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16/03/2023 | FRANCE | N°21/21691

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 11, 16 mars 2023, 21/21691


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 11



ARRET DU 16 MARS 2023



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/21691

N° Portalis 35L7-V-B7F-CE2BE



Décision déférée à la Cour : jugement du 05 novembre 2021 - tribunal judiciaire de PARIS RG n° 19/12102



APPELANTS



Monsieur [G] [U]

Né le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 9] (75)

[Adresse 6]

[Adr

esse 6]

Représenté par Me Maryline LUGOSI de la SELARL MOREAU GERVAIS GUILLOU VERNADE SIMON LUGOSI, avocat au barreau de PARIS, toque : P0073

assisté par Me Frédéric ROUSSEL, avocat au barreau de PARI...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11

ARRET DU 16 MARS 2023

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/21691

N° Portalis 35L7-V-B7F-CE2BE

Décision déférée à la Cour : jugement du 05 novembre 2021 - tribunal judiciaire de PARIS RG n° 19/12102

APPELANTS

Monsieur [G] [U]

Né le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 9] (75)

[Adresse 6]

[Adresse 6]

Représenté par Me Maryline LUGOSI de la SELARL MOREAU GERVAIS GUILLOU VERNADE SIMON LUGOSI, avocat au barreau de PARIS, toque : P0073

assisté par Me Frédéric ROUSSEL, avocat au barreau de PARIS

Madame [J] [U]

Née le [Date naissance 2] 1963 à [Localité 8] (93)

[Adresse 6]

[Adresse 6]

Représentée par Me Maryline LUGOSI de la SELARL MOREAU GERVAIS GUILLOU VERNADE SIMON LUGOSI, avocat au barreau de PARIS, toque : P0073

assisté par Me Frédéric ROUSSEL, avocat au barreau de PARIS

INTIMEES

S.A. MARCO VASCO

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Représentée par Me Bénédicte ESQUELISSE de la SCP SOULIE COSTE-FLORET & AUTRES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0267

assistée par Me Mathilde RYBKA, avocat au barreau de PARIS

S.A. GENERALI IARD

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Bénédicte ESQUELISSE de la SCP SOULIE COSTE-FLORET & AUTRES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0267

assistée par Me Mathilde RYBKA, avocat au barreau de PARIS

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE SEINE ET MA RNE

[Adresse 10]

[Adresse 10]

n'a pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 12 janvier 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre

Mme Nina TOUATI, présidente de chambre

Mme Dorothée DIBIE, conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Nina TOUATI, présidente de chambre, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier lors des débats : Mme Roxanne THERASSE

Greffier lors de la mise à disposition : Mme Emeline DEVIN

ARRET :

- réputé contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Nina TOUATI, présidente de chambre pour la présidente empêchée et par Emeline DEVIN, greffière, présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

M. [G] [U] et son épouse, Mme [J] [U] ont acquis le 28 novembre 2016 auprès de la société Marco Vasco, assurée auprès de la société Generali IARD (la société Generali), un voyage à forfait en [Localité 7] pour la période du 26 décembre 2016 au 8 janvier 2017 comprenant notamment un dîner-spectacle dans un établissement de Buenos Aires le soir du 31 décembre 2016.

M. [U], victime, au cours de cette soirée, d'une chute dans les toilettes de l'établissement, a présenté un traumatisme au niveau de l'épaule gauche et a été rapatrié en France le 2 janvier 2017.

Par ordonnance du 10 juillet 2017, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris, saisi par M. [U], a désigné en qualité d'expert le Docteur [V] [F].

Les parties se sont rapprochées et ont mis en place parallèlement une expertise amiable contradictoire réalisée par le Docteur [R], médecin conseil de M. [U] et par le Docteur [Z], médecin conseil de la société Generali, qui ont déposé leur rapport le 19 décembre 2017.

Par actes d'huissier en date des 24 et 26 septembre 2019, M. et Mme [U] ont fait assigner les sociétés Marco Vasco et Generali ainsi que la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne (la CPAM) devant le tribunal de grande instance de Paris afin d'obtenir l'indemnisation de leurs préjudices.

Par un premier jugement du 9 février 2021, le tribunal judiciaire de Paris a condamné la société Marco Vasco et la société Generali à indemniser M. et Mme [U] de leurs préjudices et renvoyé l'affaire vers une autre chambre de la juridiction en vue de leur liquidation.

Par jugement du 5 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Paris, a :

- condamné la société Marco Vasco et son assureur la société Generali in solidum à payer à M. [U], à titre de réparation de son préjudice corporel, en deniers ou quittance, provisions non déduites, avec intérêts au taux légal à compter du jugement, en réparation des préjudices suivants :

- dépenses de santé actuelles : 2 337 euros

- frais divers : 3 107,62 euros

- assistance par tierce personne temporaire : 5 562 euros

- assistance par tierce personne future : 21 831,34 euros

- incidence professionnelle : 8 000 euros

- déficit fonctionnel temporaire : 4 134,50 euros

- souffrances endurées : 8 500 euros

- préjudice esthétique temporaire : 1 500 euros

- déficit fonctionnel permanent : 12 000 euros

- préjudice esthétique permanent : 1 000 euros

- débouté M. [U] de sa demande au titre du préjudice d'agrément spécifique,

- débouté Mme [U] de sa demande au titre du préjudice d'affection,

- condamné la société Marco Vasco à payer à M. et Mme [U] la somme de 3 935,00 euros en remboursement des prestations non effectuées,

- condamné la société Marco Vasco et son assureur la société Generali in solidum à payer à la CPAM :

- la somme de 10 429,56 euros au titre des prestations versées, avec intérêts au taux légal à compter du 8 février 2020 sur la somme de 8 746,46 euros et à compter du 22 avril 2020 pour le surplus,

- la somme de 1 091 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

- dit n'y a voir lieu à réserver les droits de la CPAM,

- condamné la société Marco Vasco et son assureur la société Generali in solidum aux dépens qui pourront être recouvrés directement par Maître [B] [C] et [W] & [K] associés pour ceux dont ils ont fait l'avance sans avoir obtenu provision conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- condamné la société Marco Vasco et son assureur la société Generali in solidum à payer à M. et Mme [U] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Marco Vasco et son assureur la société Generali in solidum à payer à la CPAM la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement à concurrence des deux tiers de l'indemnité allouée et en totalité en ce qui concerne les frais irrépétibles et les dépens,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Par déclaration du 9 décembre 2021, M. et Mme [U] ont interjeté appel de ce jugement en critiquant expressément ses dispositions relatives à l'indemnisation des postes du préjudice corporel de M. [U] liés à l'incidence professionnelle, à l'assistance permanente par une tierce personne, au préjudice esthétique temporaire et au préjudice d'agrément, au rejet de l'indemnisation de Mme [U] au titre de son préjudice d'affection et à l'indemnité allouée en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les conclusions de M. et Mme [U], notifiées le 23 août 2022, aux termes desquelles ils demandent à la cour, de :

- confirmer le jugement entrepris du 5 novembre 2021 en ce qu'il a jugé que le droit à indemnisation des époux [U] n'est pas contesté pour avoir été tranché par jugement définitif du 9 février 2021,

- confirmer le jugement entrepris du 5 novembre 2021 en ce qu'il a condamné la société Marco Vasco et son assureur, la société Generali, in solidum à payer à M. [U], à titre de réparation de son préjudice corporel :

- dépenses de santé actuelles : 2 337 euros

- frais divers de transport et de médecin-conseil : 3 107,62 euros

- tierce personne temporaire : 5 562 euros au taux horaire de 18 euros

- déficit fonctionnel temporaire : 4 134,50 euros au taux journalier de 25 euros

- souffrances endurées : 8 500 euros

- déficit fonctionnel permanent : 12 000 euros

- préjudice esthétique permanent : 1 000 euros

- confirmer le jugement entrepris du 5 novembre 2021 en ce qu'il a condamné la société Marco Vasco à payer à M. et Mme [U] la somme de 3 935 euros à titre de remboursement des prestations dont ils n'ont pu profiter à la suite de l'accident sur la facture de 7 860 euros,

- infirmer le jugement du 5 novembre 2021 en ce qu'il a condamné la société Marco Vasco et son assureur, la société Generali, in solidum à payer à M. [U], à titre de réparation de son préjudice corporel :

- assistance par tierce personne future :

* arrérages échus jusqu'au 5 novembre 2021 : 3 202,86 euros

* arrérages à échoir à partir du 5 novembre 2021 : 18 628,48 euros

- incidence professionnelle : 8 000 euros

- préjudice esthétique temporaire : 1 500 euros

- frais irrépétibles : 3 000 euros

- infirmer le jugement du 5 novembre 2021 en ce qu'il a débouté M. [U] de ses demandes indemnitaires au titre du préjudice d'agrément,

- infirmer le jugement du 5 novembre 2021 en ce qu'il a débouté Mme [U] de ses demandes indemnitaires au titre du préjudice d'affection,

Statuant à nouveau,

- dire et juger M. et Mme [U] bien fondés en leurs demandes, fins et prétentions, et les y accueillir,

- dire et juger les sociétés Generali et Marco Vasco mal fondées en leurs demandes, fins et conclusions et les en débouter,

En conséquence,

- condamner in solidum les sociétés Marco Vasco et Generali à payer à M. [U], à titre de réparation de son préjudice corporel, en deniers ou quittance, provisions non déduites, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir la somme de 258 780,05 euros ainsi ventilée :

- dépenses de santé actuelles : 2 337 euros

- frais divers :

* frais de trajet : 755,62 euros

* frais de médecin-conseil : 2 352 euros

* tierce personne temporaire familiale : 5 562 euros

- assistance par tierce personne future :

* arrérages échus : 4 040 euros

* capitalisation 19 563,44 euros

- incidence professionnelle

* arrérages échus : 109 699,41 euros

* capitalisation : 81 336,53 euros

- déficit fonctionnel temporaire : 4 134,50 euros

- souffrances endurées : 8 500 euros

- préjudice esthétique temporaire : 2 500 euros

- déficit fonctionnel permanent : 12 000 euros

- préjudice d'agrément : 5 000 euros

- préjudice esthétique permanent : 1 000 euros

- dire et juger qu'il convient de déduire de cette somme celle de 30 000 euros versée à titre provisionnel, ainsi que celle de 40 972,46 euros versée par la société Generali dans le cadre de l'exécution provisoire du jugement entrepris, soit un reliquat de 187 808,04 euros,

- condamner in solidum les sociétés Marco Vasco et Generali à payer à Mme [U] la somme de 15 000 euros au titre de son préjudice d'affection,

- condamner la société Marco Vasco à payer à M. et Mme [U] la somme de 3 935 euros à titre de remboursement des prestations dont ils n'ont pu profiter à la suite de l'accident sur la facture de 7 860 euros,

- condamner in solidum les sociétés Marco Vasco et Generali à payer à M. et Mme [U] la somme de 9 635 euros au titre des dispositions de l'article 700 code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Maryline Lugosi, avocat aux offres de droit, en application de l'article 699 [du code de procédure civile],

- dire et juger l'arrêt à intervenir commun et opposable à la CPAM.

Vu les conclusions des sociétés Generali et Marco Vasco, notifiées le 1er juin 2022, aux termes desquelles elles demandent à la cour, de :

Vu le principe de réparation intégrale sans perte ni profit,

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

Et par conséquent :

- évaluer les préjudices de M. [U] dans la limite du chiffrage du tribunal :

* dépenses de santé actuelles : 2 337 euros

* frais de trajet : 755,62 euros

* frais de médecin conseil : 2 352 euros

* tierce personne temporaire : 5 562 euros

* tierce personne future : 21 831,34 euros

* incidence professionnelle : 8 000 euros

* déficit fonctionnel temporaire : 4 134,50 euros

* souffrances endurées : 8 500 euros

* préjudice esthétique temporaire : 1 500 euros

* déficit fonctionnel permanent : 12 000 euros

* préjudice esthétique permanent : 1 000 euros

- débouter M. [U] du surplus de ses demandes,

- débouter Mme [U] de sa demande de réparation d'un préjudice dont elle ne justifie pas la réalité,

- dire et juger que la créance des tiers payeurs s'imputera sur l'évaluation des préjudices qui « sera arrêtée par le tribunal »,

- prononcer toute condamnation déduction faite des provisions allouées ou en deniers et quittance,

- limiter toute condamnation à l'encontre de la société Generali dans les limites de sa police,

- rejeter les demandes dirigées à son encontre concernant les prestations non consommées,

Et en tout état de cause et à titre reconventionnel,

- condamner in solidum les époux [U] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

Bien qu'ayant été destinataire de la déclaration d'appel qui lui a été signifiée par acte d'huissier du 30 janvier 2022 délivré à personne habilitée, la CPAM n'a pas constitué avocat.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Par l'effet de l'appel, la cour n'est pas saisie des dispositions du jugement déféré ayant condamné la société Marco Vasco seule à payer à M. et Mme [U] la somme de 3 935 euros à titre de remboursement des prestations dont ils n'ont pu profiter à la suite de l'accident.

Cette disposition étant devenue définitive, il n'y a pas lieu de statuer sur ce point.

Sur le préjudice corporel de [U]

* Sur les limites de la saisine de la cour

La déclaration d'appel des époux [U] ne critique expressément que les dispositions du jugement relatives à l'indemnisation des postes du préjudice corporel de M. [U] liés à l'incidence professionnelle, au préjudice esthétique temporaire et au préjudice d'agrément.

Les sociétés Marco Vasco et Generali n'ont pas formé d'appel incident concernant l'évaluation du préjudice corporel de M. [U].

M. [U] conclut dans ses dernières conclusions à l'infirmation du jugement sur le montant de l'indemnité allouée par le tribunal au titre de l'assistance permanente par une tierce personne, alors que cette disposition n'était pas visée dans sa déclaration d'appel.

Seul l'acte d'appel opérant la dévolution des chefs critiqués du jugement, ainsi qu'il résulte des articles 562 et 901 du code de procédure civile, la cour n'est pas valablement saisie de la disposition du jugement relative à ce poste de préjudice sur lequel il n'y a pas lieu de statuer.

Il n'y a pas lieu par ailleurs de confirmer les dispositions du jugement déféré concernant l'indemnisation des postes du préjudice corporel de M. [U] liés aux dépenses de santé actuelles, aux frais divers, à l'assistance temporaire par une tierce personne, au déficit fonctionnel temporaire, aux souffrances endurées, au déficit fonctionnel permanent et au préjudice esthétique permanent, alors que ces dispositions, en l'absence d'appel principal ou incident les concernant, sont devenues définitives.

* Sur l'indemnisation des postes de préjudice dont la cour est saisie

Les experts amiables, les Docteurs [Z] et [R], indiquent dans leur rapport définitif établi à la suite d'un examen réalisé le 19 novembre 2018 que M. [U] a présenté à la suite de l'accident du 31 décembre 2016 un traumatisme de la ceinture scapulaire gauche, une fracture pluri-fragmentaires de la tête humorale, une fracture de la glène de la scapula ainsi qu'un syndrome anxio-dépressif.

Ils ont constaté qu'à la date de consolidation fixée au 12 octobre 2018, M. [U] conservait comme séquelles sur le plan orthopédique une raideur douloureuse et une limitation de la mobilité de l'épaule gauche ainsi que des séquelles sur le plan psychique justifiant un taux de déficit fonctionnel permanent de 10 %.

Ils ont conclu leur rapport ainsi qu'il suit s'agissant des postes de préjudice en litige devant la cour :

- préjudice esthétique temporaire : 2/7 jusqu'au 8 février 2017 (ablation de l'immobilisation)

- retentissement sur les activités d'agrément : non reprise à titre définitif du golf, du piano et gêne sans impossibilité pour la pratique de la natation et de la photo-vidéo,

- retentissement professionnel : difficultés au port de charges et dans certains actes spécifiques à son activité professionnelle mais sans impossibilité ni inaptitude.

Ce rapport constitue une base valable d'évaluation des postes du préjudice corporel de M. [U] en discussion devant la cour, à déterminer au vu des diverses pièces justificatives produites, de l'âge de la victime née le[Date naissance 1] 1957, de son activité professionnelle de médecin radiologue, de la date de consolidation, afin d'assurer sa réparation intégrale et en tenant compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion de ceux à caractère personnel sauf s'ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.

Incidence professionnelle

Ce poste de préjudice a pour objet d'indemniser non la perte de revenus liée à l'invalidité permanente de la victime mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle en raison, notamment, de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle ou de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage, ou encore l'obligation de devoir abandonner la profession exercée au profit d'une autre en raison de la survenance de son handicap.

M. [U] fait valoir qu'il subit une fatigabilité et une pénibilité accrues dans l'exercice de sa profession de radiologue, laquelle implique une mobilisation de son bras gauche ; il précise qu'il ne peut enfiler seul un tablier plombé, que le maintien, le bras tendu, de la règle plombée pour le traçage des axes radiologiques est pénible et fatigant, qu'il rencontre des difficultés à retirer les clichés du magnétoscope, qu'il subit un stress lié aux retards dans l'accomplissement de ses tâches professionnelles, que cette fatigabilité accrue est également présente lors des transports.

S'agissant des modalités d'évaluation de cette incidence professionnelle, il reproche aux premiers juges d'avoir procédé à une indemnisation forfaitaire et estime justifié d'asseoir cette évaluation sur une fraction de la moyenne sur 3 ans des revenus générés par son activité libérale et par son activité salariée en 2013, 2014 et 2015.

Il sollicite ainsi en infirmation du jugement une indemnité d'un montant de 191 005,94 euros calculée en appliquant à ce revenu de référence un taux de pénibilité et de fatigabilité de 20 % avec capitalisation selon un euro de rente temporaire jusqu'à la date prévisible de son départ à la retraite à l'âge de 67 ans.

Les sociétés Marco Vasco et Generali qui critiquent ce mode d'évaluation de l'incidence professionnelle, font valoir que compte tenu de l'âge de M [U], du caractère ponctuel et limité de la gêne occasionnée dans l'accomplissement de certains actes liés à sa profession, il convient de confirmer le jugement qui a chiffré ce poste de préjudice, à la somme de 8 000 euros.

Sur ce, il résulte des pièces versées aux débats que M. [U] exerce la profession de médecin radiologue à titre libéral mais également comme salarié dans un centre médical.

Les experts amiables, après avoir relevé dans leur rapport, que M. [U] avait repris son activité professionnelle à compter du 6 juin 2017 dans les mêmes conditions qu'avant l'accident ont retenu l'existence d'un retentissement professionnel en raison de difficultés au port de charges et à l'accomplissement de certains actes spécifiques à son activité professionnelle mais sans impossibilité ni aptitude.

M. [U] verse aux débats des attestations établies par deux manipulatrices en radiologie travaillant à ses côtés, par sa secrétaire médicale et par l'un de ses associés, témoignant d'une fatigabilité accrue et de ses difficultés à réaliser seul certains gestes professionnels comme de mettre ou de retirer son tablier plombé.

Les photographies jointes à ses doléances professionnelles (pièce n° 34) permettent de constater que l'exercice de sa profession de radiologue implique une sollicitation fréquente de ses membres supérieurs et notamment de son bras gauche qu'il doit lever lors des examens échographiques pour sélectionner les différents programmes sur l'écran tactile et qu'il doit tenir tendu pour réaliser certaines mesures avec une règle plombée.

Compte tenu des séquelles que conserve M. [U], incluant une raideur douloureuse et une limitation de la mobilité de l'épaule gauche mais également des séquelles psychologiques, il est établi qu'il subi une pénibilité et une fatigabilité accrues dans l'exercice de sa profession.

Il n'est pas pertinent, contrairement à ce que soutient M. [U] d'opérer une corrélation entre le montant des revenus de la victime et l'évaluation des composantes de l'incidence professionnelle liées à la pénibilité et la fatigabilité accrues dont l'importance n'est pas liée au niveau de rémunération.

Compte tenu des éléments qui précèdent, de l'âge de M. [U] à la date de la consolidation, soit 61 ans, et de la durée prévisible pendant laquelle il subira les incidences professionnelles ci-dessus décrites, il convient d'évaluer ce poste de préjudice à la somme de 25 000 euros qui tient compte des données concrètes de l'espèce et ne revêt aucun caractère forfaitaire.

Il n'est pas fait état dans le décompte définitif de créance de la CPAM en date du 13 février 2020 de prestation devant être imputée sur ce poste de préjudice, de sorte que cette indemnité revient intégralement à M. [U].

Le jugement sera infirmé.

- Préjudice esthétique temporaire

Ce poste de dommage cherche à réparer, pendant la période antérieure à la date de consolidation, les atteintes physiques et plus généralement les éléments de nature à altérer l'apparence physique de la victime directe.

M. [U] sollicite en infirmation du jugement une indemnité de 2 500 euros en réparation de ce poste de préjudice en relevant que son apparence physique a été altérée du 31 décembre 2016, date de l'accident, au 8 février 2017 et que pendant cette période d'une durée de 39 jours, il été contraint de porter une attelle Dujarrier et un bandage de type «mayo-clinic» aussi peu pratique qu'inesthétique.

Les sociétés Marco Vasco et Generali concluent à la confirmation du jugement qui a évalué ce poste de préjudice à la somme de 1 500 euros.

Sur ce, évalué à 2/7 par les experts jusqu'au 8 février 2017, ce préjudice inclut les altérations de l'apparence de la victime induites par ses fractures initiales, l'intéressé ayant indiqué lors des opérations d'expertise avoir dû porter pendant son transfert sanitaire vers la France une attelle de type Dujarrier, ce qui est cohérent avec la nature des lésions, celles liées à l'intervention chirurgicale pratiquée en janvier 2017 qui a nécessité de procéder à une ouverture horizontale pour la pose du matériel d'ostéosynthèse, et celles induites par le port d'un bandage de type «mayo-clinic» jusqu'au 8 février 2017 afin d'immobiliser son épaule gauche.

Ce préjudice justifie l'allocation d'une indemnité de 2 500 euros.

Le jugement sera infirmé.

- Préjudice d'agrément

Le préjudice d'agrément est constitué par l'impossibilité pour la victime de continuer de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs et inclut la limitation de la pratique antérieure.

M. [U] ne verse aux débats aucun élément de preuve (attestation ou autre) permettant de démontrer qu'il s'adonnait régulièrement, avant l'accident, à une activité de cette nature, ses seules déclarations lors des opérations d'expertise selon lesquelles il faisait du golf, du piano, de la natation et de la photo-vidéo ne suffisant pas à l'établir.

Le jugement qui a débouté M. [U] de sa demande d'indemnisation au titre d'un préjudice d'agrément, sera, en conséquence, confirmé.

Sur le préjudice d'affection de Mme [U]

Mme [U] sollicite, en infirmation du jugement, une indemnité d'un montant de 15 000 euros en réparation de son préjudice d'affection.

Les sociétés Marco Vasco et Generali concluent à la confirmation du jugement qui a rejeté cette demande et font valoir que l'accident dont a été victime M. [U] est un accident de la vie courante, « dénué de caractère traumatique », et que son épouse ne justifie d'aucun traumatisme lié à cette situation.

Sur ce, compte tenu des liens l'unissant à son époux avec lequel elle est mariée depuis le [Date mariage 4] 1984 ainsi qu'il résulte du livret de famille versé aux débats, Mme [U] a subi un préjudice d'affection à la vue des souffrances de M. [U] qui a été hospitalisé à Buenos Aires puis rapatrié en France où il a subi une intervention chirurgicale et de nombreuses séances de rééducation ainsi qu'à la vue des séquelles qu'il conserve, ce qui justifie l'allocation d'une indemnité de 6 000 euros.

Le jugement sera infirmé.

Sur les demandes annexes

Il n'y a pas lieu de déclarer le présent arrêt commun à la CPAM qui est en la cause.

M. et Mme [U] critiquent le jugement déféré en ce qu'il a limité l'indemnité allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile à la somme de 3 000 euros et réclament une indemnité de procédure d'un montant total de 9 635 euros correspondant à l'intégralité des honoraires facturés par leur avocat au titre de la procédure de référé expertise, de la procédure de première instance et de la procédure d'appel.

Ils soutiennent qu'à l'instar des honoraires de médecin-conseil, les honoraires d'avocat doivent être indemnisés en totalité.

Les sociétés Marco Vasco et Generali concluent à la confirmation du jugement sur le montant de l'indemnité allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et sollicitent à titre reconventionnel une indemnité de 3 000 euros à ce titre en cause d'appel.

Sur ce, il convient de rappeler que contrairement aux honoraires de médecin-conseil qui relèvent du poste de préjudice des frais divers, les frais de procès non compris dans les dépens ne constituent pas un élément de préjudice réparable et ne peuvent être remboursés que sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Selon ce texte, la somme allouée par le juge tient compte de l'équité et de la situation économique de la partie condamnée, les parties pouvant produire des justificatifs des sommes qu'elles demandent.

En l'espèce, compte de l'équité, le tribunal a justement évalué l'indemnité revenant à M. et Mme [U] au titre de l'article 700 du code de procédure civile à la somme de 3 000 euros.

Sa décision sera confirmée de ce chef.

Il convient également de confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens.

Les sociétés Marco Vasco et Generali qui succombent partiellement dans leurs prétentions et qui sont tenues à indemnisation supporteront la charge des dépens d'appel avec application de l'article 699 du code de procédure civile.

L'équité commande d'allouer à M. et Mme [U] en application de l'article 700 du code de procédure civile une somme globale de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour et de rejeter la demande des sociétés Marco Vasco et Generali formulée au même titre.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, par mise à disposition au greffe,

Et dans les limites de l'appel,

- Dit que la cour n'est pas valablement saisie de la disposition du jugement déféré relative à l'indemnisation du poste du préjudice corporel de M. [G] [U] lié à l'assistance permanente par une tierce personne,

- Infirme le jugement en ce qu'il a condamné in solidum la société Marco Vasco et la société Generali IARD à payer à M. [G] [U], la somme de 8 000 euros au titre de l'incidence professionnelle et celle de 1 500 euros au titre du préjudice esthétique temporaire et en ce qu'il a débouté Mme [U] de sa demande d'indemnisation au titre de son préjudice d'affection,

- Le confirme pour le surplus,

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

- Condamne in solidum la société Marco Vasco et la société Generali IARD à payer à M. [G] [U], provisions et sommes versées au titre de l'exécution provisoire non déduites, les indemnités suivantes en réparation des postes de préjudice ci-après :

- incidence professionnelle : 25 000 euros

- préjudice esthétique temporaire : 2 500 euros,

- Condamne in solidum la société Marco Vasco et la société Generali IARD à payer à Mme [J] [U] la somme de 6 000 euros en réparation de son préjudice d'affection,

- Condamne in solidum la société Marco Vasco et la société Generali IARD à payer à M. [G] [U] et Mme [J] [U] en application de l'article 700 du code de procédure civile une somme globale de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour,

- Rejette la demande des sociétés Marco Vasco et Generali formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne in solidum la société Marco Vasco et la société Generali IARD aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 21/21691
Date de la décision : 16/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-16;21.21691 ?
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