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22/03/2023 | FRANCE | N°21/03410

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 22 mars 2023, 21/03410


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRET DU 22 MARS 2023



(n° 2023/ , 12 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/03410 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDQQX



Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Février 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EVRY COURCOURONNES - RG n° F19/00938





APPELANTE



EPIC Centre de formation et de profes

sionnalisation Grand Paris Sud venant aux droits du Centre de Formation et de Professionnalisation Les Lacs de l'Essonne

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée par Me Lau...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRET DU 22 MARS 2023

(n° 2023/ , 12 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/03410 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDQQX

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Février 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EVRY COURCOURONNES - RG n° F19/00938

APPELANTE

EPIC Centre de formation et de professionnalisation Grand Paris Sud venant aux droits du Centre de Formation et de Professionnalisation Les Lacs de l'Essonne

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Laurent LAGARDETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : E2140

INTIMÉ

Monsieur [U] [Z]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Sandra MORENO-FRAZAK, avocat au barreau d'ESSONNE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 février 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre

Madame Nadège BOSSARD, Conseillère

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES

La société Centre de formation et de professionnalisation Les Lacs de l'Essonne (SAEM) devenue le Centre de formation et de professionnalisation Grand Paris Sud (EPIC) en cours de procédure - le Centre de formation et de professionnalisation ci-après - a employé M. [U] [Z], né en 1959, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 2 janvier 2014 en qualité de directeur (cadre).

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des organismes de formation.

Sa rémunération mensuelle brute moyenne s'élevait en dernier lieu à la somme de 5 000 €.

Le 13 octobre 2016, M. [Z] a été placé en arrêt maladie pour cause d'épuisement professionnel.

Il a été placé en invalidité catégorie 2 le 14 octobre 2019.

Lors de sa visite médicale de reprise du 31 octobre 2019, le médecin du travail a rendu les conclusions suivantes : « inapte à son poste. Le reclassement reste possible sur un poste administratif à temps partiel correspondant à l'invalidité catégorie II sur horaires réguliers et sans d'importantes responsabilités ».

Le 4 novembre 2019, le Centre de formation et de professionnalisation a informé M. [Z] de son impossibilité de reclassement.

Par lettre notifiée le 6 novembre 2019, M. [Z] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 15 novembre 2019.

M. [Z] a ensuite été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre notifiée le 19 novembre 2019.

A la date de présentation de la lettre recommandée notifiant le licenciement, M. [Z] avait une ancienneté de 5 ans et 11 mois ; le Centre de formation et de professionnalisation occupait à titre habituel au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.

Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités consécutivement à la rupture de son contrat de travail, M. [Z] a saisi le 12 décembre 2019 le conseil de prud'hommes d'Évry-Courcouronnes pour former les demandes suivantes :

« CONDAMNER S.E.M CFP à verser à Monsieur [U] [Z] les sommes suivantes :

- Dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité et de prévention et l'obligation d'exécution loyale 20.000 €

- Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (équivalent 12 mois) 60.000 €

- Indemnité compensatrice de préavis (article 9 CCN) 15.000 €

- Congés payés afférents 1.500 €

- Article 700 du CPC 3.000 €

ORDONNER la remise de l'attestation Pôle emploi et des bulletins de paie conformes au jugement à intervenir sous astreinte de 50€ par jour de retard et par document

ORDONNER l'exécution provisoire sur le tout

ASSORTIR la décision des intérêts au taux légal

CONDAMNER la Société défenderesse aux entiers dépens »

Par jugement du 9 février 2021, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes a rendu la décision suivante :

« Requalifie le licenciement de Monsieur [U] [Z] en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Fixe la moyenne des trois derniers mois de salaires à 5 000 € (cinq mille euros) bruts,

Condamne le Centre de Formation et de Professionnalisation Les Lacs de l'Essonne pris en la personne de son représentant légal à verser à Monsieur [U] [Z] les sommes suivantes :

- 15 000 € (quinze mille euros) bruts au titre du préavis,

- 1 500 € (mille cinq cents euros) bruts au titre des congés payés afférents,

Avec intérêts au taux légal à compter du 06/01/2020, date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation,

- 35 000 € (trente-cinq mille euros) nets au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2000 € (deux mille euros) nets au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Avec intérêts au taux légal à compter de ce jour,

Prononce l'exécution provisoire sur le tout conformément à l'article 515 du code de procédure civile,

Déboute Monsieur [U] [Z] du surplus de ses demandes,

Déboute le Centre de Formation et de Professionnalisation Les Lacs de l'Essonne de sa demande reconventionnelle,

Ordonne au Centre de Formation et de Professionnalisation Les Lacs de l'Essonne, pris en la personne de son représentant légal, conformément à l'article L.1235-4 du code du travail, le remboursement aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à Monsieur [U] [Z], dans la limite de six mois.

Dit qu'une copie du présent jugement sera adressée à l'UNEDIC,

Met les dépens afférents aux actes et procédures de la présente instance à la charge de la partie défenderesse, y compris ceux dus au titre d'une éventuelle exécution par voie légale en application des articles 10 et 11 des décrets du 12 décembre 1996 et du 8 mars 2001 relatifs à la tarification des actes d'huissiers de justice. »

Le Centre de formation et de professionnalisation a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le 6 avril 2021.

La constitution d'intimée de M. [Z] a été transmise par voie électronique le 27 avril 2021.

L'ordonnance de clôture a été rendue à la date du 6 décembre 2022.

L'affaire a été appelée à l'audience du 6 février 2023.

Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 5 décembre 2022, le Centre de formation et de professionnalisation demande à la cour de :

« - JUGER RECEVABLE ET FONDÉ en son intervention volontaire et reprise d'instance le Centre de formation et de professionnalisation Grand Paris Sud venant aux droits, lieu et place du Centre de formation et de professionnalisation Les Lacs de l'Essonne du fait de la transmission universelle de patrimoine dont le second a fait l'objet au bénéfice du premier, par décision en date du 30 juin 2021,

- JUGER RECEVABLE ET FONDÉ en son appel et en ses demandes, fins et conclusions, le Centre de formation et de professionnalisation Grand Paris Sud venant aux droits, lieu et place du Centre de formation et de professionnalisation Les Lacs de l'Essonne du fait de la transmission universelle de patrimoine dont le second a fait l'objet au bénéfice du premier, par décision en date du 30 juin 2021,

A titre principal :

- INFIRMER le jugement ayant été rendu le 9 février 2021 par le Conseil de prud'hommes d'EVRY COURCOURONNES en ce qu'il a :

o requalifié le licenciement de Monsieur [U] [Z] en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

o condamné le Centre de Formation et de Professionnalisation Les lacs de l'Essonne pris en la personne de son représentant légal à verser à Monsieur [U] [Z] les sommes suivantes :

' 15.000 euros (quinze mille euros) bruts au titre du préavis,

' 1.500 euros (mille cinq cents euros) bruts au titre des congés payés afférents,

Avec intérêts au taux légal à compter du 06/01/2020, date de réception par le CFP de la convocation devant le bureau de conciliation,

' 35.000 euros (trente-cinq mille euros) nets au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' 2.000 euros (deux mille euros) nets au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Avec intérêts au taux légal à compter du prononcé dudit jugement,

o prononcé l'exécution provisoire sur le tout conformément à l'article 515 du code de procédure civile,

o débouté le Centre de Formation et de professionnalisation Les lacs de l'Essonne de sa demande reconventionnelle,

o ordonné au Centre de Formation et de professionnalisation Les lacs de l'Essonne, pris en la personne de son représentant légal, conformément à l'article L1235-4 du code du travail, le remboursement aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à Monsieur [U] [Z], dans la limite de six mois,

o dit qu'une copie du jugement sera adressée à l'UNEDIC,

o mis les dépens afférents aux actes et procédures de la présente instance à la charge de la partie défenderesse, y compris ceux dus au titre d'une éventuelle exécution par voie légale en application des articles 10 et 11 des décrets du 12 décembre 1996 et du 8 mars 2001 relatifs à la tarification des actes d'huissiers de justice,

Et statuant à nouveau sur ces chefs :

- JUGER que le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement ayant été notifié à Monsieur [U] [Z] le 19 novembre 2019 est fondé sur une cause réelle et sérieuse, excluant tout manquement du Centre de formation et de professionnalisation Les Lacs de l'Essonne à ses obligations de sécurité, de prévention et de reclassement,

- DEBOUTER Monsieur [U] [Z] de l'ensemble de ses demandes, demandes incidentes, fins et conclusions,

A titre subsidiaire et si par extraordinaire, la Cour de céans venait à confirmer le jugement rendu le 9 février 2021 par le Conseil de prud'hommes d'EVRY COURCOURONNES en ce qu'il a requalifié le licenciement de Monsieur [U] [Z] en licenciement sans cause réelle et sérieuse :

- CONFIRMER le jugement ayant été rendu le 9 février 2021 par le Conseil de prud'hommes d'EVRY COURCOURONNES en ce qu'il a :

o condamné le Centre de Formation et de Professionnalisation Les lacs de l'Essonne pris en la personne de son représentant légal à verser à Monsieur [U] [Z] les sommes suivantes :

' 15.000 euros (quinze mille euros) bruts au titre du préavis,

' 1.500 euros (mille cinq cents euros) bruts au titre des congés payés afférents,

o débouté Monsieur [U] [Z] du surplus de ses demandes,

- INFIRMER le jugement ayant été rendu le 9 février 2021 par le Conseil de prud'hommes d'EVRY COURCOURONNES en ce qu'il a :

o ordonné au Centre de Formation et de professionnalisation Les lacs de l'Essonne, pris en la personne de son représentant légal, conformément à l'article L1235-4 du code du travail, le remboursement aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à Monsieur [U] [Z], dans la limite de six mois,

o condamné le Centre de Formation et de Professionnalisation Les lacs de l'Essonne pris en la personne de son représentant légal à verser à Monsieur [U] [Z] la somme de 35.000 euros (trente-cinq mille euros) nets au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Et statuant à nouveau :

- LIMITER le montant de la condamnation mise à la charge du Centre de formation et de professionnalisation Les Lacs de l'Essonne à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 15.000 euros bruts (équivalente à 3 mois de salaires bruts) en application des dispositions de l'article L1235-3 du code du travail,

En tout état de cause,

- CONDAMNER Monsieur [U] [Z] à verser au Centre de formation et de professionnalisation Les Lacs de l'Essonne la somme de 4.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- CONDAMNER Monsieur [U] [Z] aux entiers dépens. »

Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 5 décembre 2022, M. [Z] demande à la cour de :

« - CONFIRMER le jugement du Conseil de prud'hommes en ce qu'il a jugé que le licenciement de Monsieur [Z] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,

- INFIRMER le jugement du Conseil de prud'hommes en ce qui concerne les manquements à l'obligation de sécurité et de prévention

- INFIRMER le jugement en ce qui concerne le quantum des dommages et intérêts alloués au titre de l'obligation de sécurité et de prévention

En conséquence,

- DIRE ET JUGER que le licenciement de Monsieur [Z] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse compte tenu de la violation de l'obligation de sécurité et de prévention à l'origine de l'inaptitude

- CONDAMNER S.E.M CFP à verser à Monsieur [U] [Z] les sommes suivantes :

' Dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité et de prévention et l'obligation d'exécution loyale 20.000 €

' Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (équivalent 12 mois) 60.000 €

' Indemnité compensatrice de préavis (article 9 CCN) 15.000 €

' Congés payés afférents 1.500 €

' Article 700 du CPC 3.000 €

- ORDONNER la remise de l'attestation Pôle emploi et des bulletins de paie conformes à l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 € par jour de retard et par document

- ASSORTIR la décision des intérêts au taux légal

- CONDAMNER la Société défenderesse aux entiers dépens »

Lors de l'audience présidée selon la méthode dite de la présidence interactive, le conseiller rapporteur a fait un rapport et les conseils des parties ont ensuite plaidé par observations et s'en sont rapportés pour le surplus à leurs écritures ; l'affaire a alors été mise en délibéré à la date du 22 mars 2023 par mise à disposition de la décision au greffe (Art. 450 CPC)

MOTIFS

Vu le jugement du conseil de prud'hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties auxquelles il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.

Sur les manquements à l'obligation de prévention et de sécurité

M. [Z] demande par infirmation du jugement la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de prévention et de sécurité : il soutient que :

- le Centre de formation et de professionnalisation n'a mis aucune mesure en place pour le protéger d'un épuisement professionnel dont les conséquences ont été particulièrement graves pour lui ;

- il a occupé plusieurs postes en sus du sien sans aucun appui ; il a dû faire face à une charge importante de travail notamment au moment des appels d'offre et il a été contraint d'effectuer d'importantes heures supplémentaires impliquant le non-respect des durées maximales de travail et des durées minimales de repos comme cela ressort aussi de l'attestation de M. [V] (pièce salarié n° 37) et de Mme [X] (pièce salarié n° 38) ;

- il a subi une surcharge de travail : il y a une augmentation nette d'activité impliquant ainsi une augmentation de la charge de travail ; cette augmentation d'activité n'a nullement été compensé par des recrutements ; pire, il a été contraint de suppléer la carence d'autres postes (pièce salarié n° 32, 35, 36, 38, 39, 40) ;

- malgré les nombreuses actions et son implication sans faille, il n'a reçu que pressions supplémentaires de la part notamment du président, M. [R] (pièce employeur n° 11) comme cela ressort aussi de l'attestation de M. [I] (pièce salarié n° 35), de M. [V] (pièce salarié n° 37), de Mme [X] (pièce salarié n° 38) et de Mme [O] (pièce salarié n° 28) ;

- le recrutement relevait de la présidence de l'entreprise ;

- pendant un an, le poste de responsable administratif et financier a été assuré par lui et il a été contraint d'effectuer ses tâches en sus des siennes ;

- il a aussi dû traiter le redressement URSSAF qui incombait pourtant au président ;

- l'employeur ne justifie pas qu'il a eu tout l'appui nécessaire du président et de Mme [J], membre du conseil d'administration ; l'attestation de Mme [J] est partiale (pièce employeur n° 24) ; les courriers électroniques (pièces employeur n° 3, 7) n'établissent nullement un appui et une aide ;

- le compte-rendu hebdomadaire qu'il envoyait (pièce salarié n° 42) ne servait pas d'appui à la moindre aide ;

- quelques mois après l'arrêt maladie, l'employeur faisait pression pour qu'il reprenne son activité (pièce salarié n° 11) ;

- en janvier 2018, l'employeur a envisagé une rupture du contrat de travail (pièce salarié n° 12) ;

- informé de son burn out, la seule réponse de l'employeur a été une proposition de rupture conventionnelle (pièce salarié n° 15) ;

- depuis son licenciement, la direction est désormais assurée par deux personnes : Mme [T] et M. [C] (pièce salarié n° 7) ;

- l'employeur n'apporte aucun élément permettant de démontrer qu'il a pu bénéficier de temps de repos suffisant et que les durées maximales de travail ont bien été respectées ;

- les actions qu'il menait au sein d'Act Essonne n'ont été faites que dans le cadre de son activité pour le Centre de formation et de professionnalisation et ce travail a permis de conclure de nouveaux contrats de formation ; Mme [T] le confirme d'ailleurs dans sa dernière attestation (pièce adverse n°23 bis) : « j'ai repris les fonctions d'administrateur de l'Association Act Essonne de [U] [Z] ».

- sa santé s'est dégradée (pièces salarié n° 33, 34, 16, 17

En défense, le Centre de formation et de professionnalisation soutient que :

- les missions inhérentes au poste de directeur du CFP ont été contractuellement acceptées par M. [Z] (pièces employeur n° 26 et 29) ; ce sont celles que Mme [T] qui a remplacé M. [Z] exerce (pièce employeur n° 23) ;

- il a lui-même remplacé Mme [J] qui cumulait ces fonctions de directrice avec celle de directrice générale des services de la communauté d'agglomération Les Lacs de l'Essonne (pièce employeur n° 24) ;

- M. [Z] n'a jamais fait part à quiconque de ce qu'il aurait eu à subir une quelconque surcharge de travail,

- M. [Z] n'a jamais fait état de la moindre doléance au sujet de la réalisation de prétendues heures supplémentaires, et il n'a jamais apporté le moindre élément susceptible de corroborer les dépassements horaires qu'il a allégués dans le cadre de la première instance comme cela ressort de l'attestation de Mme [J] (pièce employeur n° 24 ;

- il n'a, pour la première fois, fait état d'une prétendue surcharge de travail que dans son courrier du 17 avril 2018 ' soit plus de quatre ans après son embauche et plus d'un an et demi après son premier arrêt maladie ; auparavant il communiquait positivement en valorisant à juste titre ses actions (pièces employeur n° 1 et 12) ;

- si, par nature, le poste de directeur implique d'assurer une gestion opérationnelle et administrative du CFP essentielle au bon fonctionnement de celui-ci, M. [Z] n'a pour autant jamais été placé en situation de surcharge de travail et avait, avant même son embauche, une parfaite connaissance des missions inhérentes audit poste et qui devaient être remplies dans le cadre contractuel et légal des 35 heures hebdomadaires et ce, d'autant que l'intimé a toujours pu compter sur le soutien de Mme [J] et de M. [R] dans l'exercice de ses fonctions (pièces employeur n° 29, 23, 24, 3 à 10, 12 à 19), grâces aux échanges, aux réunions de travail, à la préparation des conseils d'administration et d'assemblées générales, au suivi des offres de formation, au suivi de la situation comptable et financière du CFP et au suivi de l'ensemble des dossiers administratifs du CFP

- dans le cadre de ses fonctions de directeur du CFP, M. [Z] devait, notamment, superviser la gestion RH du centre et veiller aux recrutements nécessaires sous le contrôle du président du conseil d'administration (pièce salarié n° 1)

- M. [Z] a d'ailleurs procédé à plusieurs embauches de personnel sans reporting préalable ' ce qui confirme la faculté dont disposait l'intimé, à tout moment, de procéder aux embauches nécessaires au bon fonctionnement du centre (pièce employeur n° 11) ;

- l'employeur a recruté M. [C] comme responsable administratif et financier pour pallier les carences de M. [Z] (pièces employeur n° 16, 18 à 20) ;

- M. [Z] a choisi de s'investir dans le développement de l'association Act Essonne dont il exerçait le poste de secrétaire au sein du bureau (pièces salarié n° 44 a b et c) ; Mme [T] qui le remplace comme directeur n'a pas repris ces fonctions (pièce employeur n° 23 bis) ;

- les attestations établies par Mmes [O] et [A] et MM. [E], [V], [B] et [M] (pièces salarié n°44a, 44b et 44c et 45a, b et c) et MM. [I], [F] [S] et Mmes [H] [K] et [X] (pièces n°46a, b, c et d) ne peuvent suffire à démontrer l'existence d'une surcharge de travail en raison de leur partialité et de leur imprécision ;

- M. [Z] a fait le choix de consacrer un temps conséquent au développement de ses activités associatives extra professionnelles ' ce qui, de facto, ne peut que confirmer que l'exercice de ses missions de directeur du CFP n'a jamais engendré la surcharge de travail qu'il allègue.

En vertu de l'article L. 4121 du code du travail, l'employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que M. [Z] est bien fondé à soutenir que le Centre de formation et de professionnalisation a commis un manquement à l'obligation de prévention et de sécurité ; en effet le Centre de formation et de professionnalisation ne justifie ni avoir vérifié que la charge de travail que M. [Z] devait supporter pour remplir ses fonctions de directeur restait équilibrée pour lui, ni lui avoir apporté les moyens dont il avait besoin pour conserver une charge de travail effectivement équilibrée pour lui ; son arrêt de travail du 14 octobre 2016 pour « un syndrome dépressif majeur » et le certificat médical du Dr [P], psychiatre, qui mentionne que M. [Z] « présente un état dépressif d'épuisement professionnel caractérisé qui a (conduit) à une ITT de 10/2016 à 10/2019 puis à sa mise en invalidité à compter de 10/2019 » caractérisent suffisamment un épuisement professionnel consécutif à sa charge de travail et aux moyens insuffisants dont il disposait pour la remplir.

Il en résulte que le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité en ne prévenant pas la surcharge de travail de M. [Z] est à l'origine de son épuisement professionnel et du préjudice en résultant.

Et c'est en vain que le Centre de formation et de professionnalisation soutient que M. [Z] ne s'est jamais plaint de la moindre surcharge de travail dans l'exercice de ses fonctions, qu'il a toujours bénéficié d'un soutien de Mme [J] et de M. [R] dans ce cadre, qu'il n'a jamais eu à assurer que ses seules missions de directeur, qu'il n'a jamais eu à travailler au-delà de la durée contractuelle de travail qui avait été convenue, et qu'il a pu consacrer un temps important à ses activités associatives extraprofessionnelles pour contester la surcharge de travail que M. [Z] invoque ; en effet la cour retient que ces moyens sont mal fondés au motif que l'absence de plainte de M. [Z] n'exonère pas l'employeur de son obligation de vérifier que sa charge de travail inhérente à ses fonctions de directeur restait effectivement équilibrée pour lui, au motif que l'aide apportée n'était pas suffisante, et au motif que ses activités associatives étaient liées à ses fonctions, le partenariat avec d'autres acteurs de la vie de la cité étant inhérent avec la direction d'un centre de formation quand on veut le développer.

L'indemnité à même de réparer intégralement le préjudice subi par M. [Z] du chef du manquement à l'obligation de prévention et de sécurité doit être évaluée à la somme de 5 000 €.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a débouté M. [Z] de sa demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de prévention et de sécurité, et statuant à nouveau de ce chef, la cour condamne le Centre de formation et de professionnalisation à payer à M. [Z] la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de prévention et de sécurité.

Sur le licenciement

M. [Z] soutient que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse au motif que son inaptitude n'est que la conséquence de son épuisement professionnel en lien avec le manquement du Centre de formation et de professionnalisation à son obligation de sécurité et de prévention.

En défense, le Centre de formation et de professionnalisation soutient qu'il a rempli son obligation de reclassement.

Compte tenu de ce qui précède, la cour retient que le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement de M. [Z] est dépourvu de cause réelle et sérieuse au motif que son inaptitude n'est que la conséquence de son épuisement professionnel, et qu'elle a donc pour origine le manquement du Centre de formation et de professionnalisation à son obligation de sécurité et de prévention.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a jugé que le licenciement de M. [Z] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

M. [Z] demande par infirmation du jugement la somme de 60 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; le Centre de formation et de professionnalisation s'oppose à cette demande de demande l'infirmation du jugement qui a accordé 35 000 € alors que des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, prévoient, pour un salarié ayant une ancienneté de 5 ans, en année complète, une indemnité minimale de 3 mois de salaire brut et une indemnité maximale de 6 mois de salaire brut.

En vertu de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable au jour du licenciement, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux fixés pour une ancienneté de 5 ans entre 3 mois et 6 mois de salaire.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération de M. [Z], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour retient que l'indemnité à même de réparer intégralement le préjudice de M. [Z] doit être évaluée à la somme de 30 000 €.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a condamné le Centre de formation et de professionnalisation à payer à M. [Z] la somme de 35 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et statuant à nouveau de ce chef, la cour condamne le Centre de formation et de professionnalisation à payer à M. [Z] la somme de 30 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis

M. [Z] demande par confirmation du jugement la somme de 15 000 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ; le Centre de formation et de professionnalisation s'oppose à cette demande à titre principal mais pas à titre subsidiaire si le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a condamné le Centre de formation et de professionnalisation à payer à M. [Z] la somme de 15 000 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis.

Sur l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à la période de préavis

M. [Z] demande la somme de 1 500 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à la période de préavis ; le Centre de formation et de professionnalisation s'oppose à cette demande à titre principal mais pas à titre subsidiaire si le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a condamné le Centre de formation et de professionnalisation à payer à M. [Z] la somme de 1 500 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à la période de préavis.

Sur l'application de l'article L.1235-4 du code du travail

Le licenciement de M. [Z] ayant été jugé sans cause réelle et sérieuse, il y a lieu à l'application de l'article L.1235-4 du code du travail ; en conséquence la cour ordonne le remboursement par le Centre de formation et de professionnalisation aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées à M. [Z], du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage.

Sur la délivrance de documents

M. [Z] demande la remise de documents (bulletin de paie, attestation destinée à Pôle Emploi) sous astreinte.

Il est constant que les documents demandés lui ont déjà été remis ; il est cependant établi qu'ils ne sont pas conformes ; il est donc fait droit à la demande de remise de documents formulée par M. [Z].

Rien ne permet de présumer que le Centre de formation et de professionnalisation va résister à la présente décision ordonnant la remise de documents ; il n'y a donc pas lieu d'ordonner une astreinte.

Le jugement déféré est donc infirmé sur ce point, et statuant à nouveau, la cour ordonne au Centre de formation et de professionnalisation de remettre M. [Z] un bulletin de paie et l'attestation destinée à Pôle Emploi, tous ces documents devant être établis conformément à ce qui a été jugé dans la présente décision, dans les deux mois de la notification de la présente décision.

Sur les autres demandes

Les dommages et intérêts alloués seront assortis des intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

Les autres sommes octroyées qui constituent des créances salariales, seront assorties des intérêts au taux légal à compter de la date de réception par le Centre de formation et de professionnalisation de la convocation devant le bureau de conciliation.

La cour condamne le Centre de formation et de professionnalisation aux dépens en application de l'article 696 du code de procédure civile.

Le jugement déféré est confirmé en ce qui concerne l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il apparaît équitable, compte tenu des éléments soumis aux débats, de condamner le Centre de formation et de professionnalisation à payer à M. [Z] la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel.

L'ensemble des autres demandes plus amples ou contraires formées en demande ou en défense est rejeté, leur rejet découlant des motifs amplement développés dans tout l'arrêt.

PAR CES MOTIFS

La cour,

INFIRME le jugement mais seulement en ce qu'il a :

- débouté M. [Z] de sa demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de prévention et de sécurité ;

- condamné le Centre de formation et de professionnalisation à payer à M. [Z] la somme de 35 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- débouté M. [Z] de sa demande de délivrance des documents de fin de contrat rectifiés ;

CONFIRME le jugement déféré pour le surplus ;

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés :

Condamne le Centre de formation et de professionnalisation Grand Paris Sud (EPIC) à payer à M. [Z] les sommes de :

- 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de prévention et de sécurité ;

- 30 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

DIT que les dommages et intérêts alloués seront assortis des intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

DIT que les autres sommes octroyées qui constituent des créances salariales, seront assorties des intérêts au taux légal à compter de la date de réception par le Centre de formation et de professionnalisation Grand Paris Sud (EPIC) de la convocation devant le bureau de conciliation.

ORDONNE au Centre de formation et de professionnalisation Grand Paris Sud (EPIC) de remettre M. [Z] un bulletin de paie et l'attestation destinée à Pôle Emploi, tous ces documents devant être établis conformément à ce qui a été jugé dans la présente décision, dans les deux mois de la notification de la présente décision.

Y ajoutant,

CONDAMNE le Centre de formation et de professionnalisation Grand Paris Sud (EPIC) à verser à M. [Z] une somme de 2 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples et contraires,

CONDAMNE le Centre de formation et de professionnalisation Grand Paris Sud (EPIC) aux dépens de la procédure d'appel.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 21/03410
Date de la décision : 22/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-22;21.03410 ?
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