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22/03/2023 | FRANCE | N°20/05485

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 22 mars 2023, 20/05485


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 22 MARS 2023



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/05485 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCILQ



Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Juin 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MELUN - RG n° 18/00409



APPELANTE



S.A.R.L. CHEZ MICHELINE ET [N]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Jean-charles NEGREVERGNE, avocat au barreau de MEAUX



INTIMEES



Madame [R] [L]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Thierry BENKIMOUN, avocat au ...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 22 MARS 2023

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/05485 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCILQ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Juin 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MELUN - RG n° 18/00409

APPELANTE

S.A.R.L. CHEZ MICHELINE ET [N]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Jean-charles NEGREVERGNE, avocat au barreau de MEAUX

INTIMEES

Madame [R] [L]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Thierry BENKIMOUN, avocat au barreau de MEAUX, toque : 38

S.C.P. [M] HAZANE, agissant poursuite et diligence de son représentant légal domicilié ès qualités audit siège et prise en sa qualité de liquidateur DE la SARL CHEZ MICHELINE ET [N], ayant son siège social sis [Adresse 2]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Jean-charles NEGREVERGNE, avocat au barreau de MEAUX

PARTIE INTERVENANTE :

Association AGS CGEA DE [Localité 5] UNEDIC Délégation AGS CGEA de [Localité 5] Association déclarée, représentée par sa Directrice, dûment habilitée [T] [S],

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentée par Me Claude-marc BENOIT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1953

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Florence MARQUES, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président de chambre

Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère

Madame Florence MARQUES, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Justine FOURNIER, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Mme [R] [L] a été engagée à temps plein par la société Chez Micheline et [N], suivant contrat de travail à durée indéterminée conclu verbalement, à compter du 02 novembre 2017, en qualité de serveuse.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants (IDCC 1979).

Par requête en date du 11 juillet 2018, Mme [R] [L] a saisi le conseil de prud'hommes de Melun aux fins de voir prononcer la résiliation de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur et sa condamnation à lui verser diverses sommes dont un rappel de salaire et des dommages et intérêts pour harcèlement moral.

Par courrier recommandé en date du 18 juillet 2018 , Mme [R] [L] a adressé sa démission à la société Chez Micheline et [N].

Dans le dernier état de ses demandes devant le CPH, Mme [R] [L] a demandé la requalification de sa démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse et la condamnation de la société à lui verser diverses sommes.

Par jugement du 08 juin 2020, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes de Melun a:

- qualifié la lettre de rupture du 18 juillet 2018 de Mme [L] en prise d'acte de rupture produisant les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamné la société Chez Micheline et [N] au versement à Mme [L] des sommes suivantes :

* 1.900 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 337,50 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

* 1.900 euros au titre de l'indemnité de préavis,

* 190 euros au titre des congés payés afférents,

* 2.217,06 euros au titre de rappel de salaire sur la base de 1.900 euros bruts,

* 221,70 euros au titre des congés payés afférents,

* 2.000 euros au titre d'indemnité pour harcèlement moral,

* 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de toutes demandes plus amples ou contraires,

- ordonné l'exécution provisoire sur l'intégralité du jugement sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile,

- condamné la société Chez Micheline et [N] aux entiers dépens.

Par déclaration du 11 août 2020, la société Chez Micheline et [N] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Par jugement en date du 14 décembre 2020, le tribunal de commerce de Melun à ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société.

Par jugement en date du 18 janvier 2021, le tribunal de commerce de Melun a prononcé la liquidation judiciaire de la société Chez Micheline et [N], et désigné en qualité de liquidateur la SCP [M] et Hazane, prise en la personne de Maître [I] [M].

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 03 août 2021, la SCP [M] Hazane, prise en la personne de Maître [I] [M] ès qualité de liquidateur de la société Chez Micheline et [N], demande à la cour de :

- infirmer, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 08 juin 2020 par le conseil de prud'hommes de Melun,

Et, statuant à nouveau,

A titre liminaire,

- déclarer les demandes de Mme [L] irrecevables en ce qu'elle sollicite la condamnation solidaire de la société Chez Micheline et [N] liquidée par jugement du Tribunal de commerce de Melun du 18 janvier 2021 et de la SCP [M] Hazane, liquidateur judiciaire de la société Chez Micheline et [N],

A titre principal,

- faire produire à la démission de Mme [L] en date du 18 juillet 2018 les effets d'une démission,

Et en conséquence,

- débouter Mme [L] de sa demande au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- débouter Mme [L] de sa demande au titre de l'indemnité de licenciement,

- débouter Mme [L] de sa demande au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la Cour devait faire produire à la démission de Mme [L] en date du 18 juillet 2018 les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- Limiter la demande Mme [L] au titre de l'indemnité compensatrice de préavis à la somme de 1.300 euros, outre 130 euros titre des congés payés y afférents,

- limiter la demande Mme [L] au titre de sa demande au titre de l'indemnité de licenciement à la somme de 325 euros,

- limiter la demande Mme [L] au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 750 euros,

En tout état de cause,

- constater que Mme [L] n'a pas été victime de harcèlement moral,

Et en conséquence,

- débouter Mme [L] de sa demande au titre des dommages intérêts pour harcèlement moral,

- fixer la rémunération de Mme [L] à la somme de 1.300 euros,

Et en conséquence,

- débouter Mme [L] de sa demande au titre du rappel de salaire et des congés payés y afférents,

- débouter Mme [L] de sa demande au titre du travail dissimulé,

- débouter Mme [L] de sa demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,

- débouter Mme [L] de sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, et des congés payés y afférents,

- débouter Mme [L] de sa demande au titre du rappel de salaire de juillet 2018,

- condamner Mme [L] à payer la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [L] aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 14 décembre 2021, Mme [R] [L], demande à la cour de :

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

* qualifié la lettre de rupture du 18 juillet 2018 de Mme [L] en prise d'acte de rupture du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* condamné la société Chez Micheline et [N] au versement des sommes suivantes :

$gt; 1.900 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

$gt; 337,50 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

$gt; 1.900 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

$gt; 190 euros au titre des congés payés afférents,

$gt; 2.217,06 euros au titre de rappel de salaire sur la base de 1.900 euros bruts,

$gt; 221,70 euros au titre des congés payés afférents,

- réformer le jugement rendu le 08 juin 2020 par le conseil de prud'hommes de Melun en ce qu'il a :

* condamné la société Chez Micheline et [N] au versement de la somme de 2.000 euros au titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

* débouté Mme [L] de sa demande tendant à voir condamner la société Chez Micheline et [N] au paiement de dommages et intérêts au titre du manquement à son obligation de sécurité en matière de protection de la santé de ses salariés,

* débouté Mme [L] de sa demande tendant à voir condamner la société Chez Micheline et [N] au paiement de ses heures supplémentaires et aux congés payés afférents,

* débouté Mme [L] de sa demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

Reconventionnellement, ordonner la fixation au passif de la procédure collective de la société Chez Micheline et [N] des sommes suivantes :

* la somme de 10.000 euros au titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

* la somme de 5.000 euros au titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité en matière de protection de la santé des salariés,

* la somme de 1.980,49 euros au titre de rappel de salaire pour non-paiement des heures supplémentaires,

* la somme de 198,05 euros au titre des congés payés afférents,

* la somme de 11.400 euros au titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

* la somme de 825,21 euros au titre de rappel de salaire du mois de juillet 2018,

- ordonner la fixation de la somme de 3.000 euros correspondant aux frais irrépétibles dus conformément à l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens, au passif de la procédure collective de la société Chez Micheline et [N],

- déclarer opposable au CGEA de [Localité 5] la décision à intervenir,

- ordonner l'exécution provisoire sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile.

Dans ses uniques conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 21 décembre 2021, l'AGS, partie intervenante forcée, demande à la cour de:

A titre principal,

- infirmer le jugement rendu le 08 juin 2020 par le conseil de prud'hommes de Melun en toutes ses dispositions,

- débouter Mme [L] de ses demandes,

- condamner Mme [L] au remboursement des sommes avancées au titre de l'exécution provisoire,

A titre subsidiaire,

- réformer le jugement rendu le 08 juin 2020 par le conseil de prud'hommes de Melun,

- limiter l'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse à 750 euros,

- fixer l'indemnité de préavis à 1.300 euros et les congés payés y afférents à 130 euros,

- fixer l'indemnité légale de licenciement à 325 euros,

- débouter Mme [L] du surplus de ses demandes,

- fixer au passif de la liquidation les créances retenues,

Dans la limite du plafond 5 toutes créances brutes confondues,

- exclure de l'opposabilité à l'AGS la créance éventuellement fixée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- exclure de l'opposabilité à l'AGS l'astreinte,

- rejeter la demande d'intérêts légaux,

- dire ce que de droit quant aux dépens sans qu'ils puissent être mis à la charge de l'AGS.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 janvier 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du 23 janvier 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Aux termes de ses dernières écritures, la salarié demande la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Chez Micheline et [N] à lui payer diverses sommes.

En application de l'article L622-21 du code du commerce, les instances introduites ou en cours pendant la procédure collective ne peuvent tendre qu'à la fixation des créances. Les demandes faites par la salariée ne peuvent en conséquence que s'entendre comme une demande de fixation au passif de la société liquidée ( d'ailleurs demandée à titre subsidiaire).

1-Sur le rappel de salaire

La salariée indique qu'un salaire mensuel brut de 1900 euros a été convenu lors de son embauche verbale et qu'elle n'a jamais touché cette somme.

Le liquidateur répond que l'attestation du gérant dont se prévaut la salariée a été rédigée en mentionnant un salaire plus élevé afin de faciliter son installation avec son petit ami, également employé du restaurant. Il est indiqué que le véritable salaire de base de Mme [L] est de 1300 euros.

La cour n'a aucune raison de mettre en doute, en l'absence de contrat écrit,

l'attestation du 7 novembre 2017 selon laquelle le salaire mensuel brut est de 1900 euros et ce d'autant plus qu'il apparait que le salaire de base mentionné sur les bulletins de paie n'a jamais été de 1300 euros.

Il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a alloué la somme de 2217,06 euros au titre du rappel de salaire, outre celle de 221,70 euros au titre des congés payés afférents, sauf à préciser que ces sommmes seront fixées au passif de la société.

2-Sur la demande de restitution de salaire pour juillet 2018.

Le liquidateur soutient que la demande, nouvelle en cause d'appel, est irrecevable. Subsidiairement, il rappelle que la salariée a démissionnée le 18 juillet 2018 et qu'il est ainsi normal qu'elle n'ait pas été payée pour la totalité du mois de juillet.

La cour constate que la demande de ce chef est complémentaire au sens de l'article 566 du code de procédure civile des demandes principales de Mme [L] et dés lors recevable.

Le bulletin de salaire de juillet 2018 mentionne "heures normales à régulariser" suivi de la déduction d'une somme de 825,21 euros.

La somme déduite ne correspond pas aux jours non travaillés par la salariée à raison de sa démission.

La somme injustement déduite est de 301,24 euros.

Cette somme sera fixée au passif de la société.

3- Sur les heures supplémentaires

Aux termes de l'article L. 3171-2 alinéa 1er du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Il a été jugé que constituent des éléments suffisamment précis des tableaux mentionnant le décompte journalier des heures travaillées, peu important qu'ils aient été établis par le salarié lui-même pour les besoins de la procédure.

Par ailleurs, même en l'absence d'accord exprés, les heures supplémentaires justifiées par l'importance des tâches à accomplir ou réalisées avec l'accord tacite de l'employeur, qui ne pouvait en ignorer l'existence et qui ne s'y est pas opposé, doivent être payées.

En l'espèce, au soutien de ses prétentions, la salariée produit les décomptes hebdomadaires des heures établis par ses soins récapitulant ses horaires de travail sur la période concernée et un récapitulatif / calcul des heures dues.

Ce faisant, elle produit des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'elle prétend avoir accomplies au-delà de la durée légale de travail ce qui permet à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

En réponse cependant, l'employeur critique les éléments de preuve ainsi communiqués, souligne que la salariée ne décompte pas sa pause déjeuner et produit un tableau intitulé " régularisation des heures" duquel il ressort que la salariée a effectué 51,5 heures supplémentaires, lesquelles lui ont été payées en juillet 2018. L'employeur souligne que les demandes de Mme [R] [L] ont beaucoup évolué au fil de la procédure prud'homale.

Dans le dernier état de ses demandes, la salariée indique avoir effectué 131,20 heures supplémentaires.

Il résulte par ailleurs des pièces produites que l'employeur était nécessairement informé de l'amplitude horaire du salarié, qu'il ne s'y était pas opposé et qu'il avait dès lors donné son accord tacite à la réalisation des heures litigieuses.

Au regard des éléments produits de part et d'autre, il y a lieu de retenir 60 heures supplémentaires.

La somme de 826,98 euros sera fixée au passif de la société de ce chef, outre la somme de 82,69 euros au titre des congés payés afférents.

Le jugement est infirmé sur ce point.

4-Sur la demande de dommages-intérêts pour travail dissimulé

L'article L.8221-5 du code du travail dispose qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

L'article L.8223-1 du même code dispose quant à lui que, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Au cas d'espèce, l'intention frauduleuse de l'employeur n'est pas démontrée.

Dès lors la salariée doit être déboutée de sa demande de ce chef.

Le jugement est confirmé.

5-Sur la demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L.1154-1 du même code prévoit, dans sa version applicable à la cause, qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de supposer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il convient donc d'examiner la matérialité des faits invoqués, de déterminer si pris isolément ou dans leur ensemble ils font présumer un harcèlement moral et si l'employeur justifie les agissements invoqués par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, le salarié soutient avoir été victime de harcèlement moral de son employeur caractérisés par :

1-son comportement visant à l'isoler à son retour de congé maladie en montant ses collègues contre elle,

-sa prise à partie violente, le 2 mai 2018, lui reprochant d'avoir laissé seuls les apprentis et ses revendications salariales,

-des propos vexatoires et des remarques désobligeantes sur sa famille ainsi que des insultes publiques,

Elle indique que ces faits ont altérés sa santé mentale ( dépression).

Aucune pièce ne vient établir le grief n° 2.

En revanche, l'attestation de Mme [B] [Y] et les SMS versés aux débats démontrent la réalité des griefs n°1 et 3, dont la réalité des propos rapportés ne sont pas niés par l'employeur.

La salariée justifie de l'altération de son état de santé (dépression : attestation de son médecin traitant, ordonnance d'anti-dépresseur).

Ces éléments, pris ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral.

En réponse, le liquidateur fait valoir que l'attestation versée aux débats établit un seul fait qui ne peut , faute de répétition, être considéré comme un harcèlement moral.

Il est pourtant fait état d'un comportement récurrent de la part de M. [H] ( gérant).

Il résulte de ce qui précède que le harcèlement moral subi par le salarié est caractérisé.

Le conseil de prud'hommes, en allouant à la salariée une somme de 2000 euros à titre de dommages et intérêts a justement apprécié et réparé le préjudice subi.

Le jugement est confirmé, sauf à dire que la somme sera fixée au passif de la société.

6-Sur la demande de dommages et intérêts pour manquement par la société à son obligation de sécurité de résultat

En application de l'article L 4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, ces mesures comprenant notamment des actions de prévention des risques professionnels, des actions d'information et de formation, la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

La salariée ne justifie d'aucun manquement de son employeur. Elle ne peut notamment arguer de ce qu'elle a averti son employeur du harcèlement moral subi, les 10 et 17 juillet 2018 et qu'il est resté sans réagir alors qu'elle a démissionnée le 18 juillet 2018 et était en arrêt maladie précédemment. Elle est déboutée de sa demande de ce chef .

Le jugement est confirmé de ce chef.

7-Sur la demande de requalification de la démission de Mme [R] [L] en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par courrier en date du 18 juillet 2018, Mme [R] [L] a démissionné de ses fonctions.

L'employeur indique que le salarié a très clairement exprimé son souhait de démissionner et que les griefs invoqués pour voir requalifier la démission en prise d'acte de la rupture, produisant les effets d'un licenciement sans cause et réelle ne sont pas avérés.

Il est de droit que la démission du salarié est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail. Lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de sa démission remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de sa démission qu'à la date à laquelle elle a été décidé, celle-ci était équivoque, l'analyser en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire d'une démission.

Le fait que la salariée ait, antérieurement à sa démission , saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la résiliation de son contrat de travail, le paiement de salaires, et des dommages et intérêts, notamment pour harcèlement moral, ce dont il résulte l'existence d'un différend, rend la démission équivoque et peut être requalifier, le cas échéant, en prise d'acte de la rupture du contrat de travail .

Il appartient au salarié de rapporter la preuve d'un manquement suffisamment grave de l'employeur faisant obstacle à la poursuite du contrat de travail.

Au cas d'espèce, la salariée invoque l'absence de délivrance d'un contrat de travail écrit, de réglement d'une partie de sa rémunération de base et d'une partie de ses heures supplémentaires ainsi qu'un harcèlement moral et l'absence de délivrance de ses bulletins de salaire. .

Il a été reconnu plus haut l'absence de paiement d'un reliquat du salaire de base, de 60 heures supplémentaires et le harcèlement moral de la salariée.

Ces élements constituent un manquement grave des obligations contractuelles de l'employeur justifiant que la démission soit requalifiée en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement est confirmé de ce chef, comme le sont les sommes allouées au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de l'indemnité légale de licenciement, de l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, sauf à dire qu'elle seront fixées au passif de la société liquidée.

8-Sur la garantie de l' AGS

L'AGS doit sa garantie dans les conditions et limites prévues aux articles L.3253-6 et suivants du code du travail, notamment dans la limite des plafonds visés à l'article L.3253-17

9-Sur les demandes accessoires

Le jugement est confirmé en ce qui concnerne l'article 700 du code de procédure civile, sauf à dire que la somme de 1500 euros allouée à Mme [R] [L] sera réglée par la SCP [M] Hazane, prise en la personne de Maître [I] [M] ès qualité de liquidateur de la société Chez Micheline et [N].

Partie perdante la SCP [M] Hazane, prise en la personne de Maître [I] [M] ès qualité de liquidateur de la société Chez Micheline et [N] est condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

L'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel au profit de la salariée à hauteur de 2000 euros, en cause d'appel.

La SCP [M] Hazane, prise en la personne de Maître [I] [M] ès qualité de liquidateur de la société Chez Micheline et [N] est déboutée de a demande au titre des frais irrépétibles en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Dit recevable la demande au titre de la rémunération de juillet 2018,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme [R] [L] de sa demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité, d'indemnité pour travail dissimulé, en ce qu'il a requalifié la démission en une prise d'acte de la rupture produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qui concerne les montants alloués au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de l'indemnité légale de licenciement, de l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, des dommages et intérêts pour harcélement moral, du rappel de salaire au titre du salaire de base sauf à dire que les sommes allouées seront fixées au passif de la société liquidée,

Infirme le jugement déféré pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Fixe comme suit les créances de Mme [R] [L] au passif de la SARL Chez Micheline et [N] :

- 301,24 euros au titre de la somme trop déduite sur le salaire de juillet 2018,

- 826,98 euros au titre des heures supplémentaires, outre celle de 82,69 au titre des congés payés afférents,

Dit que la garantie de l'UNEDIC Délégation AGS CGEA de [Localité 5] ne pourra intervenir que dans les limites de la garantie légale,

Dit que la garantie de l'AGS est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, à un des trois plafonds définis à l'article D. 3253-5 du Code du travail,

Condamne la SCP [M] Hazane, prise en la personne de Maître [I] [M] ès qualité de liquidateur de la société Chez Micheline et [N] à payer à Mme [R] [L] la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en première instance et en cause d'appel,

Déboute la SCP [M] Hazane, prise en la personne de Maître [I] [M] ès qualité de liquidateur de la société Chez Micheline et [N] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel,

Condamne la SCP [M] Hazane, prise en la personne de Maître [I] [M] ès qualité de liquidateur de la société Chez Micheline et [N] aux dépens de première instance et d'appel.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 20/05485
Date de la décision : 22/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-22;20.05485 ?
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