] , Agissant poursuites et diligences en la personne de son Maire, domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 8]
[Adresse 8]
[Localité 3]
Représentée par Me Stéphane FERTIER de l'AARPI JRF AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075
Assistée à l'audience de Me Jean-Luc THEOBALD, avocat au barreau de PARIS, toque : P0363
INTIMÉS
Monsieur [X] [T] [G] [O]
né le 01 Avril 1954 à [Localité 6] (92)
[Adresse 1]
[Localité 2]
ET
Monsieur [W], [A], [H] [O],venant aux droits de Madame [D] [O]
né le 12 Décembre 1990 à [Localité 7]
[Adresse 1]
[Localité 2]
ET
Monsieur [N] [J] [T] [L] [O]
né le 12 Juillet 1952 à [Localité 4]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentés tous par Me Luca DE MARIA de la SELARL SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018
Assistés tous à l'audience de Me Cyril LAROCHE de la SELEURL CYRIL LAROCHE AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1605
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été plaidée le 19 Janvier 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Florence PAPIN, Présidente
Mme Valérie MORLET, Conseillère
M. Laurent NAJEM, Conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Laurent NAJEM, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Ekaterina RAZMAKHNINA
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Florence PAPIN, Présidente et par Ekaterina RAZMAKHNINA, greffier, présent lors de la mise à disposition.
***
Par convention du 9 décembre 1957, d'une durée de 25 ans, la ville de [Localité 9] a consenti à Mme [I] un traité d'affermage des droits de place sur les marchés communaux, ayant pour objet de confier à celle-ci :
la perception des droits de place dus par les commerçants des marchés de la commune, au titre de leur occupation du domaine public ;
la fourniture et la location du matériel nécessaire aux commerçants pour exercer leur activité commerciale sur les marchés ;
la prise en charge, par Mme Veuve [I], de diverses dépenses engagées par la commune, qui était propriétaire du sol et de la halle du marché.
Au décès de Mme Veuve [I], ses héritiers ont poursuivi l'exploitation conformément aux stipulations de l'article 27 de la convention, dans une indivision successorale exerçant le commerce sous l'enseigne « Les Fils de Mme [I] », après diverses cessions de droits au sein de l'indivision, celle-ci est actuellement composée de MM. [X] [O], [N] [O] et [W] [O].
Par avenant du 20 septembre 1966, il a été convenu, d'une part, que les fermiers prendraient à leur charge le financement de travaux nouveaux sur l'un des marchés de la commune (dénommé marché du Parc ou de la Faisanderie), ainsi que l'entretien et le balayage de ce marché, propriété de la commune ; d'autre part, que la durée du contrat serait prolongée jusqu'au 31 décembre 1988. En contrepartie de la perception des droits de place (dont le montant était fixé par la commune dans l'avenant), les fermiers verseraient à la commune une redevance annuelle de 90.000,00 francs. Une clause de révision des tarifs journaliers des droits perçus par le concessionnaire a été stipulée (article 7).
Par avenant du 2 avril 1976 le marché a été transféré au rez-de-chaussée d'un bâtiment nouvellement construit, ainsi que sur les terre-pleins et les trottoirs adjacents. Il a été prévu :
le paiement, par les fermiers, d'une redevance annuelle de 175.900,00 francs à compter de la mise en service du nouveau marché, pendant les trente premières années d'exploitation et, à compter de la 31ème année, d'une redevance annuelle de 307.825,00 francs (article 6), cette redevance étant révisée selon des modalités de calcul détaillées à l'article 8 ;
le paiement, par les fermiers, d'une redevance spéciale et forfaitaire non révisable de 346.500,00 francs, payable pendant vingt ans, calculée sur la base du montant des annuités d'un capital de 2.900.000,00 francs, représentant le montant estimatif des travaux de construction du nouveau marché (article 7) ;
pour l'économie du contrat, une clause de révision portant sur la redevance annuelle stipulée à l'article 6 et sur le tarif journalier des droits de place versés par les commerçants aux fermiers (article 8 modifiant l'article 5 de l'avenant de 1966), en fonction de l'évolution d'un coefficient K;
la suspension du contrat pour toutes causes affectant gravement la tenue du marché, avec prorogation de la durée de cette suspension et des dispositions particulières relatives aux amortissements initialement convenus (article 11) ;
une durée contractuelle de trente ans commençant à courir à compter de la mise en service du nouveau marché, renouvelable par tacite reconduction par période de dix ans, sauf dénonciation par l'une ou l'autre des parties, envoyée un an avant son expiration normale (article 9 alinéas 1 et 2) et, en cas de résiliation du fait de la ville à l'expiration de la 30ème année de 1'exploitation, le paiement aux concessionnaires d'une indemnité égale au quart des annuités versées par eux, majorée à compter de la 16ème année d'exploitation d'un intérêt de 6 % selon la méthode à intérêts composés (article 9 alinéa 3).
Par avenant du 2 mars 1977, le montant de la redevance annuelle spéciale et forfaitaire a été fixé à 466.500 francs (71.117,46 euros), payables à compter du 1er mars 1977, et ce pendant une durée de vingt ans.
Après son achèvement, le nouveau marché de la Faisanderie a été endommagé par un incendie; un avenant du 3 juin 1981 a alors prévu une nouvelle contribution financière des fermiers d'un montant de 350.000 francs (53.357,15 euros) en vue de faciliter la reconstruction du marché ; il a été stipulé que la durée du contrat de 30 ans tacitement reconductible 10 ans, prévue par l'avenant du 2 avril 1976 courrait à compter du 1er septembre 1981.
Les dernières clauses contractuelles relatives au montant des droits de place et de stationnement ont été convenues entre les parties par avenant du 4 juin 1992, qui a revalorisé le montant de la redevance annuelle (article 4) et qui a mis à la charge des fermiers (article 1er) diverses contributions financières, de 155.000 francs pour le financement d'un nouveau local sanitaire, 110.000 francs pour l'aménagement d'un local de compactage de résidus et de 200.000 francs pour la fourniture de 1'engin destiné à cette opération ; l'expiration de la durée minimum de 30 ans a été fixée au 15 octobre 2011 (article 4).
Après la survenue, le 21 mars 1995, d'un deuxième incendie détruisant la halle sous laquelle se tenait ce marché, les fermiers ont accepté de payer, dans le cadre de sa reconstruction par la commune, un solde de travaux non remboursé par l'assureur de celle-ci, dont ils ont demandé le remboursement à la commune.
Après l'entrée en vigueur de loi n° 93422 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, dite « loi Sapin », dont l'article 38 prohibe la reconduction des contrats sans mise en concurrence préalable, d'effet non rétroactif et applicable en 1'espèce au 1er août 2012, la commune a informé les fermiers, par lettre recommandée avec avis de réception du 9 septembre 2011, de sa décision de ne pas renouveler le contrat pour une durée de 10 années supplémentaires à l'expiration du contrat initial de 30 ans, ce contrat prenant fin le 30 juin 2012 ; elle a précisé que cette date prenait en compte un délai de 37 semaines, consécutif à la destruction par incendie du bâtiment du marché de la Faisanderie en 1995 et à sa reconstruction et au cours duquel l'exécution du contrat d'affermage avait été suspendue.
Un important contentieux est apparu entre les parties, les fermiers reprochant à la commune divers manquements contractuels.
A la demande des consorts [O], le juge des référés du tribunal de grande instance de Créteil, par ordonnance du 28 juin 2011, a désigné M. [M] en qualité d'expert avec pour mission de chiffrer leurs préjudices subis du fait de 1'inapplication de la clause de révision des tarifs des droits de place et du refus, par la commune, de rembourser les dépenses engagées à la suite de l'incendie de la halle du marché en 1995.
L'expert judiciaire a déposé son rapport le 10 décembre 2011.
Par exploit d'huissier du 1er octobre 2012, les consorts [O] ont assigné la commune devant le tribunal de grande instance de Créteil, en vue d'obtenir le paiement de diverses indemnités en réparation des préjudices dont ils s'estimaient victimes.
La commune de [Localité 9] ayant soulevé l'incompétence du juge judiciaire au profit du juge administratif, ainsi que deux questions préjudicielles en appréciation de la légalité des clauses contractuelles invoquées par les demandeurs, le juge de la mise en état, par ordonnance du 8 septembre 2014, a :
rejeté l'exception d'incompétence en considération d'un arrêt du Tribunal des con'its du 19 mai 2014 (req. n°3938), rappelant la compétence du juge judiciaire en matière d'exécution des contrats d'affermage sur les droits de place (par application de l'article 136 du décret du 17 mai 1809) ;
fait droit aux deux demandes de questions préjudicielles et renvoyé les parties devant le tribunal administratif compétent pour apprécier la légalité de la clause de révision du tarif des droits de place (article 5 de l'avenant du 4 juin 1992), de la clause de renouvellement tacite (article 9 alinéa 2 de l'avenant du 2 avril 1976) et de la clause indemnitaire pour non renouvellement (article 9 alinéa 3 du même acte), et sursis à statuer dans l'attente de la décision du tribunal administratif de Melun.
Le 2 juin 2015, la commune de [Localité 9] a saisi le tribunal administratif de Melun d'une requête en appréciation de validité des clauses susvisées.
Par jugement du 2 mars 2016, le tribunal administratif de Melun a :
jugé illégales la clause de révision des tarifs des droits de place et celle de renouvellement tacite du contrat, et ;
à l'inverse, s'est prononcé en faveur de la légalité de la clause indemnitaire.
Sur pourvoi formé par la commune, le Conseil d'Etat, dans un arrêt du 17 octobre 2016, a :
confirmé le jugement, à l'exception de ses dispositions relatives à la clause indemnitaire qu'il a jugée également illégale, aux motifs (considérant 9) :
« ... que les clauses de tacite reconduction contenues dans des contrats de la commande publique étant illégales, aucun préjudice, et donc aucun droit à indemnisation, ne peut naitre, pour le cocontractant de l'administration, de l'absence de reconduction tacite d'un contrat à l'issue de la durée initiale convenue par les parties ; qu'ainsi, l'illégalité de la clause de tacite reconduction contenue dans un contrat de commande publique a pour conséquence l'illégalité de la clause prévoyant l'indemnisation du co-contractant de la personne publique à raison de la non-reconduction tacite du contrat ; que l'illégalité d'une telle clause indemnitaire dépourvue de fondement légal doit être relevée d'office par le juge ''.
Par jugement du 12 février 2019, le tribunal de grande instance de Créteil a :
dit les consorts [O] recevables et bien fondés en leur action ;
condamné la Ville de [Localité 9] à payer aux consorts [O], à titre de dommages et intérêts :
355.587,33 euros TTC, majorés des intérêts au taux conventionnel de 6 % à compter du ler octobre 2012, pour le préjudice issu de l'absence de renouvellement du contrat d'affermage ;
324.777,06 euros TTC, majorés des intérêts au taux légal à compter du 1er octobre 2012, pour le préjudice global résultant de l'incendie du 21 mars 1995 ;
199.855,40 euros TTC majorés des intérêts an taux légal à compter du 1er octobre 2012, pour le préjudice résultant du refus d'application de la clause de révision des tarifs des droits de place ;
ordonné la capitalisation des intérêts, conformément aux dispositions de l'article 1154 ancien du code civil ;
condamné la Ville de [Localité 9] à payer aux consorts [O] la somme de 20.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamné la Ville de [Localité 9] aux entiers dépens, avec autorisation donnée à Maître Laroche, avocat, de recouvrer directement ceux dont il saurait fait 1'avance sans avoir reçu provision, par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
dit n'y avoir lieu d'assortir le présent jugement de1'exécution provisoire ;
débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
La ville de [Localité 9] a interjeté appel de cette décision le 01 avril 2020.
Par ses conclusions (n°5), notifiées par voie électronique (RPVA) le 28 novembre 2022, la ville de [Localité 9], appelante, demande à la cour d'appel de :
Vu la convention conclue le 9 décembre 1957 entre la Commune de [Localité 9] et les consorts [O], ensemble les avenants à cette convention, dont l'avenant du 2 avril 1976 et l'avenant du 4 juin 1992 ;
Vu le jugement du Tribunal administratif de Melun en date du 2 mars 2016 ;
Vu l'arrêt du Conseil d'Etat en date 17 octobre 2016 ;
réformer le jugement du tribunal de grande instance de Créteil en ce qu'il a :
dit recevables et bien fondés les consorts [O] recevables et bien fondés en leur action,
condamné la ville de [Localité 9] à payer aux consorts [O] à titre de dommages et intérêts :
355.387,33 euros TTC, majorés des intérêts au taux conventionnel de 6% à compter du 1er octobre 2012, pour le préjudice issu de l'absence de renouvellement du contrat d'affermage,
324.777,06 euros TTC, majorés des intérêts au taux légal à compter du 1er octobre 2012, pour le préjudice global résultant de l'incendie du 21 mars 1995,
199.855,40 euros TTC majorés des intérêts au taux légal à compter du 1er octobre 2012, pour le préjudice résultant du refus d'application de la clause de révision des tarifs des droits de place,
ordonné la capitalisation des intérêts échus, conformément à l'article 1154 du Code civil ancien,
condamné la ville de [Localité 9] à payer aux consorts [O] la somme de 20.000 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC,
condamné la ville de [Localité 9] aux entiers dépens
Et, statuant de nouveau ;
A titre principal :
Sur la demande relative à l'application de la clause de l'article 9 de l'avenant du 2 avril 1976 :
écarter les stipulations de l'article 9 de l'avenant du 2 avril 1976 ;
en conséquence, débouter les consorts [O] de leurs demandes et de leur appel incident tendant à la condamnation de la commune au paiement d'une indemnité de 1.208.842 euros ;
Sur les demandes liées aux conséquences de l'incendie de 1995 :
dire les consorts [O] mal fondés dans toutes leurs demandes ;
En conséquence,
les débouter de leurs demandes ;
Sur la demande relative à l'application de la clause de révision des tarifs de l'article 5 de l'avenant du 4 juin 1992 :
écarter les stipulations de l'article 5 de l'avenant du 4 juin 1992 ;
En conséquence,
les débouter de leurs demandes ;
A titre subsidiaire, et à supposer que la cour fasse application des stipulations susvisées :
dire les consorts [O] mal fondés dans leurs demandes relatives à l'application de ces clauses ;
dire, en ce qui concerne l'article 9 de l'avenant du 2 avril 1976 que le non-renouvellement du contrat n'est pas imputable à la Commune n'étant pas « du fait de la ville » ;
dire, en ce qui concerne la révision des prix, que les consorts [O] ne sauraient prétendre au versement d'une indemnité, et en toute, hypothèse, au versement de la somme de 173.758,09 euros ;
En conséquence,
débouter les consorts [O] de toutes leurs demandes ;
En tout état de cause :
débouter les consorts [O] de leurs demandes, fins et conclusions,
mettre à la charge des consorts [O], une somme de 20.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
laisser à la charge des consorts [O] les dépens de l'instance qui seront recouvrés par Maître Fertier, SELARL JRF & ASSOCIES, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La Ville de [Localité 9] soutient que ses conclusions d'appel ont demandé l'infirmation du jugement et indiqué ses prétentions de sorte que ses demandes ne sont pas irrecevables.
Elle rappelle que le juge judiciaire ne saurait statuer sur la légalité de la clause déclarée illégale par la juridiction administrative ni remettre en cause les motifs de la décision du juge administratif.
Elle se prévaut d'un arrêt de la Cour de cassation en date du 14 novembre 2018 dont le premier juge aurait dû faire application.
Elle considère qu'il y a lieu de constater l'illégalité de la clause de l'article 9 en tant qu'elle prévoit l'indemnisation des consorts [O] à raison du non-renouvellement du contrat. Elle souligne que le Conseil d'Etat a reconnu à cette illégalité un caractère d'ordre public et qui découle de ce qu'il est fait interdiction aux personnes publiques de consentir des libéralités et de verser des sommes qui ne sont pas légalement dues ' en l'espèce les consorts [O] n'ayant aucun droit au renouvellement et ne subissent aucun préjudice du fait du non-renouvellement.
S'agissant de l'appel incident des consorts [O] concernant la qualification de la clause, elle considère que le débat sur la validité de la clause de l'article 9 de l'avenant du 2 avril 1976 a été définitivement tranché par l'arrêt du Conseil d'Etat en date du 17 octobre 2016 et que dès lors, les intimés ne peuvent soutenir que la clause aurait pour objet d'indemniser des investissements non amortis. Elle en déduit qu'il n'appartient pas à la présente cour d'analyser le caractère disproportionné de l'indemnité ou d'examiner les règles générales applicables au contrat administratif.
S'agissant de la méconnaissance alléguée de l'article 1er du premier protocole additionnel de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, elle soutient que si la clause de l'article 9 est écartée, il n'y a pas lieu d'examiner les droits des parties en considération de cette stipulation ; que les consorts [O] ne citent aucune jurisprudence administrative en ce sens ; qu'elle ne fait qu'appliquer les règles résultant de la jurisprudence du Conseil d'Etat, lesquelles s'interposent entre ladite décision et les dispositions de la CEDH.
Elle souligne que la clause étant entachée d'une nullité en raison de son caractère illicite, aucune « espérance légitime » de percevoir une indemnité ne peut s'y rattacher et elle considère que des considérations d'intérêt général justifient la nullité de ce type de clauses.
Subsidiairement, elle fait valoir que le tribunal a omis de s'expliquer sur les raisons pour lesquelles, en droit, le non-renouvellement devrait être regardé comme étant « du fait de la commune », comme le stipule la clause litigieuse ; qu'en l'espèce, ce non-renouvellement n'est pas de son fait mais découle d'un changement de circonstance de droit ; qu'en effet, les règles générales de la commande publique imposent une mise en concurrence régulière de ce type de contrat.
S'agissant de la demande de remboursement des sommes exposées par les consorts [O] au titre de la réalisation de travaux consécutifs à l'incendie de 1995, elle soutient que c'est à tort que le tribunal a considéré que la convention ne présentait pas le caractère d'une délégation de service public, pourtant retenue par le tribunal administratif de Melun ; que ce n'était pas contesté par les intimés lorsqu'elle leur a réclamé les rapports de délégation de service public ; que le titulaire d'une convention de service public doit supporter les risques et aléas de l'exploitation ; que le délégant n'est pas l'assureur du délégataire ; que la prise en charge d'une partie du coût des travaux résulte d'une décision des consorts [O] ; qu'il s'agissait de la contrepartie de la mise à disposition de l'ouvrage réalisé par la Commune.
S'agissant de la perte de chiffre d'affaires subie pendant la période de fermeture à compter de l'incendie, elle relève que la durée du contrat a été prorogée pour une durée équivalente ; qu'en outre seul le bénéfice manqué est indemnisable.
Elle considère qu'il appartenait au tribunal d'écarter la clause de variation des tarifs, conformément à une décision de la Cour de cassation qui a retenu que l'irrégularité entachant la clause de révision tenait au caractère illicite de ces stipulations et elle fait valoir que la clause étant déclarée nulle il ne saurait y avoir aucune « espérance légitime » au sens des dispositions de l'article 1er du protocole précité.
Elle fait valoir qu'il ne lui appartient pas de prendre en charge les déficits de l'exploitant ; que la rupture de l'équilibre économique n'est pas démontrée ; que les consorts [O] n'avaient pas un droit à automatique à la révision des tarifs.
Par leurs conclusions récapitulatives (n°4), notifiées par voie électronique (RPVA) le 28 novembre 2022, les consorts [O], intimés, demandent à la cour d'appel de :
Vu l'article 1er du premier Protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
Vu les articles 562 et 954 du code de procédure civile,
Vu l'article 1134 du code civil désormais codifié à l'article 1103,
Vu les pièces versées aux débats et notamment l'avenant du 2 avril 1976,
A titre préliminaire :
déclarer la commune de [Localité 9] irrecevable en ses demandes faute d'avoir expressément saisi la Cour des chefs de jugement critiqués dans le dispositif de ses écritures ;
Sur le fond :
infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Créteil du 12 février 2019 en tant qu'il a condamné la commune de [Localité 9] à payer aux consorts [O], à titre de dommages et intérêts :
355.587,33 euros T.T.C., majorés des intérêts au taux conventionnel de 6 % à compter du 1eroctobre 2012, pour le préjudice issu de l'absence de renouvellement du contrat d'affermage ;
Statuant à nouveau,
Condamner la commune de [Localité 9] à payer aux concessionnaires une indemnité au principal de 1.208.842 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 13 septembre 2011 eux-mêmes capitalisés depuis un an puis année par année par application des dispositions de l'article 1154 du code civil (à ce jour codifiées à l'article 1343-2 du code civil) ;
Débouter la commune de [Localité 9] de l'ensemble de ses demandes et, subsidiairement, si la Cour devait juger inapplicable la clause de révision des tarifs des droits de place pour trancher le litige et écarter les stipulations de l'article 1er du premier Protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
condamner la commune de [Localité 9] au paiement d'une indemnité de 173.758,09 euros au titre du préjudice subi du fait de la rupture de l'équilibre économique du contrat consécutif à son refus de réviser les tarifs des droits de place, majorée des intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 1997, eux-mêmes capitalisés depuis un an puis année par année, par application des dispositions de l'article 1154 du code civil (à ce jour codifiées à l'article 1343-2 du code civil) ;
En tout état de cause,
Condamner la commune de [Localité 9] au paiement d'une somme de 46.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamner la commune de [Localité 9] au paiement d'une indemnité de 8.800 euros au titre des honoraires et frais de l'expert [M] acquittés par les concessionnaires ;
Condamner la commune de [Localité 9] au paiement des entiers dépens dont ceux de première instance, dont distraction au profit de Me Cyril Laroche, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Ils font valoir que la commune de [Localité 9] n'a pas saisi expressément la cour des chefs du jugement critiqué, de sorte qu'elle est irrecevable en ses demandes.
S'agissant de la réparation des préjudices consécutifs à l'incendie de 1995, ils allèguent que l'activité d'exploitation des marchés comestibles communaux n'est pas une activité de service public ; que le fermier dispose en l'espèce du droit exclusif de percevoir pour son compte les droits et place dus par les commerçants au titre de l'occupation du service public ; qu'aucune des clauses du contrat ne prévoit que l'activité des concessionnaires aurait dû être contrôlée par la concédante ; que le fait que les rapports annuels d'exploitation aient été transmis ne saurait suffire à qualifier l'affermage des droits de place d'activité de service public.
Ils font valoir que la commune ne saurait s'exonérer de son obligation de rembourser les concessionnaires des dépenses qu'elle a décidées d'engager pour la reconstruction du marché.
Ils considèrent que la commune a modifié unilatéralement le contrat en obligeant les concessionnaires à prendre en charge les dépenses engagées pour la reconstruction du marché et qu'elle devait dès lors réparer intégralement le préjudice qui en résulte. Ils contestent que la théorie de l'imprévision obligerait le concessionnaire à prendre en charge le coût des travaux puisse s'appliquer et ils font valoir que le seul fait qu'ils aient payé les travaux ne les prive du droit d'en solliciter le remboursement.
S'agissant de la perte de chiffres d'affaires du fait de la fermeture du marché pendant 37 semaines, ils contestent la compensation avec la prolongation de la durée du contrat, se fondant sur l'examen du compte de résultat. Ils rappellent qu'ils ont supporté les charges d'exploitation et les redevances contractuelles au cours de l'année 1995 et en concluent que c'est bien la perte de chiffre d'affaires qui doit être indemnisée et non uniquement celle liée au bénéfice.
Sur la demande d'indemnisation à la suite du non-renouvellement du contrat, ils font valoir que le caractère disproportionné ' retenu à tort par le tribunal - d'une indemnité contractuelle prévue pour le remboursement de la valeur résiduelle des investissements non amortis économiquement effectués par un concessionnaire du fait de la non-reconduction du contrat s'apprécie par rapport au montant total des dépenses exposées et du gain dont le concessionnaire a été privé et non au regard du montant de la valeur résiduelle réelle des investissements non amortis économiquement à l'issue de l'interruption des relations contractuelles. Ils contestent par ailleurs ce caractère disproportionné par rapport aux dépenses effectuées et indiquent ne pas avoir amorti économiquement leurs investissements au terme de la période initiale de 30 ans.
Subsidiairement, dans l'hypothèse où la clause indemnitaire serait écartée, ils se prévalent de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, invoquant l'espérance légitime d'obtenir une somme d'argent ' le remboursement des dépenses exposées dans la construction du bâtiment - au regard des stipulations.
Ils contestent la fixation de la valeur résiduelle des investissements et réclament la somme de 1 210 758 euros.
Ils font valoir que le tribunal a jugé que la clause indemnitaire n'était pas entachée d'une illégalité suffisamment grave pour que son application soit écartée pour trancher le litige ; que le litige doit être jugé sur un terrain contractuel alors même qu'une clause aurait été jugée illégale par le juge administratif dès lors que cette illégalité serait relative aux conditions de sa conclusion et ne serait pas d'une gravité telle qu'elle justifierait d'écarter son application. Ils font état d'un vice de légalité externe qui ne peut justifier que la clause indemnitaire ne soit pas appliquée pour trancher le litige sur un terrain contractuel et soulignent que cette stipulation constituait une condition de l'équilibre économique du contrat du fait des dépenses prises en charge par les concessionnaires pour le compte de la commune. Ils estiment que le contrat peut prévoir une durée plus brève que celle nécessaire pour permettre aux concessionnaires d'amortir économiquement ses dépenses, mais que dans cette hypothèse il convient de prévoir une clause d'indemnisation, dès lors applicable.
Ils précisent que la demande tenant à la responsabilité extracontractuelle, sur le fondement du premier protocole précité, est présentée à titre subsidiaire, si la clause indemnitaire était écartée et considèrent que ces dispositions peuvent être invoquées à l'encontre d'une décision administrative. Ils estiment bien fondée leur demande au titre d'une espérance légitime de recevoir une somme d'argent pendant une période déterminée.
Sur le blocage des tarifs des droits en place, ils soutiennent que la clause de révision constitue un mécanisme objectif pour apprécier le montant des tarifs qui doit être fixé pour l'équilibre financier du contrat, au fur et à mesure de l'augmentation des charges d'exploitation des concessionnaires pendant la durée du contrat ; que cette clause était habituelle ; qu'en l'espèce, la commune n'a que très partiellement appliqué cette clause de révision des tarifs et a rompu l'équilibre économique ; que la déclaration d'illégalité par le juge administratif n'implique pas nécessairement que le juge judiciaire écarte ladite clause pour appliquer le contrat ; que la Cour de cassation consacre un principe de loyauté des relations contractuelles ; qu'il résulte de la jurisprudence judiciaire que l'illégalité de la clause de révision des tarifs, retenue par le Conseil d'Etat, n'est pas d'une gravité suffisante pour écarter l'application du contrat et donc de cette clause pour chiffrer le préjudice.
Subsidiairement, si la cour écartait cette clause de révision, ils invoquent les dispositions de l'article 1er du premier protocole précitées, en ce que l'équilibre contractuel se trouve rompu par la décision de la commune de bloquer les tarifs en 1995. A titre encore plus subsidiaire, ils considèrent que la commune a manqué à ses obligations contractuelles en refusant de signer un avenant, pourtant prévu par l'article 5 de l'avenant de 1992. Ils soulignent que cet équilibre est rompu même si les recettes ont pu augmenter légèrement et ponctuellement.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 30 novembre 2022.
L'affaire a été plaidée à l'audience du 19 janvier 2023 et mise en délibéré au 23 mars 2023.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la recevabilité des demandes de la Commune de [Localité 9]
Aux termes de l'article 562 du code de procédure civile :
« L'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.
La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible. »
L'article 954 du même code dispose que :
« Les conclusions d'appel contiennent, en en-tête, les indications prévues à l'article 961. Elles doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé.
Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l'énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte.
La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
Les parties doivent reprendre, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées.
La partie qui conclut à l'infirmation du jugement doit expressément énoncer les moyens qu'elle invoque sans pouvoir procéder par voie de référence à ses conclusions de première instance.
La partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs. »
Les consorts [O] font valoir que l'appelante serait irrecevable en ses demandes en ce qu'elle n'a pas saisi la cour des chefs du jugement critiqués dans le dispositif de ses écritures.
Les premières conclusions de la Ville de [Localité 9], notifiées par voie électronique sollicitent de la cour la réformation du jugement déféré, avant d'énoncer chacune de ses prétentions au regard du jugement critiqué. L'appelante satisfait ainsi aux prescriptions des dispositions des articles 562 et 954 du code civil.
Ses demandes seront déclarées recevables.
Sur le cadre conventionnel
La convention relative au fonctionnement des marchés publics signée le 9 décembre 1957 entre la Ville de [Localité 9] et Mme Veuve [I] a été modifiée par plusieurs avenants, conclus les 20 septembre 1966, 2 avril 1976, 2 mars 1977, 3 juin 1981, 4 juin 1992, tous versés aux débats et prévoit notamment : la fixation du tarif des droits de place et de stationnement perçus par les fermiers (article 21) dans les deux marchés de la ville, une durée de 25 ans à effet du 1er janvier 1958 au 31 décembre 1982 (article 2), la modification des tarifs de ces droits à chaque hausse du coût de la vie de plus de 20% sur les bases existantes au moment de la dernière révision intervenue (article 35), le paiement d'une redevance fixée à 800.000,00 francs (article 38), révisable proportionnellement à la révision éventuelle des droits de place et de stationnement (article 36), ainsi que le paiement à la commune de 2.200.000,00 francs par an représentant le montant forfaitaire de ces droits, diminué des frais de leur perception (article 40).
L'avenant du 2 avril 1976, conclu en vue de la réalisation de travaux sur le marché de la Faisanderie situé dans cette commune, énonçait en son article 9 :
« Le Traité de Concession aura une durée de trente ans commençant à courir du jour de la mise en service du nouveau marché.
Il se renouvellera ensuite par tacite reconduction par période de DIX ANS, sauf dénonciation par l'une ou l'autre des parties envoyée un avant son expiration normale.
Si la résiliation intervenait du fait de la ville, à l'expiration de la 30ème année de l'exploitation, il serait dû aux Concessionnaires une indemnité égale au quart des annuités versées, majorée à compter de la l6ème année d'exploitation d'un intérêt calculé au taux de 6% selon la méthode des intérêts composés. »
Ce même avenant prévoyait en son article 6 une modification du montant de la redevance annuelle versée par les concessionnaires, s'élevant à 175.900 francs pendant les 30 premières années d'exploitation et à 307.825 francs à compter de la 31ème année d'exploitation.
Il été stipulé que la redevance serait révisée dans les conditions prévues par l'article 8 dudit avenant. L'article 7 prévoyait :
« Indépendamment des redevances ci-dessus fixées, les concessionnaires s'engagent à rembourser à la Ville, et pendant VINGT ans, une redevance spéciale et forfaitaire non révisable de TROIS CENT QUARANTE SIX MILLE CINQ CENTS FRANCS (346.500 Frs) payable aux mêmes échéances que la redevance prévue à l'article 6 ci-dessus.
Cette somme a été calculée sur la base du montant des annuités d'un capital de DEUX MILLIONS NEUF CENT MILLE FRANCS (2.900.000 Frs), représentant le montant estimatif des travaux de construction du nouveau marché.
La Ville, Maître d''uvre du nouveau marché couvert tel qu'il est défini à l'article 1er supportera intégralement toutes variations en plus ou en moins entre le montant définitif des travaux et le montant estimatif. »
L'avenant du 2 mars 1977, en son article 2 modifiant l'article 7 de l'avenant de 1976, a revu à la hausse le montant de la redevance spéciale et forfaitaire non révisable annuelle en la fixant à 466.500 Frs (71 117,46 euros), calculée sur la base du montant des annuités d'un capital de 3.880.000 Frs « représentant le montant estimatif des travaux de construction du nouveau marché ».
Sur la nature de la convention
Les premiers juges ont considéré que le contrat d'affermage des droits de place ne comportait aucune délégation du service public.
Ce point est contesté par la Ville de [Localité 9].
L'appelante rappelle à juste titre que dans le litige similaire qui les opposaient à une autre commune, [Localité 5], et afférent à l'exploitation de marchés publics d'approvisionnement, pour une durée de trente ans, les consorts [O] avaient soulevé une question prioritaire de constitutionnalité relative aux articles 38 et 40 de la loi n°93-122 du 29 janvier 1993' l'article 38 définit la délégation de service public et l'article 40 en détermine la durée. La Cour de cassation a retenu que les dispositions contestées étaient applicables au litige (première chambre civile, 11 mars 2021 ' 20-40.065), même si elle n'a pas retenu le caractère sérieux des questions.
L'article 38 de la loi du 29 janvier 1993, alors en vigueur, définit la délégation de service public comme « un contrat par lequel une personne morale de droit public confie la gestion d'un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé, dont la rémunération est substantiellement liée aux résultats de l'exploitation du service. Le délégataire peut être chargé de construire des ouvrages ou d'acquérir des biens nécessaires au service. »
Il résulte notamment de la convention initiale du 9 décembre 1957 que la Ville de [Localité 9] a confié à Mme [I] la perception des droits de place dus par les commerçants des marchés de la commune, au titre de leur occupation du domaine public : ces droits constituent une recette fiscale.
En outre, la Ville de [Localité 9] a mis en demeure le 24 juin 2013 « les fils de Mme [I] » d'adresser un rapport annuel en qualité de délégataire de service public. Il a été déféré à cette demande, par courrier du 27 novembre 2013, M. [X] [O] adressant ledit rapport « incluant les éléments du décret n°2005-236 du 14 mars 2005 lorsque ceux-ci s'appliquent au service que vous nous avez délégué. »
Il s'en évince suffisamment que, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, les contrats d'affermage des droits de place perçus dans les halles et marchés communaux constituent une variété de contrat de délégation de service public.
Sur la demande d'indemnisation à la suite du non-renouvellement du contrat
Les premiers juges ont retenu que si les clauses de tacite reconduction ne pouvaient plus être mises en 'uvre par suite de la réforme législative (l'article 38 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993), le contrat résultant de l'application d'une clause de tacite reconduction avait le caractère d'un nouveau contrat dont la passation doit être précédée de la procédure de publicité et de mise en concurrence imposée par des dispositions. Ils ont néanmoins considéré que cette inapplication n'excluait pas le droit à indemnisation du concessionnaire lorsque, du fait de cette absence de reconduction, l'équilibre du contrat est affecté.
Aux termes de l'article 38 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques :
« Une délégation de service public est un contrat par lequel une personne morale de droit public confie la gestion d'un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé, dont la rémunération est substantiellement liée aux résultats de l'exploitation du service. Le délégataire peut être chargé de construire des ouvrages ou d'acquérir des biens nécessaires au service.
Les délégations de service public des personnes morales de droit public sont soumises par l'autorité délégante à une procédure de publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes, dans des conditions prévues par un décret en Conseil d'Etat.
Les interdictions de soumissionner prévues à l'article 8 de l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics s'appliquent aux délégations de service public.
La collectivité publique dresse la liste des candidats admis à présenter une offre après examen de leurs garanties professionnelles et financières et de leur aptitude à assurer la continuité du service public et l'égalité des usagers devant le service public.
La collectivité adresse à chacun des candidats un document définissant les caractéristiques quantitatives et qualitatives des prestations ainsi que, s'il y a lieu, les conditions de tarification du service rendu à l'usager.
Les offres ainsi présentées sont librement négociées par l'autorité responsable de la personne publique délégante qui, au terme de ces négociations, choisit le délégataire. »
L'article 9 de l'avenant du 2 avril 1976, qui fixe à trente ans la durée initiale du contrat, énonce, en son deuxième alinéa, le principe de sa tacite reconduction par période de dix ans et stipule, en son troisième alinéa, que la commune a la possibilité de préférer ne pas renouveler le contrat moyennant paiement aux concessionnaires d'une indemnité.
Le Conseil d'Etat dans son arrêt du 17 octobre 2016 (7ème - 2ème chambres réunies, 398131) s'agissant précisément de cette clause a retenu :
« 9. Considérant que les clauses de tacite reconduction contenues dans des contrats de la commande publique étant illégales, aucun préjudice, et donc aucun droit à indemnité, ne peut naître, pour le cocontractant de l'administration, de l'absence de reconduction tacite d'un contrat à l'issue de la durée initiale convenue par les parties ; qu'ainsi, l'illégalité de la clause de tacite reconduction contenue dans un contrat de la commande publique a pour conséquence l'illégalité de la clause prévoyant l'indemnisation du cocontractant de la personne publique à raison de la non reconduction tacite du contrat ; que l'illégalité d'une telle clause indemnitaire dépourvue de fondement légal doit être relevée d'office par le juge ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la clause indemnitaire prévue à l'alinéa 3 de l'article 9 de l'avenant du 2 avril 1976, prévoyant l'indemnisation du concessionnaire en cas de refus de la part de la commune de [Localité 9] de laisser le contrat être tacitement reconduit et se poursuivre au-delà de sa durée légale, et donc à raison de son refus d'appliquer une clause de tacite reconduction, est entachée d'illégalité ; »
Il en résulte que la clause dont l'application est sollicitée par les consorts [O] et qui prévoit l'indemnisation des concessionnaires, en cas de refus de la part de la commune de mettre en 'uvre la clause de reconduction tacite, est entachée d'illégalité.
Selon la jurisprudence du Conseil d'Etat (CE, 23 mai 2011, département de la Guyane, n° 314715), l'illégalité de la clause de reconduction tacite contenue dans un contrat de délégation de service public conclu antérieurement à l'entrée en vigueur de l'article 38 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993, relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, a pour conséquence l'illégalité de la clause prévoyant l'indemnisation du cocontractant de la personne publique du fait de la non-reconduction tacite du contrat, aucun préjudice et, par conséquent, aucun droit à indemnité ne pouvant naître, pour ce cocontractant, de l'absence de reconduction à l'issue de la durée initiale convenue par les parties.
En outre, l'article 9, en son 3ème alinéa édicte une condition préalable à l'indemnisation : « Si la résiliation intervenait du fait de la ville », or il est constant que cette absence de reconduction n'intervient nullement « du fait de la ville » mais à raison de dispositions législatives nouvelles.
Contrairement à ce que soutiennent les consorts [O], il ne ressort d'aucune stipulation du contrat en litige que cette indemnité de non-renouvellement au terme de la durée initiale du contrat aurait pour objectif d'indemniser des investissements non encore amortis.
Les consorts [O] se fondent, subsidiairement, sur les dispositions de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui disposent :
« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international
Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes. »
Ils considèrent que l'espérance légitime d'obtenir une somme d'argent doit être regardée comme un bien au sens de ces dispositions, compte tenu de l'importance des dépenses exposées et de la faiblesse de leurs recettes uniquement constituées des droits de places perçus auprès des commerçants.
Cependant, les consorts [O] ne sauraient se prévaloir d'une espérance légitime qu'ils tiendraient d'une clause dont le caractère illégal a été reconnu : cette illégalité exclut nécessairement le caractère légitime de l'espérance invoquée.
Par ailleurs, les articles 38 et 40 de la loi du 29 janvier 1993, codifiés aux articles L. 1411-1 et suivants du code général des collectivités territoriales, ont instauré une procédure de publicité des délégations de service public permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes et limité la durée des délégations. Ces dispositions visent à garantir, par une remise en concurrence périodique, la liberté d'accès des opérateurs économiques aux contrats de délégation de service public et la transparence des procédures de passation. Il s'en déduit que, même si les contrats sont en principe régis par les dispositions applicables à la date de leur conclusion, celles issues de cette loi répondent à un motif d'intérêt général lié à un impératif d'ordre public et que l'interprétation jurisprudentielle conduisant à les appliquer aux contrats en cours ne porte pas une atteinte disproportionnée à leur économie.
Enfin, comme relevé précédemment, le non-renouvellement du contrat n'est pas intervenu « du fait de la commune » au sens du contrat, de sorte que les consorts [O] ne peuvent se prévaloir d'une espérance légitime dans une hypothèse qui n'est pas celle prévue contractuellement.
Les consorts [O] ne sont donc pas fondés à solliciter une indemnisation au titre de l'absence de renouvellement.
La décision déférée sera par conséquent infirmée.
Statuant à nouveau, les consorts [O] seront déboutés de leurs demandes à ce titre.
Sur la clause de révision des tarifs des droits de place
Cette clause résulte de l'article 5 de l'avenant du 4 juin 1992 aux fins d'actualiser l'ancienne formule de variation des montants de droits de place.
Dans son arrêt du 17 octobre 2016, sur cette question, le Conseil d'Etat a retenu :
« 2. Considérant qu'il résulte tant des dispositions du décret du 17 mai 1809 relatif aux octrois municipaux et de bienfaisance, applicable aux droits de places perçus dans les halles et marchés, que de celles de l'article L. 2331-3 du code général des collectivités territoriales, que le produit des droits de place perçus dans les halles, foires et marchés présente le caractère d'une recette fiscale de la commune ; qu'il résulte par ailleurs du second alinéa de l'article L. 2224-18 et du premier alinéa de l'article L. 2121-9 du code général des collectivités territoriales que seul le conseil municipal est compétent pour arrêter des modalités de révision de droits de nature fiscale tels que les droits de place perçus dans les halles, foires et marchés ou que la taxe d'enlèvement des ordures ménagères et la taxe de balayage, également énumérées à l'article L. 2331-3 du code général des collectivités territoriales et régies par les articles 1379, 1520 à 1523 et 1528 du code général des impôts ; que ces modalités de révision ne peuvent résulter des stipulations impératives d'un contrat passé par la commune ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 5 de l'avenant du 4 juin 1992 : " Dans le but d'actualiser l'ancienne formule de variation, en référencer les nouvelles bases et en harmoniser les paramètres en fonction des conditions réelles d'exploitation, les dispositions de l'article 8 de l'avenant du 2 avril 1976 sont annulées et remplacées par les suivantes : / Le tarif journalier des perceptions prévu à l'article 3 du présent avenant et les redevances déterminées à l'article 3 ci-dessus, dans la même proportion et à la même date, seront révisés au moins une fois chaque année, et subiront la même évolution que la formule de variation ci-dessous sans toutefois en cas de baisse, revenir à des tarif et redevance inférieurs à ceux préfixés, sauf accord contraire entre les parties sur ce point particulier. En cas de refus par la ville d'appliquer la clause ci-dessous, les parties s'engagent à se rencontrer pour élaborer de concert l'avenant de réactualisation du tarif et de la redevance prévus à la convention initiale et ses avenants successifs. / ( ....) " ; que les perceptions visées à l'article 3 de l'avenant du 4 juin 1992 sont les droits de place, les droits de matériel, les droits de déchargement et les droits de resserre ;
4. Considérant que par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, le tribunal administratif de Melun a estimé que les stipulations de l'article 5 de l'avenant du 4 juin 1992 fixaient de manière impérative les modalités de révision des droits de place, de matériel, de déchargement des véhicules et de resserre prévus par l'article 3 de ce même avenant ; qu'il résulte de ce qui a été dit au point 2 que le tribunal a pu légalement en déduire que ces stipulations étaient illégales en tant qu'elles s'appliquent à des droits dont la définition relève de la seule compétence du conseil municipal, sans que la commune puisse s'engager par contrat en cette matière ; que, par suite, le pourvoi incident (') doit être rejeté ; »
Les premiers juges ont estimé, comme pour le non-renouvellement, que la constatation par le juge administratif de l'illégalité de cette clause ne faisait pas obstacle à son application par le juge judiciaire, par application du principe de loyauté des relations contractuelles et ce, conformément à la jurisprudence administrative et judiciaire, rappelant que le contrat constituait la loi des parties et qu'il appartenait au juge judiciaire de rechercher si l'irrégularité est d'une gravité telle qu'il y a lieu d'écarter l'application des stipulations du contrat.
***
Lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l'exécution du contrat administratif qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat. Toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel.
L'irrégularité entachant la clause de révision des droits de place tient au caractère illicite du contenu de ces stipulations, lié au pouvoir du seul Conseil municipal pour l'édicter, de sorte qu'il convient d'en écarter l'application, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges.
Les consorts [O] se fondent à titre subsidiaire sur les dispositions de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Comme relevé précédemment, les intimés ne peuvent revendiquer une espérance légitime au titre d'une clause illicite.
De sorte que les dispositions du premier protocole ne sont pas susceptibles de rendre légitime leurs demandes au titre de cette clause.
A titre infiniment subsidiaire, les consorts [O] sollicitent que leur demande de réparation soit accueillie du fait de la rupture de l'équilibre économique du contrat consécutif à la décision unilatéralement prise par la Ville de ne pas réviser les tarifs des droits de place, dès lors qu'il avait été convenu que le tarif serait révisé à chaque fois que les charges augmenteraient. Ils considèrent que la Ville a manqué à ses obligations en refusant de conclure un avenant et soulignent que les tarifs ont été gelés en 2001 alors que les charges ont augmenté de 26 % entre 2001 et 2012.
Ils réclament la somme de 173 758, 09 euros à ce titre et versent à l'appui de cette demande un tableau (leur pièce 18) détaillant selon eux la variation annuelle en fonction des produits et des charges d'exploitation.
En premier lieu, et comme le relève la Ville de [Localité 9], les consorts [O] n'avaient aucun droit acquis d'obtenir une révision automatique des tarifs dans l'exacte proportion de l'augmentation des charges, de sorte qu'il ne s'agit que d'une perte de chance.
Surtout, le tableau fourni est insuffisant pour faire la preuve du préjudice allégué. Les charges peuvent en effet dépendre des choix de gestion des intéressés.
La variation annuelle est calculée en fonction de la différence des charges d'exploitation entre l'année 2001, année de référence puisque les tarifs ont été gelés à compter de cette date et l'année considérée. Ce mode de calcul ne tient aucunement compte du fait que certaines années, les produits ont également augmenté.
Il en résulte que la rupture de l'équilibre économique n'est pas démontrée.
Il convient d'infirmer la décision déférée concernant les demandes des consorts [O] au titre de la révision des tarifs.
Statuant de nouveau, les consorts [O] seront déboutés de leurs demandes à ce titre.
Sur le préjudice résultant de l'incendie du 21 mars 1995
6.1 Sur le remboursement des travaux
En s'appuyant sur le rapport d'expertise judiciaire du 10 décembre 2011, les premiers juges ont alloué la somme de 324 777, 06 euros TTC à ce titre (dépenses exposées pour 248 842, 15 euros et 75 934, 91 euros au titre de la perte de chiffres d'affaires pendant 37 semaines).
Ils ont retenu qu'il n'existait aucune stipulation contractuelle faisant obligation aux concessionnaires de prendre à leur charge les frais de reconstruction du marché, en cas d'incendie. Ils ont estimé que la règle de l'imprévision ayant pour objet d'assurer la continuité du service public n'était pas applicable, le contrat d'affermage des droits de place ne comportant aucune délégation de service public.
Ils en ont déduit que les dépenses à ce titre incombaient à la Ville puisque le bien à reconstruire était sa propriété.
La Ville de [Localité 9] sollicite le débouté des demandes à ce titre. Elle conteste le fait que la convention ne présenterait pas le caractère d'une délégation de service public.
Il a retenu ci-avant que la convention comportait bien une délégation de service public, contrairement à ce que soutenaient les consorts [O].
Les difficultés exceptionnelles et imprévisibles rencontrées dans l'exécution d'une délégation de service public ne peuvent ouvrir droit à une indemnité au profit du délégataire que dans la mesure où celui-ci justifie soit que ces difficultés ont eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat, soit qu'elles sont imputables à un fait de l'administration.
Comme le relève l'appelante, la preuve que la prise en charge du coût des travaux conduit à un bouleversement de l'économie du contrat n'est pas rapportée.
En outre, même dans l'hypothèse d'une imprévision, l'indemnité ne couvre pas l'intégralité des charges supportées par le délégataire mais uniquement la part imprévisible de ces charges.
Dans un courrier en date du 20 juin 1996, le Maire a indiqué :
« La reconstruction du marché a été entreprise en prenant en compte des demandes d'améliorations pour assurer le travail de chacun dans de meilleures conditions. Elles concernent l'hygiène, la sécurité, la circulation, les locaux et le parking. Le montant de ces travaux s'élève à 2.867.861,16 F.
Le montant de la TVA pour l'ensemble est de 1.874.804,17 F.
Le total de ces opérations s'élève à 5.483.924,04 F.
Après examen de ces éléments, je vous demande de me faire savoir quelles sont vos remarques et votre niveau de participation ainsi que vos propositions (')».
Le montant des travaux (HT) était donc de 437 202, 60 euros et les consorts [O] les ont pris en charge pour un montant de 165 027, 76 euros, soit environ 30 % du total. Ce coût est la contrepartie de la mise à disposition de l'ouvrage réalisé par la Ville.
Ils ne sont pas fondés à solliciter un remboursement à ce titre. C'est donc à tort que les premiers juges ont exclu la délégation de service public en l'espèce et condamné l'appelante à rembourser les frais pris en charge par les consorts [O].
La décision sera infirmée.
Statuant de nouveau, la cour déboute les consorts [O] de leurs demandes sur ce fondement.
6-2 Sur la perte de chiffres d'affaires pendant 37 semaines du fait de la suspension du contrat
La halle a été fermée provisoirement pendant 37 semaines à la suite de l'incendie.
Pour s'opposer à cette demande, la Ville fait valoir que la durée du contrat a été prorogée pour une durée équivalente, sans évoquer à ce second titre l'argument tenant à la délégation du service public.
L'expert a relevé que « les redevances (forfaitaires et annuités) dues à la ville pour la période de 37 semaines suivant l'incendie du 21 mars 1995 ont bien été versées par les consorts [O] quand bien même ceux-ci étaient privés dans le même temps des recettes afférentes. Un réajustement de la redevance est tout de même imputé à la recette annuelle manquante par suite d'une correcte application de la clause contractuelle d'actualisation tarifaire.
Toutefois pour être rigoureusement exact, à la fois dans le manque à gagner des consorts [O] mais également vis-à-vis de la redevance manquante, il est réintégré dans la recette de l'année 1995 celle qui aurait normalement pu être attendue si le sinistre n'était pas survenu. »
L'expert (point 5-1) retient le calcul suivant :
« Pour déterminer le préjudice subi par la fermeture de la halle aux marchés il convient de s'appuyer sur une « quittance abonné » de référence. Celle-ci relève de la moyenne des quittances observées précédemment à l'incendie (en février 1995) et postérieurement à la réouverture de la halle aux marchés (mi-décembre 1995).
Non contestée par les parties, la quittance de référence est fixée à 58 625,38 FRANCS
La quittance de référence déterminée, il convient désormais de l'appliquer à une période de 37 semaines correspondant à la durée de fermeture de la halle et d'imputer au résultat la recette observée dans les faits sur la même période. Pour ce dernier élément, la recette observée sur la période de fermeture de la halle, non contestée par les parties, est de 586 429,20 FRANCS.
Soit, (37 * 58 625,38) - 586 429,20 = 1 084 569,53 - 586 429,20 = 498 100,33 FRANCS
Le préjudice subi suite à la fermeture de la halle aux marchés correspond donc à la somme de 498 100,33 Francs SOIT 75 934,91 EUROS. »
Les modalités de calcul correspondant à * sont détaillées dans l'annexe B avec un tableau et sous la forme suivante :
Quittance de référence = 58 625,38 F (valeur moyenne de mars et décembre 95)
soit pour 37 semaines =1 084 569,53 F (A)
recettes observées sur la période = 586 469,20 F (B)
pertes abonnes = 498 100,33 F (soit A-B)
75 934,91 €
Etant relevé que chaque mois comprend plusieurs quittances.
C'est à bon droit que les premiers juges ont relevé que les fermiers n'ont cessé de verser les redevances, que ce soit pendant la période de prolongation ou pendant la suspension de 37 semaines ' et, ce pour cette période, sans aucune contrepartie -.
Par conséquent, la méthode retenue par l'expert est pertinente et la décision déférée sera confirmée en ce qu'elle a retenu la somme de 75 934,91 euros au titre de ce préjudice (la décision déférée ayant condamné à payer la somme globale de 324 777,06 euros au titre des conséquences de l'incendie (75 934,91+248 842,15 euros au titre des dépenses exposées du fait de l'incendie, que la cour ne retient pas).
La cour confirme la décision en ce qui concerne le point de départ des intérêts et la capitalisation des intérêts sur cette seule somme.
Sur les demandes accessoires
Le sens de la présente décision conduit à infirmer les condamnations au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens, les demandes des consorts [O] n'étant accueillies que très partiellement, l'essentiel de la décision qui leur était favorable est infirmée.
Les consorts [O] d'une part, la Ville de [Localité 9], d'autre part se partageront la charge des dépens, chacun pour moitié.
L'équité commande de laisser à la charge de chacune des parties ses frais irrépétibles de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
Déclare la Ville de [Localité 9] recevable en ses demandes ;
Confirme la décision déférée en ce qu'elle a condamné la Ville de [Localité 9] à payer à MM [X], [N] et [W] [O] la somme de 75 934, 91 euros au titre de la perte de chiffre d'affaires pendant 37 semaines, avec intérêts au taux légal à compter du 1er octobre 2012 et capitalisation desdits intérêts ;
L'infirme pour le surplus ;
Statuant de nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Déboute MM. [X], [W] et [N] [O] de leur demande d'indemnisation au titre de l'absence de renouvellement du contrat d'affermage ;
Déboute MM. [X], [W] et [N] [O] de leur demande au titre de la clause de révision des tarifs des droits de place ;
Déboute MM. [X], [W] et [N] [O] de leur demande au titre des dépenses exposées à la suite de l'incendie ;
Condamne MM. [X], [W] et [N] [O], d'une part, et la Ville de [Localité 9], d'autre part, aux dépens, partagés par moitié ;
Déboute les parties du surplus de leur demande ;
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE