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22/03/2023 | FRANCE | N°21/05390

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 22 mars 2023, 21/05390


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 22 MARS 2023



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/05390 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD3NC



Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Novembre 2016 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 15/10338



APPELANT



Monsieur [G] [J]

[Adresse 1]

[Localité 3]

né le 18 Mars 1983 à [Localité 5] (T

onga)

Représenté par Me Samuel CHEVRET, avocat au barreau de PARIS, toque : A0729



INTIMEE



S.A. RCF RUGBY prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qua...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 22 MARS 2023

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/05390 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD3NC

Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Novembre 2016 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 15/10338

APPELANT

Monsieur [G] [J]

[Adresse 1]

[Localité 3]

né le 18 Mars 1983 à [Localité 5] (Tonga)

Représenté par Me Samuel CHEVRET, avocat au barreau de PARIS, toque : A0729

INTIMEE

S.A. RCF RUGBY prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 24 Janvier 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre

Mme Anne-Gaël BLANC, Conseillère

Mme Florence MARQUES, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur [O] [N] dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Justine FOURNIER, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTION DES PARTIES

M. [G] [J], né le 28 novembre 1983, a été embauché selon contrat à durée déterminée du 10 juin 2015 à compter du 1er juillet 2015 par la société RCF Rugby en qualité de joueur de rugby à compter du 1er juillet 2015. Le contrat était stipulé renouvelable par tacite reconduction pour une saison supplémentaire, sauf dénonciation par l'une ou l'autre des parties.

La relation de travail était régie par la convention collective du rugby professionnel et par les règlements généraux de la ligue nationale du rugby et de la Fédération française du Rugby.

Le contrat comportait la clause suivante : 'Les parties étant dans l'incapacité matérielle de réaliser l'examen médical avant le 1er juillet 2015, l'entrée en vigueur du présent contrat est conditionnée au passage d'un examen médical démontrant, conformément au règlement médical de LNR, l'absence de contre-indication à la pratique du rugby professionnel. Cet examen devra être réalisé au plus tard, dès l'arrivée du joueur au sein du club'.

Le 16 juillet 2015, le club demandait au salarié, arrivé le 13 juillet précédent, de quitter les lieux, son état de santé n'étant pas compatible avec le rugby professionnel.

Dans le cadre d'une sommation interpellative diligentée à la demande de M. [G] [J], celui-ci s'est présenté le 23 juillet 2015 au club pour le sommer de lui faire reprendre son entraînement et l'huissier instrumentaire s'est entendu répondre qu'en raison de l'inaptitude du salarié, la ligue nationale de rugby n'avait pas approuvé l'intégration de ce joueur dans le club. M. [G] [J] s'est également entendu demander à cette occasion de quitter avant la fin de la semaine le logement qui lui avait été attribué par le club.

Soutenant que le contrat de travail avait pris effet dans le cadre d'un commencement d'exécution et que la rupture des relations contractuelles s'inscrivait dans le cadre d'une rupture abusive d'un contrat de travail, le joueur a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 24 août 2015 afin d'obtenir la condamnation de son employeur à lui payer des rappels de salaire et des dommages-intérêts pour rupture abusive.

Par jugement du 3 novembre 2016, le conseil a rejeté les prétentions du demandeur et l'a condamné aux dépens.

Celui-ci a interjeté appel le 9 mai 2017.

M. [G] [J] a demandé à la cour d'écarter des débats les pièces 1, 16, 17 et 18 communiquées par la société RCF Rugby et de condamner celle-ci à lui verser les sommes suivantes :

- 13 263,33 euros brut de rappel de salaire outre 1 591,60 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 740 235,84 euros de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail et subsidiairement 475 086,27 euros ;

- avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil ;

- 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- et à lui transmettre des bulletins de paie et documents de fin de contrat conformes à la décision à intervenir à peine d'une astreinte de 50 euros par jour de retard passé le délai de 15 jours à compter de la décision.

L'intimée priait la cour de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté les demandes de l'appelant et de condamner celui-ci à lui verser la somme de 6 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Par arrêt du 30 janvier 2020, la cour d'appel de Paris a écarté des débats les pièces 1, 16, 17 et 18 du bordereau de communication de pièces de la société et a confirmé le jugement dans toutes ses dispositions, ajoutant qu'il n'y avait pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur pourvoi en cassation de M. [G] [J] interjeté le 16 mars 2020, la haute cour, par arrêt du 19 mai 2021, a cassé et annulé l'arrêt déféré, sauf en ce qu'il écartait des débats les pièces précitées, motifs pris de ce que :

- pour débouter le joueur de sa demande, l'arrêt relève que le défaut d'homologation du contrat de travail ne résulte pas d'une abstention fautive de l'employeur, dès lors qu'a défaut de certificat médical attestant de l'absence de contre-indication à la pratique du rugby, le dossier n'était pas complet et que l'homologation n'aurait donc pas été prononcée et que la condition suspensive était irréalisable du fait du refus du médecin du club d'établir le certificat médical.

- et que la cour d'appel avait ainsi violé l'article L 1243-1 du code du travail puisqu'elle avait constaté 'd'une part, que l'employeur s'était abstenu de soumettre à homologation le contrat à durée déterminée et d'autre part, que ce contrat avait reçu exécution'.

Après avoir saisi la cour de renvoi, à savoir la cour d'appel de Paris autrement composée, par conclusions remises au greffe par le réseau virtuel privé des avocats le 6 janvier 2023, M. [G] [J] demande l'infirmation du jugement et la condamnation de la société RCF Rugby à lui payer les sommes suivantes :

- 13 263,33 euros de rappel de salaire et celle de 1 591,60 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 740 235,84 euros de dommages-intérêts pour rupture abusive et subsidiairement celle de 475 086,27 euros ;

- avec intérêts au taux légal sur ces sommes à compter du jour de la saisine du conseil des prud'hommes ;

- 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- avec mise des dépens à la charge de la partie adverse.

Il est également demandé la condamnation de l'employeur à lui remettre les bulletins de paie et documents de fin de contrat conformes à la décision à intervenir sous astreinte de 15 euros par jour de retard passé 15 jours à compter de la décision.

La société RCF Rugby n'a pas conclu à la suite de la saisine de la cour de renvoi par son adversaire.

Dans ses dernières conclusions soumises à la cour qui a rendu l'arrêt cassé, l'employeur sollicitait la confirmation du jugement déféré et de condamner le salarié à lui payer la somme de 6 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Si le contrat n'était pas déclaré caduc à défaut de réalisation des conditions stipulées, il était demandé de juger que la condamnation du Racing 92 ne pouvait excéder la somme de 397 200 euros.

Pour plus ample exposé sur le litige, la cour se réfère aux conclusions des parties en application de l'article 455 du Code de procédure civile.

MOTIFS

1 : La caducité du contrat

Le club soutient que le contrat était soumis en application de la convention collective applicable et des règlements de la Ligue nationale du rugby, à deux conditions suspensives à savoir la délivrance par le médecin du club d'un certificat médical établissant l'absence de contre-indication à la pratique du rugby dans les compétitions professionnelles, et l'homologation du contrat au vu notamment dudit certificat par la LNR. Le club relève que le praticien à l'arrivée du salarié au sein du club le 13 juillet 2015 n'a pas pu délivrer un tel document puisque la pratique professionnelle du rugby lui était contre indiquée et que le dossier en vue de l'homologation n'avait pas lieu d'être envoyé, faute d'un tel certificat. Il souligne que le contrat stipule que les parties étant dans l'impossibilité d'organiser un examen médical avant le 1er juillet 2015, l'entrée en vigueur du contrat est reportée à l'organisation dudit examen au plus tard dès l'arrivée du joueur au sein du club et que M. [G] [J] n'a pas exercé de recours devant la commission médicale de la LNR, aux fins de désignation d'un médecin expert pour réalisation d'une contre-expertise, préférant intégrer un club amateur.

Le joueur répond que l'employeur ne peut se prévaloir du refus d'homologation, puisqu'il a manqué à son obligation de la demander en transmettant le dossier à la LNR. M. [G] [J] estime que ce refus de transmission l'a privé des voies de recours qui lui étaient ouvertes. De surcroît le contrat devait entrer en vigueur le 1er juillet 2015, alors qu'aucune impossibilité matérielle ne l'autorisait à repousser cette prise d'effet, d'autant plus que les examens médicaux, que le médecin du club a repris en juillet 2015 ont en réalité eu lieu avant soit le 10 juin 2015. En tout état de cause, il observe que l'examen médical aurait dû avoir lieu à l'arrivée du salarié dans le club, soit avant le 13 juillet 2015. Enfin la preuve d'une contre-indication à la pratique du rugby n'est selon lui pas rapportée, de sorte qu'il a été privé, faute d'un tel certificat, de la possibilité d'exercer un recours et obtenir une contre expertise.

Sur ce

L'article 74, titre VI, chapitre 2 des règlements de la LNR précise quant à lui : 'L'homologation des contrats des joueurs des clubs professionnels est subordonnée à l'envoi à la LNR d'un certificat médical établissant l'absence de contre-indication à la pratique du rugby dans les compétitions professionnelles. Ce certificat médical est effectué sous la responsabilité du médecin habilité du club (...) Ce certificat est établi après :

- examen clinique standard

- la réponse au questionnaire médical (antécédents habitudes) type établi par la LNR

- la vérification des vaccinations,

- des examens complémentaires tels que définis par le référentiel médical'.

Selon 5.3.4b2 de la convention collective, les examens destinés à établir l'absence de contre indication à la pratique du rugby dans les compétitions professionnelles sont effectués dans les conditions prévues à l'art 2.2 (...) S'ils démontrent une contre indication médicale, le joueur aura la possibilité de saisir la commission médicale de la LNR aux fins de désignation d'un médecin expert, pour la réalisation d'un contre expertise.

Selon l'article 2 et 2.1 de l'annexe 3 des règlements généraux relatifs à la procédure d'homologation, tout contrat et/ou avenant doit, dans un délai de 8 jours ou de 15 jours selon que l'on se situe pendant ou en dehors de la période officielle des mutations être adressé par le club via un logiciel dénommé edropt à l Ligne Nationale de Rugby.

L'article 7 du contrat stipule que « tout contrat, avenant accord entre un club et un joueur non homologué est dépourvu d'existence et d'effets, sous réserve des cas de refus d'homologation pour raisons financières, pour lesquels il sera fait application des dispositions de la convention collective du rugby professionnel».

Ainsi, l'entrée en vigueur du contrat de travail était subordonnée à deux conditions suspensives cumulatives à savoir l'établissement d'un certificat médical établissement l'absence de contre-indication à la pratique du rugby dans les compétitions professionnelles et, si la première condition est elle-même remplie, l'homologation du contrat par la LFR.

En revanche l'attestation précise et détaillée du Docteur [F], médecin du club, rapporte que M. [G] [J] a été informé dès le 13 juillet 2015 qu'au vu de l'analyse effectuée le 10 juin 2015 des examens et notamment de l'IRM réalisés le 11 juin 2015 sur prescription du Docteur [L], de ce qu'il présentait un risque très important de contre-indication à la pratique de rugby et qu'il n'était pas autorisé à pratiquer ce sport. Cette contre indication a été confirmée par un expert de la LFR intervenant pour confirmation, en la personne du Docteur [V], le 15 juillet 2015, et l'intéressé en a été avisé le lendemain par le Docteur [F] et différents responsables du club.

M. [J] n'allègue d'ailleurs pas avoir retrouvé du travail dans des clubs pratiquant la compétition professionnelle.

Point n'était besoin pour l'employeur de produire un certificat médical certifiant l'existence d'une contre indication, la condition suspensive étant à l'opposé la délivrance d'un certificat attestant le contraire.

Il suffit qu'il soit prouvé qu'un tel certificat n'a pas été établi et que l'intéressé en ait été informé sur-le-champ, ce qui est le cas.

Au demeurant, le salarié n'a pas saisi le LFR d'un recours pour obtenir de la commission médicale de la LNR la désignation d'un médecin expert.

Aucun texte n'impose comme le prétend M. [G] [J] l'établissement d'un certificat médical portant mention expresse d'une contre-indication, ni l'envoi du dossier à la LNR, pour qu'il puisse intenter son recours auprès de la dite commission. En tout état de cause l'intéressé pouvait demander son dossier médical qu'il avait au demeurant reçu comme en atteste le médecin du club le Docteur [V], et sur lequel il pouvait s'appuyer pour faire valoir sa contestation.

Plutôt que d'exercer un recours, il a préféré solliciter un deuxième examen de son dossier par un médecin expert de la LNR, le Docteur [L], qui a conclu dans le même sens que le médecin du club.

Le contrat de travail du 10 juin 2015 stipulait : 'les parties étant dans l'incapacité matérielle de réaliser l'examen médical avant le 1 juillet 2015, l'entrée en vigueur du présent contrat est conditionnée euros au passage d'un examen médical démontrant, conformément au règlement médical de la LNR, l'absence de contre-indication à la pratique du rugby professionnel. Cet examen devra être réalisé au plus tard, dès l'arrivée du joueur au sein du club'.

Le joueur a passé différents examens médicaux les 11 et 12 juin 2015 dont les résultats ont été étudiés le 10 juillet 2015 par le médecin du club, qui, après avoir reçu l'intéressé le 13 juillet 2015, ne délivrait pas de certificat faisant état d'une absence de contre-indication à la pratique du rugby professionnel.

Dès lors que la première condition posée par le contrat de travail à savoir la délivrance dudit certificat médical n'était pas remplie, l'homologation du contrat de travail n'a pas été sollicitée par l'employeur, qui, le 16 juillet 2015, a prié le joueur de quitter le club. Par lettre du 31 juillet 2015, l'employeur a notifié au joueur que le contrat de travail n'était jamais entré en vigueur. Au demeurant l'homologation aurait été irréalisable, faute de certificat.

Dés lors que le contrat conclu entre les parties stipulait qu'elles étaient dans l'incapacité matérielle de réaliser l'examen médical avant la date du 1er juillet 2015 et qu'avant cette date, seules des analyses avaient eu lieu, le salarié ne saurait se dédire en soutenant qu'il appartenait au club de réaliser l'examen médical avant le 1er juillet 2015.

2 : Le commencement d'exécution du contrat

Le salarié soutient que le contrat a reçu un début d'exécution puisque : il a reçu le 13 juillet 2015 le dossier de bienvenue à son nom comportant le règlement intérieur du club, il s'est tenu à la disposition de l'employeur à compter du 1er juillet 2015, il a participé à l'entraînement comme ses coéquipiers à compter du 13 juillet 2015, en portant l'équipement du club, il était présent au sein du club house, dans les vestiaires et dans la salle de musculation et s'était vu attribuer un casier ainsi qu'un badge réservé aux collaborateurs et occupants permanents du centre d'entraînement lui permettant de valider ses heures de présence, l'employeur a commencé à utiliser son image à la suite d'une séance de photos avec les équipements du club, il a pris ses repas au club comme cela était imposé par le règlement intérieur, il a été convoqué par le médecin du club les 13 et 16 juillet 2015, il a bénéficié d'avantages en nature telles que voiture de fonctions et logement.

La société RCF Rugby répond que le salarié n'a jamais participé à un entraînement, ni n'a pris de repas au sein du club, qu'il a été conservé un court délai au sein du club à sa demande à la suite de l'annonce de la contre indication à l'activité de joueur professionnel, que le salarié invoque des éléments insusceptibles de caractériser un commencement d'exécution, que s'agissant d'un véhicule de fonction, l'employeur n'a été qu'un intermédiaire entre le salarié et Toyota qui a mis la voiture à sa disposition.

Sur ce

L'article 2.2.1. du chapitre 1, titre II de la convention collective nationale du rugby professionnel prévoit que, préalablement à la date d'entrée en vigueur prévue au contrat, le club doit établir sous la responsabilité du médecin du club, un certificat médical établissant l'absence de contre-indication à la pratique du rugby dans les compétitions professionnelles et joindre ce certificat aux fins d'homologation.

Le contrat de travail évoque une seule des deux conditions en stipulant : 'l'entrée en vigueur du présent contrat est conditionnée au passage d'un examen médical démontrant, conformément au règlement médical de LNR, l'absence de contre indication à la pratique du rugby professionnel. Cet examen doit être réalisé dès l'arrivée du joueur au sein du club'.

Ce certificat médical devait être dressé, s'il pouvait l'être, à l'issue d'un examen médical intervenant à l'arrivée du joueur au sein du club.

Cependant, l'absence de réalisation d'une condition suspensive comprise dans un contrat ne peut être opposée par l'une ou l'autre des parties, en cas de commencement d'exécution.

Aux termes de l'article 1er du contrat, intitulé 'objet du contrat' il est stipulé : 'Le club engage M. [G] [J] en qualité de joueur e rugby. Le joueur s'engage vis-à-vis du club à participer à toutes activités sportives, matchs, entraînement stages et à toutes autres manifestations liées à celles-ci. Le club et le joueur s'engagent à respecter toutes les dispositions de la convention collective du rugby professionnel des Règlements généraux de la LNR et ceux de la FFR, le règlement intérieur du club et le règlement relatif au dopage, dont ils déclarent avoir pris connaissance et accepter toutes les dispositions'.

Ainsi, le commencement d'exécution du contrat se caractérise en premier lieu en ce qui concerne les obligations du salarié, dans la pratique du rugby et notamment en début de saison, dans l'entraînement sous la direction de l'employeur. En échange le club a pour obligations essentielles la fourniture de travail et le paiement du salaire.

Le salarié produit des videos montrant l'intéressé pris en photographie par lui-même, un passage très fugace où on le voit circuler dans la salle de musculation en s'essuyant avec son maillot. Il peut s'agir d'une mise en scène en vue de se constituer un dossier, comme le souligne à juste titre l'employeur, puisqu'un de ses collègues était déjà en litige avec le club, ou de la manifestation de ce que l'intéressé, qui au demeurant n'apparaît pas sur l'entraînement des joueurs en extérieur. En tout état de cause, ces quelques vues sont insuffisantes pour illustrer un entraînement en salle dans le cadre d'un lien de subordination.

Un échange de textos entre deux personnes du club le 21 juin, selon lesquels l'intéressé s'est entraîné deux jours ne présente pas plus de garantie de sincérité, d'autant plus que l'auteur de ce message s'est rétracté.

Ne sont pas plus opérantes les deux attestations rédigées par M. [X] en sens contraire, puisque affirmant pour l'une que jamais M. [G] [J] ne s'est entraîné en salle ou à l'intérieur et l'autre qu'il s'est entraîné deux jours.

M. [R], actuellement dégagé de tout lien de subordination à l'égard du club atteste que le 13 juillet 2015, il a été fait interdiction au salarié de participer aux entraînements, quoiqu'il fût autorisé à rester au club et qu'il soit resté dans les locaux sans pour autant s'entraîner.

Il s'ensuit qu'il n'est pas établi que M. [G] [J] a suivi un entraînement en extérieur comme en salle de sport.

Il serait incohérent que le salarié se soit tenu à la disposition de l'employeur dans le cadre d'un lien de subordination à compter du 1er juillet 2015, puisque le contrat de travail disposait : 'Les parties étant dans l'incapacité matérielle de réaliser l'examen médical avant le 1er juillet 2015, l'entrée en vigueur du présent contrat est conditionnée au passage d'un examen médical démontrant, conformément au règlement médical de LNR, l'absence de contre-indication à la pratique du rugby professionnel. Cet examen devra être réalisé au plus tard, dès l'arrivée du joueur au sein du club'. S'il s'est tenu à la disposition de l'employeur c'est nécessairement uniquement pour être soumis à un examen par le médecin du club qui détermine si la condition tenant à la non-contre indication sportive était remplie.

Certes, un dossier de bienvenue au club a bien été remis à M. [G] [J] avec son nom sur le document ainsi qu'un badge le 13 juillet 2015, tandis qu'un casier à son nom a été préparé. Une photographie destinée à présenter le joueur avant son arrivé a été prise le jour de la signature du contrat selon le témoin [C]. Mais il s'agit d'éléments accessoires qui ne sont que des préalables à l'entrée en fonction du joueur et ne traduisent pas un commencement d'exécution.

Par lettres du 10 juin 2015, la société RCF Rugby s'est engagée à mettre à la disposition du salarié pendant la durée du contrat un logement de type F3, en prenant à sa charge le loyer dans la limite de 1 500 euros à titre d'avantage en nature. Ce logement a effectivement été mis à la disposition de M. [G] [J]. Mais ceci ne pouvait s'analyser comme les autres points évoqués que comme un préalable à l'exécution du contrat, puisqu'il était prévu que la condition de l'absence de contre indication ne serait vérifiée qu'à l'arrivée du salarié au club, ce qui induisait qu'il fût logé, sans commencement d'exécution. La remise des clés avait dans ces circonstances un sens équivoque.

Par une seconde lettre du même jour adressé à M. [G] [J], le club disait mettre à sa disposition un véhicule prêté par la société Toyota. Il est constant que cette voiture a été remise au joueur. Il s'agit d'obligation accessoire du contrat au point qu'elle n'a été prévue que par un document séparé.

L'envoi d'un planning à un grand nombre de personnes le 14 juillet 2015, parmi lesquelles figurait encore M. [G] [J], quoiqu'il lui ait été notifié verbalement que la condition de l'absence de contre-indication médicale à l'exercice des fonctions de footballeur professionnel apparaissait compromise, résulte comme l'atteste M. [T] à une simple erreur, l'expéditeur ayant omis d'enlever le nom du joueur, dont on envisageait encore deux jours auparavant qu'il intègre le club.

Il n'est pas justifié que M. [G] [J] a participé aux repas avec les autres joueurs, à supposer que cela fût significatif.

Devant huissier le 23 juillet 2015, le directeur général du club a demandé à M. [G] [J] qui se présentait pour une sommation interpellative la restitution du logement et du véhicule.

Les consultations des médecins du club, loin de caractériser un début d'exécution comme l'avance le joueur, manifestaient que l'intéressé en était encore au stade de la vérification de l'accomplissement de la condition suspensive.

En substance, il apparaît que la société RCF Rugby a mis en place des éléments nécessaires à la prise de ses fonctions par M. [G] [J], mais que le commencement d'exécution du contrat qui doit se manifester dans son élément substantiel, à savoir l'activité sportive du joueur dans le cadre d'un lien de subordination, fait défaut.

Au demeurant, il eût été incohérant de faire poursuivre au joueur son entraînement après avoir constaté l'existence de contre indication à l'activité de joueur professionnel.

Ainsi le contrat n'a pas pris effet et M. [G] [J] sera débouté de sa demande de rappel de salaire, d'indemnité de congés payés y afférents, de dommages-intérêts pour rupture abusive et de délivrance de documents de fin de contrat.

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Il est équitable au regard de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner M. [G] [J] qui succombe à verser à la société RCF Rugby la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et le même montant au titre des frais irrépétibles d'appel.

Il sera pour le même motif débouté de ses demandes de ces chefs et condamné aux dépens.

PAR CES MOTIFS,

Statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe et en dernier ressort ;

Confirme le jugement déféré sauf sur la demande de la société RCF Rugby au titre des frais irrépétibles de première instance ;

Statuant à nouveau ;

Condamne M. [G] [J] à payer à la société RCF Rugby la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance ;

Y ajoutant ;

Condamne M. [G] [J] à payer à la société RCF Rugby la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Rejette la demande de M. [G] [J] au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Condamne M. [G] [J] aux dépens

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 21/05390
Date de la décision : 22/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-22;21.05390 ?
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