RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 13
ARRÊT DU 17 Mars 2023
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 17/14210 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4QNX
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Septembre 2017 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de MELUN RG n° 15/00131
APPELANTE
CPAM 77 - SEINE ET MARNE
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Me Amy TABOURE, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Lucie DEVESA, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901
INTIME
Monsieur [G] [O]
[Adresse 1]
[Adresse 2]
comparant en personne, assisté de Me Julie SOLASSOL, avocat au barreau d'ESSONNE, toque : D1215
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Janvier 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre
Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre
Monsieur Gilles BUFFET, Conseiller
Greffier : Madame Alice BLOYET, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre et par Madame Fatma DEVECI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l'appel interjeté par la caisse primaire d'assurance maladie de Seine et Marne (la caisse) d'un jugement rendu le 15 septembre 2017 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Melun dans un litige l'opposant à M. [G] [O].
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Les faits de la cause ayant été rapportés par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il convient de préciser que la caisse a, le 29 octobre 2014, refusé de prendre en charge au titre de la législation professionnelle en raison de la prescription, l'accident déclaré par M. [G] [O], responsable d'agence au sein de la société [5], au titre d'un accident du 7 août 2012 à 16 H 00 (pour un horaire de travail de 08 H 00 à 12 H 00 et de 13 H 30 à 18 H 00), la déclaration mentionnant qu'en recevant un client à son bureau, il a été victime de
« violences et menaces de mort » ayant entraîné une fracture du nez et qu'un rapport de police a été établi ; que M. [O] a saisi la commission de recours amiable le 17 décembre 2014 ; qu'il a le 5 février 2015 saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Melun sur la base d'une décision implicite de rejet ; que la commission de recours amiable a rendu une décision de rejet le 2 octobre 2015.
Par jugement du 15 septembre 2017, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Melun a :
- dit que l'accident dont M. [O] a été victime le 7 août 2012 doit être pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie de Seine et Marne au titre de la législation sur le risque professionnel ;
- dit que la caisse primaire d'assurance maladie de Seine et Marne doit en conséquence procéder à un nouvel examen des droits de M. [O] ;
- débouté M. [O] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour statuer ainsi le tribunal a retenu que la demande en reconnaissance d'accident du travail n'est pas prescrite ; que la décision de refus de la caisse est intervenue au-delà du délai d'instruction de 30 jours entraînant la prise en charge implicite de l'accident du travail du 7 août 2012, puisque
M. [O] a bien adressé une déclaration d'accident du travail accompagnée d'un certificat médical le 7 août 2014 à la caisse, laquelle a notifié une décision de refus de prise en charge par courrier du 29 octobre 2014, soit au-delà du délai d'instruction de 30 jours dont elle disposait.
La caisse a, le 22 novembre 2017, interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 24 octobre 2017.
Par ses conclusions écrites déposées et soutenues oralement à l'audience par son conseil, la caisse demande à la cour de :
- déclarer son appel recevable en la forme ;
- le dire bien fondé ;
- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
- renvoyer M. [O] devant l'organisme pour instruction de sa demande de prise en charge de l'accident du 7 août 2012 au titre de la législation sur les risques professionnels.
Elle fait valoir en substance que :
- le délai d'instruction ne commence à courir qu'à compter de la réception du dossier complet comprenant la déclaration d'accident du travail et le certificat médical initial ;
- elle n'a réceptionné aucun certificat médical initial ; les seules pièces médicales qu'elle a réceptionnées sont le compte rendu d'une imagerie médicale du 14 août 2012 ainsi que le duplicat d'un certificat médical établi sur papier libre le 14 août 2012 par le docteur [Y] et remis à l'intéressé le 21 juillet 2014 ; ces deux pièces ont été réceptionnées par la caisse le 13 octobre 2014 ainsi qu'il résulte du lien d'archivage ;
- il ne s'agit pas du certificat médical initial tel que visé et imposé par l'article R.441-10 du code de la sécurité sociale ; en conséquence, le délai d'instruction n'a jamais commencé à courir, puisque le texte vise expressément la déclaration d'accident du travail et le certificat médical initial ;
- s'il était considéré qu'à la date du 13 octobre 2014, date de réception du duplicata du certificat médical du 14 août 2012, le dossier était complet et qu'ainsi le délai d'instruction commençait à courir, il ne pourrait qu'être constaté que le refus de prise en charge notifié le 29 octobre 2014 est intervenu avant l'expiration du délai de 30 jours et aucune reconnaissance implicite ne serait encourue ;
- sur la matérialité, elle indique que le refus de prise en charge était fondé sur la prescription biennale et demande dès lors de renvoyer M. [O] devant l'organisme pour examen sur le fond de sa demande de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident.
Par ses conclusions écrites déposées par son conseil qui les a soutenues oralement à l'audience, M. [G] [O] demande à la cour de :
- le recevoir en les présentes et l'y déclarer bien fondé ;
- juger que l'accident dont il a été victime le 7 août 2012 doit être pris en charge au titre de la législation professionnelle ;
- condamner la caisse à lui régler la somme de 1 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Il réplique en substance que :
- il a adressé à la caisse une déclaration d'accident du travail par courriel le 7 août 2014, reçue le jour même, puis par lettre recommandée avec accusé de réception le 11 août 2014 accompagnée du duplicata établi le 21 juillet 2014 du certificat médical du 14 août 2012, correspondant au certificat médical initial, ainsi que la radiographie permettant de pose le diagnostic du même jour ;
- ces éléments étaient mentionnés dans le courriel adressé par l'assuré et le certificat médical initial était transmis par la voie postale ;
- la caisse qui se prévaut de la non réception de certificat médical initial ne produit aucun courrier de demande de pièce ;
- la copie du mail versée par la caisse comporte l'annotation manuscrite « l'original est en notre possession » ;
- en lui notifiant un refus de prise en charge le 29 octobre 2014, la caisse n'a pas respecté le délai de 30 jours imposé par la réglementation en vigueur ;
- une décision implicite de prise en charge était déjà intervenue au moment où la décision de rejet a été notifiée plus de deux mois et demi après la déclaration d'accident du travail;
- la cour est compétente pour reconnaître le caractère professionnel de son accident et il convient de rejeter la demande de renvoi aux services administratifs ;
- il résulte de la déclaration d'accident du travail que l'accident est survenu aux temps et lieu du travail, en présence d'un témoin et qu'un rapport de police a été établi ; la survenue d'un fait soudain et brutal aux temps et lieu du travail est établie et est de nature à caractériser un accident du travail ;
- il a déposé une plainte le lendemain de l'accident, soit le 8 août 2012 ; son agresseur a été poursuivi pénalement et condamné, par arrêt de la cour d'appel de Paris du 11 décembre 2015, pour des faits de violence volontaire ayant entraîné une ITT inférieure à 8 jours ;
- la matérialité de l'accident n'est pas contestable et ledit accident constitue un accident du travail qui doit être pris en charge à ce titre.
SUR CE :
Le moyen tiré de la prescription n'est plus invoqué par la caisse.
- Sur le délai d'instruction :
L'article R.441-10 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige dispose que:
« La caisse dispose d'un délai de trente jours à compter de la date à laquelle elle a reçu la déclaration d'accident et le certificat médical initial ou de trois mois à compter de la date à laquelle elle a reçu la déclaration de la maladie professionnelle et le certificat médical initial pour statuer sur le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie.
Il en est de même lorsque, sans préjudice de l'application des dispositions du chapitre Ier du titre IV du livre Ier et de l'article L. 432-6, il est fait état pour la première fois d'une lésion ou maladie présentée comme se rattachant à un accident du travail ou maladie professionnelle.
Sous réserve des dispositions de l'article R. 441-14, en l'absence de décision de la caisse dans le délai prévu au premier alinéa, le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie est reconnu. »
L'article R.441-14 du même code, dans sa version applicable au litige, dispose que :
« Lorsqu'il y a nécessité d'examen ou d'enquête complémentaire, la caisse doit en informer la victime ou ses ayants droit et l'employeur avant l'expiration du délai prévu au premier alinéa de l'article R.441-10 par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. A l'expiration d'un nouveau délai qui ne peut excéder deux mois en matière d'accidents du travail ou trois mois en matière de maladies professionnelles à compter de la date de cette notification et en l'absence de décision de la caisse, le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie est reconnu. »
En l'espèce, il n'est pas contesté que M. [O] a adressé sa déclaration d'accident du travail à la caisse par courrier électronique du 7 août 2014 (pièce n°4 des productions de la caisse).
M. [O] fait valoir qu'il a adressé à la caisse un certificat médical initial du 7 août 2014 avec la mention « annule et remplace » par courrier, sans néanmoins justifier de l'envoi ni de la réception de ce certificat médical par la caisse (pièce n°1 des productions de M. [O]).
La caisse verse aux débats le certificat médical du 14 août 2012 portant la mention « duplicata remis à M. [O] le 21/7/14 » qui indique l'état de la victime et les conséquences de l'accident du 7 août 2012 en mentionnant le siège et la nature des lésions en cause. Ce certificat a été reçu par la caisse le 13 octobre 2014 (pièce n°6 des productions de la caisse).
La caisse disposait donc d'un délai de trente jours à compter de la date à laquelle elle a reçu la déclaration d'accident et le certificat médical susvisé constituant le certificat médical initial pour statuer sur le caractère professionnel de l'accident ou informer la victime avant l'expiration de ce délai par lettre recommandée avec demande d'avis de réception de la nécessité du recours à un délai complémentaire d'instruction.
Ayant réceptionné un dossier complet comprenant le certificat médical et la déclaration d'accident du travail le 13 octobre 2014, la caisse devait donc prendre sa décision ou informer M. [O] de la nécessité d'un délai complémentaire d'instruction au plus tard le 13 novembre 2014, par l'envoi d'une lettre recommandée avec avis de réception.
Il n'est pas contesté que par lettre du 29 octobre 2014, la caisse a notifié à l'assuré la décision de refus de prise en charge de l'accident. La caisse a ainsi pris sa décision dans le délai de jours prévu par l'article R.441-10 du code de la sécurité sociale.
Il résulte de ce qui précède qu'aucune décision implicite de prise en charge ne saurait être retenue.
La caisse n'ayant pas conclu sur la matérialité de l'accident et la demande de prise en charge de l'accident du titre de la législation professionnelle, il convient d'ordonner la réouverture des débats pour permettre à la caisse de conclure au fond.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
DÉCLARE l'appel recevable ;
ORDONNE la réouverture des débats à l'audience de la chambre 6-13 de la cour d'appel
du :
Lundi 27 novembre 2023
Escalier H, Secteur Pôle Social, Salle Huot Fortin, 1H09
DIT que la notification du présent arrêt vaut convocation.
DONNE injonction à la caisse primaire d'assurance maladie de conclure au fond pour le 1er juin 2023 et dit que M. [O] devra conclure en réponse pour le 1er septembre 2023
RÉSERVE les demandes.
La greffière La présidente